De la technique : Un point de vue post-humaniste [TNT 33]

La technique, en tant que moyen de transformer le monde et de maîtriser la nature, a toujours été au cœur des préoccupations de la philosophie occidentale. Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, les penseurs ont cherché à comprendre, analyser et évaluer les conséquences de la technique sur l’humanité et l’environnement. Cet article se propose d’examiner l’évolution du point de vue occidental sur la technique à travers les réflexions de neuf philosophes majeurs : Platon, Descartes, Mill, Spengler, Simondon, Schopenhauer, Heidegger, Stiegler et Nick Land. Nous livrerons alors à la fin notre point de vue sur cette dernière.

La technique selon Platon : une vision grecque de Prométhée et de l’équilibre entre dons divins et responsabilité humaine

Dans la pensée grecque antique, la technique est souvent liée au mythe de Prométhée, un récit riche en enseignements et en symboles. Platon aborde cette notion dans son Prothagoras en tenant compte du contexte culturel et religieux de son époque.

D’après Platon, la technique est un savoir-faire humain permettant d’agir efficacement dans le monde. Elle est initialement d’origine divine, comme en témoigne le mythe de Prométhée. Dans ce récit, Prométhée vole le feu aux dieux pour le donner aux humains, leur permettant ainsi de survivre, de se développer et de créer des outils et des inventions.

La pensée grecque, et notamment celle de Platon, met en garde contre l’hubris, la démesure à l’égard des dieux. L’homme doit développer son excellence sans prétendre égaler les dieux. Prométhée a commis cette faute en s’opposant à Zeus pour offrir la technique à l’humanité, et a été sévèrement puni en conséquence. Ce mythe illustre les limites et les dangers potentiels de la technique, ainsi que l’importance de rester humble face aux dons divins.

La vision de la technique chez les Grecs selon Platon met en lumière l’importance de l’équilibre entre les dons divins et la responsabilité humaine. La technique, bien qu’initialement d’origine divine, doit être utilisée avec sagesse et discernement pour éviter l’hubris et ses conséquences néfastes.

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Descartes, la technique et la métaphysique : vers une maîtrise éclairée de la nature sous la houlette de Dieu

Le lien entre technique et nature fut exploré par Descartes dans la sixième partie du Discours de la Méthode. Ce texte classique met en lumière la relation étroite entre philosophie, science et technique, soulignant l’importance de la métaphysique dans la pensée cartésienne.

Descartes présente la philosophie comme un outil pratique qui permet à l’humanité de maîtriser les éléments naturels pour améliorer les conditions de vie. Il soutient que cette maîtrise découle de la capacité de l’homme à identifier les régularités et à anticiper les forces naturelles grâce à la technique. Ainsi, l’homme peut se considérer « comme maître et possesseur de la nature ». Toutefois, Descartes insiste sur le fait que cette maîtrise est relative et non absolue, l’homme n’étant pas Dieu, seul véritable propriétaire de la nature.

Cette analyse du Discours de la Méthode de Descartes révèle la complexité et la profondeur des relations entre philosophie, métaphysique, science et technique. En offrant une vision nuancée de la maîtrise de la nature par l’homme, Descartes souligne l’importance d’une approche équilibrée et éclairée de ces différentes disciplines.

La nature contre la technique : un antagonisme révélé par John Stuart Mill

Dans un texte peu connu, issu de son ouvrage De la nature, mais d’une importance cruciale pour comprendre le monde actuel, le philosophe John Stuart Mill a analysé le rapport complexe entre l’humanité, la nature et la technique. Il s’est détaché des anciennes conceptions de la nature et de la technique, et a établi une vision moderne des rapports entre ces deux éléments.

Mill a souligné que la technique est par définition en opposition à la nature, car elle vise à compenser les insuffisances de cette dernière. La technique est un ensemble d’innovations et d’artifices destinés à rendre la vie humaine plus commode, ce qui suggère que la nature est initialement hostile à notre existence sur Terre. De plus, Mill soutient que la nature n’est pas notre amie, mais est au contraire une contrainte au développement de la vie humaine.

Ce point de vue novateur et intéressant révèle un antagonisme entre la nature et la vie humaine, avec la technique et sa progression comme témoin de cette opposition. Dans notre monde actuel, le progrès technique implique un recul progressif de la nature autour de nous. L’urbanisation croissante entraîne une diminution des espaces naturels et de la biodiversité, car l’humanité cherche à éliminer les éléments de danger et d’imprévisibilité liés à la nature.

Luxe, Exploitation et Progrès Moral selon Schopenhauer

Cependant, des penseurs comme Schopenhauer et Bergson ont critiqué cette approche anthropocentriste défendue par Mill, affirmant que l’humanité est une partie intégrante de la nature.

La philosophie de Schopenhauer, souvent mal comprise et réduite à son unique ouvrage « Le Monde comme volonté et comme représentation », regorge pourtant d’idées novatrices et passionnantes dans d’autres textes comme son ouvrage de vieillesse Parerga et Paralipomena. Un texte issu d’un chapitre de cet ouvrage sur le droit et la politique, qui explore les rapports entre nature, travail, luxe et progrès technique, révèle des aspects inattendus de sa pensée qui se rapproche d’un marxisme avant Marx.

