Renaissance 2.0 : Archéoprogressisme et réveil franco-européen (7/8)

Cet article fait suite à celui intitulé Clivage gauche/droite ; Ordre, chaos et transition de phase (6/8). Il est recommandé de lire la suite d’articles dans l’ordre.

Dans le présent article, j’esquisserai ce que devrait être une vision d’un projet politique post-moderne ayant pour objectif la recherche du point critique du système cybernétique qui oscille entre les boucles positives accélératrices et les boucles de rétroaction négative stabilisatrice. La cybernétique est un domaine interdisciplinaire qui étudie les systèmes et la manière dont ils s’auto-organisent. Les concepts de boucles de rétroaction négative et positive sont au cœur de la cybernétique : on parle de rétroaction négative lorsqu’un système s’engage dans un processus d’amortissement pour contrer les changements et revenir à l’équilibre, comme un thermostat qui maintient la température ; on parle de rétroaction positive lorsqu’un système accélère les changements et s’éloigne de l’équilibre, comme une réaction en chaîne dans une explosion nucléaire.

On pourrait le rapprocher de l’esprit classique d’équilibre. Toutefois, le cosmos n’est pas immobile. Cette recherche d’équilibre se doit d’être dynamique. Un projet qui se dote des moyens de la modernité pour mieux renouer avec l’idéal classique, de vie bonne, d’harmonie avec le cosmos et de quête du sens de la vie, pourrait tout aussi bien être vu comme une “hypermodernité” qu’un “Néo-classicisme”. Hypermodernité car ce n’est ni plus ni moins que de donner un pourquoi à la modernité. Néo-classique car je vois les Lumières comme une façon de renouer avec la pensée présocratique matérialiste. Cette période présocratique a naturellement conduit au platonisme qui questionne la réalité, l’essence des choses, l’âme… Et il me semble qu’on entre dans une phase similaire avec les questions qu’amènent la mécanique quantique et la conscience. Cela débouchera peut-être bien sur un neo-aristotélisme. C’est retrouver un équilibre entre l’être et le devenir, se projeter dans l’avenir en comprenant ce qui est permanent. Une forme de renaissance à l’ère de la cybernétique, une CyberRenaissance ou Renaissance 2.0. La première Renaissance fut humaniste ; la Renaissance 2.0 est transhumaniste. La première Renaissance conduisit au progrès sans le comprendre pleinement ; cette seconde Renaissance doit renouer avec l’essence du progrès en lui conférant sa seule acception réelle que je nomme l’archéoprogressisme.

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La Renaissance 2.0

L’Archéoprogressisme

“Le concept de progrès – sur le plan historique, un refus de la mort –, qui a germé à partir de l’optimisme le plus dynamique et superficiel, pèche par son manque de base métaphysique.”

Emil Cioran, De la France

Je dresserai ici les contours d’une proposition pour la France et l’Europe qui s’inscrit dans leur continuité historique et renoue avec la puissance. Elle repose sur un nouveau centrisme radical que j’appellerai Archéoprogressiste. J’aurais pu être tenté de donner pour nom Archéofuturisme s’il n’était pas déjà pris afin de ne pas utiliser le mot progressisme, dévoyé par la gauche. Mais après réflexion c’est le nom parfait. L’Archéofuturisme est un très bon nom, mais les idées de Guillaume Faye auxquelles il renvoie ne sont en revanche pas les miennes.

En grec, le mot arkhè fait référence au commencement et au commandement. Il est, pour Anaxymandre, le “commencement” et chez Aristote la “cause de toute chose”, le “moteur premier”. Et je souhaite, moi aussi, cerner une essence permanente qui s’est exprimée, non seulement durant la période archaïque, mais même avant que la vie n’apparaisse, et qui appelle nécessairement l’homme à être dépassé sur le long terme.

L’arkhè va être le principe fondamental, le moteur qui dirige le progrès, ce dernier étant à comprendre dans le sens où Norbert Wiener l’utilise, c’est-à-dire comme lutte contre l’entropie, donc vers l’augmentation de l’ordre. L’ordre doit lui-même être compris comme la maximisation de la création et l’échange d’information. Ainsi, il n’y a pas de différence entre l’ordre et le progrès. Le progrès est nécessairement une recherche d’ordre.

