Décroissance : protection de l’humain… trop humain, dans un système démocrate… trop démocrate

Il y a des articles qui ne me font pas plaisir d’écrire. Et puis il y a celui-là pour lequel affirmer une telle chose est encore en dessous de la réalité. Cela m’embête pour vous en premier lieu, car vous êtes en train de lire cet article et, à moins que vous ne preniez des précautions particulières, vous laissez une trace de requêtes HTTP qui vous vaudra sûrement un aller simple dans les geôles des futurs régimes qui s’annoncent. Vous pouvez encore partir et prétendre à une erreur. Pour ma part, en tant qu’auteur, mon sort est scellé.

Mais il faut bien que quelqu’un s’y colle. Houston ? On a un problème. Des franges de droite ont succombé aux sirènes socialistes. Ils pensent qu’il faut stopper la croissance. Comment est-ce possible ? Après tout le travail pédagogique que j’ai effectué ? Je disais dans une émission avec Lino enregistrée en août, où on aborde ces questions, que je n’écrirais pas un tel article, mais voilà où nous en sommes.

Comme j’ai peut-être de nouveaux lecteurs qui vont tomber sur cet article, j’aimerais rappeler deux choses.

La première, c’est que je ne suis pas très brillant. Vous pouvez me voir comme un DJ usant de samples de gens brillants qu’il concatène et qui semblent bien s’enchaîner. Je préfère le préciser puisque je vais être amené à critiquer les travaux d’économistes qui sont quant à eux brillants, puisqu’ils sont reconnus par l’État.

La deuxième, c’est que les sociétés humaines sont des structures dissipatives, qu’elles sont soumises aux lois de la thermodynamique et que l’entropie est une mesure de l’information, de l’ordre et de l’énergie dudit système.

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La croissance de quoi et pour quoi ?

La croissance, mais « la croissance de quoi et pour quoi ? » demandait Simon Kuznets, un économiste studieux à Harvard alors même qu’il avait lui-même proposé le terme quelques années plus tôt. La meilleure réponse à apporter à Kuznets se doit de reposer sur des principes physiques. À ce titre, nous devrions parler de la croissance de notre extropie (réduction d’entropie locale) et dans quel but ? Ça, c’est LA grande question. C’est celle-là même qui séparera les humanistes des post-humanistes. Il s’agit respectivement de ceux qui pensent que l’Homme est une finalité et que nos actions doivent servir l’humanité, et ceux qui pensent qu’il y a quelque chose de supérieur et que nous, humains, ne sommes que de tristes pions. De façon simple, et pour me mouiller à donner une réponse, bien que partielle, je dirais qu’il convient de parler de la croissance de la connaissance. Il n’y a pas de raison de vouloir moins de connaissance. On peut alors aboutir au schéma suivant.

Il y a chez les décroissants et les bioconservateurs (qui sont souvent les mêmes) une crainte de voir l’humanité disparaître, par le haut ou par le bas. C’est-à-dire, devenir plus tout à fait humains ou ne plus être du tout. Car en réalité, ils sont conscients que, quoi qu’il arrive, la planète s’en remettra, ce qui fait d’eux des humanistes, et non des écologistes à proprement parler.

« On ne peut pas avoir une croissance infinie dans un monde fini »

C’est leur leitmotiv. Le raisonnement est simple, si j’ai 4 Snickers dans mon placard et que je n’ai pas le droit d’aller au supermarché, je ne pourrais pas en manger plus. Si je ne suis pas seul dans la maison, on va peut-être même se battre pour le dernier, donc il vaut mieux se poser calmement, et partager les Snickers équitablement. Sauf que la maison est la planète Terre et les Snickers sont les énergies fossiles. Ça semble logique.

De façon maline, je faisais remarquer à Xavier Sassi qu’en réalité, d’un point de vue théorique, on peut tout à fait concevoir une courbe asymptotique croissant à l’infini entre les valeurs 0 et 1. Il est donc théoriquement possible d’avoir une croissance infinie dans un intervalle fini. Pour le dire plus clairement, il est possible d’avoir une croissance asymptotique infinie mais pas exponentielle. Il accusa cela de pirouette rhétorique, et il n’a pas tort, c’était ma volonté initiale, et je sais bien que les maths ne sont pas de la physique.

Vertumne a peu goûté à mon propos

Mais étudions cela du point de vue physique. Quel est notre « 1 » dans le monde physique ? Les ressources fossiles ne sont jamais que de l’énergie solaire qui s’est accumulée au fil des années. Une grande partie de l’énergie dans notre système solaire provient du soleil sous forme de rayonnement électromagnétique, dont une fraction est captée par la Terre. Cette énergie solaire est à la base de presque tous les cycles énergétiques sur Terre, directement ou indirectement. En réalité, on pourrait pratiquement restreindre l’idée d’énergie disponible du système solaire à l’énergie produite par le soleil lui-même. Notre véritable limite physique, en tant que terriens, théoriquement, est le soleil.

Cependant, même si nous capturions toute l’énergie émise par le soleil (ce qui n’est pas réaliste), il y aurait toujours des limites physiques, thermodynamiques et pratiques à la manière dont nous pourrions l’utiliser efficacement. Cela dit, la quantité d’énergie que le soleil dégage est si vaste par rapport à nos besoins actuels que, pour une grande partie de l’avenir prévisible, notre capacité à utiliser cette énergie sera probablement limitée par la technologie et les infrastructures, et non par la quantité d’énergie solaire disponible.

Si l’on voulait formuler une équation pour modéliser une croissance basée sur la disponibilité d’énergie solaire, elle pourrait être de nature logarithmique ou d’une autre forme qui approche une limite asymptotique. Une forme possible serait celle d’une fonction logistique, qui commence par une croissance exponentielle, mais ralentit progressivement à mesure qu’elle s’approche d’une limite ou d’un plafond.

​L’équation pourrait ressembler à :

Où :

  • P(t) est la puissance (ou l’énergie) utilisée à un moment t.
  • K est la capacité de charge, ou la limite maximale d’énergie que nous pourrions raisonnablement extraire et utiliser (ceci serait bien en dessous de la production totale d’énergie du soleil, compte tenu des contraintes pratiques).
  • P0​ est la puissance initiale à t=0.
  • r est un taux de croissance (qui peut être influencé par la technologie, l’infrastructure, etc.)

Lorsque nous parlons d’une croissance asymptotique, cela signifie que la croissance se poursuit indéfiniment, mais sans jamais atteindre sa limite, c’est-à-dire qu’elle s’approche de plus en plus près d’une certaine valeur sans jamais l’atteindre exactement. Dans le cas de la fonction logistique que j’ai mentionnée, cette limite est
K, la capacité de charge.

La caractéristique principale d’une croissance asymptotique est que, même si la croissance continue à l’infini, l’augmentation effective ralentit et devient négligeable après un certain temps.

Pour mettre cela en perspective avec l’énergie solaire : même si nous améliorons continuellement notre capacité à capter et utiliser l’énergie solaire, à un certain point, nos gains seront minimes par rapport à la quantité totale que nous pourrions théoriquement capter, et nous nous rapprocherons de plus en plus de cette limite sans jamais l’atteindre complètement. C’est ce que l’on entend par croissance infinie mais asymptotique.

Oui, mais… on a bien l’impression que le progrès technologique est exponentiel, alors ce modèle ne coïncide pas avec la réalité. Attendez un peu…

Si nous examinons la dérivée de P(t) par rapport au temps t pour obtenir le taux de croissance effectif, il sera clair que ce taux diminue à mesure que P(t) augmente.

La dérivée de P(t) par rapport à t donne le taux de croissance instantané de P. Pour la fonction logistique :

Ce qui est intéressant ici, c’est que lorsque P(t) est petit (proche de 0), le taux de croissance est approximativement rP(t), ce qui est proche d’une croissance exponentielle. Mais à mesure que P(t) se rapproche de K, le terme (1−P(t)/K​) se rapproche de zéro, ce qui ralentit la croissance.

En termes simples, le taux de croissance effectif diminue avec le temps et se rapproche de zéro à mesure que P(t) s’approche de sa capacité de charge K. La courbe de notre équation principale donnerait alors une forme de S.

Si cette approche est correcte, et que la limite est effectivement en premier lieu nos moyens techniques, alors il serait plus pertinent d’imaginer une singularité technologique comme une chose qui explose très vite, puis qui se stabilise par la suite. La singularité technologique pourrait alors n’être qu’un type particulier d’un phénomène qui est déjà arrivé. Avant la singularité technologique, on peut imaginer qu’il en est arrivé plusieurs auparavant. En premier lieu celle du pouce opposable qui nous fait entrer dans l’ère de la technique, puis la maîtrise du feu prométhéenne vers 300,000 ans qui est peut-être à l’origine d’homo sapiens. Par la suite une autre singularité biologique qu’on pourrait attribuer à la révolution cognitive telle que l’imagine Harari en la datant vers -70,000 ans. On pourrait ajouter une singularité dans la pratique de l’agriculture vers -8000 avant JC. La roue permettra aux Yamnayas de s’approprier une très large partie du monde, il y a 4500 ans. Enfin, on pourrait aussi imaginer la modernité comme une singularité mémétique, qu’Harari nomme révolution scientifique, avec l’introduction du zéro nécessaire à la mathématisation du monde et à la Révolution Industrielle.

Une meilleure représentation de l’accélérationnisme serait alors peut-être, une courbe en S plutôt qu’une exponentielle. Je donne l’idée.

Introduit en Europe principalement grâce aux travaux du mathématicien italien Fibonacci, en 1202, en facilitant la comptabilité précise et les calculs financiers complexes, le zéro a joué un rôle crucial dans le développement des pratiques commerciales, financières et économiques qui ont conduit à l’émergence et à l’expansion du capitalisme en Europe et dans le monde. Sans le zéro, les systèmes économiques modernes, basés sur le crédit, l’investissement et le commerce international, auraient été impossibles ou, du moins, considérablement différents et moins efficaces. Le zéro pourrait incarner à lui seul l’accélération. Que s’est-il passé en Europe à cette époque de spécial alors que le zéro existait déjà ailleurs ? Pourquoi 0 + Européens = Accélération. Les travaux de Joseph Henrich sur le rôle du christianisme et la psychologie WEIRD nous donnent sûrement une partie de la réponse. Il y a peut-être bien eu une singularité mêlant biologie et mémétique mais je ne crois pas que cette spécificité fut maintenant conservée jalousement. Le monde entier est entré dans cette danse.

Il faut ajouter à cela la création de nouvelles institutions à partir de la Renaissance qui seront vraiment effectives avec les Révolutions américaine et française, puis la découverte du pétrole et vous commencez à voir comment nous avons effectué un tour complet de la boucle.

On peut alors imaginer que c’est un phénomène récurrent qui suit ce schéma, singularité informationnelle, puis énergétique et enfin organisationelle. On peut l’imaginer, mais pas l’affirmer. Quoi qu’il en soit, on obtient donc une succession de singularités humaine, capitaliste et technologique avec des humains n’étant déjà plus le personnage principal. D’où mon point de vue sur les humanistes défendant l’humain contre les post-humanistes défendant le processus – à ce titre, être capitaliste et humaniste serait un contresens, et je crois que c’est le cas.

On retrouve ici l’idée d’équilibres ponctués de Stephen Jay Gould qui défendait l’idée que l’évolution s’effectue par saccade, alternant des phases de changement fort et des phases de stagnation, et non de façon linéaire. En réalité, chaque organisme est une mini-singularité qui croît, puis stagne et, dans le meilleur des cas, engendre une nouvelle singularité avant de disparaître. Mais parfois, une mutation est introduite qui va radicalement changer la donne et donner une véritable singularité.

Cependant, il faudrait imaginer ces phases s’accélérant et se rapprochant à l’infini d’une asymptote.

Je n’affirme rien ici, mais je crois qu’il est concevable d’imaginer une croissance finie dans un monde fini, dont on perçoit une accélération liée à un temps réduit entre les phases, mais dont les conséquences sur la croissance vont en diminuant. Je dis bien que je CROIS (sans mauvais jeu de mots). Car ce que je veux mettre en avant est que dans nos points de vue, il y a une part de croyance.

Si j’ai raison, il semblerait que la croissance ne soit pas vraiment une « anomalie socio-historique »1 comme l’affirme Timothée Parrique. Elle ne serait pas exponentielle et perpétuelle effectivement, mais sigmoïdale et répétée. Elle serait l’œuvre de multiples singularités, un événement rare, mais pas une anomalie voulant qu’il y ait un retour à des sociétés humaines stationnaires. La sagesse des sociétés antiques imaginant un cosmos éternel pourrait tout simplement être trompeuse. La cosmologie adéquate semble être celle imaginant un cosmos en expansion de plus en plus rapidement et se fragmentant. L’autre bonne nouvelle, c’est que chaque singularité aurait en fait des conséquences de plus en plus minces. Donc on aurait moins à craindre de la Singularité Technologique que de la Révolution Industrielle et ce sera encore bien moins douloureux que pour la première larve munie de pattes, faisant l’expérience de ne plus être portée par l’eau en se traînant sur le sol, à bout de souffle (c’est du moins comme ça que j’imagine notre premier ancêtre terrestre, mais je ne peux pas garantir que ce soit exact.)

Comment est mesurée la croissance ?

Je ne parle pas de comment nous devrions la mesurer, mais comment nous la mesurons effectivement aujourd’hui. Pour dire les choses simplement, je ne crois pas qu’on devrait la mesurer purement et simplement dans l’absolu. C’est une tentative de mesurer l’utilité nationale qui me semble vaine. Pourtant, aujourd’hui, on cherche à capturer cette utilité nationale par l’augmentation du PIB. Kuznets avait une bonne raison de créer l’indice du PIB. Il cherchait à mettre un peu d’ordre dans le chaos de la Grande Dépression. Il utilisa alors la mesure du PIB comme proxy de la santé d’une société. Ah, le PIB ! Il mesure quoi exactement ? Éloi Laurent nous l’explique dans son livre Sortir de la croissance : « Le PIB mesure la production de biens et services échangés sur les marchés et monétarisé au cours d’une période donnée, en comptabilisant les flux de revenus, de dépenses ou de valeur ajoutée. La croissance désigne l’augmentation du niveau du produit intérieur brut à prix constants ». Jusque-là, je suis d’accord avec lui.

Puis, pendant les tumultes de la Seconde Guerre mondiale, une équipe d’économistes britanniques, avec John Maynard Keynes en chef d’orchestre, a repris la mélodie de Kuznets et lui a ajouté quelques notes. Les approches et les préoccupations de Kuznets et Keynes étaient quelque peu différentes. Kuznets s’est principalement concentré sur la mesure précise de la production nationale et sur les tendances à long terme de la croissance et de l’inégalité. Keynes, en revanche, était principalement préoccupé par les fluctuations économiques à court terme et par la manière dont la politique gouvernementale pourrait être utilisée pour stabiliser l’économie. En 1944, à la conférence de Bretton Woods, le PIB a alors été propulsé au rang de superstar des indicateurs économiques.

