Peut-on contrer le déclin civilisationnel de l’Europe ?

Un zeitgeist particulièrement sombre plane sur l’Europe. Le déclinisme se généralise, particulièrement chez les jeunes générations, et s’inspire des thèses malthusiennes voire millénaristes, tandis que les marxistes entrevoient toujours l’échec imminent du capitalisme. Une grande partie d’entre eux s’est d’ailleurs reconvertie dans l’écologisme radical et prophétise la surpopulation, la pénurie prochaine des ressources minières et énergétiques ainsi qu’une planète potentiellement inhabitable des suites du changement climatique anthropique. De l’autre côté du spectre politique, certains survivalistes se persuadent que l’Occident est à l’aube d’une guerre atomique avec la Russie et la Chine. Enfin, des économistes de tout bord prédisent un effondrement économique durable, sur la base de modèles aux hypothèses plus que contestables.

Ce déclinisme généralisé n’est pas le fruit d’une pensée basée sur des faits ou des données rationnellement analysées. Il faut inverser la cause et les conséquences. Ce sont les mentalités collectives de l’Occident, qui, parce qu’elles sont déclinistes, manipulent les faits pour produire ces analyses millénaristes. Parmi les différentes causes de possible effondrement citées, certaines sont de réels défis à relever pour l’humanité, mais la majorité d’entre elles n’est que de pur fantasme, bien que largement relayée par des chercheurs, des intellectuels, des journalistes ou des politiciens faisant autorité.

Toutes les civilisations connaissent des phases d’expansion puis de régression. La civilisation européenne a terminé sa phase ascendante. De nombreux indicateurs le montrent, la démographie européenne en premier lieu. Les Européens ont intégré cette donnée plus ou moins consciemment. Elle fait désormais partie des mentalités collectives et toute adversité émergente est interprétée à l’aune de cette nouvelle croyance. Le simple biais de confirmation généralise ensuite la pensée défaitiste. C’est parce que les Européens sont persuadés que leur déclin a commencé que tout choc ou évènement négatif additionnel est utilisé pour confirmer que l’Europe est bel et bien sur le déclin. L’actuelle pulsion de mort des Européens les aveugle et leur fait entrevoir n’importe quelle information comme une preuve supplémentaire de leur inéluctable régression.

Afin de contrer le dépérissement de notre civilisation, il conviendra de démonter une à une ces prophéties millénaristes, d’expliquer les causes profondes de notre défaitisme intellectuel, et d’alerter sur les réels dangers qui pèsent sur notre civilisation, qui sont tout autre.

Une grande partie de cet article reprend directement ou s’inspire des thèses de Philippe Fabry, détaillées dans ses ouvrages et vidéos, en particulier Rome, du libéralisme au socialisme : Leçon antique pour notre temps. Dans une moindre mesure, Démocratie, le dieu qui a échoué, écrit par Hans-Hermann Hoppe, explique les processus de civilisation et de décivilisation que nous détaillons dans cet article.

1/ Les millénarismes d’hier et d’aujourd’hui se sont trompés

L’effondrement nous est régulièrement promis par divers prophètes de malheur. Bien qu’ils en tirent parfois une renommée temporaire voire des bénéfices pécuniaires, la postérité les a toujours contredits. Tous ceux qui ont prédit l’effondrement se sont trompés, donc nous devrions par défaut nous méfier de toute prévision catastrophiste. Nous devons être circonspects à l’encontre des millénaristes, mais nous ne pouvons pas faire l’économie de l’analyse individuelle de chaque prédiction afin de prouver qu’ils se trompent, encore et toujours.

Malthus et Marx, premiers faux prophètes modernes

Un des premiers prophètes de malheur rationnel de l’époque contemporaine est Malthus. Observant la croissance géométrique de la population britannique durant la révolution industrielle, il prédit un effondrement économique et des famines, car, selon lui, la croissance de la production de biens, dont les produits alimentaires, ne peut pas suivre la croissance démographique. L’avenir lui donnera tort, le taux de fécondité s’est abaissé avec l’enrichissement du pays, et la bombe démographique n’a jamais détoné. En réalité, Malthus était plus nuancé et ce sont ses élèves qui ont repris et popularisé la version la plus extrême de ses différentes prédictions.

Marx est sans aucun doute le prophète de malheur le plus populaire, mais aussi celui dont les prévisions se sont révélées les plus fausses. Les hypothèses sous-jacentes à ses prédictions sont largement connues comme erronées, même à son époque, et son analyse du progrès technique est absurde. Selon lui, le capitalisme ne peut que s’effondrer, en raison de la baisse tendancielle du taux de profit. Mais aujourd’hui, les entreprises les plus profitables sont non seulement récentes et opèrent dans des secteurs qui n’existaient pas il y a 30 ans, mais en plus utilisent peu de capital (économie de l’information). Tous ceux qui ont appliqué de près ou de loin les enseignements de Marx, en particulier la mise en commun des moyens de production s’en sont mordu les doigts : famines, misère, systèmes répressifs nécessaires à la mise en place de la dictature du prolétariat et l’interdiction de la propriété privée, et les millions de morts qui en découlent. À l’inverse, les pays qui l’ont ignoré se sont enrichis comme jamais dans l’histoire de l’humanité.

Aujourd’hui, les pays les plus riches sont les pays les plus libéraux économiquement. La pauvreté du tiers-monde est en chute libre. En 1950, 50 % de la population mondiale vivait avec moins de 2 dollars par jour contre moins de 10 % aujourd’hui. Aussi, les pays d’Europe de l’Est et la Chine se sont formidablement enrichis depuis la fin de l’application des théories économiques marxistes et la mise en place d’une économie de marché.

Plus un pays est libéral, plus la richesse produite par ses habitants est grande (PIB / Hab). La Chine a multiplié par 10 la richesse produite par habitant depuis 1990 et son passage à l’économie de marché. L’Europe de l’Est a fait quant à elle x1.5 à x3 selon les pays depuis la chute de l’URSS.

Au grand dam des marxistes, l’humanité n’a jamais été aussi prospère, et sur tous les plans : richesse matérielle, conditions de vie, accès à l’éducation, espérance de vie. La récente et toute relative stagnation de l’Europe vis-à-vis du reste du monde n’est qu’un trompe-l’œil face à la croissance fulgurante des pays en développement. Devant le cuisant échec de leur doctrine décliniste, les marxistes se reconvertissent. Ils mélangent leur doctrine avec une sorte de néomalthusianisme pour expliquer que cet accroissement phénoménal de richesses permis par le capitalisme n’est qu’un leurre, une illusion momentanée. Le capitalisme dévorerait la planète dont les ressources seraient proches de l’épuisement. Nous courrions ainsi à notre perte, car les ressources fossiles vont bientôt manquer. Il faudrait donc mettre fin au capitalisme pour sauver la Terre, et nous sauver nous-mêmes par la même occasion. Ce choix de réponse aux défis environnementaux fait également partie de cette nouvelle idéologie teintée d’écologisme, mais qui n’est en réalité qu’une nouvelle forme de marxisme. L’activité humaine produit du dioxyde de carbone, et la réponse de ces néomarxistes est la décroissance, un durcissement drastique des libertés individuelles, et une socialisation de l’économie. Ils font le choix de l’appauvrissement généralisé : il vaudrait mieux organiser l’effondrement puisque celui-ci est de toute manière inéluctable. Il convient de démontrer que toutes ces prédictions sont sinon fausses, au moins hautement improbables.

L’épuisement des ressources : une prédiction mensongère car impossible

À la fin du XIXe siècle, un certain nombre de chimistes dont William Crookes, président de la British Association for the Advancement of Science, prédit que la production de composés azotés, principalement utilisés dans la production d’engrais agricoles, serait bientôt insuffisante pour satisfaire la croissance démographique et les besoins en nourriture afférents. Les ressources de l’époque utilisées étaient alors principalement des os et des déjections d’animaux, que l’Occident consommait bien trop vite pour que les stocks puissent se renouveler. Les sociétés occidentales ne convoquèrent pas Malthus ou Marx afin de justifier une baisse de la population ou une quelconque décroissance. L’Europe et l’Occident étaient alors dans la phase ascendante de leur civilisation et les mentalités collectives optimistes et conquérantes l’emportèrent. Les plus brillants chimistes travaillèrent sur de nouveaux modes de production, et le procédé Haber-Bosch fut découvert. Désormais, les engrais azotés sont produits à partir d’ammoniac, lui-même fabriqué par procédé Haber-Bosch utilisant l’azote de l’air et de l’hydrogène provenant de gaz naturel. Aujourd’hui encore, la majeure partie de l’humanité dépend de ce procédé pour se nourrir. Ainsi, il n’y a pas eu de panique collective, pas d’éco-anxiété quant aux potentielles famines promises si l’Occident échouait à trouver une solution. L’Occident a identifié un problème, a formulé d’hypothétiques solutions technologiques, a planifié leur recherche puis a mis en œuvre la solution la plus efficace. Le problème était résolu.

Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir. De nombreuses prédictions du pic pétrolier faites avant 1950 se sont révélées fausses. Marion King Hubbert, ingénieur géologue américain, est célèbre pour avoir prédit en 1956 le pic de 1970 aux États-Unis. Et pourtant, il était loin d’imaginer que ce premier pic allait être largement dépassé des décennies plus tard. En effet, devant la raréfaction des champs de pétrole facilement accessibles à l’extraction, le prix du pétrole a augmenté, rendant rentables la recherche et l’exploitation de champs plus difficilement extractibles. La découverte et la mise en exploitation du pétrole non-conventionnel (pétrole de schiste et sables bitumineux) ont également permis le dépassement du premier pic pétrolier. Devant les échecs répétés à prédire le pic pétrolier, il n’y a désormais pas de consensus. Certains géologues et économistes considèrent qu’il a déjà été dépassé, d’autres l’attendent pour entre aujourd’hui et 2040.

Hubbert a eu raison pour le premier pic, mais il était loin d’imaginer qu’il serait dépassé des décennies plus tard.

Les leçons à tirer de ces deux exemples sont qu’il est impossible de prédire le progrès technique, ni la substitution des ressources entre elles. Hubbert ne pouvait pas prévoir que l’on découvrirait de nombreux autres champs plus profonds, offshore, ou même que l’on arriverait à extraire du pétrole des sables bitumineux du Canada. Il n’est pas non plus possible de prédire quelles nouvelles ressources se substitueront aux anciennes, si elles venaient véritablement à manquer. Nous n’utilisons plus la fiente de pigeon pour produire des engrais en masse depuis un siècle. Les données ne pointent absolument pas vers une raréfaction des ressources naturelles. Depuis les années 60, la médiane du ratio des réserves de ressources sur la production annuelle de ces mêmes ressources est toujours à 50 ans, et ce, malgré une production toujours croissante. Les prophètes annonçant un effondrement à cause d’un manque de ressource sont tous des charlatans. Et cette affirmation est valable pour toutes les ressources naturelles.

Par ailleurs, la fusion nucléaire, est dans tous les esprits rationnels, la solution ultime à toute cette réflexion. Mais nul besoin d’aller jusqu’à la fusion. De nouveaux procédés de transformation, de production, d’extraction ou même de nouvelles ressources (hydrogène blanc ?) seront très probablement découverts avant la mise au point industrielle de la production d’électricité par fusion nucléaire. L’angle mort de ce point de vue est d’accepter de ne pas pouvoir faire de prédiction précise. Il faut accepter notre ignorance. L’humanité doit travailler maintenant et continuer à produire de petits deus ex machina successifs pour se sauver elle-même. C’est ce qui s’est toujours passé dans l’histoire récente de l’Occident, grâce au génie européen. Justifier la prédiction inverse (l’effondrement) nécessite donc des preuves bien plus fortes, ce que ses promoteurs ne fournissent pas jusqu’à présent.

Le réchauffement climatique : un défi pour l’humanité, mais aucun effondrement à l’horizon

Le changement climatique anthropique pose néanmoins un problème totalement différent de celui de la potentielle raréfaction des ressources. Notre utilisation d’énergie et de ressources repose principalement sur la combustion de sources d’énergies fossiles. Cette combustion produit un gaz à effet de serre, le dioxyde de carbone, et de nombreuses études, que nous ne remettrons pas en question ici, montrent qu’il cause un réchauffement climatique. Ce changement n’est pas uniforme sur la planète et entraîne des pics de température locale qui peuvent causer des problèmes pour la faune, la flore et les populations humaines. Le GIEC prévoit une hausse de 3 °C si tous les pays exécutent leur politique actuelle de réductions d’émissions de gaz à effet de serre. Si demain le monde mettait en place des politiques pour ne plus émettre de CO2 d’ici à 2100, le GIEC prévoit tout de même une hausse de 2 °C.