L’être est le fil conducteur de l’histoire du Monde et de l’Occident. La technique est le fil conducteur de l’histoire de l’humanité prométhéenne ; et jamais avant la modernité nous n’avions poussé la technique aussi loin, ce qui est une bonne chose. Le but de l’Archéoprogressisme est de se réapproprier le progrès, en redéfinir les principes et en devenir le pilote afin de servir notre rôle dans le cosmos et dans le monde tout en prenant soin des individus, de nos environnements et des identités particulières, individuelles et collectives, grâce à la technique. C’est une vision qui n’incite pas à ramener quelque chose du passé dans le présent, mais à trouver la continuité, la permanence, le fil conducteur de l’Occident qu’on peut faire remonter à la Grèce archaïque.

La technique, dont le rôle est le dévoilement de l’être et donc de l’information, va commettre l’Homme et évoluer au cours du temps. Or, elle doit nous conduire vers une plus grande néguentropie individuelle et collective par le développement de l'”organogenèse exosomatique” – comme l’appelle Bernard Stiegler – commencée il y a 3 millions d’années.

Le progrès, tel qu’il est entendu aujourd’hui, est le processus qui nous conduit toujours davantage vers l’essence de la gauche : l’inclusion totale. C’est une erreur. La mathématisation du monde amenée par la modernité est une bonne chose, car elle nous a permis de mieux comprendre le monde, la vie et de les mesurer. Le progrès doit donc être compris à l’aune de ces connaissances. Le progrès doit être évalué sous l’angle de la dissipation d’énergie ou, car c’est la même chose, la mémorisation d’information. Le progrès, c’est l’amélioration de notre capacité à mémoriser et échanger de l’information symbolique sur notre système, donc l’augmentation de notre néguentropie à l’échelle de l’individu, du collectif, de la planète, voire au-delà, au prix de la dissipation d’énergie génératrice d’entropie pour notre environnement.

Que pouvons-nous dire de la direction générale prise par la bataille entre le progrès et l’entropie dans le monde qui nous entoure ? Le monde tout entier obéit à la seconde loi de la thermodynamique : l’ordre y diminue, le désordre augmente. Cependant, nous l’avons vu, cette loi n’est valable que pour un système isolé pris dans son ensemble : elle ne l’est pas lorsqu’on veut l’utiliser pour une partie non isolée de ce système. Il existe des îlots d’entropie décroissante dans un monde où l’entropie en général ne cesse de croître. C’est l’existence de ces îlots qui permet à certains d’entre nous d’affirmer la réalité du progrès.

Norbert Wiener, Cybernétique et société

Cela nous confère de nouveau un rôle, une place en harmonie avec le cosmos. Le progrès est aussi bien technique que moral. Par exemple, augmenter la tolérance envers les homosexuels est un progrès en cela qu’elle permet de les faire participer pleinement à l’effort de dissipation d’énergie. Toutefois, dans le même temps, forcer des quotas allant à l’encontre des qualifications réelles est une régression, car elle oblige à mettre des gens moins compétents à des postes. Une bonne évaluation nous indiquera ce qui, parmi nos traditions, peut être abandonné ou doit être conservé. Afin d’optimiser le progrès, la société, comprise comme une structure dissipative va devoir chercher la malléabilité et la stabilité. Cette société est composée d’individus en interaction. Les conditions d’interaction de ces individus reposent sur leurs gènes et leur culture, les gènes étant le fruit de la naissance et la culture le fruit de différentes constructions sociales et institutions ; mais je me concentrerai ici sur la libre entreprise puisque l’entreprise est le fief par excellence de notre dissipation d’énergie.

Loin d’être une source de destruction de l’environnement et de notre planète, cet objectif vise à en prendre soin sans passer par la décroissance qui reviendrait à refuser de jouer notre rôle dans l’univers. Nous devons cependant effectivement garder en tête que l’échec est possible et qu’il signifierait un effondrement des plus difficiles à encaisser tant on pourrait tomber de haut. En cela, notre existence est éminemment tragique.

Notre époque porte en elle l’évidence d’une positivité de la technique, en tant que celle-ci y devient régulatrice, ce qui est aussi l’essence de la culture. La réalité technique devenue régulatrice pourra s’intégrer à la culture, régulatrice par essence.