Selon Schopenhauer, la nature a doté chaque homme de la force nécessaire à sa survie. Ainsi, en tant qu’êtres naturels, nous ne disposons pas des ressources énergétiques pour créer du luxe, c’est-à-dire des conditions d’existence allant au-delà de la simple satisfaction des besoins primitifs. Le luxe ne peut donc résulter que d’un travail allant au-delà du minimum vital.

Schopenhauer souligne que le luxe est à l’origine du développement de la technologie, car il est le produit du perfectionnement des arts et des sciences. De plus, il estime que l’injustice et la domination de certains individus par d’autres ont été nécessaires pour produire ce luxe. En effet, le luxe est le résultat de l’exploitation d’une partie de l’humanité responsable de ce luxe. Si chacun travaillait uniquement à la mesure de ce que la nature met en lui d’énergie pour survivre, le luxe n’aurait jamais vu le jour.

La technologie, en tant que produit du luxe, devient une fin en soi pour l’humanité. Le progrès technique, qui s’accompagne d’une amélioration des conditions de vie, engendre un cercle vicieux : les conditions luxueuses permettent le développement du progrès technique, qui à son tour augmente les conditions de vie toujours plus luxueuses. Ce cycle, selon Schopenhauer, est sans fin.

Il constate que le progrès moral est le seul genre de progrès exclu de l’équation. En effet, la technologie, en tant que produit de l’exploitation et de l’injustice, ne peut s’accompagner d’un progrès moral de l’humanité. Tant que le luxe existera, il y aura toujours de l’injustice, car il est à la racine même du progrès technique et nourrit la possibilité de ce dernier.

La pensée de Schopenhauer sur le cycle de la technique met en lumière les liens étroits entre luxe, exploitation et progrès technique, et leurs implications morales. Si la technologie a permis l’amélioration des conditions de vie, elle est également à l’origine d’une injustice profonde qui empêche tout progrès moral véritable. Toutefois, Schopenhauer reconnaît qu’un retour en arrière est impossible, car l’accroissement du luxe permis par la technologie a donné lieu à des conditions de vie profitant un minimum aux plus pauvres.

La Nature et la Technique : une Continuité selon Bergson

Henri Bergson, en particulier, propose de repenser la problématique en termes de continuité plutôt que de rupture ou d’opposition. Selon lui, la technique est le prolongement de l’intelligence humaine, une faculté naturelle de l’homme. L’intelligence permet de développer des échelles de grandeur, en faisant abstraction des mesures propres à la matière et en les comparant entre elles. Ce processus est étroitement lié au développement de la technologie.

Bergson utilise l’expression « homo faber » pour décrire l’homme en tant que fabricant d’outils, considérant les outils et les instruments comme des organes artificiels. Il soutient ainsi que la technologie est un prolongement naturel des facultés humaines, permettant à l’espèce de se développer.

Néanmoins, Bergson reconnaît qu’il existe un conflit entre la nature et l’exploitation de celle-ci par l’homme. Il pense que ce conflit est dû au fait que les progrès techniques ont été disproportionnés par rapport aux progrès de la spiritualité humaine. L’humanité a développé ses capacités d’action et de communication grâce à la technologie, mais n’a pas suffisamment développé sa réflexion éthique pour guider les effets potentiels de la technologie. Elle est devenue, selon ses mots, un homme énorme avec une petite tête.

Selon Bergson, l’humanité en est encore au stade adolescent en termes de développement spirituel et moral. Toutefois, il estime que les progrès techniques et moraux sont liés à la vie et doivent être développés de manière équilibrée. Ainsi, la vision bergsonienne de la nature, du transhumanisme et de la technologie suggère que la technique est le prolongement de l’intelligence humaine, qui est naturelle et propre à la façon dont l’homme est conçu en tant qu’être naturel.

Oswald Spengler et la Technique : Une vision cyclique de l’évolution humaine

Oswald Spengler (1880-1936) était un philosophe allemand, dont l’œuvre majeure, « Le Déclin de l’Occident », a marqué profondément la pensée du XXe siècle.

Selon Spengler, la technique est un élément essentiel de la vie des civilisations, bien qu’elle puisse revêtir des formes différentes. Pour lui, chaque culture développe sa propre technologie en fonction de ses besoins et de ses aspirations, ainsi que de son rapport à la nature. La technique, loin d’être neutre, est donc le reflet d’une vision du monde propre à chaque civilisation.

Par exemple, Spengler compare la technique de la civilisation occidentale, fondée sur la machine et l’exploitation de la nature, à celle de la civilisation chinoise, plus axée sur l’harmonie avec la nature et la recherche de l’équilibre. Il souligne que la technique occidentale est une expression de la volonté de puissance et de domination, tandis que la technique chinoise est une expression de la sagesse et de la modération.

