Christianisme et culture du prestige [TNT 5]

Quels avantages offrait l’hypothèse de la morale chrétienne ?

1) elle prêtait à l’homme une valeur absolue, en opposition avec sa petitesse et son accidence dans le fleuve du devenir et de la disparition ;
2) elle servait les avocats de Dieu, en ce sens qu’elle laissait au monde, malgré la misère et le mal, le caractère de la perfection — y compris la fameuse « Liberté » — : le mal apparaissait plein de sens ;
3) elle admettait que l’homme possède un savoir particulier au sujet des valeurs absolues et lui donnait ainsi, pour ce qui importait le plus, une connaissance adéquate ;
4) elle évitait à l’homme de se mépriser, en tant qu’homme, de prendre partie contre la vie, de désespérer de la connaissance : elle était un moyen de conservation.

En résumé : la morale était le grand antidote contre le nihilisme pratique et théorique.

Nietzsche, La volonté de puissance

Il est légion de mettre en avant les limites du christianisme. Nietzsche, dans une analyse brillante identifiant le fondement de la morale, le tient pour une morale de faible, d’esclave, qui renverse les valeurs de ce qui constitue le bon et le mauvais. Comment est-il parvenu à cette conclusion ? Peut être fut-il inspiré par d’autres, Alexis de Tocqueville, par exemple, dira cela avant lui, mais surtout, il l’a vécu dans sa chaire. 

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Le christianisme ne créa pas précisément des devoirs nouveaux, ou, en d’autres termes, des vertus entièrement nouvelles ; mais il changea la position relative qu’occupaient entre elles les vertus. Les vertus rudes et à moitié sauvages étaient en tête de la liste ; il les plaça à la fin. Les vertus douces, telles que l’humanité, la pitié, l’indulgence, l’oubli même des injures, étaient les dernières ; il les plaça avant toutes les autres. Premier changement.

Le champ des devoirs était limité. Il l’étendit. Il n’allait guère plus loin que les concitoyens. Il y fit entrer tous les hommes. Il renfermait principalement les maîtres ; il y introduisit les esclaves. Il mit dans un jour éclatant l’égalité, l’unité, la fraternité humaine. Second changement.

La sanction des lois morales était plus encore dans ce monde que dans l’autre. Il plaça le but de la vie après la vie et donna ainsi un caractère plus pur, plus immatériel, plus désintéressé, plus haut à la morale. Dernier changement.

Alexis de Tocqueville, Notes sur le Coran et autres textes sur les religions

Il n’y a qu’à lire l’ensemble de l’œuvre de Nietzsche pour voir comment s’opère une rupture dans les ouvrages Humain, trop humain, ou à un pic de maladie et fortement influencé par la Science et les Lumières, Nietzsche développe des idées vantant les mérites du faible, le voyant même comme un bénéfice pour la communauté. Il donne l’impression de chercher à justifier son existence de faible, et on ne peut qu’imaginer les ressorts mentaux qui le poussèrent à cela. Il finira par les rejeter pour développer la philosophie pour laquelle on le connait.

Mais cela présente une certaine limite dans la définition nietzschéenne de ce que devrait être une morale de fort. Il a bien compris les ressorts de la morale de faible, puisqu’il l’a expérimentée lui-même, mais il n’a jamais fait l’expérience d’être parmi les forts. Il impute la source de sa morale à son état de faible et imagine, alors, qu’un fort devrait nécessairement avoir une morale diamétralement opposée. Les marxistes reprochent aux forts d’être forts, les nietzschéens reprochent aux forts de ne pas assumer leur statut et d’adopter la morale adéquate. Mais pourquoi une morale de fort devrait-elle être rigoureusement l’opposée de la morale de faible ? Pourquoi un fort ne devrait-il pas avoir de compassion pour le faible ? Et pourquoi la nature n’a pas l’air d’avoir conférée un avantage aux peuples avec un leader despotique ?

Mais la vie sociale d’une multitude ne pourrait exister sans un dirigeant qui recherche le bien commun ; car plusieurs recherchent nécessairement plusieurs buts, mais un seul n’en recherche qu’un. Ce qui fait dire à Aristote : « Chaque fois que plusieurs éléments sont ordonnés à une seule fin, on en trouve toujours un qui prend la tête et qui dirige ».