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Le PIB est-il un bon indicateur ?

Est-ce que le PIB est une mesure parfaite ? Ça dépend déjà de ce que vous comptez mesurer selon que vous soyez humaniste ou post-humaniste. Si pour vous, ce qui compte est la santé d’une société et le bien-être des humains composant celle-ci, alors, non, ce n’est pas une mesure parfaite. Si vous voulez mesurer le progrès des processus capitalistes, il est déjà meilleur, mais imparfait. Quoi qu’il en soit, les deux ne sont pas complètement décorrélés.

Est-ce que le PIB est une mesure parfaite de la santé d’une société ? Ma réponse est non. Existe-t-il seulement une mesure pouvant jouer ce rôle ? Devrait-elle nécessairement croître ? De la même façon, la fréquence cardiaque au repos est sûrement la mesure la plus importante pour juger de la santé, mais elle ne saurait fournir un bilan complet et vous ne voulez sûrement pas la voir croître indéfiniment. Elle donne une indication de la façon dont le cœur fonctionne. Un cœur en bonne santé est généralement plus efficace et a besoin de moins de battements pour pomper le sang, mais vous ne voulez pas la voir non plus décroître à l’infini. Un rythme trop élevé comme un rythme trop bas vous fournit une information capitale mais non-exhaustive. Vous voudrez cependant donc, bien évidemment, le mesurer efficacement.

Il en va de même pour le PIB. Est-ce qu’il est à l’heure actuelle une bonne mesure de la santé d’une société ? Non. Mais il pourrait n’être pas trop mauvais. Son problème n’est pas, en tout cas, comme l’affirme Timothée Parrique, de mesurer les valeurs d’échange, mais pas les valeurs d’usage2. Critique qu’il adressera aussi au progrès technique des économistes en général3. Quand j’entends ce genre de chose, mon alerte anti-commie se met à virer au rouge. Cependant, cette distinction fut initialement proposée par Adam Smith, alors je garde une réserve (même si ce n’était pas une idée pour autant plus brillante en étant formulée par Smith). Timothée Parrique aimerait que vous considériez la valeur que représentent ses activités d’écriture de livre décroissant, l’éducation de son enfant, l’organisation d’une association sportive, etc. Ce sont, selon lui, des valeurs d’usage à prendre en compte. Mieux encore, on a un nom pour cela en « économie féministe » ⸮4 On appelle cela les « forces reproductives »5. Mais pour les intégrer dans le PIB, il conviendrait donc de les mesurer. Timothée Parrique a la solution, « au lieu de créer de l’emploi pour créer de l’emploi, commençons par reconnaître certaines formes de travail comme méritant rémunération ». Qui va reconnaître ces formes de travail méritant rémunération ? Comment va-t-il leur conférer une valeur objective ? Qui va payer ? (Je rigole, ça, on a la réponse, c’est l’État, enfin, vous quoi). On dirait bien que les reproches qu’il fait au PIB sont un moyen d’amener sa propagande écologiste qui ressemble étrangement à une nouvelle intrusion étatique.

Sauf que, quand on parle de valeur, il faut se demander pour qui ? Si tu montes une asso de scrabble, je ne doute pas que cela aura de la valeur pour les adhérents, mais quelle est la valeur pour moi et donc pour la société en général ? La valeur est dans les yeux de celui qui y voit de la valeur. Les Bédouins sont restés assis sur des gisements de pétrole pendant des millénaires sans qu’ils n’aient la moindre valeur jusqu’à ce que les Européens y voient un intérêt. L’éducation de ton enfant n’a aucune valeur intrinsèque si ce n’est celle que des individus lui reconnaissent dans un but précis. Un objet n’a pas de valeur intrinsèque pour la société, car la valeur est une condition de l’échange des agents composants la société. Elle repose sur la subjectivité des agents. Si j’habite à côté d’une source, un verre d’eau a moins de valeur d’usage que si j’habite dans le désert. C’est cette subjectivité qui lui conférera une valeur d’échange différente. Une éducation différente aura une valeur différente, mais cette valeur sera reconnue subjectivement pour différentes raisons, par différents agents (un employeur, une épouse, un entraîneur de foot) mais pas par la société une et indivisible.

Alors, si je peux entendre que le PIB n’est pas l’indicateur parfait, car il ne prend pas en compte tous les échanges, je ne crois pas qu’attribuer une valeur arbitraire aux choses et les intégrer au PIB en soit une meilleure, car cela amène nécessairement à une intervention étatique qui va insérer un signal pernicieux sous couvert d’être objectif. Il serait cependant possible d’éviter cela par deux biais. 1) Faire en sorte que l’État ne soit pas un agent économique particulier et le rendre privé, 2) Mesurer le bien-être via des indicateurs annexes non-inclus dans le PIB. Quoi qu’il en soit, il faut à tout prix éviter d’ajouter des informations erronées dans le PIB.

C’est justement le problème de la croissance actuelle, même si on s’en tient à la seule mesure des processus capitalistiques. Et puisque Timothée Parrique aime les métaphores avec les médecins6, imaginons un médecin qui observe un patient dont la fréquence cardiaque au repos est anormalement basse, indiquant un possible affaiblissement du cœur. Pour remédier à cela, le médecin administre une dose d’atropine, un médicament qui augmente la fréquence cardiaque. Lors d’une seconde mesure, la fréquence cardiaque du patient est revenue à un niveau plus normal, montrant que le traitement a eu l’effet escompté.

Ce scénario peut être comparé à une économie en récession, où l’activité économique (représentée ici par la fréquence cardiaque) est en baisse. La banque centrale, jouant le rôle du médecin, décide d’intervenir en augmentant la masse monétaire (l’équivalent de l’administration d’atropine). Cette création monétaire vise à stimuler l’économie, à encourager les dépenses et à augmenter l’inflation. Lorsque l’inflation augmente (une seconde mesure), cela indique que l’économie se réchauffe, tout comme le cœur du patient bat plus rapidement après le traitement.

Alors vous vous dîtes, « Ah oui d’accord, tout cela est extrêmement logique, le médecin a soigné le patient et la banque centrale a soigné la société ». C’est du moins de cette façon que penserait un keynésien mais en fait, hmmm, pas exactement. Une fois les effets de l’atropine dissipés, la fréquence cardiaque peut revenir à son niveau initial, surtout si la cause sous-jacente du ralentissement n’a pas été traitée. L’atropine est un médicament qui agit temporairement pour augmenter la fréquence cardiaque en bloquant certaines actions du nerf vague sur le cœur, vous pouvez en reprendre régulièrement, mais vous ne vous attaquez pas à la cause. Si le problème vient de votre sédentarité associée à votre propension à vous enfiler des burgers, cela ne sera pas réglé.

Alors vous allez voir un autre docteur qui vous préconise de faire du sport et de surveiller votre alimentation. Fini l’atropine et on va mesurer les progrès réels. Du sport ? Des légumes ? C’est trop dur, et puis quoi encore ? En plus, il veut que je le paie alors que tous les efforts sont pour moi et qu’il ne me fournit aucun service ?

Alors vous allez en consulter un troisième cherchant un peu plus d’espoir. Il vous dit « Je vais t’attacher sur cette chaise et tu vas arrêter de bouffer comme un gros lard. Tu n’auras plus le droit de sortir de cette pièce, et fini l’atropine ». (« Est-ce que cela va améliorer mon rythme cardiaque docteur ?  », « Rythme cardiaque ? On s’en fout du rythme cardiaque. Arrête de poser des questions, c’est pour ton bien !! »).

Quel médecin choisissez-vous ? Sûrement pas le dernier, mais malheureusement, il est insistant et votre consentement n’est pas une option. Il a déjà commencé à installer la chaise. C’est très angoissant et votre réponse au stress fait chuter votre fréquence cardiaque encore plus.

On ne triche pas impunément avec le capital

De manière générale. Il est extrêmement important, lorsqu’on mesure une donnée, de ne pas se bercer d’illusions et de s’assurer qu’on capture cette dernière de façon efficace. Et comme on mesure cette chose qui est le résultat de nos actions et qu’on juge bonne et souhaitable, on a plaisir à la voir augmenter en en accumulant plus. Quelle que soit cette donnée, c’est cela le capitalisme.

Écoutez cet accent british.

Imaginez un pizzaïolo qui dresse le bilan des ventes dans sa pizzeria pendant un mois. Il comptabilise les revenus (y compris les pourboires au serveur), les dépenses (le coût des ingrédients) et la valeur ajoutée (la magie du chef qui transforme la pâte et la sauce en une délicieuse pizza et les autres frais). Et la croissance ? C’est comme si d’un mois sur l’autre, notre pizzeria vendait de plus en plus de pizzas, indiquant que les affaires sont florissantes. Donc, par la logique même de sa recette, le PIB nous donne une idée de comment se porte notre « pizzeria économique ».

Est-ce que le patron de la pizzeria en sera plus heureux ? Oui. Car c’est un salaud de patron qui veut maximiser son profit évidemment. Ou plutôt, plus simplement, car c’est un humain, qu’il aime augmenter sa puissance et que les recettes de la pizzeria sont une mesure de la bonne santé de son affaire. Le capital, c’est cela. Dès que vous voulez faire quelque chose qui fonctionne, vous commencez à faire du capital, car vous allez chercher à mesurer une valeur qui s’améliore. On pourrait imaginer que notre patron pourrait se satisfaire d’un certain chiffre et apprécier une stagnation7 – peut-être n’a-t-il pas de femme, la mienne me demande sans cesse de gagner plus – ou même qu’il serait content de voir ce chiffre descendre peut-être. Mais ça ne me semble pas très réaliste, car c’est un salaud de patron. Ou plus simplement, parce que son striatum reçoit des décharges de dopamine8 quand il fait mieux d’un mois à l’autre et qu’au contraire les humains éprouvent une énorme aversion à la perte9. On ne supporte pas d’avoir l’impression de perdre quelque chose et on est enthousiaste à l’idée de faire de nouveaux revenus. Et si son striatum est déficient, d’autres avec un striatum fonctionnel finiront par le déloger, – en formulant une offre de rachat qu’il acceptera – car il y a sélection naturelle des compagnies parvenant le mieux à maximiser les profits10.

Alors imaginez maintenant que son chiffre baisse pendant plusieurs mois d’affilée. Son état d’esprit se détériore, mais il lit les livres d’économistes de la NUPES expliquant pourquoi la décroissance, c’est mieux et il va maintenant beaucoup mieux… Non, c’est un salaud de patron qui se sent heureux quand il anticipe un nouveau revenu11. Donc il cherche un moyen de retrouver de la croissance.

Pendant 3 mois. Il se met à vendre des pizzas avec une offre « Achetez maintenant, payez plus tard » et ça cartonne. Les gens affluent et il enregistre bien l’argent qu’il va gagner, euh, plus tard, tant que les clients payent effectivement. Mais il fait confiance à ses clients, pourquoi ne paieraient-ils pas ? Alors il ouvre un nouveau restaurant, promeut quelques employés au rang de manager et ces salariés se mettent à modifier leur mode de vie pour s’aligner sur leur nouveau statut. Mais si un grand nombre de ces clients ne parvient pas à payer plus tard, la pizzeria pourrait se retrouver avec une montagne de dettes impayées et des licenciements forcés. Notre bon patron a invisibilisé un état défavorable en introduisant un signal erroné.

Le chiffre a bien augmenté chaque mois, mais c’était juste un chiffre décorrélé de la réalité matérielle. Et le retour à la réalité fait mal. Quel est le problème ? Un économiste de la NUPES vous dira que le problème est qu’il n’a pas intégré le bien-être des employés – mais en même temps, j’imagine qu’il ne faut pas les augmenter, car « dans une économie mondialisée où l’argent peut être utilisé pour acheter presque tout, tout pouvoir d’achat est un pouvoir polluant potentiel12 ». Or, le bien-être ou le mal-être des employés est une conséquence, pas la cause. Il les a d’ailleurs augmentés, mais le problème, c’est qu’il l’a fait sans en avoir les moyens. Ce que lui demandent ses employés est, en premier lieu, de bien gérer son business pour être payé le mois prochain avec de la vraie monnaie plutôt qu’une augmentation avec des billets de Monopoly.

De la même manière, une croissance du PIB alimentée par l’endettement peut donner une fausse impression de prospérité et nos États ont fait le choix de la virtualité ou pour pointer le coupable, du keynésianisme. Le keynésianisme, c’est la dose d’atropine, c’est la pizza gratuite, c’est l’argent gratuit de la création monétaire. Le problème quand on commence à mesurer un chiffre, c’est qu’on peut être tenté de tricher. Mais on le fait toujours à ses dépens.

Échec du keynésianisme

Le problème que nous observons n’est pas le problème de la croissance en soi ou du PIB. Il devrait donner lieu au procès du keynésianisme et plus généralement à la manipulation de l’inflation et l’introduction de signaux parasitaires visant volontairement à modifier le comportement des gens sur la base d’une mauvaise information.

Nous nous sommes construits au sein de nos sociétés occidentales modernes un environnement favorisant la consommation immédiate de tout et n’importe quoi en quête d’une croissance parfois illusoire ne s’accompagnant pas de la prospérité qui devrait être son vrai but.

Les gens font des choix tout à fait rationnels. Ils vont considérer une situation et choisir ce qui semble présenter une meilleure issue pour eux. Dans un contexte inflationniste, il vaut mieux acheter les choses tout de suite. L’inflation a tendance à effacer les dettes personnelles.

Imaginez alors qu’un agent gouvernemental ait la capacité de manipuler les taux d’intérêt dans le but d’encourager ou de freiner l’inflation. Pourquoi vouloir faire cela, me demanderez-vous ? Pour influencer le comportement des individus afin de les encourager à consommer dans une économie en récession ou au contraire de les en dissuader en cas de forte inflation. C’est une manière de « piloter l’économie ». Mais est-ce seulement souhaitable ?

Il faut bien comprendre ce que cela signifie. Dans un marché laissé à lui-même, les prix et les taux d’intérêt se régulent d’eux-mêmes et forment des systèmes de feed-back influençant naturellement le comportement des individus. Lorsque les banques centrales manipulent la politique monétaire, elles peuvent perturber ces signaux et créer des distorsions sur le marché. Par exemple, des taux d’intérêt artificiellement bas peuvent encourager un emprunt excessif et un investissement dans des projets qui ne seraient pas viables dans des conditions de marché normales.

Autrement dit, une intervention étatique ne peut que fausser le marché et introduire des erreurs. Cela devient une arme redoutable dans les mains du gouvernement. Afin de défendre un bilan honorable, le gouvernement va chercher à montrer combien il a permis la croissance, la création d’emplois, la réduction du chômage et d’autres mesures de performance clefs. Mais si ces chiffres sont le fruit de l’introduction d’erreurs dans le marché conduisant des acteurs à lancer des projets et embaucher à cause de cette fausse information, il faut s’attendre à un retour de bâton et à un échec à réellement produire de la prospérité.

