Voler, c’est mal.

J’ai 6 ans, je rentre de l’école avec un passager clandestin. Un bout de plastique taillé et peint en forme d’hippopotame boxeur. Charly a refusé d’échanger avec moi un cadeau Kinder alors je me suis introduit dans la classe pendant la récréation pour le lui dérober. « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse » me lancera ma mère passablement irritée par cette découverte. Je savais que mon acte n’était pas glorieux, mais je n’avais pas la sensation d’avoir fait preuve d’agression. Or, j’avais violé la règle d’or. Je ramènerai alors le fruit de mon larcin à mon camarade le lendemain, honteux, sous le regard du maître désabusé. Si même le premier de la classe se livre à ce genre d’actes impures, alors que peut-on attendre des hommes et de la cité ?

L’histoire humaine regorge d’exemples où l’innocence, qu’elle soit individuelle ou collective, a été protégée et valorisée. Dans les mythes, les légendes et les religions, l’innocence est souvent associée à un état originel, pur et sans corruption. Adam et Ève dans le jardin d’Éden, ou les récits de l’Âge d’Or des cultures antiques, illustrent cette idéalisation de l’innocence comme fondation de la civilisation ou idéal perdu à retrouver.

La liberté et le principe de non agression

La liberté est un concept intrinsèquement lié à la nature humaine. Elle évoque l’absence de contraintes, l’autonomie, le droit de choisir et d’agir selon sa volonté. Cependant, dans le contexte d’une société, comment cette liberté peut-elle coexister avec les droits et libertés d’autrui ? C’est ici que le principe de non-agression, une pierre angulaire du libéralisme, entre en jeu.

Le principe de non-agression (PNA) est un concept central du libertarianisme. Il stipule que chaque individu a le droit de vivre sa vie comme il l’entend, tant qu’il ne viole pas les droits d’autrui en initiant une force ou une coercition. Cela signifie que, tant que nos actions ne nuisent pas à autrui ou n’enfreignent pas leurs droits, nous sommes libres de les poursuivre.

À première vue, ce principe peut sembler simple, mais ses implications sont profondes. Par exemple, il rejette l’idée que la majorité puisse imposer sa volonté à la minorité simplement parce qu’elle est plus nombreuse. Il protège également les droits des individus contre l’intrusion de l’État ou de tout autre groupe qui chercherait à imposer sa volonté par la force.

Cette approche équilibrée de la liberté reconnaît que, pour que les individus coexistent pacifiquement au sein d’une société, des limites sont nécessaires. Ces limites ne sont pas des contraintes arbitraires, mais plutôt des garde-fous qui protègent le droit de chaque individu à la liberté et à l’autonomie.

Pour les libertariens, le PNA est plus qu’un simple guide pour la conduite humaine ; c’est un principe apodictique. Autrement dit, il est considéré comme une vérité auto-évidente qui ne nécessite aucune justification externe. La liberté est vue non seulement comme un idéal à poursuivre, mais comme un droit fondamental de chaque individu découlant du droit naturel.

L’identité et l’innocence comme fondement de la civilisation

L’opposition entre « nocence » et « innocence » joue un rôle clé dans la rhétorique de Renaud Camus. Il utilise l’innocence pour décrire une forme de pureté, d’intégrité et de non-agression, tandis que la nocence renvoie à une perturbation, un préjudice ou une altération.

L’innocence y est une chose qui est cultivée, pas quelque chose d’inné. L’innocence est la volonté de ne pas nuire. Selon lui, pour que la liberté existe, il faut de l’innocence. C’est en renonçant à certaines choses que l’on peut devenir libre en société. C’est là qu’entre en scène la notion de civilisation, qui est la somme de ces renoncements. Elle s’incarne essentiellement dans la forme. La politesse, la coutume, la frontière, et d’autres choses encore, sont ce qui établit un socle commun de confiance et de respect. Dans l’anti-remplacisme, la forme est en vérité le fond.

Camus s’attache donc au processus historique qui a conduit au monde civilisée. La liberté n’est plus une chose universelle, ni un état primordial de l’humanité, mais une richesse cultivée, petit à petit, par le choix de la civilisation. On pourrait donc imaginer que l’inverse de la civilisation serait la corruption, la nocence, le désir de nuire, ou bien l’indifférence au fait de nuire.

La liberté pourrait plutôt être vue comme une petite flamme à laquelle il faut tenir, pour résister au phénomène de décivilisation. Un souvenir d’innocence. La seule solution, c’est le choix délibéré de revenir à la forme. Le « retour à la civilisation » n’est donc pas une simple formule. C’est la condition de tout le reste.

Camus ne voit pas l’innocence simplement comme une nostalgie du passé, mais comme un principe civilisateur essentiel. On est ici loin d’une vision où il faudrait simplement laisser la liberté s’exprimer pour que tout s’arrange. Elle n’est pas une solution mais un résultat. La liberté se montrerait incapable de transformer n’importe quelle société défectueuse en pays du premier monde, telle une baguette magique.

