Il n’y a pas de révolution conservatrice ; au contraire.

Dans un tweet peu intéressant datant du 23 Mai 2023, Sandrine Rousseau répond à Thaïs d’Escufon en évoquant une révolution conservatrice.

Cette notion de révolution conservatrice est, par contre, très intéressante. Elle est très intéressante car, selon moi, il s’agit d’un mythe, un mythe autant partagé à gauche qu’à droite. Un mythe qui, à mon sens, est faux et qui empêche de penser, qui maintient la gauche et la droite dans une illusion. C’est pourquoi je me lance dans cet article, pour déconstruire cette notion de révolution conservatrice ou, du moins, la relativiser fortement.

Mais qu’est-ce qu’une révolution conservatrice de droite ?

La révolution conservatrice implique un mouvement, une progression des idées et mesures conservatrices dans la société et/ou au niveau de l’État. Dans la bouche de Sandrine Rousseau, je ne pense pas déformer sa pensée en affirmant qu’elle parle d’une révolution conservatrice de droite, car elle s’adresse à une femme identifiée à droite. Donc « votre révolution conservatrice », comme elle dit, est forcément une révolution conservatrice de droite. Je fais cette précision car on peut tout à fait être conservateur et de gauche : regardez la CGT qui essaie de conserver à tout prix le système de retraite par répartition, totalement désuet, ainsi que toute la structuration de la société qui va avec.

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En conséquence, cela signifie qu’il y aurait un fort mouvement de préservation des valeurs morales : les conservateurs classiques (c’est-à-dire de droite) mettant l’accent sur la préservation des valeurs morales traditionnelles, telles que l’importance de la famille, du mariage, de la religion et une certaine éthique personnelle.

Or, un tel mouvement, une telle présence du conservatisme de droite capable de transformer la société et l’État, n’existe pas dans les pays d’Europe de l’Ouest et en France en particulier.

Je ne parle pas de certains pays occidentaux comme la Pologne ou les États-Unis, où des forces conservatrices fortes existent bel et bien et sont en mouvement. Mais je constate qu’elles n’ont pas d’influence en France et ont même tendance à provoquer l’inverse. Par exemple, la potentielle entrée du droit à l’avortement dans la Constitution française est une réaction face au recul relatif du droit à l’avortement aux États-Unis…

En France, il n’y a pas de retour massif aux valeurs chrétiennes et un fort désir de préservation des traditions culturelles, religieuses et sociales. Si ce n’est au sein d’une certaine sphère de droite et politiquement chez Reconquête. C’est très loin d’être une révolution.

Au niveau politique, je constate qu’aucune loi réellement conservatrice n’est passée dans ce pays… En particulier au niveau sociétal, nous suivons la même ligne directrice engagée depuis Mai 68 avec l’extension de l’avortement, la dépénalisation de l’homosexualité, le PACS, le mariage gay… À mon sens, les dernières lois et mouvements vaguement conservateurs qui ont eu un impact datent des années 90 avec la loi Toubon imposant un quota obligatoire de chansons françaises à la radio et les polémiques lunaires portées par Ségolène Royal autour des mangas pour enfants.

Interview, en plateau, de Ségolène ROYAL en lutte contre la violence dans les programmes de télévision

Il y a bien eu des résistances contre le mariage gay, mais c’était uniquement une réaction, elle n’a pas vraiment eu de débouchés politiques et maintenant 59 % des Français se disent désormais favorables au mariage entre homosexuels… Comme révolution conservatrice, avouez que c’est bien léger…

Tous les fondements philosophiques et moraux qui devraient soutenir une révolution conservatrice sont faméliques dans nos sociétés. Ils ne sont pas en train de se renforcer pour générer un contre-ordre moral, et ce malgré le fait que l’ordre moral de gauche est en train d’échouer.

Le seul socle politique réellement conservateur de droite occidentale est l’hostilité face à l’islamisation du pays. Mais en vérité, je pense qu’il n’est qu’un sous-problème d’un enjeu plus large que j’évoquerai plus loin, qui est la lutte contre l’immigration-invasion.

Une autre chose qui pourrait être assimilée à une montée du conservatisme de droite est éventuellement l’ensemble de lois sécuritaires qui s’abattent sur notre pays depuis quelques années. Mais c’est clairement une interprétation malhonnête. Il faut constater que cet ensemble de lois a été mis en place par des gouvernements de chaque côté du champ politique. Et que le désir de sécurité est aussi bien partagé à gauche qu’à droite. La Corée du Nord et l’Espagne franquiste sont tout autant des sociétés sécuritaires l’une que l’autre. Le sécuritaire appartient autant à la gauche qu’à la droite.