Jean Marc Jancovici, ingénieur reconverti en apôtre socialiste de la décroissance, est devenu la coqueluche des médias de masse. Selon lui, pour respecter un objectif de hausse mondiale de 2 °C, il faudrait que les émissions mondiales se mettent à baisser de 5 % par an pour les 30 ans qui viennent. Une telle chute drastique des émissions n’est possible que par une baisse du PIB et donc du pouvoir d’achat des populations de l’ordre de 5 % par an, ce qui correspond à un niveau de vie 5 fois plus faible en 30 ans.

La richesse, dont le PIB en est la mesure imparfaite, est principalement de l’énergie transformée. Et une majeure partie de l’énergie que nous transformons émet du CO2. Cependant, nous consommons de moins en moins d’énergie par unité de PIB et donc émettons de moins en moins de CO2 par unité de PIB. Ce découplage progressif des émissions et du PIB ne tient cependant plus si l’on souhaite couper drastiquement les émissions à court terme. Atteindre l’objectif des 2 °C correspond grossièrement à l’impact économique du confinement covid tous les ans. Autrement dit, c’est un objectif impossible à atteindre dans une démocratie, système politique que Jancovici critique allègrement. La décroissance n’est possible qu’au sein d’une dictature que Jancovici appelle pudiquement « sobriété énergétique ». Selon lui, l’économie doit être planifiée à nouveau, et la démographie doit être régulée. Jancovici représente l’archétype de la fusion du marxisme et du malthusianisme dont nous parlions précédemment. Il prédit l’effondrement inéluctable de nos sociétés à cause du réchauffement climatique. Par conséquent, il pense réduire notre douleur en nous forçant à plonger dans l’abîme dès maintenant. C’est le mode de pensée exact des sectes millénaristes. L’Ordre du Temple Solaire n’est pas loin. Au-delà du fait qu’un pouvoir autoritaire aurait beaucoup de mal à se maintenir si son objectif officiel est d’appauvrir de 5 % par an sa population, sa prédiction apocalyptique n’est absolument pas sérieuse. Tout politicien qui mettrait en place cet objectif de 2 °C connaîtrait sans aucun doute le même sort que Mussolini, Ceausescu ou Kadhafi. Et quand bien même une solution magique existerait, Jancovici y serait opposé : « Je suis férocement contre l’énergie illimitée ». Jancovici, comme tous les autres millénaristes sont simplement des misanthropes. Ils méprisent profondément l’espèce humaine et la croient trop stupide pour gérer son environnement. Leur vision de l’humanité est similaire à celle de l’agent Smith dans Matrix ; l’humanité est un virus pour la planète, il faut donc brider son potentiel et la condamner à une vie de labeur et de sacrifice. Ces gens sont baignés dans une vision religieuse, eschatologique et fanatique. Ils ne sont pas juste des clowns tristes, ils sont de réels dangers.

William Nordhaus, prix Nobel d’économie pour ses travaux sur le réchauffement climatique affirme que cet objectif de 2 °C est impossible à atteindre car il nécessiterait la destruction de notre économie et donc de nos conditions de vie. Au-delà de l’impossibilité de réduire drastiquement nos émissions à court terme, il faut préciser que les pays développés, en particulier les pays occidentaux situés en dehors des régions tropicales, ne souffriront pas vraiment de ce réchauffement. Concrètement, cela se traduira par plus de feux de forêt en Europe du Sud et en Californie l’été. Il y aura également plus d’épisodes de sécheresse ce qui nécessitera une meilleure de gestion de l’eau (20 % de l’eau potable en France est perdue dans les fuites du réseau). Si la montée des eaux se produit, certains habitants devront être relocalisés. Il faudra aussi installer plus de climatiseurs dans les établissements destinés à recevoir du public âgé. Dans le pire des cas, nous ferons des usines de dessalinisation comme les Israéliens le font déjà pour $0.5 par mètre cube d’eau traité. Tout ceci ne constitue rien d’insurmontable pour notre civilisation. Le coût de notre adaptation au changement climatique est infiniment inférieur aux gains résultants de notre utilisation des énergies émettrices de CO2. Des millions de personnes vivent dans des zones bien plus sèches et hostiles que la future Europe post-réchauffement climatique. L’Occident est également excédentaire en ressources alimentaires et nourrit le reste du monde. Les rendements agricoles n’ont cessé d’augmenter grâce à la sélection variétale, la meilleure utilisation des engrais et des pesticides, alors que les effets du réchauffement climatique sont déjà présents. La prédiction de famines et d’un effondrement de la production agricole n’est pas sérieuse. Rien que la généralisation des techniques agricoles modernes à l’Afrique permettrait de résoudre toute potentielle baisse de rendement agricole du reste du monde. Dans le pire des scénarios, nous sommes tout à fait capables de sélectionner des variétés résistantes à la sécheresse, voire d’utiliser des OGM, en dernier recours.

Ensuite, les émissions de CO2 ne dépendent pas des Européens. L’Union Européenne produit 10 % des émissions mondiales. Si ces pays n’existaient plus, il n’y aurait aucun impact sur le réchauffement climatique. Et c’est paradoxalement la seule zone géographique qui envisage de sérieusement réduire ses émissions. Le reste du monde, en particulier les pays émergents n’ont aucune raison de réduire leurs émissions. Réduire drastiquement ses émissions à court terme, c’est faire un arbitrage entre PIB et CO2. Refuser le développement pour un pays émergent, c’est accepter la mortalité infantile, refuser l’accès à l’eau potable, refuser l’électrification de régions entières, refuser la construction d’hôpitaux, etc. Cela n’arrivera donc jamais. L’utilisation des énergies, fossiles ou non, procure un tel gain de niveau de vie que les potentiels effets néfastes engendrés par le réchauffement climatique sont anecdotiques en comparaison pour les pays émergents, sauf quelques-uns comme le Bangladesh. Personne ne souhaite un retour aux champs et le monde, en particulier les pays émergents, ne se sacrifiera pas pour le Bangladesh et ses quelques compagnons d’infortune. L’unique réduction des émissions mondiales se fera par la technologie, pas par la décroissance.

La technologie ne progresse cependant pas assez rapidement pour réduire drastiquement les émissions. Si les modèles prédictifs du GIEC sont corrects, nous atteindrons donc les 3 °C. Il ne nous reste plus qu’à nous y préparer, nous avons toutes les cartes en main. D’ici un siècle, la technologie aura alors probablement suffisamment évolué pour capturer le CO2 et commencer à inverser le processus de réchauffement. Le retour à la normale prendrait alors encore un autre siècle ou deux. Le seul danger pour l’Occident sera les potentielles migrations climatiques des pays qui ne se seront pas préparés.

Il est important de noter que toutes ces prévisions catastrophistes restent basées sur des modèles prédictifs. Ces modèles ne sont pas infaillibles. Il n’est pas question de les remettre en cause dans cet article, nous jouons le jeu des prévisionnistes du climat. Néanmoins, nous notons que ces prophéties autoréalisatrices ont de grandes similarités avec la gestion du COVID. Des chercheurs ont publié des modèles prédictifs. Les modèles aux prévisions les plus extrêmes ont été retenus et utilisés pour alimenter une panique générale. Malgré le taux de mortalité faible, et concentré sur une population très spécifique (moyenne des morts du COVID en France est de 82 ans), faits connus dès le début de l’épidémie, des solutions stupides et radicales ont été mises en place, sur la base de ces modèles catastrophistes, eux-mêmes construits sur des hypothèses fallacieuses. La gestion du COVID, tout comme les solutions décroissantistes pour lutter contre le réchauffement climatique, revient à s’amputer d’un bras pour un ongle incarné au motif qu’un des scénarios envisage que l’ongle finisse par s’infecter et contamine le bras entier.

Enfin, la meilleure preuve que les nouveaux écologistes radicaux ne sont que des marxistes et des religieux est leur rapport à la fission nucléaire. Ils rejettent en masse cette technologie peu émettrice de CO2 par dogmatisme alors qu’il s’agit d’une des formes d’énergie les plus sûres. Jancovici est l’un des seuls décroissantiste en faveur du nucléaire. On comprend alors que leurs motivations ne sont absolument pas écologistes, mais marxistes. Il s’agit de prouver à tout prix que le capitalisme est mauvais, et tenter de déclencher un potentiel effondrement, pensent-ils, pour lancer le grand soir et la révolution.

La fission nucléaire est la deuxième source d’énergie la plus sûre et la moins émettrice de CO2, après l’énergie solaire.

Attention, énoncer que le progrès technique résoudra tous nos problèmes n’est pas une prophétie. C’est simplement le prolongement de ce qui est toujours arrivé dans l’histoire moderne de l’Homme occidental. Nous n’affirmons pas avec certitude qu’il n’y aura pas d’effondrement, le futur ne peut pas être prédit avec exactitude. Mais nous avons démontré que les prophètes millénaristes ne sont finalement que des religieux dont les prévisions sont absurdes et ne se basent pas sur des faits. Nous ne prêchons pas l’inaction face aux défis que nous avons à relever. Au contraire, nous refusons les solutions régressives voire de suicide collectif vers lesquelles veulent nous emmener les millénaristes modernes. Le progrès technique résout des problèmes existentiels, mais en cause de nouveaux, plus anodins. Le charbon a permis l’essor de la révolution industrielle et une baisse formidable de la mortalité infantile, mais les villes sont devenues irrespirables. Le pétrole a permis de délaisser le charbon dans les villes, mais il produit lui aussi du CO2. L’utilisation des plastiques a été une avancée gigantesque dans tous les domaines, mais ils sont des perturbateurs endocriniens désormais disséminés dans notre environnement. Si nous avions été au courant des problèmes causés par les émissions de gaz à effet de serre lorsque nous nous avons découverts les énergies fossiles, nous aurions refait les mêmes choix cent fois. Et les pays émergents sont bien d’accord, puisqu’ils ont pris la même décision, et la reconfirment chaque jour. L’humanité a conquis tous les territoires, du Groenland au désert du Sahara, peu importe le climat. Nous nous adaptons à tout. Nous avons été confrontés à des défis bien plus graves que le réchauffement climatique. Rien que la potentielle pénurie d’engrais à la fin du XIXe siècle aurait eu des conséquences infiniment plus tragiques que le réchauffement climatique, si elle s’était matérialisée. Nous nous en sommes sortis parce que nous avions encore une mentalité optimiste, volontariste et conquérante. Cette mentalité a disparu, car l’Europe a entamé sa phase de déclin civilisationnel, poussée par une pulsion de mort. Les Européens ne croient plus en eux-mêmes et se laissent séduire par les solutions averses au risque, en apparence seulement, quitte à se suicider collectivement.

Autre réalité, il n’est pas possible de désinventer. Renoncer aux énergies fossiles avant les autres, c’est s’assurer de notre réduction en esclavage par les peuples qui continueront à les utiliser. Si les Amishs peuvent vivre en paix au Etats-Unis, ce n’est que grâce à la magnanimité de l’Américain moyen. Les Chinois, les Indiens, les Russes et les peuples musulmans n’auront certainement pas la même bonté à notre égard si nous prenons le chemin de la décroissance et de la régression. Au contraire, ces peuples souhaitent prendre leur revanche sur le XXe siècle, siècle de la suprématie occidentale.

Nous ne sommes pas dans un industrialisme ou un productivisme sans limite qui accepterait la destruction de notre environnement. Pour reprendre la maxime stoïque, nul besoin de nous préoccuper de ce qui ne dépend pas nous mais du reste du monde, ici les émissions de CO2. Ce qui dépend de nous en revanche, ce sont toutes les autres formes locales de pollution environnementale qu’il convient évidemment de limiter, pour le bien-être des Européens. Bien que nuisibles, certaines à un haut degré d’ailleurs, ces pollutions ne sont en rien une menace existentielle pour l’Occident, et c’est pour cela que nous ne les discutons pas dans cet article. Il faut bien sûr y remédier, sans pour autant se faire hara-kiri.