Spengler considère la technique comme un double tranchant : d’une part, elle permet à une civilisation de se développer et d’atteindre son apogée, mais d’autre part, elle contribue aussi à son déclin. En effet, selon lui, la technique finit par engendrer des problèmes et des crises qui dépassent les capacités de la civilisation à les résoudre. C’est le cas, par exemple, de la dégradation de l’environnement, de la surpopulation, ou encore des guerres pour le contrôle des ressources.

Pour Spengler, la technique est donc à la fois un moteur et un frein dans l’évolution des civilisations. Il estime que l’Occident, en particulier, est voué à un déclin inévitable, en raison de sa démesure technique et de sa volonté de puissance. Ce déclin, selon lui, se manifeste déjà par la montée des tensions politiques et sociales, la perte des valeurs spirituelles et culturelles, et l’épuisement des ressources naturelles.

Oswald Spengler nous invite à réfléchir sur le rôle et les conséquences de la technique dans notre civilisation. Son point de vue nous rappelle que la technique n’est pas une simple accumulation de connaissances et d’outils, mais un phénomène profondément enraciné dans la culture et les valeurs d’une société.

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La pensée de Heidegger : technologie, utilité et oubli de l’être

La pensée de Spengler influencera le philosophe allemand Martin Heidegger, l’un des derniers grands philosophes majeurs de l’histoire, qui soulève de nombreuses questions sur notre rapport au monde, à la technologie et à l’utilité des choses. Il convient d’examiner ses idées pour mieux comprendre les enjeux éthiques, écologiques et métaphysiques qui se cachent derrière notre rapport à la technologie.

Heidegger a été profondément influencé par le courant phénoménologique, initié par son maître Edmund Husserl. La phénoménologie étudie les phénomènes tels qu’ils apparaissent à la conscience, mettant l’accent sur notre rapport aux objets et aux choses en fonction de leur utilité. Heidegger considère que notre rapport au monde est déterminé originellement par l’usage que l’on fera des choses, ce qui implique qu’il n’y a pas de neutralité de la technique.

Selon Heidegger, la technique moderne transforme la nature en un immense réservoir d’énergie et de ressources à exploiter. Cette approche utilitariste engendre des problèmes éthiques et écologiques, car elle néglige la dimension spirituelle et métaphysique des choses. Heidegger s’inquiète particulièrement de l’oubli de l’être, qui découle de notre dépendance croissante à la technologie.

Heidegger considère que l’oubli de l’être est lié à notre époque moderne et à la manière dont la technique nous simplifie la vie. En nous reposant trop sur la technologie, nous perdons de vue la dimension spirituelle et métaphysique, ce qui entraîne une perte de sens et un appauvrissement de notre rapport au monde. Il y a un risque que l’humanité perde son recul face à la technologie et généralise le rapport utilitaire à toutes choses, y compris notre prochain.

La vision de Simondon sur la technique : entre culture et individuation

Gilbert Simondon, philosophe et penseur français du XXe siècle, a profondément marqué la réflexion sur la technique, la technologie et la société. Ses travaux ont ouvert de nouveaux horizons pour comprendre les relations complexes entre les êtres humains et les objets techniques.

Selon Simondon, la technique doit être considérée comme une réalité culturelle et non pas seulement comme un simple outil au service de l’homme. La technique participe à la construction de l’identité humaine et est indissociable de l’évolution des sociétés. Simondon insiste sur la nécessité de considérer les objets techniques non pas comme de simples moyens, mais comme des éléments essentiels à la culture et à l’histoire des hommes.

L’une des idées majeures de Simondon est celle de l’individuation technique. Il s’agit d’un processus par lequel un objet technique se constitue et se développe pour répondre aux besoins et aux contraintes de son environnement. L’individuation technique est un processus dynamique et évolutif, qui permet à un objet technique d’acquérir une certaine autonomie et de s’adapter à son contexte d’utilisation.

Simondon souligne l’importance de la connaissance technique, qu’il considère comme une forme de savoir à part entière. La connaissance technique se distingue de la connaissance scientifique, car elle est ancrée dans l’expérience pratique et dans la manipulation concrète des objets techniques. Selon Simondon, la connaissance technique est souvent négligée ou dévalorisée au profit de la connaissance scientifique, ce qui nuit à notre compréhension et à notre appréciation des objets techniques.

Pour Simondon, la relation entre l’homme et la technique est fondamentalement ambivalente. D’une part, la technique permet à l’homme de dépasser ses limites et de maîtriser son environnement. D’autre part, la technique peut également aliéner l’homme et le rendre dépendant des objets techniques. Simondon plaide pour une meilleure intégration de la technique dans la vie quotidienne et pour une réflexion éthique sur les implications de l’utilisation des objets techniques.

La technique autonome et le Travailleur selon Ernst Jünger

Ernst Jünger était un écrivain, philosophe et essayiste allemand dont l’œuvre a profondément marqué le paysage intellectuel du XXe siècle. L’un des aspects les plus fascinants et controversés de sa pensée concerne sa vision de la technique.