Saint Thomas d’Aquin, La somme théologique

Le christianisme constitue un système qui a duré dans le temps, et qui a même vu l’essor de la plus grande civilisation. Certains diront que cette civilisation s’est développée malgré le christianisme, preuve en est l’explosion d’avancées technologique de la modernité, en refusant de voir ce qu’elle lui doit.

Je ne suis pas spécialement un amoureux du christianisme, ni un de ses détracteurs obsessionnels. Je pense avoir une vision assez mesurée et dépassionnée sur cette question, et je tends souvent à mettre en avant ce qui me semble délictueux dans cette religion. Mais j’aimerais, dans le présent article, essayer de comprendre ce que le christianisme a apporté à l’Europe. Il me semble qu’il convient de nommer rétroactivement le principe de subsidiarité comme en faisant partie.

Le principe de subsidiarité est une idée selon laquelle les problèmes doivent être résolus au niveau le plus proche possible des personnes affectées. Il stipule que les décisions doivent être prises au niveau le plus bas possible de l’organisation, ce qui signifie que le souverain, ou l’autorité centrale, doit se limiter à prendre les décisions qui ne pourraient être prises efficacement par des niveaux inférieurs de gouvernement ou de l’organisation. Ainsi, le souverain doit éviter d’empiéter sur les compétences des niveaux inférieurs, en leur permettant de gérer les questions qui leur sont propres.

Il a été formulé pour la première fois par le pape Léon XIII dans son encyclique Rerum Novarum publiée en 1891. Cette encyclique était une réponse de l’Église catholique aux changements sociaux et économiques liés à la révolution industrielle, et elle abordait des sujets tels que les droits des travailleurs, la propriété privée et le rôle de l’État dans l’économie. Cependant, si Léon XIII lui conféra le nom, il repose sur des principes plus anciens tirés du thomisme. Mais pourquoi ce principe est bon ?

La première chose à comprendre est qu’un être humain et une société humaine sont tous deux ce que Prigogine appelle des structures dissipatives. Ils sont des systèmes qui vont capter et utiliser les sources d’énergie (dissipation), croître et se développer (autocatalyse), s’adapter sans cesse aux évolutions du monde (homéostasie) et modifier leur comportement après les difficultés rencontrées (apprentissage) ou mourir. Cela constitue ce que j’appelle des systèmes cybernétiques, dont le but va être la construction d’information. Le système cybernétique humain va être imbriqué dans le système cybernétique société humaine. Alors, plus un humain va vivre dans une société humaine complexe, plus il va faire l’expérience d’un conflit entre ces systèmes cybernétiques.

En tant que structures dissipatives, ces deux types de systèmes sont soumis aux lois de la thermodynamique des systèmes ouverts. Ils vont tous les deux chercher à diminuer leur entropie locale, et donc à s’éloigner du point d’entropie maximum. L’entropie étant la mesure du désordre, le point d’entropie maximum est l’homogénéité de toute chose, l’égalité entre toute chose, l’absence de hiérarchie. Plus une société humaine dissipera l’énergie efficacement, plus elle deviendra inégalitaire entre les individus qui la compose. 

Cependant, le système cybernétique humain veut continuer à persévérer dans son être et croître, même lorsqu’il est dans les couches les plus basses de la société. La naissance de la cité passe nécessairement par un conflit. De là nait le ressentiment, bien compris par Nietzsche, qui peut devenir un danger pour le système cybernétique société humaine.

Alors, comme l’a bien vu Kalergi, le christianisme est une religion urbaine qui va naître avec la cité, alors que le paganisme est la religion des paysans. Et comme le relèvera Spengler, toutes les grandes cultures sont des cultures citadines. On sait que la sélection naturelle favorise, en même temps, les individus les plus égoïstes et les groupes les plus altruistes. Alors, si, comme on l’a vu dans l’article précédent, la particularité du mouvement provient sûrement de la séparation tripartite de la culture indo-européenne qui favorise la puissance, le christianisme va, lui, constituer une façon de canaliser le ressentiment de la société, en offrant un compromis entre ces conflits cybernétiques, afin de l’optimiser. Il va empêcher les forts d’exprimer leur puissance à leur seul profit, mais, en contrepartie, permettra de faire en sorte que les faibles acceptent leur sort. Pour le dire autrement, une morale de fort se doit de prendre en compte son sort personnel mais, également, le sort de la structure collective dont on est responsable.