L’autre facteur mineur de la popularisation des prévisions catastrophistes est que nous sommes dans une économie de l’attention. Les individus sont bombardés d’informations en permanence et seules les informations qui sortent du lot sont relayées. Le simple sensationnalisme explique que ce sont les prédictions les plus extrêmes qui sont les plus discutées. Un chercheur faisant la prédiction que rien d’extravagant n’arrivera sombrera dans l’oubli collectif. Mais encore une fois, ce sont les mentalités collectives déclinistes de l’Europe, qui, plutôt que de balayer ces prédictions absurdes et de rire au nez des millénaristes, s’en nourrissent et alimentent un dépérissement moral généralisé.

2/ L’apogée de l’Europe est passé : nous entamons le processus de décivilisation

L’idéologie des élites européennes, reflet d’une sclérose mentale

Le vice-amiral Loïc Finaz raconte l’anecdote de la clôture du forum de Davos de 1997. L’événement se termine par un tour de table où l’on demande à un représentant de chaque continent de répondre succinctement à la question : « à qui appartiendra le XXIe siècle ». Chaque représentant pronostique que son continent sera le grand vainqueur du XXIe siècle. Le représentant de l’Europe est le dernier à parler et prédit au contraire que le XXIe siècle sera le premier siècle qui n’appartiendra pas à un continent, mais à tous. Le représentant Indien pour le continent asiatique reprend alors la parole pour s’opposer et déclare : « Le XXIe siècle sera un siècle de fer, de feu et de sang où nous viendrons vous écraser parce que vous n’êtes que des Occidentaux décadents ».

Cette anecdote illustre parfaitement les différences de mentalité entre l’Europe et le reste du monde. Les Européens ont conquis l’ensemble de la planète et sont devenus la civilisation la plus prospère de l’histoire de l’humanité. Les Européens pensent ainsi naïvement être arrivés à La fin de l’histoire, concept énoncé par le politologue américain Francis Fukuyama en 1989 dans son essai du même nom. Lors de la chute de l’URSS, il prédit la suprématie de l’idéal que constitue la démocratie libérale, vers laquelle tous les Etats vont converger. S’ensuivra une plus grande coopération entre Etats, une mondialisation heureuse, et une disparition progressive des conflits. L’histoire récente a balayé l’optimisme de Fukuyama et démontré que les prévisions de Samuel Huttington dans Le Choc des civilisations, écrit en réponse à Fukuyama, étaient bien plus proches de la réalité. L’Europe veut croire à la coopération aveugle et à la fin de l’affrontement entre nations. Les Européens devraient relire le dialogue mélien écrit par Thucydide. Dans ce passage d’Histoire de la guerre du Péloponnèse, les Méliens refusent leur soumission à Athènes, arguant qu’ils ne sont qu’une cité mineure ne représentant un danger pour personne et que le sens de la justice oblige les Athéniens à les épargner. Les Athéniens leur répondent que la justice ne s’applique qu’entre puissances de forces égales, qu’il est naturel que les forts exercent leur pouvoir et que les faibles y cèdent. Les Athéniens massacrent les hommes de Mélos et prennent les femmes et les enfants pour esclaves. La justification des Athéniens est qu’ils ne font que suivre l’ordre immuable du monde. En dehors de l’Europe, les autres Etats et civilisations continuent ce jeu d’affrontement millénaire. L’Europe a remporté une itération du jeu au XIXe et XXe siècle et ne souhaite pas lancer de nouvelle partie. Mais avec ou sans son accord, le jeu continue. Le reste du monde veut une revanche. Tous les évènements géopolitiques tendent vers la même conclusion : Fukuyama avait tort. Et pourtant, les élites européennes n’ont toujours pas actualisé leur logiciel, car elles sont désormais vieillissantes et moribondes.

Les Européens se sont totalement endormis. Oui, l’économie n’est pas un jeu à somme nulle, et la coopération génère plus de richesses que l’affrontement. Mais il s’agit d’un dilemme du prisonnier. Être le seul à coopérer et à ne pas exercer sa force, c’est s’assurer d’être dévoré par ceux qui ne coopèrent pas. L’Union Européenne coopère en espérant donner l’exemple aux autres pays. Elle promeut un libre-échange presque total avec le reste du monde, quand la Chine ou les Etats-Unis sont en comparaison férocement protectionnistes lorsque cela les arrange. L’Union Européenne accepte de saboter son industrie automobile pour satisfaire ses objectifs de baisses d’émissions de CO2, le reste du monde se fera un plaisir de se l’accaparer. Renoncer à sa volonté de puissance comme l’Europe le fait, c’est garantir sa propre mise sous tutelle future.

La sclérose des mentalités, simple produit du vieillissement des populations européennes

Mais alors, pourquoi une telle régression des mentalités européennes ? La première raison est démographique. L’Europe est désormais peuplée de vieillards. Avec la vieillesse, les mentalités deviennent nostalgiques, rigides, averses au risque et au changement. Quand on est jeune, le changement est une potentielle opportunité dont on peut bénéficier toute sa vie. Les jeunes tirent leurs revenus du travail, ils peuvent s’adapter. Les vieux tirent leurs revenus des rentes, tout changement est donc un risque car la rente ne s’adapte pas facilement. Les vieux sont désormais trop nombreux en Europe. Le rapport de force est en leur faveur, en particulier dans les systèmes démocratiques. Le phénomène des boomers qui s’accrochent au pouvoir en est un parfait exemple. Le vieillissement de la population entraîne ainsi une lente sclérose des institutions politiques et de l’économie. Le système économique se socialise, la mobilité sociale diminue, le progrès technique également.

L’urbanisation et la hausse du niveau de vie sont les causes principales de cette absence de vitalité démographique. À la campagne, les tentations sont plus rares, donc remplir ses devoirs familiaux s’avère plus facile. Aussi, on s’ennuie peu en ville. Faire des enfants devient ainsi un arbitrage entre loisirs et devoir familial. Au-delà de la démographie vieillissante, il y a aussi une sorte de trop-plein des progrès européens des XIXe et XXe siècles. C’est comme si les Européens regardaient les courbes exponentielles de l’accroissement de leur revenu, de leur espérance de vie, de leur IDH et se disaient être arrivés à destination, comme un randonneur qui s’affale une fois arrivé au sommet de la montagne. Mais la civilisation et la décivilisation sont des processus, il n’y a pas d’équilibre possible. Malgré le confort qui endort, on ne peut pas faire pause. Se reposer, c’est nécessairement commencer à dévaler la pente de la régression et du déclin.

L’Europe est la deuxième civilisation la plus vieille après le Japon. La Chine vieillit à un rythme effréné. La Chine sera aussi vieille que l’Europe dès 2035. L’hégémonie chinoise n’adviendra pas.

La chute récente de la natalité européenne a commencé au milieu des années 60, pour se stabiliser autour des années 90. L’urbanisation et la hausse fulgurante du niveau de vie sont les principales raisons de la baisse de la fertilité européenne. L’observation de la chute de la natalité dans les grandes villes non occidentales en est la preuve. Ce sont d’abord l’urbanisation et la concentration des populations sur de petites surfaces qui réduit la fertilité, la culture et les autres causes sont secondaires. La fertilité des métropoles est systématiquement inférieure à la moyenne du pays et les endroits les moins fertiles du monde sont aussi les plus densément peuplés : Corée du Sud, Singapour, Japon, Hong-Kong, Luxembourg. La vie en ville induit aussi une forme de domestication. À la campagne, chacun peut subvenir à ses besoins presque seul et doit se débrouiller avec peu d’aide extérieure. En ville, chaque individu est dépendant des autres et de l’Etat, ne serait-ce que pour se déplacer. L’individu est alors contraint par un carcan social plus restreint. L’autosuffisance est impossible. Ainsi, « pour la même raison que les bêtes sauvages continuent à se reproduire alors qu’il faut inséminer les animaux de zoo tant ils sont devenus apathiques. La captivité et le confort détruisent la pulsion de vie ». L’expérience du cloaque comportemental confirme cette hypothèse.

L’autre cause majeure est la participation semi-volontaire, semi-forcée des femmes au salariat. L’idéologie féministe qui voulait libérer les femmes s’est assez vite transformée en nouveau dogme. Les femmes ont troqué une relative absence de choix ; le travail domestique ou non-salarié compatible avec l’éducation des enfants, contre une autre absence de choix ; le travail salarié sans temps disponible pour l’éducation des enfants. Impossible de faire carrière sans sacrifier le temps qui pourrait être consacré à la vie de famille. La société a totalement été pénétrée par l’idéologie féministe. Les femmes qui décident de favoriser leur famille au détriment du travail salarié sont désormais raillées ou méprisées par les médias de masse, considérées comme non épanouie ou pire, soumises et naïves. La nouvelle injonction n’a fait que remplacer l’ancienne. Au-delà de la contrainte mentale de passer pour une ratée sans carrière, se passer du travail salarié d’un des membres du couple, c’est diviser par deux le revenu du foyer. Et la sclérose de l’économie européenne dont nous parlons dans la prochaine partie de cet article rend très difficile pour une famille de vivre sur un unique salaire, au moins au premier abord. Ce calcul économique est en réalité assez mauvais, surtout chez les bas salaires puisqu’il faut alors payer la garde des enfants, ce qui engloutit une grande partie du salaire de la femme salariée, en plus de confier l’éducation de ses propres enfants à un tiers généralement sous-qualifié, souvent d’une culture différente, et sans lien affectif fort puisqu’éduquant l’enfant d’une autre.

Certains rétorquent que les femmes ont sciemment choisi la voie du salariat, sans prendre en compte les contraintes de jugement sociétal et économique. Mais les données abondent dans notre sens. La majorité des femmes salariées préféreraient moins travailler afin de passer plus de temps avec leurs enfants. La femme américaine moyenne souhaiterait avoir 2,5 enfants, mais n’en fait que 2 par contrainte économique et sociétale. Pire, les femmes les plus intelligentes (1 à 2 écarts type au-dessus de la moyenne du quotient intellectuel) font 1,7 enfant alors qu’elles voudraient en avoir 2,4. Une meta-analyse faite en 2010 aux Pays-Bas et aux Etats-Unis montre que 80 % des femmes qui n’ont pas eu d’enfant auraient voulu en avoir, tandis que 10 % n’en n’ont pas eu à cause de problèmes de fertilité. Ainsi, seules 10 % des femmes sans enfant l’ont souhaité. Le problème ne viendrait donc pas des femmes. Les contraintes du salariat et de la société moderne urbaine pèsent sur la concrétisation du désir d’enfant des femmes et génèrent même un certain dysgénisme, les femmes les plus intelligentes se reproduisant moins que les femmes stupides.

Il ne s’agit pas de renvoyer les femmes à la cuisine, mais de dénoncer les contraintes qui pèsent sur la natalité des femmes européennes, contre leur propre volonté. Si les femmes européennes pouvaient faire le nombre d’enfants qu’elles désirent, le taux de remplacement de la population serait atteint, il n’y aurait donc pas ou peu de vieillissement des populations européennes, pas de déclin civilisationnel et cet article n’aurait pas lieu d’exister. Permettre aux femmes de se reproduire comme elles le souhaitent devrait être la clef de voûte de toute politique européenne anti-décliniste. Il convient aussi de dénoncer le mensonge du salariat. Comme l’explique la journaliste et auteur Louise Perry, la plupart des gens ne tirent pas un grand sens de leur vie professionnelle. La plupart des emplois salariés sont mal payés et abscons. Sacrifier sa vie familiale pour un bullshit job est un formidable gâchis. Et cela vaut pour les hommes d’ailleurs. Personne ne se satisfait à 60 ans d’avoir été un formidable employé de bureau qui a tout donné pour son patron, y compris rogner sur sa vie familiale.  Il est très fréquent que les femmes, mais aussi les hommes, regrettent de ne pas avoir d’enfants plus tard. La plupart des gens tirent une grande signification et une grande joie de leurs enfants. Par ailleurs, nous faisons l’hypothèse que l’explosion de la consommation d’antidépresseur chez les femmes de plus de 45 ans a tout à voir avec l’explosion du nombre de femmes n’ayant aucun enfant. Encore une fois, il ne s’agit pas de forcer les femmes à faire des enfants, mais de leur rendre leur liberté de choix en leur permettant de faire le nombre d’enfants qu’elles souhaitent. Cela est largement suffisant pour résoudre le problème démographique.

Au-delà des contraintes qui pèsent sur les femmes, l’absence de contraintes pesant sur les hommes joue également une part significative dans la réduction de la fertilité. Cela est particulièrement visible chez les hommes japonais pour qui les attraits des mondes virtuels (mangas, jeux vidéo, pornographie) sont préférés aux femmes réelles. Les hommes des générations précédentes auraient reçu des claques de leurs aînés pour cesser leur mode de vie d’enfant. Les hommes d’aujourd’hui n’ont plus cette pression et cèdent de plus en plus à la facilité que constitue l’absence de prise de risque et de responsabilité.