Bernard Stiegler, La technique et le temps. La faute d’Épiméthée

Alors que la meilleure attitude à adopter quant au rôle du progrès dans un univers en dégradation progressive serait de donner à nos efforts le sens d’une tragédie grecque, force est de reconnaître que nous vivons à une époque peu réceptive au sens de la tragédie.

Norbert Wiener, Cybernétique et société

Maintenant que nous avons défini ce que l’on entend par progrès, attachons nous à mettre en avant les structures qui permettraient de le soutenir.

Nation et technocapital, le libéralisme identitaire

Une fois entendu que le progrès est l’augmentation de l’ordre et donc de la néguentropie, il est évident qu’il se confond avec la construction d’information. La science générale de la production d’information est la cybernétique.

Le progrès, afin de construire l’information va alors devoir user lui aussi de boucles positives et négatives. Il va avoir besoin de liberté lui permettant d’explorer de nouvelles voies et d’accélérer, mais il va aussi avoir besoin d’une rétroaction qui va favoriser l’exploitation, venant lui redonner plus de stabilité et préserver son intégrité, son identité. L’exploration permet la capture d’information et l’exploitation permet de la traiter. C’est pourquoi une information de qualité est vitale. Avoir une information de mauvaise qualité nous conduit vers plus d’entropie. Les gens s’opposant à la liberté académique empêchent la création d’information, ceux se livrant à la cancel culture empêchent la circulation de l’information. La liberté est vitale car elle permet une meilleure circulation de l’information.

La société humaine étant une structure dissipative, la première des choses qui la définit sont ses frontières et la deuxième chose est la quantité d’énergie et de matière qui la traverse. Deux notions vont alors être fondamentales : la nation qui définit les frontières de la société et la production de biens et services sur laquelle repose la quantité d’énergie et de matière la traversant. Notre but, afin de servir l’Univers et d’augmenter notre néguentropie est d’être la nation qui maximise le plus le flux d’énergie la traversant.

C’est pourquoi je crois qu’il est capital de s’appuyer sur la libre entreprise et la nation. Il faut comprendre que les gènes ne sont jamais qu’un moyen de stocker de l’information. La nation est donc elle aussi directement liée à l’information. Elle est le produit et une des conditions de la transmission d’information génétique et culturelle, verticale et horizontale, qui vont constituer notre identité collective. Il convient de ne pas fétichiser l’identité, en voulant la conserver à tout prix via un traditionalisme ou un racisme exacerbé, et la figer car la nature de notre rôle dans l’univers appelle nécessairement à ce qu’elle soit dépassée un jour ou l’autre. Mais elle appelle néanmoins à être protégée ethniquement et culturellement. Il convient de ne pas célébrer l’autre pour l’autre et faire reposer notre identité sur une tendance à absorber tout ce qui est autre car cela est on ne peut plus entropique par nature.

On nomme hétérogènes, les choses qui ont pluralité de forme, ou de matière, ou de définition ; et, en général, l’hétérogénéité est l’opposé de l’identité.

Aristote, Métaphysique

La nation relève de l'”individuation collective”, de la “mémorisation ethnique” dont parle Stiegler qui “assure la reproduction des comportements dans les sociétés humaines”. S’individuer, cela veut dire qu’on veut marquer sa différence à un tout auquel on appartient. Je suis un individu singulier qui appartient à une famille singulière, qui appartient elle même à une nation singulière qui appartient elle même à un continent singulier qui appartient lui même au monde. S’individuer c’est revendiquer son identité propre tout en reconnaissant notre appartenance au groupe. Cela n’a pas à être une source d’affrontement et cela ne doit pas l’être. Nous appartenons tous à l’humanité et nous avons un but commun, gravir l’échelle de Kardachev. Mais cela passe nécessairement par une affirmation de notre singularité et un désir d’être ceux qui permettent à l’humanité de gravir ces échelons.

On peut à ce titre parler d’une « mémoire spécifique » pour définir la fixation des comportements des espèces animales, d’une mémoire « ethnique » qui assure la reproduction des comportements dans les sociétés humaines et, aussi, d’une mémoire « artificielle », électronique dans sa forme la plus récente, qui assure, sans recours à l’instinct ou à la réflexion, la reproduction d’actes mécaniques enchaînés.