Mais si ce n’est pas la montée du conservatisme de droite qui fait monter les idées de droite, comment expliquer la montée de celles-ci depuis 20 ans ?

Eh bien, un exemple à l’étranger me semble très éclairant. Il s’agit du Danemark, où la Gauche, une fois saisie du sujet de l’immigration, a appliqué la politique migratoire la plus dure d’Europe. En conséquence, l’extrême droite conservatrice a reculé et a pratiquement perdu son influence sur la politique du pays.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Olivier Véran est allé visiter ce pays récemment. Même si, contrairement à ce qu’il affirme, l’extrême droite n’est pas passée de 22% à 2% mais s’est plutôt morcelée et a diminué en influence, comme je l’ai expliqué précédemment.

Vidéo de la visite d’Olivier Véran au Danemark

Que cela plaise ou non, ce ne sont pas les valeurs conservatrices qui sont politiquement porteuses en elles-mêmes, mais c’est bien plus la lutte contre l’immigration qui fait monter la droite. La vérité, c’est que cette mise au ban de la société des idées conservatrices, enclenchée à la fin des années 60 en Europe de l’Ouest et particulièrement en France, ne s’est jamais réellement arrêtée. Il peut y avoir ici et là des va-et-vient, des résurgences grâce à des placements malicieux et précurseurs de certaines figures conservatrices sur les nouveaux moyens de communication (Internet, réseaux sociaux, plateformes vidéo) qui arrivent à s’y accrocher. Mais il faut être lucide et constater que le mouvement de fond n’a jamais réellement changé, et je ne pense pas que cela va changer de sitôt.

Au contraire, je suis persuadé que si demain la NUPES ou LREM adoptait la même politique migratoire que la Gauche danoise, Reconquête et surtout le RN seraient immanquablement en très grande difficulté. Reconquête résisterait, je pense, un peu mieux, car il y a à mon sens plus de conservateurs convaincus qu’au RN.

Et je pense que c’est exactement la même chose pour la politique sécuritaire, qui est, après la lutte contre l’immigration, la seconde béquille des partis de droite. Si demain un gouvernement de gauche s’attaquait réellement à ces problèmes, en plus de l’immigration, l’influence de la droite disparaîtrait quasi totalement. Car la droite n’a en vérité rien d’autre à proposer d’impactant et de positif. Jusqu’à présent, elle n’a proposé rien d’autre qu’un modèle conservateur un peu désuet, car le modèle libéral en France n’existe pratiquement pas. C’est précisément cette absence d’alternative de modèle de société au conservatisme à droite qui permet au conservatisme de survivre. Et c’est là qu’on comprend que la situation de la droite en France est en vérité extrêmement précaire. Certes, elle monte malgré le conservatisme que les Français ne veulent pas, mais elle le fait uniquement grâce à l’aggravation des problèmes migratoires et sécuritaires.

Vous comprenez donc que la situation de la Droite en France n’est pas aussi rose qu’il n’y paraît. Il suffirait de peu pour qu’elle soit balayée. C’est-à-dire qu’une vraie politique sécuritaire et une vraie lutte contre l’immigration invasive soient mises en place. Et ceux qui ont l’ouïe fine peuvent déjà entendre le bruit du changement arriver. Le gouvernement s’engage chaque année de plus en plus dans une politique sécuritaire. Il est de plus en plus dépendant de sa police et va donc mécaniquement céder face à elle, en lui donnant ce qu’elle attend pour faire son travail efficacement, c’est-à-dire plus de moyens sécuritaires et le cadre légal qui va avec. Enfin, le voyage d’étude de Véran au Danemark pour étudier la politique migratoire du pays semble indiquer que le gouvernement envisage de s’attaquer au désastre migratoire. D’autant plus que les politiques migratoires de tous les pays de l’espace européen semblent se durcir, entraînant mécaniquement les uns à imiter les autres pour ne pas récupérer les masses d’immigrés déboutés des autres pays. Il y a un potentiel effet domino qui pourrait nous amener très loin dans la lutte contre l’immigration, même contre les volontés du gouvernement.

Le piège semble se refermer doucement sur la droite française. Si elle ne prend pas rapidement le pouvoir, elle risque de voir ses deux principaux vecteurs de croissance être récupérés par d’autres et ainsi s’écrouler. Ce qui serait relativement cruel, sachant qu’elle avait raison avant tout le monde sur ces sujets. Mais peut-être est-ce le prix à payer pour une certaine démagogie et une absence de travail pour bâtir une alternative au conservatisme.

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Mais que faire pour la droite ?

Il semble hors de question pour la droite de renier ses désirs sécuritaires et sa volonté de régler le problème migratoire. Elle ne pourra donc pas prendre la gauche à contre-pied sur ces sujets. Elle va devoir s’accrocher à ses deux béquilles. Mais peut-elle nous proposer autre chose que le lourd manteau du conservatisme qui est sur son dos, faute de mieux ?