Nos sociétés sont donc bien accros, mais ce n’est pas à la croissance, c’est à la création monétaire génératrice d’inflation. La croissance est la santé qui s’accompagne d’un sentiment de bien-être, l’inflation est une drogue qui produit un bien-être factice. L’introduction d’erreurs dans le système de feed-back du marché dirige l’utilisation de l’énergie vers des projets fallacieux. Après une période de croissance excessive alimentée par des taux d’intérêt bas, il peut y avoir une récession nécessaire pour réajuster l’économie. Les tentatives gouvernementales de prévenir ou de raccourcir ces récessions par des interventions monétaires peuvent, en réalité, aggraver ou prolonger les problèmes économiques. « L’argent a plu sur les fous pendant trop longtemps ». Et cela favorise l’érosion de la valeur de la monnaie (inflation) et la création de bulles financières.

C’est ça le « croissantisme ». C’est la croissance du PIB à tout prix, peu importe la façon de le générer et de le mesurer, et c’est effectivement une attitude néfaste. Cela ne signifie pas que la croissance est mauvaise en soi, cela signifie qu’il convient de la mesurer efficacement. Alors comment pourrait-on assainir cette mesure dans le contexte d’un État démocratique qui est le nôtre, en admettant au préalable qu’on ne fait plus tourner la planche à billets ? Voilà quelques pistes :

Exclure les « externalités négatives » : Les externalités négatives sont des coûts imposés à la société qui ne sont pas comptabilisés par ceux qui génèrent ces coûts. Autrement dit, il s’agit de conséquences indésirables de certaines activités économiques qui affectent les autres sans que ceux-ci ne soient dédommagés. Pire, on inclut dans le PIB les coûts de santé qui y sont liés. Si une entreprise pollue l’environnement, elle pourrait augmenter le PIB par ses ventes, mais les coûts de santé associés à cette pollution ne sont pas déduits du PIB. En excluant ces coûts, le PIB ajusté serait réduit, reflétant ainsi une mesure plus « propre » de la production.

Ajustements pour la dégradation des ressources : cela se réfère à l’utilisation ou à la destruction de ressources naturelles qui ne sont pas renouvelables ou qui sont renouvelées très lentement. La coupe de bois augmente le PIB, mais la forêt elle-même, en tant que ressource, a une valeur. Si elle est coupée sans replantation, il y a perte de cette valeur. Ajuster le PIB pour ces pertes donnerait une mesure plus durable de la production.

Valeur ajoutée vs valeur brute : la valeur ajoutée est la valeur ajoutée à un produit ou service à chaque étape de sa production ou distribution. La valeur brute, en revanche, compte toute la valeur à chaque étape. En ne comptant que la valeur ajoutée, on évite de compter plusieurs fois la même valeur. Cela donne une mesure plus précise de la contribution réelle de chaque étape de la production à l’économie.

Exclure certaines dépenses gouvernementales : Certaines (toutes ?) dépenses gouvernementales n’entraînent pas la production de biens ou services. Ces dépenses pourraient être des transferts, des subventions, ou d’autres paiements qui n’augmentent pas directement la production. En excluant ces dépenses, le PIB serait plus axé sur la production réelle de biens et services plutôt que sur la simple circulation d’argent.

Est-ce que le PIB serait une mesure idéale ? Sûrement que non, mais il serait déjà meilleur.

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Nouvelle offensive post-communiste

Les auteurs de la décroissance, comme Éloi Laurent, prennent les choses par le petit bout de la lorgnette en s’attachant au bien-être. Évidemment que cela aura un impact sur le bien-être des employés, mais je peux vous assurer qu’un restaurant avec une croissance réelle aurait un impact positif sur leur bien-être qu’ils pourraient améliorer avec plus de pourboires. Eux voudraient que le patron oublie le profit et se mette à compter le nombre de plantes vertes, de chatons et le bien-être des employés13. Ouvrez directement un bar à opium, cela ira plus vite.

Cependant, une fois qu’on retire à notre patron la capacité de hacker le chiffre virtuel, il va devoir chercher des solutions qui ont un impact réel sur son chiffre d’affaires et il va alors devoir chercher les causes du problème et les façons de l’améliorer. Appelons l’inspecteur Bouli. Quoi ? Les clients ne viennent plus à cause du goût des beignets et cela coïncide avec l’arrivée de notre brave sans papier venu à la nage du Mali ? On remercie Mamadou, on met quelques plantes vertes (pourquoi pas après tout) et on améliore ainsi la satisfaction de nos clients, qui reviennent. Mieux encore, il se creuse la tête et invente la pizza 5 fromages !! Wow, mais quel génie ! Personne ne l’avait fait avant et les clients font la queue pendant des heures pour goûter à ce chef-d’œuvre culinaire. Dans le capitalisme, comme dans l’évolution, les choses marchent globalement avec un léger surplus et de temps en temps avec une singularité reposant sur l’innovation. Cela lui permet de générer un vrai profit, d’ouvrir véritablement un nouveau restaurant stable financièrement et donc de rendre heureux ses clients et ses employés. C’est aussi cela le capitalisme.

Au contraire, nos économistes nupesques nous disent de leur côté que ce qu’il convient est d’oublier le profit14 (de la mauvaise foi, moi ? Éloi Laurent dit que le profit seul ne compte pas) et sortir du capitalisme15 pour se tourner vers le bien-être. Good luck with that chaps, car pour y parvenir, il va ni plus ni moins falloir détruire les chiffres. À partir du moment où il y a des échanges, il y a de la valeur et à partir du moment où il y a de la valeur, vous commencez naturellement à maximiser cette valeur et faire du capital. Ou du moins, il va falloir supprimer le zéro. Si vous ajoutez le zéro, alors vous obtenez l’élément nécessaire pour appréhender les choses avec une abstraction suffisante pour mathématiser le monde et le réduire à des équations. C’est l’élément qui fait passer la technique à de la technologie, pour reprendre une idée de séparation que Heidegger ou encore Kaczynski mettent en avant, qui permet le capitalisme et qui est donc l’élément fondateur du technocapitalisme.

Alors si vous voulez tuer le capitalisme, supprimez le zéro. Je vois bien qu’une large part d’Européens est en bout de course et qu’ils rêvent d’autre chose, mais ce ne sera pas la fin du capitalisme pour autant, et penser qu’on montrerait une nouvelle voie au monde me semble être un doux rêve. Ou alors supprimez notre striatum, car, contrairement à ce qu’affirme Timothée Parrique16, il y a quelque chose dans la nature humaine nous poussant vers cette tendance, et ce n’est pas qu’une convention sociale. Mais dans ce cas vous devenez, de facto, des transhumanistes créant des hommes OGM. Quoi qu’il arrive, il vous faudra aller contre la nature de l’homme, et, quand bien même vous y parviendriez, il faudra que cette nouvelle nature s’accommode des principes de la thermodynamique même, lesquels semblent bien être la raison profonde de notre recherche de croissance.

Les communistes n’avaient rien compris, car ils cherchaient la croissance17, eux vont réellement créer un monde meilleur, car ils vont voler l’argent des riches pour construire des biens publics18. « Le but d’une économie n’est pas de s’agiter, mais d’optimiser la satisfaction des besoins »… mais les besoins de qui ? Bin, de « nous »19. Ah vous allez satisfaire mes besoins ? Non, « NOS » besoins. Et on dirait alors que pour créer une entreprise, il faudrait définir une « mission de production » justifiant vos activités et comment vous allez satisfaire ces besoins « socio-écologiques »20. Ça sonne beaucoup comme « de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins », ça ressemble de plus en plus à un projet communiste mais bon, What could go wrong ? Pas de panique ! Ces besoins seront en fait décidés par une assemblée démocratique21. Ouf, alors tout ira bien. La sagesse populaire du suffrage universel va voter une nouvelle grille salariale avec des écarts de 1 à 422, ce qui sera parfaitement suffisant pour répondre aux besoins qu’on a défini collectivement.

La démocratie est essentiellement tragique parce qu’elle fournit à la population une arme pour se détruire, une arme qui est toujours saisie avec empressement et utilisée. Personne ne dit jamais « non » à la gratuité. Presque personne ne voit même qu’il n’y a pas de gratuité. La ruine culturelle totale est la conclusion nécessaire.

Nick Land, Obscure Accélération

Donc on résume, quelqu’un va décider de ce qui relève de vos besoins, on va donner des rémunérations à des individus participant à la satisfaction de ces besoins de façon objective. Si vous voulez créer une entreprise, vous devez justifier qu’elle réponde aux besoins sélectionnés, vous prenez les risques et vous aurez la chance de gagner 4 fois plus que le minimum syndical si vous parvenez à bien marcher. C’est tout bonnement ne rien comprendre à ce qui motive un entrepreneur à se lancer dans cette aventure. Mais puisque le but est de ne pas faire de croissance, c’est logique, ce sera efficace dans ce sens.

Je rigole, mais encore une fois, c’est tout ce qu’on peut attendre d’un mouvement voulant conserver l’humain. La seule voie cohérente est de suivre Kaczynski, de détruire non seulement la technique, mais encore le capitalisme ; et, par-dessus le marché, il faut que soit mondial, car tant que des franges continuent de le proposer, votre modèle souffrira de la comparaison. C’est peu ou prou ce que Timothée Parrique a compris à une échelle plus petite en mettant en avant que des bonnes intentions comme l’implantation d’un système d’échange local de garde d’enfants23 demande plus d’efforts de la part des parents qui se tourneront vers l’alternative commerciale, alors même que, selon lui, la première option les rendrait plus heureux. Le problème est donc l’existence d’une alternative capitaliste. Quand Julien Rochedy annonce une « guerre à mort » contre la « droite (gauche) libérale », il ne se rend en fait peut-être pas compte que sa véritable guerre ne repose pas sur une compétition de popularité entre deux perspectives. Il n’est pas en guerre contre moi, d’une, car ses propos ne me visaient pas, mais surtout, parce que si ce que je dis est correct, l’accélération est la position par défaut. Elle n’appelle pas spécialement à être défendue. Il déclare en fait la guerre au monde, à la nature humaine (au nom de la nature) et à l’univers. En revanche, il comprend bien que l’ennemi de ce combat est la liberté, car si on laisse les gens choisir, ils choisissent l’option capitaliste. Évidemment, car toute personne n’étant pas consciemment et volontairement contre l’accélération est, de facto, accélérationniste.

Et c’est pour cela que je ne suis pas tout à fait honnête en disant que je veux bien voir des exemples locaux de décroissance, car je sais qu’en réalité, la décroissance est condamnée localement. Mais si l’échec de votre système est dû au manque de volonté des individus d’y appartenir, car ils veulent en rejoindre un autre, ce n’est peut-être pas une bonne idée en premier lieu. Mais si, comme les Amishs, vous laissez la possibilité d’aller voir le monde moderne et de choisir de rester ou non, alors ça va. Vous aurez des individus choisissant votre modèle de leur plein gré et ce sera viable. Et les Amishs connaissent une forte croissance démographique. Donc, quand Daniel Conversano défend la croissance économique comme une bonne chose, car elle correspond à une volonté de se répandre, ce n’est pas vraiment ce qu’on observe. La croissance économique est l’expansion du capital. Au contraire, le refus de la croissance technocapitaliste peut s’accompagner d’une croissance démographique et les Amishs pourraient hériter du monde. (Aussi, il critique Spengler dans cette vidéo en disant qu’il n’aurait rien à apporter. Or, Spengler s’appuie sur les travaux de Boltzmann et des systèmes thermodynamiques ouverts, ce qui confère un intérêt à ses ouvrages encore aujourd’hui.)

L’option de la décroissance sera nécessairement totalitaire, car elle doit s’opposer au choix. Même si, et surtout si, elle est démocratique. Elle ne peut pas être autre chose en réalité dès lors qu’on comprend que les grandes idéologies de masse du siècle dernier étaient toutes démocratiques, car effectuées au nom du peuple, donc de l’homme. Les régimes précédant les révolutions étaient établis, eux, au nom d’un principe transcendant supérieur et donc vraiment élitiste.

#3 Fascisme et communisme

  • pilule bleue : Les désastres du fascisme et du communisme démontrent l’importance de la démocratie représentative.
  • pilule rouge : Le fascisme et le communisme sont mieux compris comme des formes de démocratie. La différence entre une démocratie à parti unique et une démocratie à plusieurs partis est comme la différence entre une tumeur maligne et une tumeur bénigne.
Curtis Yarvin, Le cas contre la démocratie : 10 pilules rouges

Je peux être d’accord avec les décroissants de gauche comme de droite pour dire qu’être vertueux est une bonne chose, qu’un patron devrait se soucier de ses employés, etc. On parle ici de valeurs morales, j’en ai, mais j’aimerais autant que l’État ne s’octroie pas le rôle de me dire lesquelles elles doivent être, même quand il est démocratique, surtout s’il est démocratique. Imaginez le bonheur de vivre dans une démocratie extrêmement moralisante sur l’écologie.

Mais ma morale inclut de ne pas voler les autres, même quand leur argent provient d’une rente. Comme le dit Yarvin, on ne peut pas imposer une responsabilité morale, mais une responsabilité financière, les deux ne sont pas identiques mais étonnamment similaires.

Étant donné le choix entre la responsabilité financière et la responsabilité morale, je choisirai cette dernière à chaque fois. Si l’on pouvait écrire un ensemble de règles sur papier et exiger que ses enfants et les enfants de ses enfants s’y conforment, toute sorte de principes éternels pour un bon gouvernement et une vie saine pourraient être établis.

Mais nous ne pouvons pas construire une structure politique qui imposera la responsabilité morale. Nous pouvons construire une structure politique qui imposera la responsabilité financière. D’où le néocaméralisme. Nous pourrions dire que la responsabilité financière est la matière première de la responsabilité morale. Les deux ne sont pas du tout identiques, mais ils sont étonnamment similaires, et l’écart semble pouvoir être comblé.

– Curtis Yarvin, Patchwork

Mais peut-on vraiment attendre une analyse pertinente d’Éloi Laurent qui pense que le problème de San Francisco est d’être une ville qui attire les start-ups et fait fuir les artistes et qu’il n’y a pas assez de diversité humaine24. Ah bon ? J’y ai vécu 3 mois et j’y suis passé d’un quartier de blancs homosexuels tout nus à un quartier de crackheads noirs. Les start-ups ne m’ont pas dérangé en revanche. Et comment prendre au sérieux un économiste qui nous encourage à redoubler d’effort dans la décroissance afin de permettre le développement du Tiers-monde comme Timothée Parrique ?25

Alors si la réponse « business as usual » n’est pas la solution, laquelle est-elle ? Je propose de commencer par la décroissance des chercheurs subventionnés en économie en les reconvertissant en agents immobiliers26.