Bernard Stiegler, La technique et le temps. La faute d’Épiméthée

Aux prémices de la modernité, l’État-nation, le capitalisme et la libre entreprise se sont confondus avec l’essor du progrès. En s’accompagnant de l’individualisme et de l’universalisme, le libéralisme a permis de faire coopérer plus efficacement des individus issus de différents groupes comme les catholiques, les protestants et les juifs.

Le gros problème auquel nous faisons face aujourd’hui est la destruction de l’État-nation qui se voit dilué dans toujours plus d’état et de moins en moins de nation. Nous devons dépasser l’État-nation mais préserver l’idée de nation. Nous avons passé un pacte faustien avec les Dieux du technocapital. Cela nous a apporté une puissance phénoménale mais au prix d’une fragmentation démultipliée cause d’instabilité.

Nous devons être capables d’accepter de laisser vivre différentes formes d’organisation qui permettent aux communautés de s’auto-organiser pacifiquement en fonction de leurs diverses missions et conceptions du bien. La nation doit alors au préalable être repensée afin de retrouver ce qui en fait la caractéristique. Je n’ai pas grand-chose à reprocher à la vision de Renan de la nation, trop souvent dépeinte comme désincarnée. Or si Renan donne une importance capitale à l’aspect spirituel, il précise bien que cela repose sur les efforts des ancêtres. Or, les ancêtres renvoient directement à l’aspect biologique. Plus que cela, elle repose sur une volonté de faire des grandes choses ensemble dans le futur en s’inscrivant dans une continuité historique.

Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. L’homme, messieurs, ne s’improvise pas.

La nation, comme l’individu, est l’aboutissant d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans la passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. On aime en proportion des sacrifices qu’on a consentis, des maux qu’on a soufferts. On aime la maison qu’on a bâtie et qu’on transmet. Le chant spartiate : « Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes » est dans sa simplicité l’hymne abrégé de toute patrie.

Renan, Qu’est-ce qu’une nation

L’observation évidente que l’on en tire est que la France ne constitue pas aujourd’hui une nation au sens ou Renan l’entendait. La France est déchirée, car elle vit en son sein une multitude de nations qui ne partagent ni leurs ancêtres, ni la volonté d’appartenir à une nation commune, ni l’envie d’avoir des projets d’avenir communs. Nous devons en prendre acte et reformer la nation autour de la communauté des descendants de Français et laisser les communautés s’organiser selon leurs propres destins qu’elles se donnent.

La nation est elle même une structure dissipative qui est le résultat de l’évolution. La plupart des nations font aujourd’hui partie du marché libre qui est une structure dissipative supérieure permettant d’optimiser les échanges inter-individuels. Les nations sont alors en compétition au sein de ce marché et certaines réussissent mieux que d’autres. Mais les systèmes de la nation et du marché libre peuvent aussi être conflictuels entre eux. Au sein d’une nation ayant rejoint le marché libre, le technocapitalisme va être une boucle positive conduisant à l’accélération du changement alors que l’identité va être une boucle de rétroaction négative nécessaire qui va chercher à préserver la nation.

Si plusieurs nations cohabitent sur le même territoire, les moins performantes seront tentées de fausser le système cybernétique du marché libre par la redistribution afin d’augmenter leur néguentropie. C’est ce qu’on observe avec le mouvement Black Lives Matter par exemple qui a compris que les Noirs ont plus à gagner dans un système redistributif les favorisant que dans une juste compétition sur le marché du travail. Dans un monde idéal, seul l’individu compterait. Mais le monde n’est pas idéal, les individus se sentent appartenir à des plus grands groupes, surtout quand ils estiment avoir plus à gagner en se coalisant. Ce fait a explosé à la face des libéraux color blind. La meilleure façon de fonctionner avec un système laissant la part belle à l’individu est l’état-nation, où un état vient gérer les intérêts d’un groupe de personnes se reconnaissant comme appartenant à la même nation. L’état nation est détruit et des nations cohabitent de façon conflictuelles en tentant d’utiliser l’état à leur avantage.

Dans une vision individuationniste, la nation française devra exprimer sa singularité au sein du bloc plus large que constitue l’Europe auquel elle appartient, qui lui même exprimera sa singularité au sein de l’Occident, qui lui exprimera sa singularité au sein du marché libre et du monde. Mais les individus de la nation doivent être pleinement libres et jouir de la libre entreprise.

Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, ce sont des créateurs, des entrepreneurs qui pensent l’avenir, le définissent et le rendent possible au travers de projets concrets. Une entreprise est l’expression actuelle la plus aboutie d’une structure dissipative néguentropique. Le sang d’une entreprise est l’information. Elle doit tendre vers le cerveau global constitué de ses différents membres et agir comme un organisme. Sa version la plus aboutie sera une forme de Zaibatsu telle que William Gibson les définit dans son ouvrage Neuromancien. On en voit aujourd’hui les prémisses avec Elon Musk qui a émis le désir de constituer sa propre ville à Boca Chica nommée Starbase. Je crois que c’est ici le destin d’une entreprise disposant d’une vision du monde totale. J’appelle ce genre de ville des Corpolis. Les entreprises sont le lieu où doit s’incarner l’optimisme défini, tel que présenté par Peter Thiel, dans des projets concrets et, pour les plus couronnés de succès, devenir des Corpolis réunissant les individus adhérents à l’ambition qu’ils nourrissent.

Ce qu’on doit attendre de l’État est simplement de nous laisser libres de le faire et de s’en tenir aux fonctions régaliennes. Les plus individualistes voudraient tout bonnement s’en passer mais il a pour moi du sens dès lors qu’on admet qu’il existe une nation qui doit être représentée. Et tant qu’il y aura des naissances, il y aura des nations. Son rôle est de faire respecter les lois et les frontières. Le marché libre doit, lui, pouvoir laisser libre expression aux projets les plus fous qui réunissent des individus de différentes nations. Mais même sur ce point, une étude de 2012 sur la diversité ethnique au travail aboutit à la conclusion que plus la diversité ethnique est grande, plus la productivité de l’entreprise diminue. Le défi sera de trouver un équilibre entre le marché libre source d’indifférenciation collective mais d’individuation individuelle, et la nation source d’individuation collective mais indifférenciation individuelle. C’est pourquoi le libéralisme-identitaire a tout son sens. Les deux termes sont nécessairement incompatibles puisque le but est de trouver un compromis entre les deux offrant suffisamment de malléabilité et de stabilité.

Nietzsche définit le Grand Style comme l’harmonisation des forces actives et réactives, comme dans un système cybernétique. Les nations de demain qui feront preuve de Grand Style seront celles qui parviendront à harmoniser les forces accélératrices du technocapital avec les forces de rétroactions de l’identité.

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Bifurcation archéoprogressiste.

J’ai mis en avant dans l’article sur la conscience comment cette dernière partage une similarité commune à toutes les structures dissipatives qu’est la bifurcation. En physique, on parle de bifurcation lorsqu’un système métastable devient brusquement plus stable grâce à une légère énergie d’activation qui en libère encore plus et provoque ainsi une avalanche. Les sociétés humaines étant des structures dissipatives, elles ne dérogent pas à la règle.

S’il est important d’avoir un optimisme défini qui offre une direction et un but atteignable, il est faux de penser qu’on peut tout planifier. Richard Feynman, un physicien américain, mit en avant l’improvisation en mécanique quantique. Dans la physique newtonienne classique, une particule commence à un certain moment initial et se déplace dans l’espace pour finir au repos à un moment ultérieur, traçant une trajectoire unidimensionnelle déterministe et continue. Feynman s’est rendu compte que lorsqu’une particule quantique se déplace entre deux points, tous les chemins entre ces deux points sont considérés, tous les chemins sont une possibilité mécanique quantique, même s’ils ne sont pas tous également probables.

Remplacez les particules quantiques par des notes, la probabilité par l’improvisation, et l’analogie avec la musique est établie. Un musicien considère toutes les notes d’une gamme avant de décider quelle note jouer dans un solo improvisé. Certains joueurs de jazz comme Donald Harrison confient qu’il s’entrainent en se donnant seulement la note de départ, la note de fin et le temps imparti. Ils vont alors considérer toutes les possibilités au fur et à mesure pour finalement arriver à cette note. Cette dernière note est extrêmement importante dans la composition finale. Elle va l’influencer, sans la dicter complètement.

Afin de devenir la nation qui maximise le flux d’énergie qui la traverse, nous devons définir de manière concrète cette dernière note. Vouloir augmenter notre néguentropie est le principe général mais il nous faut un objectif atteignable clair. Nous désirons en premier lieu un cadre de vie décent pour nous et nos proches.