Il estime que les sociétés qui valorisent et préservent leur innocence sont plus résilientes, plus cohérentes et mieux équipées pour affronter les défis du monde moderne.

Horreur
Augmentée

Sélection de textes de
Zero HP Lovecraft

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Le progrès comme une réduction d’entropie favorisée par le métasystème culturel.

Si l’innocence est un principe favorisant un processus civilisationnel alors quelle serait la meilleure façon d’aborder ce processus ? La cybernétique, la science des systèmes, des communications et des commandes, offre un cadre pour comprendre la complexité des systèmes dynamiques. Valentin Turchin, un physicien et cybernéticien, a été à la pointe de cette science, avec ses théories du « métasystème » et de l’évolution de la complexité. En les alignant avec le principe de non-agression et le concept d’innocence, une image fascinante commence à se dessiiner sous nos yeux.

Valentin Turchin a développé la notion de « transition de metasystème », où un système se complexifie en intégrant plusieurs sous-systèmes dans une nouvelle entité organisée. Ce processus réduit l’entropie, ou incertitude, du système global en optimisant le flux d’informations et de ressources entre les sous-systèmes.

Dans les systèmes complexes, l’entropie est synonyme d’incertitude ou de chaos. Réduire cette entropie signifie augmenter l’ordre, l’efficacité, et la prédictibilité. De même, le principe de non-agression cherche à minimiser le chaos et les conflits dans la société en établissant des règles claires pour les interactions humaines.

La vision de Turchin peut être extrapolée à la société dans son ensemble. Les cultures, les nations et les civilisations peuvent être vues comme des métasystèmes, où différents groupes et idées coexistent. Le défi réside dans la manière dont ces sous-systèmes interagissent, communiquent et partagent les ressources. Le respect du principe de non-agression et la préservation de l’innocence culturelle peuvent être considérés comme des moyens de faciliter ces interactions, réduisant ainsi l’entropie globale du métasystème.

La vie est une adaptation dissipative thermodynamique. C’est à dire que la vie elle-même, un humain et une société humaine sont des structures dissipatives cherchant à réduire leur entropie. Une culture va constituer le métasystème imposant une rétroaction sélectionnant un type d’individu. L’évolution d’une culture peut alors être appréhendée selon des principes cybernétiques dont nous pouvons dégager les axiomes suivant.

Cela signifie que tout système va tendre à une meilleure coordination des sous-systèmes afin de réduire son entropie. L’entropie étant une mesure de l’incertitude, tout système visant à réduire son entropie va chercher à réduire l’incertitude en effectuant une rétroaction sur les sous-systèmes le composant. Ceci étant valable pour toutes les structures dissipatives, cela constitue une loi naturelle.

Dans le cas d’une société humaine, qui est une structure dissipative, ne pas pouvoir définir à qui appartient quoi est une incertitude. Un système visant à réduire l’incertitude va nécessairement parvenir à la production d’un sous-système permettant de définir à qui appartient quoi. Un système capable de définir à qui appartient quoi plus efficacement réduira plus son entropie qu’un système y parvenant moins bien. Un système au sein duquel existe la propriété et un droit en définissant les conditions à respecter parviendra donc mieux à réduire son entropie qu’un système au sein duquel ils n’existent pas. Ce droit découle de la loi naturelle identifiée précédemment et constitue un droit naturel qui inclut le droit de propriété, y comprit sur son corps, donc un principe de non-agression sur les personnes et leurs biens, un principe d’innocence.

Une civilisation est alors le résultat d’un long travail de recherche d’ajustements favorisant l’interaction entre des individus et des groupes d’individus. La culture est un produit des individus qui la composent qui va rétroactivement agir sur les individus dans un jeu de va et vient. Le type d’individu sélectionné par ce lent processus est le fruit de ce travail. Ces individus composent un système fragile qui peut dégénérer s’il est perturbé par un apport de nouveaux groupes se mêlant difficilement à cet équilibre trouvé sur des générations entières. Ce déséquilibre revêt alors le masque de la nocence. Le but de toute personne souhaitant voir le progrès se développer dans la société doit lui conférer l’acception de réduction d’entropie et doit donc nécessairement l’associer aux principes de non-agression libéral et d’innocence identitaire camusienne.

On ne m’a pas repris à voler mes congénères, et je vais vous donner un tip pour que cela n’arrive pas. Si vous ne voulez pas vous faire prendre la main dans le sac à voler vos camarades, tromper votre conjoint, mentir éhontément à votre mère et autres comportements inappropriés, eh bien ne vous engagez pas dans ce genre de comportements. Voler c’est mal. Ce principe est valable partout, tout le temps, car il est ce qui sépare une société fonctionnelle d’une société dysfonctionnelle, la civilisation de la barbarie.

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