La sclérose économique par la socialisation

Les Etats qui résistent le mieux au vieillissement intellectuel et à la sclérose économique induite par ce vieillissement sont les états libéraux économiquement. Les taxes étant limitées, les individus les plus qualifiés et les plus productifs sont mieux rémunérés et donc incités à produire. Les taxes en % du PIB sont de 27 % aux Etats-Unis et 28 % en Suisse, contre 46 % en France et 42 % en Italie. Le découplement de ces pays est assez saisissant : les Etats-Unis ont désormais un PIB par habitant 60 % supérieur à la France et la Suisse 110 % supérieure à la France. Un chercheur gagnera en Suisse ou aux Etats-Unis jusqu’à 5 fois son salaire équivalent après impôts par rapport à la France. Les individus les plus productifs et les moins averses au risque se concentrent ainsi progressivement dans les états les plus libéraux, en premier lieu les Etats-Unis. La Suisse, quant à elle, ne siphonne pas une partie importante des hauts diplômés du monde, mais étant un petit pays, il lui suffit d’en attirer une faible partie pour avoir un impact significatif sur son économie et son PIB par habitant. Ces 2 pays compensent donc le vieillissement de leur population en important les jeunes actifs les plus productifs des autres pays. Cela améliore également leur capacité d’innovation. La Suisse est n°1 mondial de l’indice d’innovation en 2022, les Etats-Unis sont n°2. Cette sclérose du tissu économique dans les pays européens vieillissants et socialisants fait qu’il y a désormais moins de mobilité sociale en France qu’aux Etats-Unis. Les milliardaires américains sont des entrepreneurs, les milliardaires européens sont des héritiers.

De nombreuses minorités américaines ont désormais des revenus supérieurs à celui des WASP, reflet de la fuite des cerveaux vers les Etats-Unis et de la stricte sélection de l’immigration légale.

Le retour en arrière des états les plus socialistes comme la France ou l’Italie est très difficile. L’augmentation des taxes a un effet cliquet. Chaque hausse des taxes s’accompagne d’une hausse des dépenses. Ces dépenses sont majoritairement versées aux systèmes de redistribution sociale, et non aux services publics productifs. Ainsi, les pays qui augmentent leurs dépenses créent une masse d’individus vivant sous perfusion de l’Etat. Cette masse de personnes dépendantes directement de l’Etat pour leurs revenus est devenue majoritaire dans certains pays européens : assistés sociaux, retraités, fonctionnaires, mais aussi sociétés privées et leurs employés vivant des commandes publiques. Réduire le poids de l’Etat qui sclérose peu à peu l’économie et empêche l’innovation, c’est réduire à court terme les revenus de ces gens qui votent. Mission impossible sans danger imminent de faillite de l’Etat. La réforme vers un retour raisonné au libéralisme ne se fait généralement que proche du précipice, si elle se fait. L’Italie et la France en sont à cette étape. Si les réformes ne sont pas faites, alors le sort de la Grèce les attend (même si la Grèce avait en plus maquillé ses comptes publics). Les Etats-Unis sont dans un cas bien différent. Leur dette est très élevée, mais leurs impôts sont faibles, et le dollar est la principale monnaie de réserve. Par conséquent, ils pourraient rembourser leur dette d’Etat facilement s’ils augmentaient les taxes, avec bien sûr les futurs problèmes afférents à la socialisation du pays. Augmenter les taxes en France ou en Italie n’est plus possible tant elles sont déjà élevées. Cela provoquerait la mort des dernières entreprises privées et un effondrement économique.

La civilisation, c’est l’abandon progressif de la préférence pour le présent

Hans-Hermann Hoppe décrit le processus de civilisation comme avant tout un processus de changement de la préférence temporelle. Naturellement, tout individu préfère une jouissance présente à une jouissance future, pour la simple raison que le futur est incertain. La civilisation apparaît lorsque les individus planifient un avenir de plus en plus lointain, épargnent un stock de capital et de ressources croissant, et peuvent donc produire et consommer de plus en plus. Tout le processus de civilisation, c’est la réduction progressive de la préférence pour le présent.

« L’épargnant-investisseur initie un processus de civilisation, l’endettement pour payer les dépenses courantes est donc bien processus de décivilisation ». En effet, s’endetter pour payer les dépenses courantes, c’est manger aujourd’hui sa récolte et les semis des récoltes futures. C’est donc nécessairement produire et consommer moins à l’avenir. C’est pourtant le choix qu’a fait une grande partie de l’Europe. Cette augmentation soudaine de la préférence pour le présent s’explique par le vieillissement de la population. En effet, une personne en fin de vie n’a pas besoin de planifier un futur lointain. Les intérêts de la jeunesse devraient être pris en compte, mais le poids relatif des vieux et des jeunes dans la population européenne rend la défense des intérêts de ces derniers inaudibles pour le pouvoir politique. C’est le phénomène boomer. Les vieux sont si nombreux que seuls leurs intérêts sont défendus, intérêts nécessairement court-termismes puisqu’ils sont au crépuscule de leur vie. Ce phénomène est d’abord le fruit de forces collectives démographiques, avant d’être un vice imputable à une génération spécifique, même si les boomers de certains pays ont vampirisé les générations futures sans aucune retenue, comme en France.

Dans Démocratie, le dieu qui a échoué, Hoppe pointe la démocratie comme grande coupable de ce processus de décivilisation. En démocratie, les masses les moins productives peuvent s’allier et voter pour capter les productions des individus les plus productifs. Les 51 % les plus nombreux peuvent légalement voler les 49 % restant. Les individus les plus productifs sont désincités à produire, et peu à peu, la richesse produite par le pays diminue. C’est ce mécanisme qui pousse progressivement les démocraties libérales vers des systèmes socialistes et rigides ayant une forte préférence pour le présent. Nous mettons en doute la nécessité du système démocratique pour déclencher le processus de décivilisation. Comme le montre Philippe Fabry dans Rome, du libéralisme au socialisme : Leçon antique pour notre temps, ce processus de décivilisation s’est déjà produit durant l’ère romaine, et d’une manière similaire avec notre époque. La toute relative démocratie libérale qu’était la République Romaine a fini par dégénérer en empire socialiste d’abord par le haut, par ses élites, suite à ses conquêtes. Grâce à ses succès militaires, le République Romaine a conquis un territoire immense en très peu de temps. La classe des sénateurs s’est accaparé une grande partie de ces nouveaux territoires ainsi que la part des populations locales réduites en esclavage. Ce socialisme par le haut ou capitalisme de connivence a progressivement provoqué la ruine des citoyens romains petits propriétaires terriens et artisans. Ces derniers ne pouvaient en effet plus concurrencer les gigantesques domaines agricoles et fabriques opérées par des milliers d’esclaves ne coûtant que leur nourriture journalière. La classe moyenne romaine paupérisée a alors contraint le pouvoir romain à lui octroyer des aides sociales, principalement sous forme de distributions de nourriture. C’est le socialisme par le bas. Petit à petit, la classe moyenne productive s’est vue disparaître, avec d’un côté des populares, dépendant des distributions de nourriture par l’Etat et d’une productivité très faible, et de l’autre les optimates, la classe des grands propriétaires et magistrats, permise par les récentes conquêtes de l’Etat. La mise en place d’un système plus autoritaire, socialiste, corrompu et court-termiste a suivi naturellement les demandes des populares et les spoliations par les optimates, ainsi que la réduction de la production par l’anéantissement de la classe moyenne productive. Par la suite, la distinction de classe s’est élargie fut institutionnalisée, avec les honestiores et les humiliores, chaque classe ayant des droits différents, alors que les citoyens sous la République Romaine étaient égaux. Ainsi, nul besoin de démocratie pour mettre en place le processus de décivilisation. Néanmoins, la démocratie a sans doute accéléré le processus, l’Etat providence socialisant étant d’autant plus rapide à être mis en place que les peuples votent pour les politiciens faisant le plus de promesses en ce sens.

Durant la deuxième moitié du XXe siècle, le socialisme en Europe s’est plutôt d’abord fait par le bas. Les deux chocs pétroliers et la fin des 30 Glorieuses génèrent un chômage de masse. L’État va alors indemniser les chômeurs et garantir leurs revenus. Comme durant la République romaine, nous assistons à la naissance d’une classe d’assistés, peu à peu incapable de subvenir à ses besoins sans aide de l’Etat. Cette classe et les aides nécessaires à sa subsistance ne vont faire que croître en Europe, en particulier en France et dans les pays d’Europe du Sud. Les retraités payés par les impôts prélevés aux actifs ainsi que les fonctionnaires administratifs ayant une productivité proche du néant, toujours plus nombreux, tirent eux aussi bénéfice du tournant socialiste des états. L’ensemble des taxes et impôts en France était de 10 % du PIB en 1914, de 30 % au début des années 70, et est désormais de 45 % du PIB en 2021.

En réponse à la progression rapide des taxes, une partie de l’élite a fait sécession. L’optimisation fiscale est généralisée pour les grandes entreprises et les milliardaires. Les niches fiscales et montages fiscaux légaux pour échapper à l’impôt sont pléthore. Les grands groupes s’arrangent avec l’Etat pour négocier des aides publiques. C’est le socialisme par le haut ou capitalisme de connivence. L’élite s’allie à l’Etat pour légaliser son non-paiement de l’impôt voire l’utilisation des caisses publiques à son avantage (subventions, marchés publics moyennant service ou corruption directe, renflouement des banques privées, privatisation des profits mais socialisation des pertes, etc.). Seuls la classe moyenne et les petits millionnaires sont ponctionnés à des taux très élevés pour payer la masse des socialistes du bas, toujours plus nombreuse. Les classes moyennes et aisées sont prises en sandwich. Ceux qui le peuvent s’en vont vers des pays plus libéraux, les autres se paupérisent peu à peu, inéluctablement.

La politique monétaire occidentale, une autre facette de la socialisation / sclérose économique

Un autre signe du processus de décivilisation, caractérisé par la préférence pour le présent et la socialisation, est la politique monétaire ultra-expansionniste, dite de planche à billets, avec des taux directeurs à 0 %. Suite au ralentissement économique principalement dû au vieillissement de leur population, la plupart des pays occidentaux, en particulier la France et le Sud de l’Europe, ont mis en place des politiques budgétaires extrêmement généreuses et ont payé les dépenses courantes avec toujours plus de dette publique. La bonne solution aurait été de mettre fin aux déficits et de cesser de vivre à crédit. Au lieu de cela, les banques centrales ont pris le relais et ont décidé de fixer les taux à 0 %. Cela a plusieurs effets. Tout d’abord, les Etats peuvent continuer à s’endetter toujours plus, le coût de la dette devenant quasiment nul. La deuxième conséquence est la progression fulgurante des prix des actifs immobiliers et financiers (actions et obligations), ce qui génère un accroissement de la fortune des plus riches, car la bourse et l’immobilier se portent à merveille lorsque les taux sont à 0 %. Il n’y a ainsi eu aucune protestation de la part des élites contre cette impression monétaire record. Mais les jeunes générations sont progressivement exclues de l’accès à la propriété. Aussi, à force d’imprimer de la monnaie, l’inflation des biens de consommation courante qui était restée contenue pendant une décennie connaît un retour en force, réduisant considérablement le pouvoir d’achat des plus pauvres qui demandent naturellement plus d’aides sociales de la part de l’Etat. La conséquence a été l’accroissement des inégalités alors même que cette politique monétaire ultra expansionniste n’a été qu’une nouvelle manière de continuer à vivre à crédit. Nous commençons tout juste à payer l’addition. Les classes moyennes essorées par la politique monétaire et les taxes pour payer les assistés sociaux et les retraités disparaissent peu à peu et deviennent elles aussi dépendantes des aides de l’Etat. Il faut cependant noter que cet accroissement des inégalités en Occident n’a pas eu lieu en France. Il s’agit du pays développé le plus socialiste et redistributif au monde. Les impôts et le coût du travail pour les entreprises sont si élevés (surtout via les charges sociales) que presque toute la population est payée autour du SMIC.

Hausse des inégalités aux USA et dans le monde (sauf en France), même si l’ensemble de la population s’enrichit. En France, 60 % de la population reçoit plus qu’elle ne donne à l’Etat, le socialisme ne peut reculer que sous la menace de la faillite.