De façon prosaïque, dans le futur souhaité, il vous semblera grotesque d’imaginer qu’autrefois, vous n’auriez peut-être pas retrouvé votre vélo là où vous l’aviez laissé alors même que vous aviez pris soin de mettre un antivol. L’idée que des millions de personnes n’ayant même pas l’autorisation de se trouver dans le pays se promènent sur des scooters volés et assassinent des innocents paraîtra aussi des plus étrange. Non, dans ce futur souhaité, les rues seront sûres et propres, et pleines de gens vivants et sereins.

Dans un second temps, nous voulons une France et une Europe puissantes, qui retrouvent leur rang dans le classement des nations et qui s’inscrivent dans leur continuité civilisationnelle. Une France et une Europe fières de leur identité, tout en étant prêtes à la faire évoluer. Cela est nécessaire afin de rester la locomotive mondiale du progrès et un chantre de la liberté, et seulement à ce titre.

Toute évolution de notre identité entrainant notre disparition physique par un remplacement de population ou notre déclassement volontaire doit être combattue fermement, car ce sont des chemins qui ont choisi une note de fin différente. Nous n’avons pas pleinement le contrôle sur le cours des événements. Cet article sera lu par un millier de personnes tout au plus. Alors, il nous faudra tenter d’influencer la trajectoire empruntée en rejoignant les domaines d’Ising qui nous semblent nous permettre de nous rapprocher de cet objectif sans embrasser leur propre idéal final qui peut différer.

Une société vraiment efficace serait sûrement celle où la gauche serait progressiste et la droite conservatrice. J’entends par ici ce que j’ai évoqué dans mon article sur la morale : les gens qui accordent plus d’importance à vivre par l’Univers auront une tendance conservatrice et ceux qui accordent plus d’importance à vivre pour l’Univers une tendance progressiste. Il suffirait alors, pour que tout aille bien, de trouver un équilibre entre les deux en comprenant qu’on vit à la fois par et pour l’Univers. On pourrait alors osciller efficacement autour du point critique commun à tout système auto-organisé.

C’est cela l’Archéoprogressisme. Son but est le progrès et il a besoin pour cela de la stabilité qu’offre l’identité par la nation, et de malléabilité qu’on trouvera dans la liberté par la libre entreprise. Mais quel système servirait le mieux la nation et la libre entreprise ? Doit-on conserver nos démocraties libérales ? Je développerai plus en détails ce sujet dans un article annexe.

Je finirai alors cet article par les conseils du Docteur Laurent Alexandre qui nous appelle à sauver l’Europe dans son livre Jouissez jeunesse. Il offre des pistes de réflexion sur les critères à prendre en compte pour faire les bons choix de trajets nous conduisant à notre note finale. Il est bien conscient que les boomers nous laissent “une Europe qui se complaît dans un nihilisme masochiste” et nous enjoint à “réaffirmer avec fierté les principes des Lumières en les adaptant au nouveau monde”:

“Vous devez désencercler l’Europe prise en étau entre djihadistes, nouveaux empires et routes de la soie chinoises. Découvrir que le monde est cruel va être douloureux pour vous qui avez été bercés dans une idéologie bisounours qui fait de la défense des coquelicots l’ultime défi de notre temps…

La gestion d’Homo Deus va faire l’objet d’une bataille politique mondiale. Si vous ne rentrez pas dans la bataille, les petits asiatiques vous vassaliseront et construiront le monde sans vous, c’est-à-dire contre vous.

Homo Deus va rester durablement un funambule. La jeunesse européenne ne doit pas laisser aux pays du bord du Pacifique la définition de son avenir.

Vous êtes porteur d’une vision du monde qui doit être défendue. L’Europe a encore un message.

Vous devez sortir du piège vert. Nous vivons la troisième crise masochiste et suicidaire de l’Europe après 1914 et 1939. Vous devez protéger et développer la science européenne. Sinon cette dernière crise euthanasiera le projet européen. Suivre les décroissantistes vous condamnerait à être vassalisés par la Chine.