Faire peser sur ses semblables le joug de la tyrannie, se croire d’une condition meilleure que ceux qu’on opprime, étaler le faste de l’opulence, écraser le faible, tout cela ne fait pas le bonheur ; aussi n’est-ce pas en cela que l’homme peut imiter son Dieu, car aucun de ces traits ne caractérise la majesté divine ; mais prendre sur soi le fardeau du malheureux, du lieu élevé où le ciel nous a placés, répandre des bienfaits sur ceux qui se trouvent au dessous de nous, regarder les richesses comme des dons que Dieu fait passer par nos mains pour arriver à l’indigent, c’est devenir le Dieu de ceux qu’on soulage, c’est imiter Dieu lui-même.

Auteur anonyme, Épître à Diognète, Les premiers Textes du Christianisme

Il y a un fait tout à fait décisif, dont on n’a jamais pesé toute la signification : c’est que toutes les grandes cultures sont des cultures citadines. L’homme supérieur de la seconde époque cosmique est un animal constructeur de cités. Le critère très net de « l’histoire universelle », par lequel elle se distingue proprement de toute histoire de l’homme en général, est qu’elle est l’histoire de l’homme citadin. Peuples, États, politique et religion, tous les arts, toutes les sciences, reposent sur ce seul phénomène primaire de l’être humain : la ville.

Oswald Spengler, Le déclin de l’Occident

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Le christianisme comme boucle régulatrice

La religion chrétienne, qui avait civilisé les peuples du Nord, mis un frein à la débauche dans laquelle l’Italie était plongée, fait défricher le territoire européen, desséché les marais dont son sol était couvert, assainir son climat ; qui avait fait percer des routes, construire des ponts, établir des hôpitaux ; qui avait répandu parmi les peuples l’importante science de la lecture et de l’écriture ; qui avait partout ouvert des registres pour les actes civils ; qui avait commencé à rassembler des matériaux pour l’histoire; qui avait diminué et presque anéanti l’esclavage ; enfin, qui avait organisé la société politique la plus nombreuse qui ait jamais existé.

Saint Simon, Travail sur la gravitation universelle

En grossissant le trait, on pourrait dire que le paganisme des Européens était une vision du monde épousant la boucle positive accélérant le changement. Ce n’est pas tout à fait vrai, puisqu’on pourra me rétorquer que les Grecs vantaient les mérites de la tempérance. Mais depuis les kóryos indo-européens jusqu’au vikings et en passant par les éphèbes athéniens, les Européens possédaient une culture qui encourageait la prédation à l’extérieur du groupe. Par sa rencontre avec le système aristocratique des tribus germaniques à l’origine des invasions barbares, le christianisme a constitué une boucle de rétroaction négative permettant de stabiliser le système et unifier l’Europe en différentes nations. 

Il accompagnera cet appétit naturel d’exploration des Européens, et sera même parfois bénéfique pour les cultures locales colonisées. Le christianisme a alors permis de trouver un bon compromis entre l’individu et la société. Alors qu’auparavant les individus vivaient pour la société, en effaçant leur « je » mais en disposant de phases de prédations où ils pouvaient devenir des berserkers, le christianisme a posé les premières pierres du libéralisme en mettant en avant, dans le même temps, l’existence de l’individu doué de libre arbitre, et son intérêt à refuser à s’engager dans des comportements de prédation égoïste pour le plus grand bien de la société. Contrairement au judaïsme et à l’Islam qui sont des orthopraxies, les Évangiles ne forcent en rien les croyants.

Mahomet a fait descendre du ciel, et a placé dans le Coran, non seulement des doctrines religieuses, mais des maximes politiques, des lois civiles et criminelles, des théories scientifiques. L’Évangile ne parle, au contraire, que des rapports généraux des hommes avec Dieu et entre eux. Hors de là, il n’enseigne rien et n’oblige à rien croire.

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique

Le libre arbitre est remis en cause aujourd’hui au fur et à mesure que l’on parvient à expliquer la racine biologique de nos choix. Je crois quand même qu’on a souvent l’occasion de faire des choix raisonnés. En dernière instance, Sam Bankman-Fried avait le choix de détourner l’argent des clients de FTX ou non, gérer une compagnie honnête et prospère ou s’engager dans un comportement délétère. On pourra trouver des sources d’explication à un tel choix dans ses gènes, sa biologie, le fait d’avoir accès à cet argent et d’autres raisons ; mais le fait est qu’il a agit ainsi alors qu’il aurait pu en être autrement.