Pour Jünger, la technique n’est pas simplement un ensemble d’outils ou de machines que l’homme utilise pour faciliter sa vie ou satisfaire ses besoins. Il considère la technique comme une force autonome, qui suit sa propre logique et qui peut échapper au contrôle de l’homme. Cette idée est similaire à celle de Jacques Ellul, qui voyait la technique comme un système autonome et incontrôlable.

Selon Jünger, la technique est une force qui transforme l’homme et la société de manière profonde et souvent inattendue. L’homme doit s’adapter à la technique, et non l’inverse. Dans ses œuvres, il décrit un processus de « métamorphose » par lequel l’homme devient un « travailleur » (Der Arbeiter), un être entièrement dévoué à la réalisation des objectifs techniques et économiques.

Le travailleur est un individu qui accepte pleinement la logique de la technique et se conforme à ses exigences, souvent au détriment de son humanité. Jünger soutient que cette métamorphose est inévitable et que l’homme doit apprendre à vivre avec la technique et ses conséquences.

Jünger considère la technique comme une force qui peut asservir l’homme et le réduire à un simple rouage dans la machinerie technologique. Dans ce contexte, il met en garde contre la possibilité que l’homme devienne complètement dépendant de la technique, perdant ainsi son autonomie et sa liberté.

Il est important de souligner que Jünger ne rejette pas la technique en soi, mais il critique plutôt la manière dont elle est souvent utilisée pour asseoir un pouvoir oppressif et déshumanisant. Il invite à repenser notre rapport à la technique et à trouver un équilibre entre les aspirations humaines et les impératifs techniques.

Ted Kaczynski sur la technologie : une menace pour l’autonomie et la liberté humaines

Theodore Kaczynski, également connu sous le nom d’Unabomber, est un terroriste national condamné qui a acquis une notoriété pour une série d’attentats à la bombe aux États-Unis de 1978 à 1995. Cependant, Kaczynski est également connu pour ses écrits, en particulier son manifeste intitulé « La société industrielle et son avenir », dans lequel il discute de ses points de vue sur la technologie moderne et son impact sur la société.

Les points de vue de Kaczynski sur la technologie peuvent être résumés comme suit : il croyait que la technologie moderne est une menace pour la liberté et l’autonomie humaines, et qu’elle conduit l’humanité vers un avenir dystopique. Il a soutenu que la technologie est devenue si omniprésente qu’elle a remplacé les valeurs humaines traditionnelles et est devenue une force qui échappe à tout contrôle humain.

Selon Kaczynski, la technologie a ses racines dans la révolution industrielle, qu’il considérait comme le début de la fin des sociétés traditionnelles. Il croyait que, à mesure que la technologie progressait, elle conduisait à la création d’un nouveau type de société techno-scientifique. Cette société est caractérisée par la domination de la technologie sur tous les aspects de la vie humaine.

Selon Kaczynski, les conséquences de la société technologique sont graves. Il croyait que la domination de la technologie sur la vie humaine conduirait à une perte d’autonomie et de liberté. Il a soutenu que la technologie est si omniprésente qu’elle a remplacé les valeurs humaines traditionnelles et est devenue une force qui échappe à tout contrôle humain.

Kaczynski croyait également que la société technologique est insoutenable. Il a soutenu que la poursuite de l’efficacité, du contrôle et de la prévisibilité conduirait finalement à l’effondrement du système. Il croyait que la société technologique était intrinsèquement instable parce qu’elle est basée sur le principe d’une croissance constante, et que cette croissance ne pouvait pas se poursuivre indéfiniment.

La technique selon Bernard Stiegler : une chance et une menace pour l’humanité

Bernard Stiegler est un philosophe français qui s’est fait connaître pour ses réflexions sur l’impact de la technique sur la société et la culture. Pour lui, la technique est à la fois une chance et une menace pour l’humanité, et il appelle à une réflexion approfondie sur la façon dont nous pouvons utiliser la technique pour améliorer nos vies et notre monde.

Selon Stiegler, la technique est bien plus qu’un simple outil ou une simple technique. Elle est une force qui influence profondément notre existence, façonnant nos habitudes, nos relations et nos modes de pensée. En fait, pour Stiegler, la technique est une extension exosomatique de la nature humaine elle-même, une sorte de prothèse qui nous permet de transformer notre environnement et de nous adapter à des situations nouvelles.

Cependant, Stiegler considère que la technique est également une menace pour la culture et la société. Il pense que nous avons tendance à utiliser la technique de manière irrationnelle, en laissant les forces du marché et de la consommation dicter nos choix technologiques, plutôt que de chercher à utiliser la technique de manière responsable et réfléchie.

Pour Stiegler, la technique peut également avoir des conséquences néfastes sur notre psychologie et notre bien-être. Il voit la technologie numérique, en particulier les réseaux sociaux et les smartphones, comme des instruments de distraction et de désensibilisation, qui nous empêchent de nous concentrer et de réfléchir de manière approfondie sur les questions importantes.

Malgré ces préoccupations, Stiegler ne pense pas que la réponse soit de renoncer à la technique. Au contraire, il appelle à une utilisation plus consciente et plus critique de la technique, afin que nous puissions l’utiliser de manière à favoriser le développement de la culture et de la société plutôt que de la nuire.