Combattez les écologistes qui demandent l’arrêt de l’exploration spatiale et applaudissez Claudie Haigneré, médecin et astronaute française quand elle explique l’importance de l’espace : « Si vous n’y êtes pas ce sont les autres qui développent les services, innovent technologiquement, conquièrent les nouveaux marchés. Sur le plan géopolitique, si vous êtes incapables d’accéder à l’espace et d’obtenir des infos par vous-mêmes, vous devenez dépendants et perdez en autonomie de décision donc en souveraineté. Lutter contre le réchauffement climatique et explorer l’Univers vont de pair”.

Le XXIe siècle ne sera pas la fin du monde mais pourrait être la fin de l’Europe si elle devient un trou noir masochiste, nihiliste et pessimiste.

L’aventure humaine ne doit pas s’écrire sans vous.

Vous serez face à un dilemme terrible : pouvez-vous vouloir castrer Homo Deus en limitant vos pouvoirs démiurgiques si la jeunesse chinoise pense le contraire ?

Ne tombez pas dans le piège où Homo Deus sera asiatique tandis que vous deviendriez des néo-Amishs enfermés dans le passé”

Laurent Alexandre, Jouissez jeunesse

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4 comments
  1. Bien que j’aborde la question sous un angle “spirituel” (mais après tout l’esprit étant le siège de l’information, ce n’est pas si différent) je développe moi aussi l’idée d’une 2ème renaissance, notamment sur la base des progrès en sciences cognitives : https://loideun.fr/les-lumieres-2-0-arrivent/
    Très bel article sinon. J’attends la fin avec hâte.

    1. Oui mais surtout l’information est physique. Une hypothèse formulée en 1961 par Rolf Landauer, ingénieur chez IBM, qui se verra confirmée empiriquement en 2012 seulement par Eric Lutz et son équipe de l’université d’Augsbourg, en 2012. Ce qu’on appelle “spiritualité” est juste le travail de l’esprit lié à la construction d’information. Et la construction d’information est l’objet d’un processus cybernétique qui est la science de création de néguentropie. Cette compréhension de l’information et de la cybernétique représente le destin spirituel de l’Occident accompli. La dialectique hégélienne, la volonté de puissance nietzschéenne et la question métaphysique de l’Être qui a occupé les présocratiques et que l’on retrouve chez Platon sous la formes d’idées puis chez Aristote en tant que substances trouvent leur point d’orgue dans cette interprétation qui marque la fin de la philosophie, comme le dira Heidegger en 1966, lors d’une interview pour Der Spiegel au sein de laquelle il regrettera toutefois que cette interprétation scientifique, réduisant l’homme à un support pour l’information, laisse la question de la conscience de côté.

      Car effectivement, la question de la conscience en tant qu’expérience subjective conserve une part de mystère et la question des questions reste entière “Pourquoi, il y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?”.

      1. Oui, tout à fait.
        Le mot spirituel est polysémique et beaucoup de ses connotations sont assez fumeuses alors, je vais préciser.

        Pour ma part, je l’emploie, faute de meilleur mot, au sens de John Vervaeke (voir sa fabuleuse série “awakening from the meaning crisis”) : ensemble d’outils d’auto-transcendance.
        https://www.youtube.com/watch?v=54l8_ewcOlY&list=PLND1JCRq8Vuh3f0P5qjrSdb5eC1ZfZwWJ
        https://loideun.fr/diagnostiquer-lage-actuel-une-symptomologie-de-la-crise-du-sens/

        Dans cette spiritualité naturaliste, l’esprit peut être vu comme “physique” … à la question près du difficile problème de la conscience (Chalmers) en effet.
        L’auto-transcendance, c’est l’augmentation “personnelle” de la néguentropie : quand on arrive à avoir plus d’impact sur le monde avec moins d’effort qu’on ne le faisait avant.
        Les technologies de l’information sont de l’auto-transcendance à l’échelle de l’humanité, donc internet = spiritualité collective. On pourrait parler de techno-spiritualité : l’esprit étendu par la technique.

        D’ailleurs, en passant, John Vervaeke lui-même explique que la première technologie de l’esprit fut l’écriture, non pas tant pour le côté diffusion de l’information plus étendue, mais pour le côté métacognition qu’elle apporte : on réfléchit mieux et “plus loin” quand on écrit ! (vous avez dû le constater par vous-même)
        Cependant, l’hypertrophie du “monologue intérieur” qu’elle implique à un coût. La spiritualité, au sens où je l’entends (notamment via le vide mental, l’un de ces fameux outils d’auto-transcendance), permet de dépasser cet écueil.

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