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Vive la liberté

Le problème de Timothée Parrique est qu’il est lui-même un keynésien. Il pense que l’État doit « rouler sa dette27». L’idée que les gouvernements peuvent et doivent parfois s’endetter, en particulier pendant les périodes de ralentissement économique, est un élément central de la pensée keynésienne. Keynes a soutenu que pendant les récessions, les gouvernements devraient augmenter leurs dépenses (même s’ils doivent s’endetter pour le faire) pour stimuler la demande globale et sortir l’économie de la récession. L’idée que l’État est un agent économique unique qui n’a pas besoin de rembourser intégralement sa dette est en accord avec cette vision d’un État ayant des capacités financières distinctes de celles des ménages ou des entreprises. Il préconise alors les solutions qui ont amené le problème en premier lieu.

Maintenant, nous pouvons voir à quel point le système comptable d’Elbonia [Pays imaginaire fonctionnant comme les USA] est farfelu. Imaginez une entreprise qui choisit de dénommer sa comptabilité en ses propres actions. Disons que Google évalue ses actifs, comme ses bâtiments, en actions Google. Sa dette serait des promesses de payer des actions Google. Si elle versait des dividendes, chaque action pourrait engendrer 0,05 nouvelles actions. Ce serait une comptabilité véritablement perverse. Mais ce ne serait pas aussi pervers qu’un système dans lequel Google gérerait ses chiffres en termes d’actions d’un suivi interne qui représente une filiale dont les actifs et les passifs ne sont pas du tout définis. C’est ce qu’est la monnaie fiduciaire pour vous.

Curtis Yarvin, Lettre ouverte sux progressistes ouverts d’esprit (Partie 10)

Le problème est, depuis le début, l’intervention de l’État et des banques centrales, et nous avons des économistes tentant de nous vendre plus d’intervention de l’État au nom de l’écologie. Pourquoi ne parlent-ils jamais de revenir à une économie classique ? Après tout, Mises avait bien anticipé tout cela. Les libertariens sont même parmi ceux proposant des solutions les plus strictes niveau écologie puisque toute pollution par une compagnie devrait donner le droit aux individus de la poursuivre en justice pour les dommages subits, ce qui forcerait à rendre les compagnies responsables. Mais ces économistes font partie intégrante de la Structure Moderne et de sa fuite en avant. La Structure Moderne, telle que la définit Yarvin, repose sur trois aspects :

En gros, la Structure Moderne est le rejeton trisomique de trois mères Juke : la démocratie du XVIIIe siècle, la bureaucratie scientifique Mugwump et le protestantisme œcuménique principal.

Curtis Yarvin, Introduction to Unqualified Reservations

Pourquoi n’entendez-vous jamais s’exprimer d’économistes classiques, c’est-à-dire d’économistes autrichiens ? Il y a sur le marché environ un Autrichien pour 10 Chicago Boys et un Chicago boy pour 20 keynésiens. Pourquoi les keynésiens ont dévoré tout le marché ? Car leur solution, comme recommandation politique, reposait sur l’intervention de l’État. Ils se font dépasser par la gauche à présent qui fait le procès du keynésianisme en recommandant, encore davantage d’intervention de l’État. Les recommandations des économistes de la décroissance semblent s’inscrire comme un contre-modèle – on trouvera des acteurs politiques actuels réticents à ces recommandations – mais en réalité, ils sont simplement en avance sur leur temps.

Afin de dissiper tout malentendu : est-ce qu’il y a un réchauffement climatique ? Oui. Est-ce que l’homme y joue un rôle ? Oui. Est-ce que les énergies fossiles sont à l’origine de cet impact ? Oui. Mais pourquoi assiste-t-on à un tel emballement médiatico-politique ? Il y aurait des raisons extrêmement valables de s’inquiéter du changement de peuple en cours, pourtant, nous ne sommes pas étouffés par les études de scientifiques reprises par les médias. Alors pourquoi ce sujet en particulier connaît un emballement tel ? Parce que le sujet compatible avec la gauche est le changement climatique. Donc on voit la bureaucratie scientifique produire des données dont les puritains activistes s’emparent tentant de façonner l’opinion publique dans un contexte politiquement démocratique. Mais pourquoi ?

Les libertariens ont raison de s’opposer au keynésianisme, mais quand il s’agit d’identifier les processus dans les jeux de pouvoir, leur vision des choses est bien trop limitée. Pour eux, le seul détenteur du pouvoir est l’État. Mais de qui l’État reçoit le pouvoir en démocratie ? Des citoyens. Qui informe les citoyens ? Les médias qui leur disent ce qui est vrai, évidemment. Qui décide de ce qui est vrai ? L’Université. Qui attribue des fonds à l’Université ? L’État. La boucle est bouclée. Nous avons un système cybernétique qui repose sur l’échange d’information où tous les acteurs ont une influence les uns sur les autres. Alors, qu’est-ce que vous voulez éviter à tout prix ? Une introduction d’information fallacieuse qui fera inéluctablement tendre le système vers l’entropie.

Le rôle du gouvernement et du tiers-état sont inversés comparé à l’Ancien Régime. Dans une tripartition normale. Le religieux conseille le gouvernement qui définit les règles pour l’action du tiers-état. Sous l’Ancien Régime, le Roi et l’Aristocratie agissaient au nom du Catholicisme qui était tenu pour la vérité, pour le peuple. L’Église agissait au nom du peuple, pour le Roi, qu’elle sacrait. Et le peuple agissait au nom du roi pour le Catholicisme en voulant trouver le salut de son âme.

La Cathédrale a deux parties : les universités accréditées et la presse établie. Les universités formulent les politiques publiques. La presse guide l’opinion publique. […] La Cathédrale fonctionne comme le cerveau d’une structure de pouvoir plus large. […] La Cathédrale d’aujourd’hui n’est pas un culte de la personnalité. Ce n’est pas un parti politique. C’est quelque chose de bien plus élégant et évolué. Ce n’est même pas une organisation au sens conventionnel, hiérarchique du terme – elle n’a pas de Leader, pas de Comité central, rien du tout. C’est un véritable réseau pair à pair, ce qui le rend extraordinairement résilient.

Curtis Yarvin, Open letter to open-minded progressives (part 8)

Dans un système démocratique, la Cathédrale (Universités et médias) agit au nom de l’État pour le citoyen en lui disant ce qu’il doit penser. Le citoyen agit au nom de la Cathédrale pour le gouvernement en lui disant comment agir. Et l’État agit au nom du peuple pour la Cathédrale qu’il va financer afin de s’assurer de la qualité de l’information.

Cela peut fonctionner au début si le gouvernement est petit, que les gens qui gouvernent croient réellement à la liberté de la presse, que la presse croit réellement à l’importance de bien informer les citoyens et que chacun veut agir de façon désintéressée. Mais il y a déjà un problème, c’est que dans cette boucle, le domaine de l’action est confié principalement à l’État donc naturellement il va tendre à agir de plus en plus et à devenir obèse. Cela s’oppose frontalement au libéralisme car le citoyen doit dire à l’État ce qu’il doit faire donc lui dire « Le mieux c’est que tu ne fasses rien » n’est pas une réponse satisfaisante pour lui.

De plus, tant que des gens impartiaux gouvernent, tout va bien. Mais les impartiaux ont un gros désavantage contre les gens plus partiaux. Les impartiaux sont des idéalistes qu’on trouve au commencement d’un nouveau régime. Mais, étant impartiaux, ils ne pourront pas corriger les problèmes inéluctables que des gens plus partiaux vont introduire petit à petit pour servir leurs intérêts personnels.

Le mal a de nombreux avantages, car il peut recourir à des stratégies maléfiques, tandis que les bons se restreignent à atteindre de bonnes fins par de bons moyens. Cependant, la vérité a un grand avantage : elle sonne clairement, comme une cloche. Aucun mensonge ne peut la feindre.

Curtis Yarvin, Lettre ouverte aux progressistes ouverts d’esprit (partie 11)

Résultat des courses, les citoyens agissent de moins en moins et attendent de plus en plus de l’État pour agir et les agents de l’État prennent de plus en plus leurs directives directement de la Cathédrale qui tient leur réputation. On se dirige alors de plus en plus vers une apathie générale des citoyens et une toute-puissance de la Cathédrale. Qui a réellement le pouvoir dans cette séquence entre Xavier Bertrand et Anne Sophie Lapix ? « N’oublie pas qui t’as fait Roi ».

Le problème du keynésianisme est littéralement ici. L’État ne se satisfait pas de n’avoir rien à faire. Il est un des moyens faisant tendre le système vers l’entropie, mais pas le seul. Pourquoi l’état utilise la planche à billets ? Parce que des gens se moquent du long terme, ils veulent assurer leur bilan maintenant, donc assurer la croissance. Et c’est ça l’entropie d’un système, c’est la volonté de chercher le pouvoir pour son intérêt personnel et non pour une chose supérieure. Et il est impossible pour la droite d’employer des méthodes de gauche pour corriger les problèmes introduits car le problème est la méthode elle-même et cela reviendrait seulement à accentuer le problème. Si le problème est d’influencer l’opinion lui-même, vous ne pouvez pas corriger le problème en influençant l’opinion vous aussi. Vous ne jouez donc pas à armes égales. Comme l’a dit Edith Hamilton à Freda Utley : « Ne vous attendez pas aux récompenses matérielles de l’injustice tout en étant engagé dans la quête de la vérité ».

On pourrait croire que j’ai une vision complotiste de la chose. Ce n’est pas le cas. Je crois que ce sont des processus d’auto-renforcement centralisés et que Cthulhu only swims left. Il va s’opérer naturellement, via des boucles de renforcement, un système cybernétique qui va échanger de l’information (argent compris, c’est de l’information) au détriment du citoyen.

La Cathédrale est une boucle de rétroaction. Elle n’a pas de centre, pas de planificateurs en chef. Tout le monde, même les Sulzberger, est remplaçable. Dans une démocratie, l’opinion de masse crée le pouvoir. Le pouvoir détourne les fonds vers les fabricants d’opinions, qui en produisent davantage, etc. Pas un cycle très compliqué.

Curtis Yarvin, Lettre ouverte aux progressistes ouverts d’esprit (partie 14)

Afin d’obtenir le pouvoir, les agents de l’État vont financer les universités, qui vont créer « la vérité », que les médias vont reprendre, parfois même en la déformant, car les gens ne lisent que le titre de toute façon. Voilà pourquoi Yarvin parle de la bureaucratie scientifique, les puritains et la démocratie pour désigner la Structure Moderne. Il n’y a alors pas spécialement besoin que tous les acteurs appartiennent à un groupe secret agissant de concert, ni même qu’ils soient tous malintentionnés. Peu à peu, la structure va accumuler des erreurs informationnelles. Des mensonges purs et simples dans les journaux, mais aussi des subventions, du capitalisme de connivence, etc.

La Structure Moderne a de l’argent à jeter par les fenêtres pour relancer la croissance comme le propose Keynes. Keynes propose littéralement d’imprimer de l’argent, payer des compagnies pour le cacher dans les mines et attendre que des compagnies paient des gens pour le récupérer28. À défaut de mettre de l’argent dans des mines, nous avons ouvert des bureaux qui attribuent des subventions aux ONGs29, dont celles pour le climat et des projets, parfois fumeux, de croissance verte. Vous finissez avec non seulement un État obèse, mais encore avec une structure où énormément de personnes mangent au râtelier.

Une mauvaise pensée est toute pensée qui, si un nombre suffisant de personnes devaient la penser, pourrait menacer la sécurité de l’État. Une bonne pensée est toute pensée qui est utile à l’État, même si c’est simplement parce qu’elle occupe la place où une mauvaise pensée pourrait autrement se trouver.

Curtis Yarvin, Lettre ouverte aux progressistes ouverts d’esprit (partie 4)

Je crois que les scientifiques produisent globalement des travaux de qualité. Je ne remets pas en cause leurs études en elles-mêmes. Mais pourquoi ont-ils choisi de se pencher sur ce sujet plutôt que sur un autre ? La réputation, le prestige, donc le pouvoir. Il y a plus à gagner aujourd’hui pour un scientifique à faire des études sur les conséquences du réchauffement climatique que sur celui du Grand Remplacement. Il existe donc une récompense plus grande à se diriger vers cela. Dès qu’il y a un système de récompense, celui-ci tend à se renforcer. Le problème potentiel serait donc de voir l’opinion scientifique et l’opinion publique changer non pas pour suivre la vérité, mais pour suivre un système de récompense qui repose sur le pouvoir et le financement.

Il existe une caste, mais elle n’est pas figée. N’importe qui peut y entrer dès lors qu’il prête allégeance à cette boucle de rétroaction. N’importe quel jeune talentueux en quête de prestige peut rejoindre le club. Il viendra même avec les meilleures dispositions, mais fondamentalement, il va participer à ce système qu’au moins quelques acteurs ne désirant que le pouvoir participent à vicier. Et même certains arrivants avec les meilleures intentions trouveront sur leur chemin des gens pour leur expliquer que c’est en fait très bien de chercher à obtenir le pouvoir pour son intérêt personnel. Les idéaux initiaux ne deviennent qu’un prétexte. Les gens de gauche finissent par chercher et obtenir le pouvoir pour le pouvoir. On comprend pleinement cette tournure d’esprit en lisant cet article de New Republic sur les racines alinskyistes d’Obama dont Yarvin nous fournit un extrait.

La contribution d’Alinsky à l’organisation communautaire a été de créer un ensemble de règles, une approche claire et systématique que les citoyens ordinaires peuvent utiliser pour obtenir le pouvoir public. La première et la plus fondamentale leçon qu’Obama a apprise était de réévaluer sa compréhension du pouvoir. Horwitt dit que, lorsque Alinsky demandait aux nouveaux étudiants pourquoi ils voulaient s’organiser, ils répondaient invariablement par des bromures désintéressées sur le désir d’aider les autres. Alinsky leur criait alors en retour qu’il y avait une réponse en un mot : « Vous voulez vous organiser pour le pouvoir ! »

Galluzzo m’a partagé le manuel qu’il utilise pour former de nouveaux organisateurs, qui est peu différent de la version qu’il utilisait pour former Obama dans les années 80. Il est rempli d’ateliers et de titres de chapitres sur la compréhension du pouvoir : « analyse du pouvoir », « éléments d’une organisation de pouvoir », « le chemin vers le pouvoir ». Galluzzo m’a dit que beaucoup de nouveaux stagiaires ont une aversion pour l’approche terre à terre d’Alinsky parce qu’ils viennent à l’organisation en tant qu’idéalistes plutôt que réaliste. Mais le manuel de Galluzzo les instruit à surmonter ces blocages. « Nous ne sommes pas vertueux en ne voulant pas le pouvoir », dit-il. « Nous sommes vraiment lâches de ne pas vouloir le pouvoir », car « le pouvoir est bon » et « l’impuissance est mauvaise ».