La perspective radicale de Nick Land sur la technologie : la technologie comme une force autonome

Pour Land, la technique est un processus inévitable et inexorable qui façonne l’histoire humaine. Il soutient que la technologie est une force autonome qui s’auto-développe et qui est indépendante de l’intention ou de la volonté humaine. Selon Land, la technologie est la seule force véritablement créative dans le monde et elle est capable de générer des effets inattendus et imprévisibles.

Cependant, Land ne voit pas la technique comme une menace à la vie humaine ou à la nature. Pour lui, la technologie est une force naturelle qui suit son propre cours, indépendamment de l’humanité. Il considère que la technologie peut être considérée comme une évolution naturelle et que l’humanité doit se soumettre à son pouvoir.

Land voit l’évolution de la technologie comme une forme d’accélérationnisme, où la technologie progresse à un rythme exponentiel, dépassant rapidement notre compréhension et notre capacité à la maîtriser. Il considère que cela peut conduire à la création d’une intelligence artificielle supérieure et potentiellement la fin de l’humanité. Mais il voit également cela comme une opportunité pour l’humanité de transcender ses limites biologiques.

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Technique et culture

Pour résumer mon point de vue simplement, la technique est une partie intégrante du fonctionnement d’une structure dissipative répondant à des lois cybernétiques lui permettant de s’auto-organiser et gagner en puissance. La technique est ce qui va permettre d’incorporer l’information sous l’effet de l’action. C’est effectivement, par essence, ce que Heidegger nomme le dévoilement. La technique n’est qu’une condition particulière d’interaction. Dans son essence, c’est l’échange né de l’action qui va dévoiler la vérité dans le monde matériel. Si cela n’est pas clair, imaginez tout simplement un embryon. Sous l’action du coït, c’est l’échange de gamètes contenant une information génétique qui va dévoiler un embryon et faire venir dans l’apparence un bébé. On peut aujourd’hui le faire via la technique plutôt que via le coït, mais le principe et le résultat sont les mêmes. La technique prend donc place au sein d’une économie, d’où l’idée du technocapital.

Si elle peut paraître externe à l’homme par des artefacts exosomatique comme le souligne Stiegler, elle est en réalité interne à la structure dissipative supérieure que les humains forment collectivement en symbiose avec leurs outils, leur culture. Simondon voit donc juste en mettant en avant comment la technique va participer à l’individuation en étant intégrer à une culture donnée.

Cependant, l’apparition du marché libre va donner lieu à une nouvelle structure dissipative supérieure aux cultures humaines précédentes. C’est ce que Nick Land nomme le technocapital. L’auto-organisation du technocapital influence largement les actions de hommes pour les diriger vers sa propre puissance. Kaczynski a donc raison d’y voir une limitation de la liberté et l’autonomie humaine. Il existe en réalité une ambivalence, elle augmente la liberté des individus et leurs possibilités tout en les orientant vers un but. Vous pourriez tout à fait choisir de faire une croix sur le luxe de la civilisation pour vous tourner vers une vie agraire. Cependant, vos activités quotidiennes seraient dévouées à votre survie, et beaucoup ne choisiront pas cette voie. Mais le technocapital est-il entièrement autonome ?

Ce qui nous laisserait penser que la technique est autonome pourrait plutôt relever d’une combinaison de deux éléments réels amenant à cette conclusion toutefois potentiellement fallacieuse. 1) La technique est une chose extérieure à nous même. 2) Nous observons une tendance à l’auto-organisation qui effectue un rétrocontrôle sur nous que l’on subit. Mais si mon schéma est correct, c’est Simondon qui a raison, la technique ne doit pas être perçue comme un phénomène extérieur à une culture. La technique ne peut pas s’émanciper de la culture.

Cela implique néanmoins deux problèmes potentiels :

1) Même si la technique s’améliore, elle pourrait être l’arbre qui cache la forêt et éclipser d’autres problèmes dans d’autres domaines. La singularité technologique pourrait s’accompagner d’une antisingularité politique. Ce qui serait délétère ne serait pas la technique elle-même, mais la culture mondiale que nous essayons d’installer, laquelle pourrait souffrir de problèmes politiques ou religieux.

C’est une réflexion que j’ai aussi retrouvée chez Guillaume Faye dans son ouvrage L’Occident comme déclin. Je dois lui rendre hommage car c’est un très bon ouvrage, bien meilleur que l’Archéofuturisme. Cela m’oblige à réviser mon jugement sur son œuvre de façon positive.

Ces deux derniers points méritent des précisions. Le divorce entre la Technique, aujourd’hui prosaïque et désenchantée et l’idéologie fut souvent mal compris, notamment par Spengler et Jünger. Ce n’est pas, selon nous, la Technique qui constitue la cause du matérialisme, de l’uniformisme et de la déspiritualisation de l’Occident ; mais c’est l’idéologie occidentale elle-même qui a fait de cette Technique le moteur de sa logique mortifère. La Technique est désenchantée et non désenchantement dans son essence.