Les taux directeurs à 0 % correspondent à une socialisation des marchés financiers. En fixant les taux d’intérêt à un faux prix sans sens économique, les banques centrales deviennent les administratrices des marchés. En finance, on ne gagne presque plus d’argent en choisissant les bons investissements et en rejetant les mauvais, alors que c’est la fonction fondamentale des marchés : allouer le capital aux bons projets. Pour faire de l’argent en finance, il suffit désormais d’aller dans le sens de la banque centrale qui achète les actifs (quantitative easing) et distinguer les bons projets des mauvais importe peu. Cela est terriblement destructeur pour le tissu économique. Le capitalisme libéral ne fonctionne que si on laisse les mauvais projets faire faillite. Cette politique monétaire est une forme de socialisation et s’inscrit donc dans le processus de décivilisation : préférence pour le présent et aversion au risque, dues en grande partie au vieillissement de la population et à l’accroissement de son confort matériel.

Il aurait fallu mettre les taux directeurs à environ 5 % pendant des années pour revenir à une situation d’équilibre macroéconomique. Mais cela demandait des coupes drastiques dans les budgets des Etats, et donc dans les revenus des assistés, retraités et fonctionnaires. Cela était, jusqu’alors, socialement inacceptable pour les électeurs. Aujourd’hui, à cause de l’inflation qui refait surface, les banques centrales occidentales n’ont pas le choix que de remonter les taux, l’instabilité des prix (l’inflation) étant l’un des pires freins à la croissance. Ainsi, nous nous retrouvons au même point qu’avant la mise en place des taux à 0 %, mais cette fois avec un stock de dettes et des déficits budgétaires encore plus importants. L’avenir économique de l’Europe ne semble pas très radieux. Si les budgets étatiques ne sont pas mis à l’équilibre volontairement, France et/ou Italie seront probablement mises sous tutelle du Fonds Monétaire International, avec des coupes budgétaires drastiques et soudaines. Comme pour la Grèce, le pouvoir politique et la population n’auront pas d’autre choix que d’accepter, l’alternative étant un réel effondrement étatique, option que personne ne souhaite, et de toute manière très peu probable puisque ces pays sont trop importants pour l’Union Européenne et l’OTAN.

Immigration et processus d’homogénéisation sont au cœur des processus de civilisation et de décivilisation

Ce qui permet la civilisation, c’est l’homogénéisation progressive de la population. À force de vivre sur un même territoire, le génotype, le phénotype et la culture des populations s’homogénéisent. Ce processus, qui s’étend sur des siècles voire des millénaires, rend prévisible le comportement de tout individu faisant partie du groupe (culture et mœurs communes). Cette prévisibilité entraîne un haut niveau de confiance spontanée entre tous les individus membres du groupe, même s’ils ne se connaissent pas. Sans cette confiance spontanée, les individus ne peuvent pas planifier un futur lointain, ni entreprendre des projets qui requièrent un grand nombre d’individus. Par conséquent, réintroduire de l’hétérogénéité dans une population, c’est nécessairement faire un pas vers le processus de décivilisation.

La réintroduction d’hétérogénéité correspond à l’immigration de peuplement que subit l’Europe depuis quelques décennies. Les conséquences de cette immigration sont une chute du niveau de confiance entre individus (même entre Européens autochtones), une hausse de la criminalité, et une accélération du processus de décivilisation. C’est difficile à imaginer pour un Français, mais dans les villages de Suisse, on ne verrouille pas la porte de sa maison et on laisse les clefs sur sa voiture. Au Japon, on peut laisser son portefeuille sur une table dans une rue passante et revenir des heures plus tard sans que personne n’y ait touché. Et ce n’est pas une question de niveau de richesse du pays. Les mêmes constats peuvent être faits dans les pays d’Europe de l’Est. Certains sont même des pays pauvres, mais l’homogénéité de la population garantit une confiance mutuelle et une très faible criminalité. Les habitants du pays sont très semblables, physiquement et culturellement, donc voler ou agresser un compatriote revient à voler son frère. C’est donc impensable. Un pays qui connaît une immigration de masse doit nécessairement revenir en arrière au niveau des libertés individuelles pour garantir un fonctionnement à peu près correct de la société. Pour faire simple, si vous voulez faire venir des millions d’immigrés du tiers-monde sans sélectionner uniquement les meilleurs, et sans détruire le tissu social, vous devez importer les méthodes de la police et de la justice du tiers-monde. Et ce ne sont pas des méthodes libérales ni respectant l’Etat de droit. Le pouvoir étatique doit ainsi se renforcer pour garantir un minimum de sécurité à ses citoyens, ce qui participe du mouvement vers le socialisme, ainsi que de la sclérose des institutions et du système économique, parties prenantes du processus de décivilisation.

Reprenons l’exemple historique de l’Empire Romain afin de prévoir ce qu’il peut advenir de l’Europe. L’immigration de peuples étrangers a en effet participé de la lente décadence de l’Empire Romain, bien que l’immigration actuelle en Europe soit bien plus importante en proportion de la population autochtone. L’Empire Romain a importé des millions d’esclaves sur le territoire italien, mais a aussi laissé des peuples étrangers s’installer dans les marges de l’Empire. Certains peuples étrangers se sont même installés à la demande de Rome. L’immigration barbare fut organisée pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre, en particulier de soldats. Conséquence de l’appauvrissement généralisé à cause de la socialisation du régime, de son passage de République à Empire, et de l’extension fulgurante de son territoire, Rome a été forcée d’utiliser de plus en plus de troupes étrangères. La citoyenneté romaine fut distribuée à l’ensemble des habitants de l’Italie, puis à tous les habitants de l’Empire, barbares libres inclus. Puisque tout le monde était devenu Romain, la distinction entre citoyen et non-citoyen n’avait plus tellement de sens. La distinction se fit alors principalement sur la richesse avec d’un côté les honestiores, la classe des notables, et de l’autre les humiliores, les pauvres. Les deux classes étant perméables, mais avec des droits bien différents, alors qu’auparavant, les citoyens étaient égaux devant la loi. Ainsi, les barbares pouvaient désormais faire partie de la classe dirigeante, et les élites locales domestiquées s’effacèrent au profit des élites immigrées plus promptes à la violence, l’utilisation de la violence étant de plus en plus nécessaire pour faire tenir debout cet Empire Romain sur le déclin.

Il n’y eut pas d’un seul coup des hordes de barbares qui envahirent l’Empire et s’y installèrent. Rome utilisait les barbares dans l’armée (auxiliaires), jouait l’opposition entre peuples, firent des barbares des citoyens, et même des empereurs (Maximin le Thrace). Tout cela s’est fait progressivement. Il n’y a pas eu d’effondrement. Les premiers seigneurs féodaux ne sont pas ceux qui auraient rétabli l’ordre localement après la chute de l’Empire. Ce sont en réalité d’anciens hauts fonctionnaires de l’Empire qui s’en sont détachés, notamment à cause des impôts trop élevés réclamés par l’Empire. Rejoindre les barbares, c’était juste se soustraire aux impôts exorbitants du système socialiste de l’Empire. Les barbares, c’était le retour à la liberté, bien que plus anarchique. Cette transition s’est faite sur plusieurs siècles, entrecoupée de nombreuses guerres civiles. Mais il n’y a pas eu d’effondrement soudain à une date particulière.

Les processus au sein des empires étaient déjà décrits par Ibn Khaldoun au XIVe siècle. Pour simplifier, au centre de l’empire, on trouve une population civilisée, productive et homogène. Aux marges de l’empire, les Bédouins / barbares ne sont pas soumis au droit de l’empire. Les barbares font parfois des raids sur les habitants de l’empire. Mais l’empire exerce toute sa force uniquement sur ses propres citoyens, car ce sont eux qui paient les impôts et donc font vivre l’empire. Aussi, l’empire s’efforce de désarmer ses citoyens pour éviter toute révolte fiscale. Il importe peu à l’empire que ses marges soient des zones de non-droit, car les barbares sont peu productifs et leur soumission à l’empire ne vaut pas le coût potentiel de leur pacification. À force de se développer, la civilisation expurge la violence de sa population originelle, car celle-ci devient de plus en plus urbanisée, éduquée, homogène, domestiquée. Devant cette baisse de vitalité interne et la pression des barbares aux marges, l’empire va incorporer les barbares pour injecter une dose de violence nécessaire au dynamisme de l’empire et au maintien de l’ordre. Les armées et forces de police vont peu à peu se remplir de barbares. Face aux hausses d’impôts et l’autoritarisme croissant de l’empire sur ses citoyens qui deviennent progressivement des sujets, l’empire fini par utiliser les barbares pour exercer sa force et soumettre le peuple autochtone productif, jadis libre, désormais servile. La civilisation, c’est l’homogénéité d’un peuple libre de s’enrichir. La décivilisation, c’est un pouvoir central despotique dont l’impôt est la force vitale. Il faut alors garantir le paiement des impôts à tout prix, quitte à détruire le peuple qui a bâti la civilisation. La dernière étape est que les citoyens préfèrent rejoindre les rangs des barbares payés par l’empire pour maintenir l’ordre, plutôt que de rester des sujets productifs, mais soumis à des impôts de plus en plus exorbitants. Une fois qu’une majorité de citoyens s’est assimilée aux barbares, l’empire n’existe plus. C’est ce qui est arrivé à Rome.

Nous pouvons retrouver les échos de cette dynamique dans l’absence de pitié du pouvoir politique pour les gilets-jaunes. La police exerce toute la force possible sur ces gens qui se révoltent parce que ce sont ces mêmes gens qui paient l’impôt. Les gilets-jaunes nourrissent l’Etat. Par conséquent, aucun écart ne leur est toléré. Ils doivent se taire et produire. À l’inverse, les policiers ont ordre de ne surtout pas faire de vague dans les cités parce que de toute manière, ces cités ne nourrissent pas l’Etat. En effet, elles vivent principalement de subventions et de trafics illicites. Aussi, les populations des cités sont capables de bien plus de violence que les gilets-jaunes, population majoritairement autochtone, civilisée et domestiquée. Nul besoin donc, d’essayer de soumettre ces populations immigrées. L’État devient sans pitié pour le contribuable moyen et ignore la délinquance d’origine étrangère tant que celle-ci ne pose pas de problème pour le recouvrement des impôts.

En théorie, la prochaine étape serait l’utilisation des immigrés pour soumettre le contribuable autochtone moyen. Cela se traduirait simplement par une proportion croissance d’immigrés dans les forces de police et de l’armée. Bientôt, les manifestations majoritairement d’autochtones soumis à l’impôt seront dispersées par des forces de police majoritairement immigrées, car l’Etat reconnaît leur plus grande capacité de violence, les autochtones ayant été trop domestiqués et désarmés par des siècles de civilisation. Ainsi, Macron peut affirmer avec une stupidité abyssale qu’il est opposé à la légitime défense. Autre signe : le COVID. Alors que la police n’ose pas mettre les pieds dans les cités, elle a fait de l’excès de zèle à l’extrême contre les citoyens autochtones, et ce, pour des mesures stupides et sans effet (masques en extérieur, couvre-feux, attestations de sortie, interdiction d’exercer pour les soignants non-vaccinés). La rationalité des mesures n’avait aucune importance, c’était l’obéissance et la soumission des contribuables à l’Etat qui étaient centrales et expliquaient le zèle. Des Européens ont même été privés d’un dernier adieu à leur famille alors qu’ils étaient en fin de vie dans un hôpital. Au même moment, des extra-européens étaient autorisés à manifester car selon le ministre de l’intérieur de l’époque : « l’émotion dépasse les règles juridiques ». L’État ne connaîtra aucune limite pour soumettre les contribuables. Il n’aura d’autant plus de limite que les élites font de moins en moins partie du peuple autochtone. L’immigration réinjecte de l’hétérogénéité, et l’Etat nation redevient un empire. Les élites immigrées et les contribuables autochtones ne font plus partie du même peuple. L’argent et le pouvoir sont les seules distinctions de classe. Il est alors d’autant plus facile pour les élites de soumettre sans limite le peuple, la barrière morale que constituait l’asservissement de ses semblables ne s’appliquant plus.

Le Premier ministre Britannique Rishi Sunak est Hindou. Le maire de Londres, Sadik Khan, et le Premier ministre d’Écosse, Humza Yousaf, sont musulmans d’origine pakistanaise. Pensez-vous qu’ils ont le même sentiment d’appartenance commune à un pays et une civilisation que les autochtones ? Pensez-vous qu’ils ont la même proximité sentimentale et charnelle avec le peuple autochtone britannique qu’un Boris Johnson ou qu’une Margareth Thatcher ? L’intuition pointe vers un délitement progressif du sentiment d’appartenance collective. Et cela vaut aussi au sein de l’Europe. Une Allemagne dirigée par un chancelier turc et une France dirigée par un président algérien auront-elles les mêmes rapports dans les négociations que si elles avaient lieu entre Européens ?