Elle ne doit plus tarder et doit travailler pour rattraper son retard, et enfin se tourner de manière intelligente vers le libéralisme, ce que les autres droites occidentales ont fait depuis au moins 50 ans. Le libéralisme aurait, par exemple, ses propres solutions à apporter pour répondre aux enjeux sécuritaires, et cela me semble être un moindre mal. Il pourrait aussi être une bonne réponse aux délires collectivistes de plus en plus forts dans la politique française. Il y a des prémices lorsque je vois que la droite s’oriente, consciemment ou non, vers la défense de la liberté d’expression face à la gauche aujourd’hui. Ce sera d’autant plus pertinent que la volonté de limiter les libertés individuelles est un repoussoir absolu dans nos sociétés. Voir la gauche s’y engouffrer démontre selon moi que son ordre moral est un échec.

Mais pourquoi la droite ne serait-elle pas pour une fois ambitieuse politiquement ? Pourquoi ne pas essayer de prendre de l’avance ? En proposant, par exemple, une droite intelligente, axée sur l’excellence, pro-technologique, écomoderniste, quelque chose de prométhéen comme semblent l’esquisser des personnalités comme Elon Musk ?

Elon Musk, un exemple pour la droite en occident.

La gauche réelle pourvoyeuse du conservatisme droitier :

Pour être tout à fait exact et nuancé quant à l’existence d’une révolution conservatrice droitière en France, évoquée par Sandrine Rousseau, je dois avouer qu’il existe en vérité deux pôles potentiels en mouvement. Même si je suis persuadé qu’elle ne les a pas à l’esprit quand elle parle à Thaïs Escufon.

En premier lieu, il y a l’offensive conservatrice musulmane, qui se mélange avec des enjeux communautaristes musulmans. Vous pouvez la voir à l’action dans les polémiques sur le burkini et le voile, ou même de manière très violente avec les attentats musulmans de ces dernières années. Pour le coup, ce sont réellement des idées conservatrices qui influencent la société et ses lois. Mais cela ne semble pas inquiéter Sandrine Rousseau, qui préfère fantasmer une révolution conservatrice de droite parmi les Français ethniques. Le plus ironique pour la Gauche, c’est que si elle n’était pas la courroie de transmission de cette révolution conservatrice musulmane, cette dernière n’aurait pratiquement pas d’influence en France et sur l’État.

En deuxième lieu, il y a la mouvance que j’appellerai « Bio-Conservatrice », qui est en train de prendre beaucoup d’importance. C’est cette espèce de grande mouvance transcourant qui s’agrège autour de certaines solutions écologiques décroissantes et qui est authentiquement technophobe. Où des figures comme José Bové et Christine Boutin en seraient les deux extrémités du spectre, et des figures comme Pierre Rabhi et Théodore Kaczynski en seraient le centre, comme j’ai pu l’expliquer dans un article précédent. Cette mouvance va défendre de manière confuse (et parfois en s’opposant) le Bio contre l’OGM, l’éolien contre le nucléaire, qui va s’opposer à l’augmentation génétique de l’humain et la GPA, qui va démonter les McDonald’s, par haine de l’américanisation…

Schéma du Bio conservatisme avec 4 grandes personnalités

Ils vont avoir des actions violentes et spectaculaires, de l’éco-terrorisme (Sainte-Soline, Unabomber), et ils ont un poids important dans la société et les différents gouvernements. Il suffit de regarder les dégâts considérables qu’ils ont faits sur la filière nucléaire française… Et eux sont en train de construire un contre ordre moral, avec ses tabous et ses interdictions… C’est ce qui en fait, à mes yeux, un véritable danger civilisationnel et le principal risque de révolution conservatrice. Mais encore une fois, ce risque-là n’inquiète pas Sandrine Rousseau, au contraire.

Pour conclure, je dirais que si il y a bien un risque de révolution authentiquement conservatrice, c’est du côté de Sandrine Rousseau qu’il faut regarder plutôt que de Thaïs Escufon.

Retrouvez l’auteur de cet article, Lino Vertigo sur twitter @LinoVertigo et sur la chaîne YouTube Lino Vertigo.

1 comment
  1. “Pour conclure, je dirais que si il y a bien un risque de révolution authentiquement conservatrice, c’est du côté de Sandrine Rousseau qu’il faut regarder plutôt que de Thaïs Escufon.”

    C’est exactement ici le grand paradoxe, la gauche aujurd’hui est plus conservatrice de la droite, et le truc plus drole est que ni la droite ni la gauche meme ne sont pas coscientes.

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