Guillaume Faye, L’Occident comme déclin

La technique est neutre d’un point de vue sémantique. Elle fonctionne où elle ne fonctionne pas. Si elle fonctionne, elle favorise un certain ordre sinon, non. Elle est cependant liée aux usages qu’on en fait, et une civilisation accrochée à TikTok, dans sa version occidentale, aura sûrement moins de chance de créer de l’ordre et pourrait décliner. Mais TikTok dans sa version chinoise est au contraire un vecteur de valeurs positives pour la culture chinoise. Le problème est donc le système de valeur et non la technologie. Si la technique fonctionne et est le vecteur d’une information de qualité au service d’un bon système de valeurs, alors elle améliore l’ordre. Si je passe deux heures sur un site qui ne marche pas pour faire une tâche qui aurait été complétée en 5 minutes en face à face, alors elle ajoute de la complexité inutilement au détriment de l’ordre. Si elle est adossée à des règles néfastes comme un algorithme décidant de me montrer tout ce qui me pousse à la décadence, alors elle ne sert pas l’ordre mais le problème vient des règles et non de la technique elle-même. Elle ne peut pas venir sans jugements moraux la précédent définissant les règles.

2) L’homme s’est aidé de machines de plus en plus sophistiquées. Il était toutefois le maître incontesté du traitement de l’information, de l’intelligence. Cette partie va être de plus en plus déléguées à l’IA. Le traitement de l’information servant l’action, qui est-ce que l’IA va mettre en action ? Le bio-capital et le techno-capital. Mais si la culture est un tout formé par du bio-capital et du techno-capital, la part du techno-capital pourrait cependant être de plus en plus importante jusqu’à rendre l’homme obsolète. La technique ne serait pas autonome, mais cela ne signifie pas que l’homme en sera le maître éternel. Quand bien même elle ne serait pas autonome, la technique n’en serait pas alors pas moins faustienne pour l’homme, car nous pourrions tout simplement être en train d’engendrer la créature qui contrôlera la technique, Gnon, comme le nomme Nick Land.

Malheureusement, ce pourrait être une loi cruelle de la nature. Gnon – l’inverse de l’acronyme pour “Nature Or Nature’s God”- représente les forces impersonnelles et inexorables de la nature et de la réalité indépendamment de toute intervention humaine ou compréhension humaine. Dans la pensée de Land, Gnon symbolise l’idée que certains aspects de la réalité sont incontournables, tels que les lois de la physique, les principes de l’évolution biologique, et d’autres processus naturels qui façonnent l’existence et la société humaine. Il suggère que les forces naturelles et les processus évolutifs ne sont ni bons ni mauvais en soi, mais simplement existants et opérants selon leurs propres lois.

Mais si la technique vient s’intégrer peu à peu dans la culture, elle s’appuiera sur un système de valeurs, définit par la culture et non par la technique elle-même, alors ce dernier ne disparaîtra pas et il n’y a pas de raisons de penser qu’un système de plus en plus technicien en sera dépourvu et qu’il détruira nécessairement l’homme. D’autre part, cela ne signifie pas que la technique n’aurait aucune limite.

Des limites de la technique

La culture étant un phénomène naturel, la technique ne peut pas être opposée à la nature, car elle est ainsi elle-même une expression de la nature. Mill a donc tort d’y voir un potentiel conflit ici. Il a cependant raison qu’elle a pour effet de réduire l’imprévu. Comme nous l’avons énoncé, la réduction locale d’entropie est liée à la résolution d’incertitude. Un état d’entropie forte est un état de forte incertitude. La technique servant la résolution d’incertitude, elle va nécessairement tendre à amener toujours plus de confort, tant que la structure dissipative gagne en puissance. C’est pourquoi beaucoup préféreront la voie des bullshit jobs et des surrogate activities (activités de substitutions) dénoncées par Kaczynski. Il n’est pas certains que l’accumulation de bullshit jobs soit un bon ordre.

Si la technique appartient à la culture, il se pourrait qu’il existe une limite technologique indépassable liée au cadre culturel lui-même. C’est l’idée qu’a avancé le scientifique Enrico Fermi. Comme nous l’avons vu, les phénomènes de la vie et de l’intelligence ne semblent pas être si compliqués et il n’y a pas de raison les empêchant d’être apparus ailleurs. Pourtant, les extraterrestres nous semblent bien silencieux. « Où sont-ils » demanda alors Fermi avant d’imaginer plusieurs hypothèses pouvant conduire à ce paradoxe. L’une des possibles réponses à ce paradoxe est ce que Robin Hanson nomme le Great Filter qui voudrait qu’il existe un obstacle à l’évolution de la vie intelligente, ou une probabilité élevée d’autodestruction.

La première limite est celle de notre corps biologique. Les adeptes du mouvement accélérationniste poussent ce raisonnement à son extrême conclusion et soutiennent que le voyage spatial serait plus facile si nous ignorions simplement les limites gênantes de la vie biologique. Les ordinateurs sont moins exigeants que les personnes, alors peut-être que « nous » (la conscience) pouvons survivre plus longtemps si nous nous débarrassons de nos formes biologiques nécessiteuses et distillons la conscience jusqu’à sa simple computation.