3/ Peut-on empêcher le déclin ?

Le fil rouge de cet article est d’expliquer qu’il n’y aura pas d’effondrement brutal provenant de causes environnementales, mais un lent déclin. Comme nous avons pu le voir, les causes de ce déclin sont avant tout démographiques. Le vieillissement de la population change les mentalités collectives, qui deviennent averses au risque et court-termistes. Ce manque de vitalité physique et moral entraîne la sclérose de l’économie tournée de plus en plus vers la rente et le socialisme. Le déclinisme gangrène les esprits qui deviennent alors perméables aux idées mortifères. Une fois implémentées, ces idées participent de la décadence civilisationnelle. Ensuite, l’appauvrissement des actifs et des classes moyennes finit d’achever la démographie, les jeunes ne pouvant plus assurer les mêmes conditions de vie à leurs potentiels enfants que les générations précédentes. Le cercle vicieux de la démographie déclinante couplée à la dégénérescence du système politique, toujours plus autoritaire, centralisé et socialiste, génère l’illusion d’une nécessaire adjonction de peuples étrangers, plus jeunes et vigoureux, pour relancer la machine. Ces migrations vont signer l’arrêt de mort de la civilisation autochtone, mais les mentalités moribondes ne sont déjà plus capables d’identifier cette menace existentielle. Pire, certains autochtones souhaitent leur propre disparition, par pure pulsion de mort. Ces peuples immigrés vont servir de nouveaux bras pour remplacer les jeunes autochtones manquant à l’appel du fait de la démographie désastreuse. Moins civilisés et moins domestiqués, mais aussi plus dynamiques et entreprenants, ils vont remplacer les élites autochtones. L’hétérogénéisation de la population supprime l’ancienne cohésion sociale, le peuple accordant de moins en moins d’importance à son appartenance à l’Etat et la civilisation qu’il représente. L’État n’est désormais plus qu’un oppresseur collectant des taxes. Fini l’imaginaire commun qui jadis faisait accepter sa domination légitime. N’importe quel prétexte devient bon pour faire sécession. L’État se fragmente en royaumes barbares puis cesse d’exister. Une civilisation vient de mourir.

Nous pensons que ce processus est, comme l’entropie dans l’univers, globalement inéluctable, quoique temporairement et localement réversible. Tout ce qui a commencé doit finir, quitte à renaître sous une forme différente et relativement semblable. Ralentir le processus de décivilisation, c’est potentiellement allonger de plusieurs siècles la prospérité européenne, ce n’est pas rien. Il convient de réfléchir à endiguer les trois principales causes du déclin : la démographie, la socialisation et l’immigration de peuplement.

Relancer la démographie

Comme nous l’avons énoncé plus haut, la cause majeure du déclin civilisationnel est démographique. Agir contre la chute de la natalité s’avère complexe. Premier facteur, le prix des logements et le manque de place dans les grandes villes. Suite aux politiques monétaires ultra-expansionnistes des banques centrales occidentales, les prix des logements ont connu une ascension fulgurante. Impossible pour de jeunes actifs de la classe moyenne d’acquérir un logement suffisamment spacieux pour y élever 3 ou 4 enfants. L’entassement des individus et le confort moderne sont castrateurs. Aussi, cela contraint les femmes à travailler à temps plein, pour payer le prix exorbitant du logement, trop élevé pour un unique salaire. La majeure partie des femmes choisit toujours sa vie de famille au détriment de son employeur, si elles en ont la possibilité. C’est par contrainte que la majeure partie des femmes sont soumises au salariat. La politique monétaire folle doit cesser, et la construction de nouveaux logements doit être une priorité de n’importe quel homme politique un tant soit peu attaché à sa civilisation. Le phénomène boomer n’est pas étranger à la baisse de la natalité. La concentration des richesses entre les mains des vieux comme jamais dans l’histoire récente de l’Occident pèse évidemment sur la capacité des jeunes à fonder un foyer prospère et fertile.

Nous ne savons pas si le très récent mouvement des jeunes urbaines ne voulant pas d’enfant, notamment pour de fallacieuses raisons environnementales, est significatif. Il peut s’agir d’une folie passagère de quelques individus endoctrinés par des idéologies mortifères plutôt qu’un réel mouvement de fonds. Aussi, les jeunes femmes qui crient dans les médias ne pas vouloir d’enfant à 25 ans se réveillent généralement en panique à la trentaine. L’évolution et la sélection naturelle se chargent de rappeler aux femmes que ne pas avoir d’enfant est une anomalie. Si ce mouvement se répandait dans la société, il aurait probablement un impact sur la natalité, les femmes ne réalisant leur erreur que trop tard, la baisse de la fertilité liée à l’âge ayant déjà fait son œuvre. Il est donc important de marteler publiquement que le « tu verras, tu changeras d’avis plus tard » n’est pas une injonction sociétale régressive pour les droits des femmes, mais une réalité biologique irrésistible, résultat de millions d’années d’évolution. S’y opposer, c’est probablement finir sa vie seule et sous antidépresseur, une situation peu enviable. Cela ne signifie pas que les femmes doivent être transformées en poules pondeuses, une minorité de femmes fera toujours le choix de ne pas avoir d’enfant et sera pour autant heureuse. Mais il convient de dire qu’il s’agit d’une proportion faible, inférieure à 10 % des femmes.

Dans cet autre article de Rage Culture écrit par Peter Columns, vous trouverez des pistes de politiques publiques favorisant la natalité mise en place par le Danemark. Le taux de fécondité des autochtones danoises est ainsi passé de 1,4 enfant par femme en 1983 à 1,7 aujourd’hui. Un taux toujours en dessous du seuil de remplacement qui est à 2, mais une nette amélioration tout de même. Un point fondamental est de donner une image positive de la natalité dans le débat public et de faire des familles nombreuses un élément fort de l’identité et de la culture du pays. Avoir des enfants doit redevenir une marque de statut social et une source de prestige.

Retrouver la liberté, matrice du succès civilisationnel des Européens

L’autre facteur clef du processus de décivilisation est la socialisation et la réduction des libertés associées : économique, politique et individuelle. Ce sont les libertés économiques qui créent la richesse et ont fait le succès de l’Occident. L’Occident est la civilisation la plus prospère de l’histoire de l’humanité parce qu’elle est la civilisation la plus libre. Les individus sont inégaux en talent. C’est la liberté qui permet à la minorité d’individus extrêmement talentueux d’exercer tout son potentiel, d’inventer et de s’enrichir. Ces individus à la productivité démesurée tirent vers le haut le reste de la société par leur capacité d’innovation. Un Johannes Gutenberg (imprimerie), un James Watt (machine à vapeur), ou un Louis Pasteur (vaccination) ont plus apporté à l’humanité que des centaines de millions d’Européens lambdas. Et c’est parce qu’ils sont nés au sein de la civilisation européenne qu’ils ont eu la liberté d’exprimer leur talent. La socialisation, c’est la victoire de la rente, qui fige les rapports économiques et sociaux, sur le profit et la concurrence, qui permettent la mobilité sociale et donc aux individus exceptionnels de gravir les échelons et de produire à la pleine mesure de leurs talents. Tous les individus talentueux de l’Occident auraient été étouffés dans une société collectiviste. À la plupart des époques, l’Europe puis l’Occident ont systématiquement été la civilisation la plus libre au monde. C’est de cette liberté que découlent les autres facteurs explicatifs de la domination occidentale dans tous les domaines, et c’est cette même liberté qui a fait de Rome l’Empire qu’elle a été, avant de se socialiser, de décliner, puis de disparaître.

99% des grandes inventions depuis 1600 sont l’œuvre d’Européens

Les Etats-Unis possèdent encore cette énergie vitale qu’est le libéralisme économique. En Europe, la Suisse fait figure d’exception au sein d’un océan socialisant que sont devenus tous les pays d’Europe de l’Ouest. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont par le passé réussi une révolution libérale sous l’égide de Reagan et Thatcher. Ces révolutions ont permis à ces deux pays de rebondir et de continuer leur phase d’ascension, même s’ils se sont partiellement resocialisés par la suite. Donc rien n’est impossible. Néanmoins, ces pays étaient beaucoup moins vieux que ne l’est aujourd’hui l’Europe. Couper les transferts sociaux vers les individus les moins productifs était chose aisée, puisque ces improductifs étaient peu nombreux. Désormais, les improductifs (boomers retraités, fonctionnaires administratifs, assistés sociaux) constituent une telle part de la population que remettre en cause la spoliation des individus productifs est politiquement peu acceptable. C’est probablement proche de la faillite étatique que ces Etats pourront massivement couper ces transferts sociaux, si la coupe massive et soudaine de ces transferts n’entraîne pas une dépression économique trop importante, du fait de la perte de revenu des improductifs qui ne pourront plus consommer le temps de redevenir productifs, car forcés à retourner au travail. Depuis le COVID, le nouveau paradigme semble être que l’Etat doive sauver tout le monde de n’importe quel choc externe, par toujours plus de déficit et d’émission de dette. Le court-termisme, caractéristique principale du processus de décivilisation bat son plein. Les élites européennes sont totalement acquises au saint-simonisme, forme précurseur du socialisme, la technocratie en plus. Personne ne peut échouer, ce qui est pourtant l’essence du libéralisme et de l’Europe : chacun devrait être responsable et libre de réussir ou d’échouer. La révolution libérale ne semble malheureusement pas près d’arriver.

L’immigration de peuplement complique la lutte anti-décliniste

L’exemple japonais montre que l’on peut connaître un hiver démographique et connaître des dynamiques propres au déclin civilisationnel sans pour autant sombrer dans la barbarie. Il ne fait aucun doute que le Japon est en phase descendante : phénomènes des hikikomoris et des hommes herbivores, natalité encore plus faible qu’en Europe, marasme économique depuis l’éclatement de la bulle japonaise au début des années 90, remplacement très progressif de la culture japonaise traditionnelle par la pop-culture japonaise (mangas, animés, J-pop). Et pourtant, le pays fonctionne toujours très bien. Grâce à l’absence d’immigration de pays du tiers-monde, la criminalité est pratiquement absente. Alors, oui, le pays se sclérose peu à peu, mais l’absence d’immigration non-sélectionnée en provenance du tiers-monde rend la décadence tout à fait vivable. Les immigrés ne pèsent pas sur les systèmes sociaux, n’engorgent pas le système de santé, et ne rendent pas les grandes villes invivables par leur criminalité très supérieure aux autochtones. Vivre dans une grande ville française, c’est être confronté à la décivilisation à chaque coin de rue. L’absence d’immigration rend l’hiver démographique infiniment plus paisible et facile à gérer. Oui, le Japon va se vider puisque les Japonais ne se reproduisent plus. Et alors ? Les générations futures auront bien plus de facilités à trouver un emploi et à avoir un logement spacieux. Tout le nécessaire pour faire repartir la natalité d’ici un demi-siècle ou un siècle entier. La natalité reviendra, la population rajeunira et le pays retrouvera son souffle vital, ainsi que la culture et les idéologies positives associées au dynamisme démographique. Entre-temps, le progrès technique est suffisant pour s’occuper de la masse des vieillards dépendants. Leur peuple ne sera pas remplacé, leur culture sera transmise. Il y aura juste une phase qui ne sera pas la partie la plus grandiose de leur histoire, voilà tout. Il faut juste espérer pour les Japonais que la régression mentale associée processus de décivilisation (individus trop domestiqués, moins éduqués et plus perméables aux idéologies mortifères) n’induise pas un abandon de leur politique de non-immigration dans les décennies à venir.

La situation actuelle de l’Europe de l’Ouest est malheureusement bien différente du Japon. L’Europe de l’Ouest subit actuellement la plus grande migration de peuplement depuis l’arrivée des Indo-Européens Yamnas en Europe il y a 4 500 ans. Les migrations barbares pendant et après la phase de déclin de l’Empire Romain sont souvent prises en exemple afin de justifier l’immigration de peuplement actuelle par la maxime « L’Europe a toujours été un continent d’immigration ». Au-delà du pur mensonge que constitue cette affirmation, les Européens étant restés génétiquement les mêmes depuis l’invasion des Yamnas, les invasions de barbares antiques ne correspondaient qu’à quelques centaines de milliers d’individus dans une Gaule de 5 à 10 millions d’habitants. Aucun remplacement de population n’a eu lieu. Les populations locales ne se sont soumises à ces barbares venus en faibles nombres que pour fuir le joug de l’Empire Romain moribond et proto-totalitaire. Par leur ampleur, les migrations actuelles en provenance du tiers-monde se rapprochent bien plus de l’invasion Yamna que des invasions barbares de l’antiquité tardive.