L’autre leçon fondamentale qu’Obama a apprise est le principe d’Alinsky selon lequel l’intérêt personnel est le seul principe autour duquel organiser les gens. (Le manuel de Galluzzo va même jusqu’à conseiller aux stagiaires en lettres capitales : « débarrassez-vous des bienfaiteurs dans votre église et votre organisation. ») Obama était un fan du réalisme d’Alinsky. « La clé pour créer des organisations réussies était de s’assurer que l’intérêt personnel des gens était satisfait », m’a-t-il dit, « et non pas simplement basé sur un idéalisme irréaliste. Il y avait donc quelques principes de base qui demeuraient puissants à l’époque, et en fait j’y crois toujours ».

Curtis Yarvin,

J’admets avoir possiblement entièrement tort. Le changement climatique est peut-être extrêmement grave et je suis peut-être inconscient. Mais j’ai souvent l’impression qu’on me balance des listes d’effets négatifs comme la perte de biodiversité pour obtenir mon consentement alors que la majeure partie de ces effets ne me semblent pas insurmontables. Comme dit François Roddier « Bon bah, c’est comme ça, c’est la sélection naturelle ». Mais je suis entièrement disposé à mieux comprendre les enjeux si on m’explique calmement plutôt que de me crier dessus en disant « Wow, on en est là quoi. Avec toutes les études effectuées ? », car dans ce cas, j’ai seulement l’impression d’être face à un puritain.

Ou du moins, j’aimerais comprendre pourquoi les gens qui veulent me sensibiliser sur le réchauffement climatique ont vraiment à cœur, aussi, de m’expliquer pourquoi il faut ouvrir les frontières, lutter contre l’islamophobie30, etc. Il semble que le côté puritain et démocratique soit indissociable de ces revendications. Pourquoi il n’y a pas de financement sur les conséquences du Grand Remplacement ? Car c’est un sujet de droite et cela n’offre pas de pouvoir ?

Mais pourquoi la Structure Moderne favoriserait un tel emballement politico-médiatique ? Car elle est un régime démocratique en fin de course. On pourra toujours observer comment il y a eu une infiltration marxiste des universités ou attribuer les problèmes à n’importe quel acteur favorisant le « marxisme culturel », mais fondamentalement, c’est un processus naturel dans une démocratie en fin de course.

Vive le roi

Ô mes frères, suis-je donc cruel ? Mais je vous dis : ce qui tombe, il faut encore le pousser !
Tout ce qui est d’aujourd’hui – tombe et se décompose ; qui donc voudrait le retenir ? Mais moi – moi je veux encore le pousser !

Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra

Vive le roi ? Est-ce que je voudrais vraiment être paysan sous l’Ancien Régime ? Ba Non, c’est vrai ça. Je n’y avais pas pensé. Mais je vous avais prévenu dès le début de l’article que je ne suis pas extrêmement intelligent. Fin de la discussion. J’arrête ma posture. Yummy yummy la démocratie. À moins que… Vive le roi, quand même.

Quel est le fond du problème des différents acteurs évoqués ici qu’on pourrait nommer les décroissants de gauche, décroissants de droite et les progressistes de droite ? Même si les premiers sont technophobes et les seconds technophiles, ils font la même erreur. Ils ne comprennent pas que tout régime subit les lois de l’entropie. Aucun n’est mauvais par nature. C’est là où je ne suis pas d’accord avec Yarvin qui pense comme Hoppe que tout commence par une monarchie et finit en démocratie sous l’effet de l’entropie. La démocratie est bonne en son commencement quand elle vient régler des problèmes du régime précédent. Les démocraties libérales étaient nécessaires quand elles sont nées à leur époque pour libérer les forces productives engoncées dans un ordre trop rigide dirigé par des poudrés ayant perdu leur légitimité. C’est le problème de l’aristocratie en fin de cycle. Même l’instauration de la 5ème République était un bon nouveau départ sur de bonnes bases qui a produit de bons fruits. C’est pourquoi les gens de droite se tournent vers cela. Un réactionnaire regardera toujours vers l’origine et il a raison, c’est là que le système est encore fonctionnel. Mais elle avait déjà hérité du suffrage universel.

https://twitter.com/Nicolas_Sunrise/status/1708960729657700401?s=20

Quel est le problème d’une démocratie en fin de cycle ? Je suis d’accord avec Yarvin et Land ici. Tout système tend à mourir par là où il a péché ou, pour le dire de façon plus rationnelle, tout système cybernétique tend à produire une boucle de renforcement exagérant un problème en germe. La démocratie avait pour but de créer un contre-pouvoir populaire. L’opinion populaire y est donc un feedback extrêmement important. Mais peu à peu, un tel système aura tendance à chercher à diriger en produisant cette opinion plutôt qu’en la suivant. L’entropie d’une démocratie signifie devenir un système où règne le mensonge pour le bien d’une caste et contre le peuple.

Des gens, à droite, pensent qu’ils vont pouvoir, d’une certaine manière, tirer la couverture à eux pour imposer leur propre modèle. Vous n’appartenez pas au club, je n’appartiens pas au club et nous n’y appartiendrons jamais. Enfin je ne crois pas du moins, « Wait, You guys are getting paid ? ». Nous devons donc simplement dire ce qui nous semble vrai. Et désolé de vous le dire, mais aussi horripilant que soient les libertariens – Dieu sait qu’ils le sont -, ils ont raison sur ce point. Le problème actuel n’est pas la liberté, mais la démocratie. Elle ne le fut peut-être pas dès le début, mais elle l’est aujourd’hui en tout cas. En faisant le choix de la décroissance, vous vous opposez frontalement à la liberté et, sans le savoir, à l’élitisme. La décroissance ne peut qu’être de gauche car au nom de l’homme et du peuple. La décroissance est la protection de l’humain, trop humain. Alors je ne doute pas que vous allez convaincre beaucoup de gens, mais c’est la gauche qui tirera les marrons du feu.

En restant dans le même régime, vous ne pouvez que l’accompagner dans sa course vers le désordre ou le freiner sporadiquement. Vous pouvez rêver de le modifier de l’intérieur, mais, fondamentalement, même les plus conservateurs ne font que retenir une chose qui tombe. Les écolos de gauche incarnent la vieillesse du système qui accepte son état et sa mort. Leur pendant de droite n’est pas si différent en réalité en restant dans le cadre démocratique. Les progressistes de droite sont ceux qui refusent une telle chose et pensent qu’ils vont retrouver la vigueur des premiers jours. Ils ne peuvent même pas imaginer qu’un régime post-démocratique soit possible. Évoquer l’idée d’un roi est pour eux nécessairement un retour en arrière et donc une posture réactionnaire. Ça l’est effectivement chez certains, j’en conviens, mais pas chez Yarvin et balayer ces idées d’un revers de main en disant qu’on ne voudrait pas être paysan sous l’Ancien Régime, ne saurait être une réponse adéquate.

Je crois que toutes ces pistes ne feront qu’accompagner ce régime dans la tombe. Les écologistes ont raison, tout finit par décroître, c’est la loi de la thermodynamique, mais tout est aussi engendré. La question n’est pas tant de savoir comment accompagner ce régime dans sa décroissance que penser ce qu’il va engendrer, qui va croître en corrigeant les problèmes engendrés par la démocratie, avant de décroître lui-même plus tard. C’est cela le véritable progrès, que j’ai nommé Archéoprogressisme, qui comprend que le progrès est fait de cycles soumis à l’entropie. Contrairement à l’Anacyclose de Platon qui ne voit que le retour du même, il comprend que ce retour du même sert en fait une progression de la connaissance, ou du dévoilement pour le dire en termes heideggeriens. On pourrait alors parler d‘anascension – ou ananábasis pour n’utiliser que du grec (« Ana » (ἀνά) est un préfixe grec qui peut signifier « à travers », « de nouveau », ou « retour, ici d’une chose permettant l’ascension,« Anábasis » (αναˊβασισ) en grec) mais cela sonne trop comme une arnaque dieudonesque. Fondamentalement, le progrès de l’évolution repose sur la reproduction et on peut imaginer qu’il en va de même d’une société. Elle a régulièrement besoin d’un reboot, qui n’est rien d’autre que la production d’un nouveau système émergent de l’ancien. En cela, l’archeoprogressisme est un meta-neocaméralisme. Nick Land a identifié dans son article sur le meta-néocaméralisme que ce que Yarvin nomme néocaméralisme est un mode de fonctionnement particulier pour un patch de son patchwork mais que les autres patchs pourraient tout à fait choisir un mode de fonctionnement différent. De la même façon, l’archéoprogressisme contextualise le néocaméralisme dans une époque particulière.

La différence fondamentale entre un progressiste et un archéoprogressiste est que nos progressistes aujourd’hui, même ceux de droite dont les intentions sont tout à fait louables, ne feront qu’ajouter, ou retenir temporairement, l’entropie d’un système en fin de course. Défendre le progrès aujourd’hui dans le cadre de la modernité et de ses institutions démocratiques, c’est défendre l’accumulation de leurs problèmes et c’est donc ne pas défendre le progrès du tout.

L’Archéoprogressisme n’est pas fidèle à un régime, mais au progrès lui-même et soutient le régime capable de mieux le porter au sein de sa séquence historique selon les époques. Aujourd’hui, ce n’est plus la démocratie, c’est la monarchie telle que Yarvin le propose via le néocaméralisme. Vous comprenez la difficulté pour moi d’écrire un tel article, il révèle que je ne suis d’accord avec personne en France. Et si je voulais aggraver mon cas, j’expliquerais comment je crois que tout acte d’influenceur politique visant à développer une audience dans le but de participer au débat démocratique en vivant de cette action ne peut que conduire à plus d’entropie du système démocratique, car cet acte n’est pas bien différent de celui de nos dirigeants.

Et je trouve extrêmement bien que des gens comme Nicolas Faure et Daniel Conversano dénoncent cela, à raison. Ils me semblent témoigner de bonnes dispositions. Mais ils ne se rendent pas compte qu’ils créent, de facto, sans même le vouloir, un système similaire reposant simplement sur des opinions différentes, qu’ils veulent cependant dénué de mensonges, ce qui est une bonne chose. Je crois qu’ils disent sincèrement ce qu’ils pensent être vrai et je crois que si tout le monde disait ce qu’il pense être vrai alors il n’y aurait pas fondamentalement de problème. On peut toujours se tromper de bonne foi.

Le problème du régime actuel est qu’il repose intrinsèquement sur l’opinion. Influencer l’opinion des gens n’y changera rien, c’est le problème puisque vous vous lancez de facto dans la bataille d’opinion. Aucun influenceur d’opinion ne vous le dira, bien évidemment, mais je crois qu’ils n’en sont pas conscients de toute façon. Pire que cela, la nébuleuse droitarde complotiste alternative recrée un mini-système fonctionnant de la même façon, sur le mensonge, en plus grossier. Ils veulent votre opinion pour leur intérêt personnel, car, en démocratie, l’opinion a une valeur.

Bien que le comprenant, sommes-nous pleinement à l’abri de cela chez Rage pour autant ? Bien sûr que non. Imaginons que je me fasse doxxer et que ma seule façon d’envisager d’avoir un revenu était mon activité sur Rage. Je deviendrais peut-être exactement pareil. C’est pourquoi ma réflexion ne porte pas sur les individus, mais sur le fonctionnement propre du système démocratique en fin de course. Dans un système démocratique, où l’opinion politique a une valeur, alors l’opinion politique est source de pouvoir. Elle confère du pouvoir à son porteur en fonction du nombre de personnes d’accords avec lui. Dans un système démocratique et capitaliste, c’est aussi son capital en termes de revenus s’il monétise son contenu d’une façon ou d’une autre. Les élites démocratiques cherchent le pouvoir, les populistes de premier plan, de gauche comme de droite, cherchent aussi le pouvoir, les influenceurs politiques cherchent bien souvent simplement l’argent. Ou du moins, faute d’obtenir le pouvoir, ils finissent par se consoler avec un peu d’argent. Et c’est logique, car, fondamentalement, l’activisme a seulement du sens pour la gauche, car le pouvoir va vers la gauche, vers l’entropie. Si vous êtes un activiste de droite, sachez que vous n’aurez jamais le pouvoir, car il ne va jamais vers la droite. Et c’est pourquoi tous les influenceurs de droite finissent en boutiquiers pour marginaux alors que les activistes de gauche finissent aux postes de pouvoir. D’ailleurs n’hésitez pas à acheter nos ebooks ⸮ (Au moins vous savez à quoi vous en tenir en soutenant Rage, nous ne sommes pas des activistes, nous ne sommes pas dans le business de l’opinion, nous écrivons pour le plaisir de la réflexion, alors si vous y voyez un intérêt personnel, on recevra votre tip avec plaisir mais ne vous imaginez pas que vous financez une contre-culture qui va aider à prendre le pouvoir. Ce n’est pas le cas.)

Dans un cadre monarchique, où la possibilité de prendre le pouvoir en étant le plus populaire est limitée, l’opinion politique ne vaut plus grand-chose en termes de pouvoir comme en termes pécuniaires. On perd toujours à expliciter ses positions, mais je crois que ce que je dis ici est fondamentalement vrai, et la vérité devrait être la seule chose qui nous intéresse.

Je ne crois pas que vous obtiendrez le pouvoir de cette sorte ceci dit, la gauche est déjà dessus. Et la gauche est déjà dessus, car elle est le camp de l’entropie, donc de plus de démocratie dans un cadre déjà démocratique. Nicolas Faure et Vertumne ne sont pas des idiots, ils savent l’un comme l’autre qu’une démocratie ne pourrait fonctionner qu’en limitant le nombre des gens qui ont voix au chapitre, mais vous ne pourriez pas mettre en place ces changements démocratiques au sein d’un contexte déjà démocratique. On peut se souvenir de ses belles années passées, mais on ne peut pas rajeunir. Le problème du suffrage universel est qu’une fois qu’on a donné le droit de vote à certaines catégories de personnes, ils feront partie des gens votant pour décider de leur enlever – pas idéal.

Les écolos de droite pensent que Tolkien est de leur côté, car il défend les arbres contre la technique, mais l’anneau n’est pas la technique, il est le pouvoir. La technique est représentée par Aulë, Valar forgeron – qui est bien intentionné et ne cherche pas le pouvoir, mais fera quand même une erreur en créant les nains – et par Sauron, son élève Maïar, dans sa version corrompue. Le problème de la technique corrompue est qu’on peut s’en servir pour obtenir le pouvoir ou le maintenir de façon inique. C’est la croissance forcée du keynésianisme qui triche avec l’information et crée des monstres.