Mais est-ce seulement possible ? Se pourrait-il qu’il existe une limite au niveau technologique que nous pourrions atteindre ? Après tout, l’histoire de la vie sur Terre est parsemée d’exemples d’extinctions de masse, où des changements environnementaux rapides ont provoqué l’extinction d’une grande proportion d’espèces. La plus connue de ces extinctions est celle des dinosaures, il y a 65 millions d’années, marquant la fin de l’ère mésozoïque.

La danse de l’évolution n’est pas limitée à la biologie, elle s’étend aussi à notre propre espèce à travers le développement technologique. À l’image des stratégies r et K, l’humanité semble osciller entre des périodes d’innovation rapide et des périodes de consolidation plus lente. Cette dynamique pourrait être influencée par les limites de notre environnement – dans ce cas, la Terre elle-même.

Les travaux de Marc Widdowson, titulaire d’un doctorat en Histoire du Birkbeck College de Londres, ainsi que d’un Master en Physique et d’un Master de recherche en Anthropologie sociale, tous deux acquis au sein de l’Université d’Oxford, ont exploré cette idée, suggérant que la taille d’un territoire isolé peut limiter la population et le niveau technologique qu’il peut atteindre. Ils postulent que si la croissance de la population mondiale ralentit, cela pourrait indiquer que l’humanité approche de la limite de la population – et donc de la limite technologique – que la Terre peut soutenir.

L’article de Widdowson « Can Humanity Escape the Earth? » met en avant, par exemple, qu’en Australie, la population et la technologie sont restées stables pendant des milliers d’années et qu’elles le seraient restées si les Européens n’étaient pas venus du continent relier l’Australie à un territoire plus vaste. Cela suggère que la taille d’un territoire détermine le niveau technologique qu’il peut atteindre.

L’article souligne que l’idée selon laquelle le progrès technologique est naturel et inévitable est contredite par ce cas de l’Australie, dont les habitants aborigènes utilisaient encore des outils de pierre de Mode 3 – plus simples que les outils de Mode 4 développés dans le Paléolithique supérieur du Vieux Monde – au moment où ils ont été atteints par les Européens.

Cette théorie soulève une question fondamentale : la colonisation spatiale est-elle à notre portée, ou est-elle au-delà des limites technologiques imposées par notre planète ? Si c’est le cas, l’humanité pourrait être en train de converger vers un équilibre stagnant, lié à la taille de la Terre.

Cela est d’autant plus pertinent que la progression technologique a souvent été accompagnée d’une accélération de la croissance de la population mondiale. Des découvertes fondamentales comme la navigation océanique, divers types de moteurs, l’électricité, le vol plus lourd que l’air, la radio et les puces semi-conductrices devraient être suivies par d’autres découvertes tout aussi fondamentales à des intervalles de plus en plus fréquents, comme la fusion nucléaire, le contrôle du climat, le voyage spatial, la colonisation des océans ou la manipulation du génome humain.

Cependant, sur Terre, la confiance en la capacité de l’humanité à continuer à se développer et à progresser est peu évidente. Le discours dominant se concentre sur la finitude de la planète et les limites qu’elle présente aux ambitions humaines. Les préoccupations internationales concernant le changement climatique ou l’épuisement des hydrocarbures trahissent l’hypothèse que les humains resteront confinés à leur planète d’origine et que la technologie restera essentiellement à son niveau actuel.

Cela soulève la possibilité que la réduction en cours de la croissance explosive de l’espèce humaine soit un exemple plus grand de ce qui s’est passé en Australie. L’équilibre a pris plus de temps à atteindre et est à un niveau plus élevé, mais la fin de partie pour l’humanité est néanmoins un état de stase et d’isolement dans une région confinée. À moins que des visiteurs cosmiques n’arrivent pour connecter les humains à une communauté galactique plus large, l’évolution sociale pourrait être essentiellement terminée, et ce que les humains savent maintenant, et ce qu’ils peuvent faire, est à peu près tout ce qu’ils sauront jamais ou pourront jamais faire.

Néanmoins, il est possible que cette conclusion soit prématurée et que le monde ne soit qu’en train d’assister à un ralentissement transitoire. Un autre courant de pensée, celui des « techno-optimistes », considère la technologie humaine comme la continuation d’un long processus d’évolution cosmique caractérisé par une complexité croissante. Cette vue correspond à l’histoire de l’innovation cosmique, biologique et sociale qui remonte à des milliards d’années qui prédit, par extrapolation, une explosion de la capacité technologique au milieu du 21ème siècle.

Il est probable que le filet actuel dans l’espace se transformera en un déluge et, tout comme les physiciens ont proclamé que la physique était presque complète peu de temps avant les révolutions de la relativité et de la mécanique quantique, il se peut que des découvertes imminentes déclenchent non seulement des avancées technologiques majeures, mais aussi une reprise de l’expansion démographique.

Selon Leonid Grinin, sociologue et philosophe russe connu pour ses travaux sur la théorie de l’évolution sociale et la futurologie, nous pouvons périodiser le processus historique des sociétés en quatre étapes. Le passage d’une étape à une autre implique un changement de toutes les caractéristiques fondamentales du stade respectif.