Les Européens sont issus du mélange entre les chasseurs-cueilleurs européens (les premiers homo sapiens européens, qui se sont eux-mêmes très partiellement mélangés avec l’homme de Neandertal) et les fermiers néolithiques arrivés en Europe par l’Anatolie Il y a 7 000 ans. Les derniers venus en Europe sont les Indo-Européens Yamnas il y a 4 500 ans. Depuis, le substrat génétique européen est resté relativement homogène et inchangé. Le parallèle historique est bien moins évident que celui que nous avons fait avec Rome tout au long de cet article. Néanmoins, si un tel parallèle s’avérait valable, les conclusions seraient terribles. En effet, l’étude des haplogroupes montre que les Européens n’ont pratiquement pas d’ascendance masculine provenant des chasseurs-cueilleurs européens ou des fermiers néolithiques, mais seulement une ascendance féminine. L’ascendance masculine des Européens est quasi intégralement indo-européenne Yamna. Cela signifie que les hommes Yamnas, en migrant vers l’Europe, ont exterminé progressivement la quasi-totalité des hommes européens locaux et ont pris leurs femmes pour épouses et concubines. Si cette partie de l’Histoire venait à se répéter, un scénario bien noir pour les Européens se profile alors.

La force des Japonais est qu’ils fondent la nationalité sur l’ethnie, comme presque tous les peuples du monde en dehors des Occidentaux. Les Européens de l’Ouest sont culturellement universalistes, c’est leur plus grande force et leur plus grande faiblesse. Puisqu’avoir une politique ethnique comme le Japon paraît peu envisageable, bien que radicalement efficace, car peu compatible avec les mœurs et la culture des Européens actuels, il convient de regarder ce que fait l’un des meilleurs élèves européens en termes d’immigration : le Danemark. Je renvoie encore à ce très bon article de Peter Columns détaillant la politique d’immigration danoise. Les solutions contre la décivilisation due à l’immigration de pays moins civilisé incluent : Interdiction dans les quartiers d’une présence de plus de 30% de Non-Occidentaux, doublement des peines pour les délinquants vivant dans les quartiers à forte densité immigrée, réduction drastique des flux d’immigration, volonté de réduire les demandes d’asile à zéro, obligation de suivre des cours de danois pour les immigrés, déchéance de nationalité pour les délinquants détenteurs d’une double nationalité, bannissement à vie de la nationalité danoise des personnes ayant déjà été condamnées avec ou sans sursis. Notez que la majeure partie de ces mesures ont été prises par des gouvernements de gauche, sociaux-démocrates. Leur justification est qu’il n’est pas possible de conserver un Etat providence avec des flux d’immigration non-maitrisés en provenance du tiers-monde, ce que toutes les statistiques confirment.

Les mesures prises par le Danemark constituent un véritable changement de paradigme. Il s’agit de créer 2 catégories de citoyens et de différencier le droit applicable à chacune de ces catégories. Il s’agit des prémices de la séparation honestiores – humiliores qui a eu lieu au début de l’Empire Romain, les classes modernes étant désormais les Européens et immigrés extra-européens assimilés d’un côté, les immigrés extra-européen non assimilés de l’autre, sachant que ces derniers peuvent librement monter dans la « classe haute » dès lors qu’ils sont parfaitement assimilés. En France, la discrimination raciale étant probablement inconstitutionnelle, nous pourrions simplement définir des « quartiers d’insertion républicaine », dans la novlangue habituelle, qui correspondraient aux zones majoritairement peuplées d’extra-Européens. Cela permettrait d’appliquer un droit différent aux habitants de ces zones, bien plus sévère, afin de forcer leur pacification, leur accès à notre civilisation et à terme permettre l’assimilation de ces populations extra-européennes.

Pour des pays bien plus colonisés que le Danemark comme la France ou le Royaume-Uni, les mesures prises par le Danemark, seules, ne semblent pas suffisantes. Une politique de départ volontaire de tous les individus refusant l’assimilation semble nécessaire. Des aides financières très importantes peuvent être données pour rendre le retour au pays d’origine acceptable. Les immigrés extra-européens ont un taux de chômage si élevé et coûtent tellement cher à la collectivité autochtone (aides sociales, politique de logement social, utilisation de la police et de la justice, soins et éducation gratuits) que payer des milliers d’euros par an pendant les premières années du retour au pays d’origine est tout à fait rentable et désengorgerait les dépenses publiques de nos Etats au bord de la faillite. Cette politique devrait être présentée comme un plan d’aide au développement pour les pays d’origine. Les pays d’origine bénéficieraient d’un afflux de population lettrée, mieux formée que la population locale et bénéficiant d’une mise de départ considérable pour refaire sa vie et investir sur place. En échange de 20 000 euros par exemple, un extra-Européen non assimilé retournerait dans son pays d’origine et renoncerait à sa nationalité française. Ce montant de 20 000 euros par personne n’est, par ailleurs, pas très loin du coût d’une expulsion forcée. La France dépense 13 milliards d’euros par an en aide au développement. Cela correspondrait au retour volontaire de 650 000 extra-Européens non assimilés par an. Aussi, les divers plans banlieues ont coûté ces 20 dernières années 48 milliards d’euros, soit 2,4 milliards par an, ont tous lamentablement échoué à résoudre le problème. En additionnant ces montants à l’aide au développement, nous pourrions ainsi faire repartir près de 800 000 extra-Européens non assimilés par an ! L’intérêt économique et civilisationnel de la France est satisfait, l’intérêt financier des extra-Européens est satisfait également, et l’intérêt au développement des pays d’origine est également satisfait. Tout le monde y gagnerait. Il ne manque plus que la volonté politique.

Contribution nette fiscale des immigrés aux Pays-Bas par pays d’origine. Les non-Occidentaux, en agrégé, coûtent à la collectivité.

Certains objecteront que tout ceci est impossible, du fait de notre appartenance à l’Union Européenne. Il est vrai que les dirigeants de l’Union Européenne sont gangrenés par le déclinisme : petits fonctionnaires qui créent des normes, bureaucratie kafkaïenne, absence de volonté de puissance, principe de précaution total, socialisation à marche forcée, perméabilité et promotions des idéologies mortifères telles que la réduction drastique des émissions de CO2 ou la propagande transsexuelle, gestion du COVID désastreuse, potentielle monnaie numérique ou encore promotion de l’immigration de peuplement sans aucune sélection des immigrés, rien ne va dans le bon sens. Les dirigeants actuels de l’Union Européenne sont perclus par le saint-simonisme, forme précurseur du socialisme. Ils s’enfoncent dans un autoritarisme progressif, mais il faut bien comprendre que l’UE n’est pas une institution suprême hors-sol, elle n’est que la résultante de la moyenne des politiques des pays européens qui la constituent. Aujourd’hui, ceux qui dirigent l’UE sont l’Allemagne avec le soutien indéfectible de la France, et le Benelux. C’est ce bloc dominant au sein de l’UE qui génère les politiques désastreuses de l’UE. L’UE n’a en effet que très peu de pouvoirs qui lui soient propres. Si peu d’ailleurs, que les pays d’Europe de l’Est et le Danemark se fichent de ses remontrances et limitent au maximum l’immigration extra-européenne. L’UE n’a pas d’armée ou de police, elle est donc condamnée à perdre tout rapport de force avec les Etats qui la constituent. Ces pays mettent des barbelés à leur frontière et l’UE ne peut rien y faire. Et si l’UE s’agite contre eux, c’est sous pression de l’Allemagne, de la France et du Benelux. Si la France accueille des millions d’immigrés extra-européens, ce n’est pas à cause de l’UE, c’est parce que les élites françaises au pouvoir sont elles-mêmes immigrationistes. Le Royaume-Uni est sorti de l’UE, et leur immigration n’a jamais été aussi importante. Encore une fois, ce sont les élites nationales qui organisent l’immigration de peuplement, pas l’UE. Entre le Benelux, L’Allemagne et la France, seule la France pourrait basculer, puisque 64 % des Français veulent stopper l’immigration extra-européenne. Si cela se produisait, les pays opposés à l’immigration extra-européenne deviendraient majoritaires au sein de l’UE. L’alliance de la France, des pays d’Europe de l’Est, du Danemark et de l’Italie transformerait immédiatement l’UE en organisation anti-immigration. L’Europe pourrait ainsi devenir une citadelle imprenable et des politiques jusqu’à aujourd’hui impensables pourraient être mises en œuvre. La France constitue le seul point de bascule significatif possible. Les Français ont une nouvelle fois le destin des Européens entre leurs mains.

Pour terminer cette partie, nous répétons encore une fois que si nous sommes perméables à ces idéologies nuisibles aux Européens, c’est parce que nous sommes entrés en phase de décivilisation. La progression du millénarisme, du socialisme, du défaitisme, de la haine de soi, de la haine des Européens ou encore de l’immigrationisme ne sont que les conséquences de l’appauvrissement de notre système immunitaire intellectuel collectif. La gauche Européenne du XIXe siècle était conquérante et voulait éduquer par la force les autres peuples et leur apporter la lumière. Aujourd’hui, même la droite politique n’a plus de pulsion de vie et est rabougrie. Elle est dans le meilleur des cas, réactionnaire, alors qu’aucun retour en arrière n’est possible.

Ce sont les conditions matérielles qui créent les évolutions sociétales, la France des années 50 ne reviendra jamais. Penser que la civilisation européenne, malgré de profonds changements technologiques et démographiques, sera la même dans 200 ans est stupide. Ce sont les conditions matérielles qui modifient l’organisation sociale. Nous ne pouvons qu’inventer de nouveaux modèles, toujours en adéquation avec notre nature d’Européens. L’universalisme est une marque de l’apogée d’une civilisation, car il est facile d’assimiler lorsque l’on est hégémonique et que l’on fascine le reste du monde. Aujourd’hui, le tiers-monde continue à envier notre niveau de vie, mais est révulsé par les dégénérescences sociétales occidentales. Ils veulent la modernité technologique inventée par les Occidentaux, mais sans l’occidentalisation. Notre universalisme est désormais suicidaire. Nos défenses immunitaires doivent être reconstruites et cela passe par un repli sur soi. L’universalisme n’est bénéfique pour une civilisation que lorsque sa suprématie est certaine. Les Juifs Européens qui étaient cosmopolites, et atteints des mêmes dégénérescences que les autres Européens avant l’immigration de masse en Europe et la création d’Israël, n’ont pas eu le choix que de retrouver une identité forte et une capacité d’autodéfense idéologique, morale et militaire car confrontés aux peuples musulmans du Moyen-Orient. Il en valait de l’existence même d’Israël. Le taux de fécondité des Israéliens est de 2,9 enfants par femme, le plus élevé des pays développés. Aussi, les Juifs d’Europe n’ayant pas fait leur Alya ont assez vite changé de camp. Majoritairement cosmopolites et de gauche au XXe siècle, parce que membres d’une minorité réclamant de faire partie du jeu politique, puis parce que traumatisés par l’holocauste, ils sont désormais majoritairement hostiles à l’immigration extra-européenne, dès lors qu’ils ont commencé à comprendre qu’ils allaient être les premiers à souffrir si les autochtones Européens devenaient minoritaires sur leurs terres. À l’inverse, les Juifs restés aux Etats-Unis votent toujours à 70% pour le parti Démocrate car ils ne sont pas confrontés à une immigration musulmane qui leur est hostile, contrairement aux Juifs d’Europe. Aussi, en Israël, même les Juifs de gauche conservent une identité forte, principalement basée sur l’ethnie. Chaque Juif israélien sait que si les Juifs devenaient minoritaires en Israël, alors c’en serait fini d’Israël. Nous devons opérer la même volte-face, le même retour des mentalités identitaires que les Israéliens et les Juifs restés en Europe. Il faut mettre fin à notre domestication, notre compassion universelle et notre incapacité à la violence raisonnable. Israël est un exemple pour les Européens qu’il est possible de passer de la décadence à la vitalité en peu de temps, dès lors qu’une civilisation fait face à un péril imminent. L’immigration de peuplement en Europe en est un. Le graphique ci-dessous devrait terrifier chaque Européen.