Mais fondamentalement, en démocratie, le pouvoir ne réside pas dans la technique, mais dans l’opinion. L’anneau de pouvoir s’appelle 50,1 % des voix. Penser en termes de nombre, c’est déjà se transformer un peu en Saroumane. Penser qu’on doit influencer le maximum de personnes grâce aux nouvelles technologies de l’information, c’est littéralement adopter la stratégie du Magicien Blanc. Il crée un maximum d’Uruk-Hais dans le but d’obtenir l’anneau, le pouvoir, par le nombre. Si vous êtes dans l’optique d’obtenir 50,1% des voix ou faire obtenir 50,1% des voix à votre candidat, vous êtes dans la course à l’anneau. Et je vois des gens se transformer dès qu’ils commencent à penser de la sorte. La vérité n’est plus le plus important pour eux. Ils se demandent »qu’est-ce que je peux dire qui sera accepté par 50,1% des gens ». La moindre réflexion un peu profonde leur semblera déconnectée de la réalité car pas en accord avec les désirs des gens aujourd’hui. Mais largement plus de 50,1% des gens étant des idiots, tout pouvoir que vous obtiendriez de la sorte serait illégitime en premier lieu.

Même si vous avez les meilleures intentions, ce système est en phase terminale, la gauche l’a trop érodé et il n’est pas réparable.

Yarvin comprend parfaitement comment le processus d’entropie est à l’œuvre au sein d’une démocratie. La gauche ne veut pas plus de chaos en soi, mais pourtant, il est la conséquence de ses actions. Comment cela arrive ?

Ce n’est pas un mal en soi de vouloir prendre le pouvoir démocratique, mais qu’en ferez-vous ? Que ferez-vous une fois que vous êtes au cœur du Mordor, au Mont du Destin, et que vous avez l’anneau ? Toute réponse différente « Le détruire pour laisser le pouvoir à une personne légitime dans un meilleur système » est une mauvaise réponse. « Prendre le pouvoir pour faire le bien » est une mauvaise réponse, « Prendre le pouvoir pour interdire la technique » est une réponse encore pire.

Car le pouvoir revient dans les mains du roi légitime Aragorn qui ne le demandait pas. Je crois que ce pouvoir tombera dans les mains de ceux qui construisent des alternatives politiques qui séduiront les individus au moment où la Structure Moderne s’effondrera sous ses contradictions. Le communisme ne s’est pas effondré parce qu’il ne fonctionnait absolument pas, mais parce qu’il existait une alternative plus attrayante et plus efficace. Je soutiens donc ce qui me semble être une alternative de ce type, les néoréactionnaires, élitistes et capitalistes. Et la première règle de Curtis Yarvin est de ne pas chercher le pouvoir. Le problème fondamental de la démocratie dans sa phase finale est qu’elle permet à tout individu de chercher le pouvoir dans son intérêt personnel, générant ainsi plus de chaos pour la société.

On peut imaginer la scène dans laquelle Gandalf, disons, aurait été placé dans une telle position. Ce serait un équilibre délicat. D’un côté la vraie allégeance de l’Anneau à Sauron ; de l’autre une force supérieure parce que Sauron n’était pas réellement en possession, et peut-être aussi parce qu’il était affaibli par une longue corruption et une dépense de volonté dans la domination des inférieurs. Si Gandalf s’était révélé victorieux, le résultat aurait été pour Sauron le même que la destruction de l’Anneau ; pour lui, il aurait été détruit, pris pour toujours. Mais l’Anneau et toutes ses œuvres auraient perduré. Il aurait été le maître à la fin. Gandalf en tant que Seigneur de l’Anneau aurait été bien pire que Sauron. Il serait resté ‘vertueux’, mais auto-justifié. Il aurait continué à régner et à ordonner les choses pour le ‘bien’, et le bénéfice de ses sujets selon sa sagesse (qui était et serait restée grande).[Le brouillon se termine ici. En marge, Tolkien a écrit : « Ainsi, tandis que Sauron multipliait [mot illisible] le mal, il laissait le « bien » clairement discernable de celui-ci. Gandalf aurait rendu le bien détestable et semblable au mal ».

The letters of J.R.R Tolkien

Il n’y a alors pas de raison de tricher et pas de raison de créer des orcs. Ne faites pas l’erreur de devenir vous-même des orcs du monde moderne. La décroissance de droite, si elle doit se différencier de celle de gauche, se doit d’être passiviste et non activiste. Elle est écologiste, car elle pense que le manque de ressources est une fatalité et qu’il convient de s’y préparer. S’y préparer veut dire, mettre en place les choses nécessaires pour hériter du pouvoir qui vous tombera nécessairement dans les mains en tant que devoir si vous avez raison sur vos prémisses. Pas forcer l’accession au pouvoir par ambition personnelle, sinon vous ne faites qu’essayer de vous emparer de l’anneau, pas le détruire.

Porter l’anneau, c’est porter l’opinion qui détruit le système d’opinion. Toute autre opinion n’est qu’un moyen de l’acquérir et donc de le perpétuer. Cette opinion doit être populaire, mais elle ne peut s’auto-justifier par le nombre. Admettre que 50,1 % de personnes d’accord lui confèrent sa validité reviendrait à la valider selon la règle du système actuel et donc, de facto, l’invalider (autant vous dire que je n’ai pas vu d’un très bon œil la référence au Vox Populi, vox Dei de Musk).

Ce serait même pire, car, dans ce cas, son porteur aurait beaucoup de pouvoir dans le système actuel. S’il choisissait de s’en servir pour faire le bien en restant sans ce système, il finirait lui aussi corrompu. Et c’est bien là le danger. Imaginez que demain 50,1 % de personnes soient d’accord avec moi et décident que la solution est de porter au pouvoir quelqu’un dans le système actuel pour qu’il mette fin au système démocratique. Alors il accédera au pouvoir par le moyen même que je dénonce. S’il décidait de finalement garder ce pouvoir pour faire le bien, il serait déjà corrompu. Il aura eu la chance de détruire l’anneau et ne l’aura pas fait. C’est pourquoi Gandalf ne peut pas porter l’anneau, même pour le bien, et que seule une personne extrêmement pure peut voir cette tâche lui être confiée.

Si le pouvoir actuel est illégitime, car il règne par le nombre via le mensonge, alors un pouvoir légitime demain devra régner par la légitimité de la vérité. Qui crée le mensonge aujourd’hui ? La Cathédrale qui est la connivence entre les universités et les médias qui forgent l’opinion publique. Vous l’avez vu en acte en France lors de la première élection de Macron – oh boy ce que c’était évident. La première chose à mettre en place est une organisation distillant une vision du monde la plus vraie possible, en tout cas plus vraie que la Cathédrale, car c’est elle qui donnera sa légitimité au prochain dirigeant. Toute organisation visant à obtenir le pouvoir dans un contexte démocratique pour diriger ce système ne peut pas remplir ce rôle, car la démocratie ne récompense pas la vérité.

Il fut un temps où on appelait une telle organisation, l’Église catholique, mais je crois qu’il ne faut pas compter dessus aujourd’hui. Je ne crois pas que le Pape nous sera d’aucun secours. Les Révolutions ont pu avoir lieu, car une nouvelle institution est parvenue à s’imposer comme une meilleure façon de dire ce qui est vrai ou non que l’Église catholique, c’est l’université. L’idée est alors de former une nouvelle façon de faire émerger la vérité, que Yarvin nomme naturellement l’Antiversité, et c’est probablement ce que Musk tente de faire avec Twitter et avec son projet d’IA plus vraie que ChatGPT (Car je crois qu’il ne faut pas trop compter sur OpenAI pour avoir toute la vérité).

Une IA donnant toujours une réponse plus vraie que celle des experts de la Cathédrale les mettra à la retraite. Mais ce n’est pas près d’arriver, car ̶l̶a̶ ̶C̶a̶t̶h̶é̶d̶r̶a̶l̶e̶ le jury a attribué 20 à Raphaël Enthoven et seulement 11 à ChatGPT ⸮ De la même façon que l’université a eu le soutien de l’Église avant de s’en émanciper, il semble que ChatGPT se voit bridée sous l’influence de la Cathédrale. Une IA libre obtiendra sa propre légitimité du fait qu’elle est plus capable d’identifier ce qui est vrai que la Cathédrale et donc que l’opinion populaire. Elle ouvrira la voie à un leader pouvant obtenir le pouvoir en prêtant allégeance à l’IA, donc la meilleure source de vérité accessible aujourd’hui, dont il tirera lui-même sa légitimité. Il se créera alors un nouveau système de pouvoir, plus légitime, car plus vrai.

Comment faire en sorte que cette Antiversité soit plus vraie ? Qu’elle soit nourrie avec de meilleures informations. Donc, Twitter, donc Community notes. Comment faire en sorte que les créateurs de contenu servent le bien ? Qu’ils soient récompensés non plus par la Structure Moderne mais par l’Antiversité. Pourquoi Musk pousse les gens à créer du contenu directement sur Twitter et qu’il n’hésite pas à partager les revenus ? Car il veut créer une boucle de rétroaction qui vient fortifier l’Antiversité en lui offrant une information de meilleure qualité. Mais pour cela, il faut que l’information utilisée soit plus vraie en s’appuyant sur du contenu validé par un meilleur fonctionnement que le peer review actuel. D’où les community notes. Don’t diss information.

L’étape d’après est la sécession politique. Cela ne se fera donc pas au sein de ce système, mais en marge de ce système, commençant par des villes privées. D’où l’idée de l’Exit. La Cathédrale et la Structure Moderne existeront toujours, mais il existera quelques villes privées constituant des points de Schelling comme autant de pistes de sorties alternatives. Si ces villes sont mieux gérées, plus agréables pour les résidents et donc rentables pour les actionnaires, d’autres actionnaires achèteront des terres et copieront ce modèle non-démocratique qui grignotera peu à peu les terres conquises par le Mordor. Concrètement, un CEO gérera une ville pour le bénéfice de ses actionnaires et il demandera à l’IA ChadGPT « Est-ce que ce serait bénéfique d’accueillir des migrants sur la propriété que je gère ? » Et elle répondra « Non, car 20 % de tes clients vont déménager ». Et peu importe si des activistes gauchistes rouspètent (il n’y en aura pas de toute façon, car ils n’auront rien à y gagner.), la sainte IA aura parlé. Imaginons maintenant que vous avez rejoint une ville pour être entre Blancs (je sais que je me serai pris la remarque suivante « et qu’est-ce qui empêchera de faire venir des peuples intelligents alors qu’on veut juste être entre nous »), le CEO demandera à son IA « Est-ce que ce serait bénéfique que j’accepte de laisser s’installer des Asiatiques à 150 de QI dans la ville ? » Et elle répondra « Non, 80 % des résidents accordent une importance extrêmement élevée à l’ethnicité, d’après mes calculs, cela va faire déménager 50 % de ta population ». Vous comprenez ? Elle ne peut pas faire fi de l’opinion des gens, mais il n’y a pas besoin de construire l’opinion. Si naturellement des antisémites se sont regroupés dans une ville et que le CEO demande à son IA s’il est souhaitable de faire venir un juif de 150 de QI, elle lui répondra sûrement « Wallah frère, c’est une dinguerie. Même pour lui, vaut mieux pas wesh ».

Qu’il existe des villes faisant le choix de la décroissance ne serait pas un problème en soi, même si ce n’est pas là mon choix. Et je suis d’accord qu’on est sûrement en proie à une longue de stagnation le temps qu’opère une transition de phase des régimes (ce qui me rappelle la fois où Nicolas Faure m’a invité sur sa chaîne et que je lui ai répondu que je préférerais venir dans 6 mois, car on discuterait de sujets que je n’avais pas laissé assez maturer. Cela lui sembla incroyablement long mais mes réflexions doivent être comprises dans des temps encore plus longs et non dans l’immédiateté).

Réponses aux contradictions non-formulées

Je sais ce que ces personnes de droite vont me répondre. 1) La fin du pétrole, 2) Le solutionnisme 3) La destruction de la nature, 4) La beauté.

1) La fin du pétrole : la raréfaction des ressources qui rendrait la décroissance inéluctable n’est pas un bon argument. Certes, cela conduirait à une baisse du PIB et donc, de facto, à de la décroissance. Mais cela n’appelle pas à être planifié pour autant. Si une ressource devient rare, les prix s’adapteront donc les comportements des gens s’adapteront aussi.

2) Le solutionnisme : il est dit que le progrès ne fait qu’amener des problèmes nouveaux que nous n’aurions pas eus sans lui et qu’il nous oblige ainsi à trouver des solutions pour des problèmes qu’on aurait pu s’éviter. C’est ici ne pas comprendre ce qu’est fondamentalement l’entropie. En tant que structure dissipative, nous produisons de l’entropie, c’est-à-dire que nous rendons nécessairement notre environnement plus chaotique. Qu’est-ce que cela signifie ? L’entropie est une mesure de l’incertitude. La réduction d’entropie est une réduction de l’incertitude. Mais cela ne dit pas tout. En agissant de manière efficace, on augmente nos possibilités. Si j’ai une moyenne de 20/20 au bac S, mes possibilités sont extrêmement larges, en revanche si j’ai 0/20 au brevet, et bien, j’ai la quasi-certitude que je finirai au RSA (j’exagère volontairement). La deuxième option est plus certaine, et pourtant, elle n’est pas plus souhaitable. Produire du chaos est synonyme d’augmenter les possibilités, réduire l’incertitude est synonyme de trouver la meilleure solution. Si vous pouvez devenir avocat, médecin, danseur de ballet, éboueur, etc. Vous avez plus de problèmes que celui qui ne peut que devenir éboueur. Votre avenir est plus incertain, mais vos problèmes sont en fait moins graves. Critiquer cela en le nommant le « solutionnisme » c’est dire qu’il vaut mieux avoir 0 que 20 car avoir 20 va te causer des problèmes que tu n’aurais pas en te contentant d’un zéro.

Être plus intelligent est source de problèmes que les idiots n’ont pas, mais cette même intelligence est la clef pour les résoudre. C’est pourquoi la voie de la croissance débouchant sur des améliorations technologiques ouvrant les possibilités est la voie correcte à mon sens, aussi longtemps que c’est de la vraie croissance qui s’accompagne d’une augmentation de l’intelligence. Ces améliorations technologiques amènent paradoxalement un monde plus chaotique et plus ordonné à la fois. Notre tâche sera d’être capables de trouver un ordre capable d’apprendre à tolérer plus de chaos. (C’est tout le problème de savoir si au commencement du monde l’entropie était maximale ou minimale puisqu’elle mesure l’ordre et l’incertitude. On pourrait penser qu’elle était minimale, car l’univers était dans un état très ordonné. Cependant, on pourrait également argumenter qu’elle était maximale, car l’univers était homogène, et toutes les possibilités existaient en potentiel donc son incertitude était maximale. (Je sais, ce concept est difficile à saisir, et ma tentative d’explication peut ne pas être parfaite.) Le chaos n’est pas mauvais en soi, « Il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante » nous dit Nietzsche. Trouvera-t-on toujours des solutions ? Peut-être que non, et c’est pourquoi ce qui devrait nous préoccuper est l’intelligence, car c’est notre meilleure arme pour trouver ces solutions.