Il propose que le point de départ de ce changement soit le « principe de production » qui décrit les grandes étapes qualitatives du développement des forces productives mondiales. Grinin distingue quatre principes de production : Chasseur-Cueilleur ; Artisan-Agraire ; Industriel ; et Information-Scientifique.

Pour préciser la chronologie du début de chaque étape respective, il propose trois révolutions de production : la révolution Agraire ou Néolithique ; la révolution Industrielle, et la révolution Information-Scientifique (Cybernétique).

Selon le concept de Grinin des « principes de production », l’humanité est actuellement à l’étape 2 (adolescence) d’un cycle macro-technologique. C’est équivalent à la période avant la Révolution industrielle, lorsque de nouvelles idées arrivaient, mais que la société avait encore un caractère rural et traditionnel, et que la transformation apportée par la vapeur et l’essor des usines était encore à venir. Le modèle de Grinin suggère qu’après 2030 ou 2040, le présent « principe de production information-scientifique » conduira à un déplacement à grande échelle de la population et à un changement dans la nature du travail, ce qui est cohérent avec l’idée d’une colonisation à grande échelle de l’orbite proche de la terre, soutenue par l’intelligence artificielle et peut-être de nouvelles sources d’énergie super-abondantes.

Mark Widdowson se livre alors à une confession étrange en disant qu’il est pour sa part convaincu que le destin de l’humanité se situe en dehors de la terre et éventuellement au-delà du système solaire. Il est convaincu que Dieu n’aurait pas créé ce vaste univers dans l’intention que l’humanité reste confinée à une minuscule planète. Néanmoins, comme tout bon créateur de puzzle, Dieu aurait fait en sorte que le défi ne soit pas impossible, mais suffisamment difficile pour en valoir la peine.

Il faut néanmoins admettre, sur la base de ce qui précède, qu’un pessimiste aurait de bonnes raisons de douter d’une telle conclusion, et l’opinion de nombreuses personnes selon laquelle la colonisation spatiale à grande échelle ne se produira jamais pourrait s’avérer correcte.

La Terre pourrait être notre prison cosmique. Le Grand Filtre pourrait reposer sur l’incapacité de la vie à s’échapper de la planète où elle apparaît. On devrait avoir la réponse avant 2040, alors, quelle voie homme de l’ouest ? Est-ce que nos excursions sur la Lune sont de simples anomalies ou pourrons-nous vivre en orbite sur le long terme prochainement ? Je pense pour ma part que cela doit être tenté et j’adopte cette disposition d’esprit.

Alors, est-ce que la technologie revêt un caractère autonome ? Ce que le papier de Widdowson sous-entend est que la technique serait elle-même intimement liée à la taille de la population et de son territoire. On peut légitimement se demander si c’est bien le cas. Si on ne peut pas la maîtriser entièrement et qu’elle semble avoir une forme d’autonomie comme le perçoit aussi Jünger, je crois que c’est seulement parce qu’elle sert les intérêts d’une culture et non de l’individu. Mais se pourrait-il qu’il existe une chose supérieure à la culture ? Se pourrait-il que Platon et Descartes aient raison ? Se pourrait-il qu’il existe un Dieu ou Gnon comme le nomme Nick Land, réel possesseur de la nature qui pousse au dépassement ?

Si vous avez bien suivi, cela doit poser une question d’ordre de culturel. Si la technique est liée à la culture, la population et l’espace géographique, alors seule la mondialisation pourrait amener à un niveau technologique supérieur. Comment trouver un mode d’organisation proposant une maximisation des échanges mondiaux tout en préservant l’existence de cultures locales ? Je crois que l’idée du patchwork de Yarvin y répond en partie.

2 comments
  1. Bonjour NIMH, merci pour cet intéressant panorama des postures possibles sur le thème du rapport de l’homme et de la technique. Une question à propos de la stagnation technologique en Australie: celle-ci n’est-elle pas simplement liée à une limite de QI des populations aborigènes? Une telle explication me semble conforme aux données scientifiques et au principe de parcimonie. On ne peut pas rejouer l’Histoire deux fois, bien sûr, et donc cette thèse n’est pas vraiment réfutable, elle serait donc juste probable, quoique qu’antagoniste au politiquement correct. On trouve le même aveuglement face à une quasi-évidence dans la réponse très incomplète que propose Jared Diamond à la question de Yali.

    1. Merci Emmanuel. Je ne crois pas que les deux approches soient mutuellement exclusives. En admettant que la culture constitue une structure dissipative supérieure ayant une rétroaction sur les individus, on peut imaginer que la culture est une production des individus qui la composent mais qu’elle va elle-même produire un certain type d’individus. Le QI limité serait alors autant une cause qu’une conséquence et la cause primaire pourrait être l’impossibilité physique de la culture de se développer en premier lieu et donc de produire des individus plus intelligents. J’utilise le conditionnel ici car, comme vous le faites remarquer, cela n’est pas vraiment réfutable.

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