Pour en revenir à la comparaison avec l’Empire Romain, si rien n’est fait, les Africains joueront probablement le rôle des Germains : un profond réservoir démographique déferlant sur une civilisation en déclin qui n’a plus les moyens démographiques ni intellectuels de se protéger.

Conclusion

Les processus de décivilisation sont semblables à l’entropie dans l’univers. Ainsi, la mise en place de mesures contre la dénatalité, la socialisation, et l’immigration extra-européenne de peuplement, ne peuvent que ralentir le processus de décivilisation. Dans le meilleur des cas, nous pouvons peut-être le stopper localement et momentanément. Le jeu de la vie et les automates cellulaires illustrent comment un univers basé sur un petit nombre de règles simples, peut aboutir sur un système complexe incluant des structures autoréplicantes, s’apparentant à des formes de vie sommaires. Tous les systèmes complexes obéissent aux mêmes lois physiques et ont besoin d’énergie pour s’autorépliquer. La réplication de l’ADN, les cellules qui constituent les êtres vivants, les tornades, les feux de forêt, et les sociétés humaines n’échappent pas à ces règles. Les villes et les civilisations humaines sont des formes de systèmes complexes parmi d’autres. Ce sont des structures dissipatives qui se nourrissent d’énergie humaine (bras et cerveaux), et leurs règles de base sont celles de la biologie et de la psychologie humaine. La civilisation est d’abord un mouvement vers la cité ; l’urbanisation. Cette urbanisation permet la mise en réseau des talents humains et la croissance économique associée. Les cités ont besoin d’énergie pour vivre (d’Hommes) et aspirent les populations des campagnes pour toujours grossir. Au fur et à mesure que les campagnes se vident, la natalité dans les villes s’effondre car les individus sont les uns sur les autres, et ont tellement gagné en confort matériel que la reproduction n’est plus une priorité. C’est le processus de civilisation qui produit le processus de décivilisation. Atteindre un point d’équilibre, dans lequel la cité serait durablement stable en population et toujours fonctionnelle, est probablement impossible. Soit la structure grossit tant qu’elle peut dissiper de l’énergie (toujours plus d’Hommes), soit elle périclite. Il s’agit d’une loi physique. Ce qui est valable à l’échelle de la cité vaut aussi à l’échelle de la civilisation, qui n’est qu’une mise en réseau de plusieurs cités. Pour ne pas s’effondrer après avoir consommé toute l’énergie du territoire, c’est-à-dire une fois les campagnes vidées, les villes doivent faire venir de la main-d’œuvre d’autres peuples peu ou pas civilisés, pour continuer à faire tourner la machine. Et ce, jusqu’au basculement du rapport de force. C’est pour cela que la démographie déclinante est la cause première de la décivilisation.

Ces processus sont universels et les déclins civilisationnels sont généralement mondiaux. L’effondrement de l’âge du bronze (empires mycéniens, hittite et égyptien) a atteint toutes les civilisations, mais l’empire égyptien a survécu des siècles durant. Le lent déclin de l’Empire Romain a touché également toutes les civilisations antiques, mais la Grèce inclue dans l’Empire Byzantin est restée l’Etat le plus riche du monde durant encore des siècles jusqu’à sa conquête par les Ottomans au XVe siècle. Il n’est donc pas impossible d’échapper à la barbarie. Certaines régions d’Europe resteront flamboyantes pendant encore longtemps, tant qu’elles continueront à lutter contre la décivilisation.

Aussi, prendre conscience de ces processus constitue le premier pas vers l’acquisition d’une certaine capacité à y échapper. Connaître ses propres déterminismes, c’est obtenir la possibilité de les combattre. De la même manière qu’un individu conscient de ses pulsions peut les contrôler et ainsi augmenter son libre arbitre, des élites conscientes de ces processus pourraient mettre en place les mesures nécessaires pour atténuer le processus de décivilisation. Ignorer ses propres déterminismes, ce n’est pas la liberté, ce n’est que l’illusion de la liberté. Il ne faut pas voir les grandes lois de l’univers comme une justification du fatalisme. Au contraire, comprendre les processus de civilisation et de décivilisation, c’est s’offrir le potentiel de sortir de la boucle qui semblait irrémédiable de prime abord.

Pour comprendre ce qu’il va advenir des Européens, l’historionomie, qui transparaît tout au long de cet article, est d’un grand secours. L’historionomie est l’étude des schémas et des récurrences dans l’Histoire. Elle identifie trois grands cycles de civilisation-décivilisation européennes. Chaque cycle contient, entre autres, un binôme de civilisation. D’abord une première civilisation morcelée en plusieurs entités, ce qui favorise la compétition, le développement et une domination de l’espace auquel cette civilisation a accès. Puis une deuxième civilisation inspirée par la première émerge, mais est cette fois constituée d’un seul Etat qui finit par dominer la totalité du monde connu, y compris la première civilisation dont il est issu. Le premier cycle discernable est celui de l’âge du bronze avec le couple Crète / Empire Mycénien. Le deuxième cycle est celui du monde antique, avec le couple Grèce antique / Empire Romain. La décivilisation que constituent les siècles obscurs antiques et le Haut Moyen-Age entrecoupent les cycles de civilisation. Nous en sommes au troisième cycle, qui fait intervenir le couple Europe / Etats-Unis. Selon l’étude de ces récurrences historiques, Les Etats-Unis n’en sont pas encore au stade d’hégémon. En effet, Rome emporte l’adhésion d’abord par son attractivité économique et philosophique (isonomie et liberté) additionnée à sa capacité militaire, puis dégénère en empire quasi-totalitaire qui impose sa domination par la force. Pour reprendre des termes géopolitiques plus modernes, l’hégémon s’étend d’abord grâce à son softpower, puis continue son expansion et se maintient par le hardpower. Les Etats-Unis n’en sont encore qu’au début de cette transition, ils sont toujours un Etat relativement démocratique. Le manque de liberté et l’autoritarisme débouchent alors sur une dégénérescence de l’hégémon, qui entraîne ses provinces, dont l’Europe fait partie, dans la décivilisation. Or, l’Europe n’est encore que partiellement vassalisée par les Etats-Unis. La phase aiguë de décivilisation européenne n’est donc probablement pas pour tout de suite. Quelques générations peuvent encore s’écouler. Encore une fois, prendre conscience des schémas historiques, c’est faire le premier pas pour permettre de s’en éloigner. Rien n’est écrit d’avance.

Par ailleurs, ce qui a rendu possible la longueur des siècles obscurs antiques et du Haut Moyen-âge, c’est la perte du savoir européen. La décivilisation a détruit la transmission des connaissances, qui était alors majoritairement orale et seulement écrite dans de rares ouvrages. Des technologies ont même été perdues durant des siècles. Aujourd’hui, cela paraît bien plus difficile. Certes, les livres ne contiennent pas tout, comme le montre la perte de savoir-faire dans le domaine de la fission nucléaire en France. Mais le savoir écrit à jamais numériquement rend difficile une perte généralisée et durable de connaissances. Un simple disque dur peut contenir une part significative de notre savoir collectif. Posséder un manuel accélérera significativement la redécouverte de n’importe quelle technique ou idée oubliée. Aussi, la diffusion technologique ne faisant que s’accélérer, l’ensemble des Européens pourrait continuer à bénéficier des nouvelles technologies des centres d’innovation qui n’auront pas encore décliné. Il n’est donc pas impossible que le niveau de vie des Européens, lors de la phase aiguë de décivilisation, reste malgré tout autant, voire supérieur à notre niveau de vie actuel. Si les progrès techniques continuent à un rythme constant avant le creux de la vague civilisationnelle, alors cette phase pourra n’être pas si terrible à vivre.

Les technologies du XXIe siècle vont profondément altérer l’humanité. Que ce soit l’édition du génome grâce à CRISPR-Cas9, l’intelligence artificielle de moins en moins stupide, la robotique, ou encore les interfaces cerveau ordinateur. Ces bonds technologiques auront des conséquences positives, et leur lot d’aliénations, il en va de toutes les technologies. Comme à chaque fois, les conservateurs, ici les bioconservateurs, perdront. Les conservateurs ont toujours échoué, sinon nous en serions encore à la chasse et à la cueillette. Une certaine partie de l’humanité serait d’ailleurs sûrement plus heureuse ainsi, mais c’est une autre discussion. Ces nouvelles technologies vont révolutionner nos modes de vie et ceux qui les refuseront seront condamnés à vivre en Amish. La civilisation européenne en sera profondément modifiée et il est difficile de savoir quels ajouts nos descendants vont mêler à l’héritage que nous leur laisserons. Il faut continuer à transmettre ce qui fait de nous des Européens et nos descendants se chargeront d’insuffler à leur nouvelle civilisation le meilleur de ce que nous avons pu leur laisser, tout comme nous avons fondé notre civilisation sur la philosophie grecque, le droit romain, le Christianisme et y avons ajouté le libéralisme et le progrès technique en tant qu’idées et buts conscientisés. Peut-être que leur progrès technique leur permettra d’avoir un mode de vie parfaitement écologique, contrairement à bon nombre de nos technologies actuelles qui ont encore bien des externalités négatives ? Malgré deux périodes de décivilisation (Haut Moyen-Age et siècles obscurs antiques), les Européens finissent toujours par renaître, d’une manière ou d’une autre. Il y aura un Quatrième Occident, et il sera grandiose.

1 comment
  1. Article long, mais très instructif.

    On-ne-peut-plus-d’accord sur le lien entre confiance mutuelle, planification et civilisation.

    Toutefois, la partie où vous parlez du peu de contraintes reproductives sur les hommes est selon moi erronée. Il faudrait sinon prouver que le refuge dans les mondes virtuels se fait par choix délibéré et non par dépit…

    Tout d’abord, les femmes ont factuellement plus de droits reproductifs que les hommes (abandon de paternité et tests de paternité impossibles en France). De plus, un père non-biologique va être considéré comme père légal (contre son gré ou pas) par des juges. Ce n’est pas le manque de pression qui empêche les hommes de s’investir reproductivement, c’est même l’inverse qui peut se produire. Une compétition intra-sexuelle trop haute chez les hommes va clairement nuire à la fertilité. Par exemple, Brooks et al (2022) trouvaient plus d’activité en ligne évoquant les « célibataires involontaires » la où la compétition intra-sexuelle était plus haute à cause de différents facteurs : ratio sexuel biaisé contre les hommes, égalité sexuelle plus grande (au niveau des salaires), peu de femmes célibataires, etc. Le ratio sexuel (nombre d’hommes sur celui de femmes dans la population) n’est pas avantageux pour les hommes dans les pays occidentaux (avantageux : ratio supérieur à 1 ; alors, les hommes ont moins de pression pour trouver un partenaire). C’est cependant peut-être le cas au Japon.
    Les applications de rencontre, qui deviennent le moyen de formation de couple le plus utilisé, accentuent cette compétition intra-sexuelle masculine (notamment par ratio sexuel très, très biaisé, mais pas uniquement). De même, il est admis que le statut économique de l’homme est un critère féminin dans les rencontres (et que la réciproque n’est pas vraie). Et tout le monde ne peut pas être riche… C’est pourquoi l’égalité salariale devient aussi un obstacle à la fertilité (pour un exemple des plus cyniques, se référer à l’article « Broke men are hurting American women’s marriage prospects », du New York Post).

    S’il y avait véritablement moins de pressions sur les hommes concernant la reproduction, on observerait de hauts niveaux d’activité sexuelle et un taux de natalité faible. En pratique, on observe des taux très bas (et inégalitaires), en concert avec cette basse fécondité. Voir sur le sujet les études de Ueda et al, ou encore les sondages IFOP en collaboration avec Sidaction. Au bas mot, au moins un homme occidental sur cinq, chez les moins de trente ans, n’a pas couché l’an passé, même une fois, même de manière récréative. Du côté des femmes, l’activité sexuelle est un peu plus haute.

    L’explication économique est très juste, mais ne croyez pas qu’elle s’impose uniquement au sexe féminin. Ajoutez à cela un climat culturel relativement hostile, et l’on obtient un marché reproductif en piteux état.

    Vous avez évoqué le cloaque comportemental. À partir d’une certaine densité de population, on observait de curieux changements de comportements reproductifs : certains mâles s’en retiraient, évitant ainsi une compétition qui s’intensifiait, et étaient ceux qui présentaient la meilleure santé.

    Bonne soirée.

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