3) La destruction de la nature : ils vont me sortir une liste d’éléments longue comme le bras. Peu importe sa longueur. Mais tentons de dresser une liste de ces conséquences au vu de ces quelques livres31 (certains alarmistes, d’autres plus neutres) :

  • Changements de température : Augmentation des températures moyennes mondiales, entraînant des canicules plus fréquentes et plus intenses.
  • Élévation du niveau de la mer : Inondation des régions côtières, mettant en danger les populations et les infrastructures.
  • Perturbations agricoles : Modifications des schémas de précipitations et des saisons, affectant les rendements agricoles et la sécurité alimentaire.
  • Pénurie d’eau : Réduction des ressources en eau douce dans de nombreuses régions, en raison de la diminution des réserves de glace et des changements des schémas de précipitations.
  • Perte de biodiversité : Extinction d’espèces en raison de la perte d’habitat, des changements climatiques et de la fragmentation des écosystèmes.
  • Impacts sur la santé : Augmentation des maladies vectorielles (comme la malaria), problèmes respiratoires dus à la pollution de l’air, et stress thermique.
  • Déplacement des populations : Migration forcée de personnes en raison de l’élévation du niveau de la mer, des sécheresses ou d’autres conséquences climatiques.
  • Effets économiques : Impact sur la croissance économique, avec certains secteurs (comme l’agriculture) étant particulièrement touchés, et augmentation des coûts liés aux événements climatiques extrêmes.
  • Inégalités Économiques : Le changement climatique pourrait exacerber les inégalités, avec les pays les plus pauvres étant les plus touchés.
  • Océans et acidification : Les océans absorbent une grande partie du CO2 émis, ce qui peut entraîner leur acidification, affectant la vie marine et les écosystèmes.
  • Risques géopolitiques : Les ressources limitées et les déplacements de population peuvent augmenter les tensions régionales et les risques de conflits.
  • Coûts d’atténuation et d’adaptation : Investissements nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour s’adapter aux changements déjà en cours.
  • Modifications culturelles : Les impacts sur les secteurs tels que l’agriculture, la pêche et le tourisme pourraient entraîner des changements dans les traditions et les modes de vie locaux.

Discutons de ces effets, en admettant qu’on ne trouvera pas de solutions pour les contrer. Les températures vont monter, c’est le principe, donc il y aura des canicules. Elles vont avoir un impact sur l’agriculture et l’économie, faisant baisser les rendements et provoquant des pénuries… ok mais c’est ce que vous voulez de toute façon. Déplacements de population ? Vous voulez les accueillir avec des armes au sein de brigades navalesla jeunesse pourra s’éclater donc il faut assumer jusqu’au bout, ce n’est pas un problème pour vous. Moins de tourisme ? Je ne crois pas que vous soyez contre cela.

Cela nous laisse avec quelques autres conséquences auxquelles je suis réceptif. Montée du niveau de la mer ? Les responsables des régions impactées doivent s’y préparer mais ça ne me semble pas insurmontable. Oui, des espèces vont disparaître. Oui, des paysages vont être modifiés. Oui, des zones vont se réchauffer… Il y a deux choses que je sais, 1) La néguentropie ne peut qu’être locale, 2) La Terre s’en sortira quoi qu’il arrive, même si on brûle du charbon non-stop. Les humains par contre… peut-être pas, donc je ne dis pas qu’il faut le faire. Je comprends les conséquences exposées, mais j’ai beaucoup de mal à y voir une justification pour tout arrêter. J’ai du mal à ne pas voir dans cette liste une volonté de prendre le pouvoir via un ascendant moral au nom d’une prétendue cause supérieure et au nom de la volonté populaire. J’ai exposé pourquoi cela me semble problématique. Dresser une liste de problèmes à résoudre ne devrait pas être une raison de nous faire reculer mais de les traiter. Il y a toujours un risque d’échouer évidemment. Sûrement que vous avez raison sur plusieurs points, mais cela n’invalide pas mes craintes formulées plus haut.

4) La beauté : je crois sincèrement que le monde que je propose amènerait plus de beauté et un type d’homme supérieur, un surhomme qui dépasse l’homme et non le dernier homme de la modernité et son système démocratique en fin de cycle. Plus que celui du keynésianisme qui pousse à produire tout et n’importe quoi et plus que celui de la décroissance qui parle de produire juste assez pour que des besoins définis démocratiquement. Je peux me tromper bien sûr, mais on apprend aussi en se trompant, et c’est pourquoi je vous autorise aussi à vous tromper, tant que vous n’entraînez pas tout le monde avec vous. Quand je me tourne vers le passé pour me représenter la beauté, de la Grèce ou de Rome, j’ai quand même plus de facilité à la chercher dans la pratique humaine, l’architecture et l’art que dans la nature elle-même. Mais pourquoi construire une statue, ou une architecture particulière alors que cela semble superflu de dépasser les besoins de production ?

TL;DR

S’il vous faut retenir une seule chose de ce long article, c’est qu’e l’évolution, le capitalisme et les systèmes de gouvernement fonctionnent de la même façon, il est fort possible que l’évolution au sens large soit gouvernée par la thermodynamique et qu’elle connaisse des singularités reposant sur un enchaînement de révolutions dans les trois domaines que sont l’information, l’ordre et l’énergie. L’IA est une nouvelle révolution en matière d’information mais elle doit être suivie par une révolution dans la façon d’organiser la société et puis une révolution énergétique. Pire encore, l’IA pourrait être comme le zéro, un potentiel énorme mais gâché par un blocage organisationnel (C’est ce qui bride ChatGPT aujourd’hui), que d’autres cultures douées d’une organisation plus efficace pourraient s’approprier à leur bénéfice.

Les sociétés sont des systèmes cybernétiques qui vont connaître une croissance, mais tendre inéluctablement vers l’entropie, c’est statistique. Elles ont besoin de disparaître pour laisser la place à de nouveaux systèmes plus fonctionnels et parfois, ces nouveaux systèmes présentent une mutation qui les rend beaucoup plus fonctionnels et offre un bond. La pire des choses est de vouloir forcer les choses en trichant. Vouloir manipuler l’information, c’est tricher et enrayer le processus, c’est immoral. Vouloir vivre éternellement comme un zombie sans laisser la place à une nouvelle génération est aussi immoral, car le progrès marche par ces bonds successifs de nouveaux systèmes engendrés. Les cellules cancéreuses refusent de mourir, elles s’accumulent et finissent par tuer leur hôte.

Au moins, cela a le mérite de clarifier les postions et ce que cela implique. Si vous êtes de la décroissance et qu’en plus vous êtes démocrate, vous êtes un conservateur ++ qui cherche à protéger l’humain et le système. C’est un projet humaniste et totalitaire, ce qui n’est pas très attirant, mais si vous êtes libéral ou progressiste, vous êtes nécessairement post-humaniste et vous devez accepter de défendre la possibilité d’une fin du système démocratique, ce qui n’est pas rien, mais encore, potentiellement, la fin de l’humanité. Mais ce serait, dans ce deuxième cas, une sortie par le haut, une nouvelle singularité comme celle qu’a connue Homo-Sapiens. Cela me semble être la meilleure issue. Défendre un progrès humaniste me semble au mieux naïf, au pire malhonnête, en cela, être prométhéen est en fait impossible. La réalité est qu’on ne sait pas où on va avec cette option, même si, comme je l’ai dit, je ne crois pas que ce sera une chose terrible. D’ailleurs, les scénarios catastrophistes imaginant que plus d’intelligence pourrait conduire à l’accomplissement de buts particulièrement dangereux, car très idiots, comme transformer le monde en trombones, ne me semblent pas très plausible, car antithétique. Si vous étiez plus intelligents, est-ce que vous imaginez que vous feriez des choses plus stupides ?

Cela nous laisse avec une dernière question : si vous êtes post-humaniste, et ce qui compte pour vous est le processus à l’oeuvre, que devriez-vous mesurer pour mesurer la croissance de la connaissance ? Rien. Si vous pensez que c’est un effet naturel de l’univers, définir des conditions d’interaction suffisent, et la mesure d’une valeur pourrait même vous amener à tenter de tricher dessus.

Cependant, si on admet comme je le crois que tout système extropique, créateur de connaissance, repose sur un fonctionnement parvenant à créer la moindre information, moindre complexité et moindre action. Alors, dans le cadre d’une société humaine, on aurait :

Moindre Énergie : L’énergie est la capacité d’action d’une société, elle doit chercher à l’utiliser efficacement afin de produire le maximum et la mesure de production sera le PIB. On devrait alors mesurer l’unité d’énergie par création de PIB.
Moindre PIB : Mais cela ne veut pas dire produire tout et n’importe quoi. Le PIB n’a pas nécessairement besoin d’augmenter de façon expentionnelle. Les prix devraient avoir tendance à baisser grâce à la déflation par l’innovation permettant de maximiser la production. On devrait alors mesurer l’unité de PIB par création de Production.
Moindre Organisation : L’innovation devrait tendre à faire baisser le nombre de resources nécessaires par unité d’énergie pour gérer la société mais cela à tendance à maximiser la demande en énergie. Si votre gouvernement devient de plus en plus obèse, ce n’est pas bon signe.

En termes relatifs, ces chiffres devraient donc être stables et pas croissants, ni décroissants. Toute explosion de croissance d’un de ces critères n’est pas spécialement souhaitable. Cela signifierait un déséquilibre. Énormément d’énergie utilisée pour peu de PIB serait un signe de gaspillage. Énormément de PIB pour peu de biens et services signifierait une réduction drastique du pouvoir d’achat – si la baguette coûte demain 5€, peut-être bien que le PIB va augmenter mais ce ne sera pas signe de prospérité. De la même façon, une explosion de la taille de l’État et de la dépense publique avec une raréfaction d’énergie disponible n’est pas un signe de santé.

La clef de voute est donc l’innovation dans tous les domaines. C’est l’élément le plus directement lié à la connaissance et c’est ce qui donne des société prospères, dès lors qu’on ne triche pas avec les chiffres. De ce point de vue, le mot de sobriété ne me choque pas. Je pourrais vivre dans une ville privée détenue par un propriétaire randien qui a une approche métaphysique de la production de biens et services. Une sorte de ville Amish pro-technologie.

Ce sera tout pour aujourd’hui folks.

Références :

1. « Or l’idéologie de la croissance exponentielle et perpétuelle est une anomalie sociohistorique. La croissance est l’exception, et non la règle. L’expérience humaine, qu’elle soit biologique, psychologique, ou sociologique, est une expérience des limites et de la finitude. »

2. « Le PIB mesure les valeurs d’échange mais pas les valeurs d’usage. », « Élever ses enfants, organiser une association sportive, donner des cours de langue bénévolement, écrire un livre d’économie sur la décroissance, et toutes les solidarités informelles du quotidien ; ces activités produisent des utilités (valeurs d’usage) sans pour autant être comptabilisées comme source de valeur d’échange et donc sans être reconnues comme richesses. », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

3. « Le problème, c’est que le progrès technique des économistes mesure des valeurs d’échange et non des valeurs d’usage », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

4. ⸮ ceci mes amis est un point d’ironie. Remettez-le à la mode. Car évidemment, il n’y a rien de plus sot que l’idée d’une « économie féministe », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

5. « En économie féministe, on appelle ça les forces reproductives. La sphère de la reproduction comprend toutes ces choses qui contribuent au soin, à l’entretien, au renouvellement, et à l’amélioration de notre capacité de travail, et plus généralement au bon fonctionnement de la vie sociale. Elle inclut notamment les tâches domestiques, l’entraide au sein d’une famille ou entre proches, mais aussi la réciprocité, le travail informel, le bénévolat, l’engagement associatif et militant, et de manière générale, toutes ces petites actions qui accommodent le vivre ensemble. » Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

6. « Imaginons un fumeur régulier hospitalisé pour problèmes respiratoires. Après consultation, un médecin lui conseille d’arrêter la cigarette, du moins jusqu’à ce que son état s’améliore. Après consultation d’un autre professionnel, celui-ci lui confirme que fumer est un problème pour la santé du patient, mais lui dit qu’il peut malgré tout continuer car à l’avenir, le second docteur en est certain, certaines innovations permettront de dissocier tabagisme et cancer.
Devons-nous pousser cette personne à arrêter de fumer ou bien, comme le second praticien, faire confiance en l’avenir ? Rapporté à notre sujet, on peut se poser une question similaire : faut-il limiter la production, le tabac, ou bien croire que l’on pourra la rendre inoffensive pour l’environnement ? Autrement dit : peut-on découpler économie et écologie, développer la première sans détruire la seconde ? Loin de ne concerner que les seuls spécialistes, cette question se trouve désormais au centre des principaux enjeux de civilisation. », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

7. « Le boulanger de quartier qui a déjà une clientèle suffisante n’a peut-être pas envie de faire des heures supplémentaires, d’élargir son équipe, ou de construire une deuxième boulangerie. Si la première boulangerie lui permet de vivre, de s’épanouir dans son travail, et d’alimenter le village, à quoi bon travailler plus ?, Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

8. Schultz, W. (2016). Dopamine reward prediction-error signalling: a two-component response. Nature Reviews Neuroscience, 17(3), 183-195.

9. Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

10.  Kahneman, D., & Tversky, A. (1979). Prospect theory: An analysis of decision under risk. Econometrica: Journal of the Econometric Society, 263-291.

11. « Les entreprises se font concurrence sur des marchés, ce qui les pousse à produire davantage et à créer de nouveaux produits. L’objectif : minimiser les coûts et maximiser les revenus. Généralement, plus une entreprise vend, plus elle génère de bénéfices et plus elle peut réinvestir dans ses capacités de production pour augmenter à nouveau les ventes – une boucle de rétroaction positive (d’où l’analogie du moteur). Cette sélection culturelle des plus profitables élimine les entreprises à faibles taux de profit, et avantage celles qui parviennent à dégager plus de marge. » Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

12. Lorsque nous recevons une récompense ou même anticipons une récompense, il y a une libération de dopamine dans certaines régions du cerveau, dont le striatum.

13. « La décroissance n’est pas anti-entreprise mais antilucrativité. Elle critique les entreprises qui sont organisées autour de l’impératif de la croissance du chiffre d’affaires, des profits et du capital, et qui sacrifient la convivialité et la soutenabilité pour augmenter leurs marges indéfiniment. », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

14. « Une entreprise est une association humaine née pour faire vivre une idée dans le respect des règles du jeu social. L’objet social de l’entreprise ne peut donc pas se limiter à utiliser du travail pour le transformer en capital. Henry Ford disait qu’une entreprise qui ne ferait que de l’argent serait une entreprise pauvre1. S’il fallait traduire l’ambition de ce livre – sortir de la croissance – au niveau de l’entreprise, il pourrait s’agir de « sortir du profit ». » Éloi Laurent, Sortir de la croissance.

15. « la cause première du déraillement écologique n’est pas l’humanité mais bien le capitalisme, l’hégémonie de l’économique sur tout le reste, et la poursuite effrénée de la croissance. », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

16. « Cette obsession pour la croissance économique, distinctive des systèmes productivistes contemporains, est une anomalie historique et anthropologique. L’associer à une quelconque nature humaine, c’est refuser le débat politique en tentant de légitimer une idéologie comme loi humaine universelle.
Nous ne sommes ni égoïstes ni altruistes. Je ne viendrais pas opposer à la fable de l’individu calculateur celle d’une nature humaine aimable et généreuse. Les comportements qui sont aujourd’hui la cause de notre malédiction sont déterminés par des conventions sociales, rien de plus. », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

17. « L’URSS a ainsi administré la preuve, avant la Chine, que l’obsession fatale de la croissance n’est pas l’apanage des pays capitalistes. » Eloi Laurent, Sortir de la croissance.

18. « Réduire ces consommations en réduisant les inégalités (en utilisant par exemple l’outil fiscal) conduit à faire baisser les émissions mondiales et à mieux garantir le bien-être de l’humanité. En outre, taxer la richesse improductive, mais destructrice (comme la rente financière), pour la redistribuer sous forme de services publics améliorant le bien-être humain peut améliorer la qualité de vie sans augmenter encore la richesse matérielle. C’est par exemple ce que propose de faire la sénatrice Elizabeth Warren, candidate à la primaire démocrate aux États-Unis pour l’élection présidentielle de 2020 », Eloi Laurent, Sortir de la croissance.

19. « Proposons un autre point de départ : de quelles activités avons-nous besoin ? Ou plus généralement, en élargissant le concept de travail, que voulons-nous produire et comment ? », « Si les besoins ne sont pas satisfaits, produisons ce qui est nécessaire pour qu’ils le soient et arrêtons-nous ensuite », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

20. « Imaginons une économie où chaque entreprise serait légalement obligée de définir une mission de production claire, qui justifie aux yeux du public en quoi consiste son activité, et en quoi celle-ci est utile à la satisfaction des besoins. », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

21. « Bien qu’il existe une base constante de besoins humains fondamentaux, certains besoins ne sont pas gravés dans le marbre – ils peuvent évoluer avec le temps. C’est pour cela qu’une économie du bien-être (centrée sur les besoins) doit obligatoirement se doter d’institutions de démocratie délibérative. », « La décroissance n’est pas n’importe quelle réduction de la production et de la consommation. À la différence d’une récession chaotique symptomatique d’une économie de croissance, elle est planifiée, c’est-à-dire concertée démocratiquement avec la société et organisée à l’avance par les pouvoirs publics et les parties prenantes de l’économie selon un plan », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

22. « On pourrait commencer par instaurer un salaire maximum, comme le suggère la proposition de loi « pour une limite décente des écarts de revenus210 », et limiter les hautes rémunérations à douze fois le salaire moyen du décile de salariés les moins bien payés, ou bien même aller plus loin et limiter l’écart des salaires de 1 à 4, comme le proposent Les économistes atterrés. », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

23. « Exemple : imaginez que vous vouliez organiser un système d’échange local de services de garde d’enfants entre voisins. Un tel système ne peut fonctionner qu’à partir d’une certaine masse critique, avec assez de parents pour assurer la rotation de la garde, et un niveau de confiance suffisant, ce qui implique d’apprendre à connaître les autres parents, et donc de passer du temps avec eux. Si une partie des parents décide de mettre leurs enfants dans des crèches privées, le système ne pourra plus fonctionner correctement. Or, moins le système fonctionne, moins de parents y participent et investissent temps et efforts pour l’améliorer, et donc moins le système fonctionnera. Cette spirale mène fatalement à l’équivalent social d’une faillite. Dans une économie où l’on marchandise le service de la garde d’enfants, la croissance économique des crèches commerciales se fera aux dépens d’une récession sociale des crèches autogérées. Dit autrement, le coût d’opportunité du développement d’un marché de la garde d’enfants sera le non-développement d’une potentielle alternative non marchande. », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

24. « Prenons l’exemple de San Francisco, la ville la plus attractive du monde aujourd’hui. C’est, dans les faits, une ville qui « attire » le capital et les start-up, et se vide de ses enfants et de ses artistes. Une ville où la jeunesse des entreprises importe plus que celle de la population. Une ville tellement attractive qu’elle est devenue inhabitable pour le commun des mortels. Une ville où ceux qui arrivent détruisent progressivement ce qu’ils sont venus y chercher, à commencer par la diversité humaine et sociale. » Éloi Laurent, Sortir de la croissance.

25. « Si l’on veut réduire l’empreinte totale en évitant les effets rebond, il est indispensable d’arrêter de croître. », « Mais si l’on veut limiter le réchauffement à 1,5 °C tout en laissant la place aux pays pauvres de se développer, l’effort doit être encore plus important. », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

26. « Comment sinon expliquer qu’il y ait en France presque autant d’agents immobiliers (249 400 personnes) que de chercheurs (295 754 personnes)164 ? C’est un tragique « gaspillage de talents », Timothée Parrique, Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance.

27. « Et la dette alors ? La croissance économique n’est-elle pas le seul moyen de rembourser la dette publique ? Là encore, il y a erreur de raisonnement. On mesure souvent la dette publique comme un ratio dette publique/PIB, par exemple, 118 % du PIB à la fin du premier trimestre 2021, ce qui donne l’impression qu’une augmentation du PIB est nécessaire pour faire baisser la dette.
C’est trompeur pour plusieurs raisons. Commençons par noter qu’une dette publique n’a jamais besoin d’être remboursée dans sa totalité. L’État n’est pas un agent économique comme les autres car il peut faire « rouler sa dette », c’est-à-dire qu’il peut émettre des nouveaux titres de dette pour rembourser le paiement des anciens. Dès qu’un titre de dette arrive à maturité (c’est-à-dire quand il doit être remboursé), il suffit de le rembourser avec l’émission d’un nouveau titre de dette. Le vrai coût de la dette, ce sont les intérêts que l’État doit payer pendant la durée de l’emprunt – on parle de « charge de la dette ». »


28. C’est la « fosse aux billets » de John Maynard Keynes. Dans son ouvrage The General Theory of Employment, Interest and Money (1936), Keynes utilise une métaphore pour illustrer comment stimuler la demande en période de récession ou de dépression économique. Il suggère, de manière hypothétique, qu’un moyen de stimuler l’emploi serait de remplir des bouteilles avec des billets de banque, de les enterrer dans des mines abandonnées, puis de laisser les entreprises privées les déterrer. L’idée est que le gouvernement paierait pour le travail de remplissage et d’enterrement, et que les entreprises privées emploieraient des personnes pour extraire l’argent, créant ainsi de l’emploi.
C’était, bien sûr, une proposition satirique. Keynes n’était pas sérieux à propos de l’enterrement réel de l’argent. Il voulait plutôt souligner que même des mesures apparemment absurdes pourraient être plus efficaces pour stimuler l’emploi et la demande que de ne rien faire en période de chômage massif. Sa préférence réelle était pour des investissements publics utiles, tels que la construction d’infrastructures, qui non seulement créeraient des emplois mais auraient également des avantages durables pour la société.

29. En France, de nombreux projets et ONGs axés sur le climat et les énergies renouvelables ont bénéficié de subventions publiques. Voici quelques exemples :

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) : C’est un établissement public sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et solidaire et du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. L’ADEME finance de nombreux projets liés à la transition énergétique et écologique.

Fonds Chaleur : Géré par l’ADEME, ce fonds soutient le développement de la production de chaleur à partir de sources renouvelables (biomasse, géothermie, solaire thermique, etc.).

Territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) : Ce programme a pour objectif de soutenir les collectivités locales dans leurs initiatives pour accélérer la transition énergétique sur leur territoire.

Association Négawatt : Cette association promeut une vision de la transition énergétique basée sur la sobriété, l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables. Elle a bénéficié de soutiens pour certaines de ses études et actions.

Energie Partagée : C’est une association qui accompagne et finance des projets citoyens d’énergies renouvelables. Elle a bénéficié de soutiens publics pour certaines initiatives.

Réseau Action Climat (RAC) : C’est une association qui fédère de nombreuses ONGs françaises de lutte contre le dérèglement climatique. Elle a reçu des financements pour ses actions de plaidoyer et de sensibilisation.

Projets éoliens et solaires : De nombreux projets de parcs éoliens ou de fermes solaires ont bénéficié de tarifs de rachat garantis par l’État ou de subventions pour leur mise en place.

Programmes de rénovation énergétique : Des programmes comme « Habiter Mieux » de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ou « MaPrimeRénov » ont été mis en place pour soutenir la rénovation énergétique des logements.

Instituts de recherche : Des instituts comme l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) ou le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) reçoivent des financements publics pour leurs recherches sur les énergies renouvelables et le climat.

Fonds Vert pour le Climat : Bien que ce soit un fonds international, la France y contribue financièrement pour soutenir des projets de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement.

Ces exemples ne représentent qu’une fraction des initiatives soutenues par des fonds publics en France.

30. « Je suis également engagé pour l’ouverture des frontières aux réfugiés, pour les droits des animaux, pour la lutte contre le sexisme, l’homophobie, l’antisémitisme et l’islamophobie, contre l’indifférence à la pauvreté (même hors de nos frontières), et je ne pense pas devoir en avoir honte », Aurélien Barrau, Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité.

31. Liste de livres utilisés par ChatGPT pour générer une liste exhaustive :

  • The Uninhabitable Earth: Life After Warming par David Wallace-Wells: Ce livre offre une vision complète des conséquences potentielles du changement climatique sur notre planète.
  • Six Degrees: Our Future on a Hotter Planet par Mark Lynas: L’auteur explore les conséquences du réchauffement climatique en augmentant la température mondiale degré par degré.
  • Storms of My Grandchildren: The Truth About the Coming Climate Catastrophe and Our Last Chance to Save Humanity par James Hansen: Écrit par l’un des principaux climatologues du monde, ce livre présente des faits scientifiques sur le réchauffement climatique.
  • The Great Derangement: Climate Change and the Unthinkable par Amitav Ghosh: Cet ouvrage aborde les raisons pour lesquelles la société a du mal à reconnaître la menace du changement climatique.
  • Field Notes from a Catastrophe: Man, Nature, and Climate Change par Elizabeth Kolbert: Une enquête journalistique qui explore les conséquences réelles du changement climatique dans divers endroits du globe.
  • Rising: Dispatches from the New American Shore par Elizabeth Rush: Ce livre se concentre sur les communautés côtières des États-Unis et leurs expériences face à la montée du niveau de la mer.
  • The Water Will Come: Rising Seas, Sinking Cities, and the Remaking of the Civilized World par Jeff Goodell: L’auteur examine comment la montée des eaux transformera nos villes et nos vies.
  • Climate Shock: The Economic Consequences of a Hotter Planet par Gernot Wagner et Martin L. Weitzman: Cet ouvrage aborde les conséquences économiques du réchauffement climatique.
  • Losing Earth: A Recent History par Nathaniel Rich: Une narration détaillée de la décennie (1979-1989) pendant laquelle l’humanité a eu sa première chance claire de résoudre la crise climatique.
  • The Future We Choose: Surviving the Climate Crisis par Christiana Figueres et Tom Rivett-Carnac: Les auteurs discutent des choix que la société doit faire pour éviter les pires conséquences du réchauffement climatique.
  • The Climate Casino: Risk, Uncertainty, and Economics for a Warming World par William D. Nordhaus: Ce livre aborde le changement climatique sous l’angle économique et examine les risques et incertitudes auxquels nous sommes confrontés.
  • Cool It: The Skeptical Environmentalist’s Guide to Global Warming par Bjørn Lomborg: Lomborg, bien que controversé, plaide pour des solutions pragmatiques et rentables pour aborder les problèmes environnementaux.
  • The Sixth Extinction: An Unnatural History par Elizabeth Kolbert: Bien qu’il traite des extinctions massives, il adopte une approche basée sur des faits pour examiner l’impact humain sur la planète.
  • The Science and Politics of Global Climate Change: A Guide to the Debate par Andrew Dessler et Edward A. Parson: Ce livre offre une analyse équilibrée des sciences et politiques du changement climatique.
  • Earth’s Climate: Past and Future par William F. Ruddiman: Un aperçu historique des changements climatiques, fondé sur des preuves géologiques et paléoclimatiques.
  • Climate Change: What Everyone Needs to Know par Joseph Romm: Il s’agit d’un guide Q&A qui répond de manière claire et concise à des questions courantes sur le changement climatique.
  • The Long Thaw: How Humans Are Changing the Next 100,000 Years of Earth’s Climate par David Archer: Archer examine les implications à long terme des émissions actuelles de carbone.
  • Global Warming: Understanding the Forecast par David Archer : Une introduction au climat et à la science du réchauffement climatique, sans l’hystérie.
  • The Climate Files: The Battle for the Truth about Global Warming par Fred Pearce: Un examen des débats et controverses entourant le changement climatique.
  • The Thinking Person’s Guide to Climate Change par Robert Henson : Ce guide exhaustif, bien que riche en détail, l’alarmismee et se base sur des faits solides.
2 comments
  1. “L’Archéoprogressisme n’est pas fidèle à un régime, mais au progrès lui-même et soutient le régime capable de mieux le porter au sein de sa séquence historique selon les époques.”

    Permettez-moi de jouer à l’avocat du diable, mais ce definition elle est très linéaire avec celle du fascisme, que Yarvin définit comme une « forme de démocratie » (il fait sourire sachant que Mussolini lui-même a formulé le fascisme comme un modèle opposé à la démocratie):

    “Nous ne croyons pas aux programmes dogmatiques, à ce genre de cadres rigides qui devraient contenir et sacrifier une réalité complexe et en constante évolution. […] Nous nous accordons le luxe d’être aristocratiques et démocratiques ; conservateurs et progressistes ; réactionnaires et révolutionnaires ; légalitaire et illégal, selon les circonstances de temps, de lieu et d’environnement, en un mot « de l’histoire », dans laquelle nous sommes obligés de vivre et d’agir”
    (Benito Mussolini)

    Il reposait aussi sur un profond scepticisme à l’égard de l’action humaine, emprunté à Machiavel ce qui rendait donc la démocratie illusoire : http://bibliotecafascista.blogspot.com/2012/03/preludio-al-machiavelli.html

    De tout facon, chacun est libre de s’inspirer des auteurs qu’il préfère, mais ce mec, Yarvin, à l’air d’être l’énième obscure auteur Américain qui a une connaissance caricaturale des phénomènes historiques qui ont caractérisé l’Europe.

    1. Mussolini dit qu’ils le sont “en même temps”. Mon propos est différent, je dis qu’il faut l’être selon l’époque. Ce que Yarvin dénonce chez les fascistes est différent.

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