Cette rencontre donnera des sociétés aristocratiques structurellement organisées pour permettre le progrès, avec le christianisme comme frein préservant la stabilité de l’ensemble de la société. Les rôles étaient clairement définis, la caste de forts identifiée et impénétrable aux faibles, mais les forts étaient tenus de garder les faibles en bonne estime. Leur position de forts étant assurée, pourquoi devraient-ils en plus marquer leur position de force en se montrant ingrats envers les faibles ?

Même un leader comme Cromwell, qui participera activement à la révolution anglaise et posera les base du futur capitalisme, sera tenu par son puritanisme, et écrira au Long Parlement après la bataille de Dunbar : « Daignez réformer les abus de toutes les professions ; que s’il s’en trouve une qui fasse beaucoup de pauvres pour un petit nombre de riches, cela ne sert point la chose publique ».

Si le christianisme a accompagné et légitimé les inégalités, pourquoi dans le même temps ce frein est potentiellement nécessaire ? Car c’est précisément le mode de fonctionnement d’un système thermodynamique ouvert qui a besoin d’inégalités mais pas au point de disparaître dans la fragmentation, l’explosion. De la même façon qu’une machine de Carnot a besoin d’une source chaude et une source froide afin de fournir un travail mécanique, une société à besoin de forts et de faibles. S’il n’y a pas de forts et de faibles, dans une parfaite égalité, le système atteint son état d’entropie maximum et ne peut plus fournir de travail mécanique. Il meurt. 

On lit dans l’épître aux Romains : « Ce qui vient de Dieu est conforme à son ordre ». Mais l’ordre semble consister surtout dans l’inégalité ;

Saint Thomas d’Aquin, la Somme théologique

Dieu a fait les pauvres en vue des riches et les riches en vue des pauvres.

Maître Eckhart, Et ce néant était Dieu

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Le prestige contre la dominance

Comment le christianisme a-t-il concrètement permis d’améliorer la coopération entre les individus d’une société ? Joseph Henrich peut potentiellement nous fournir une piste de réponse. Dans son ouvrage L’intelligence collective, il évoque une différence fondamentale dans la façon d’avoir de l’influence sur un groupe. Il en existe deux, la dominance et le prestige, qui ont des attributs différents. Les deux sont des forts, mais ils diffèrent dans leur morale.

Les stratégies fondées sur le prestige ou la dominance, toutes deux aisément repérables, révèlent des configurations attendues et offrent deux voies distinctes pour influencer son groupe – deux voies menant chacune à son propre statut. Les individus dominants ont tendance à (1) être autoritaires, (2) tirer la couverture à eux, (3) taquiner les autres pour les humilier et (4) être manipulateurs. Les individus prestigieux, quant à eux, ont tendance à (1) pratiquer l’autodénigrement, (2) attribuer le succès à l’ensemble de l’équipe et (3) raconter des blagues.

Joseph Henrich, L’intelligence collective

Il n’y aurait alors pas une seule morale de forts. Être fort pourrait s’exprimer différemment et avec des conséquences elles aussi différentes pour le groupe. Ce que l’on remarque, c’est que les individus de moindre statut ont tendance à prendre exemple et imiter plus volontiers les individus prestigieux. On peut observer qu’à certaines occasions, le christianisme a favorisé des comportements de l’élite permettant de développer une culture du prestige. Par exemple, dès les premiers siècles du christianisme, Saint Ambroise, alors archevêque de Milan, a mené une campagne incitant les riches à partager leur argent en présentant le don comme un geste d’admiration. De riches chrétiens se sont alors mis à rivaliser de générosité. Ambroise se présentait, en la matière, comme l’exemple parfait, puisqu’il avait renoncé à l’entièreté de sa fortune. Avant cela, le don aux pauvres semblait une chose incongrue.

Alors que les dominants cherchent à manipuler le groupe pour servir leurs intérêts, les individus prestigieux se montrent volontiers généreux. Par cette générosité, ils améliorent la sociabilité du groupe. On peut évidemment imaginer que ce geste comporte une part d’hypocrisie, ou du moins que les individus prestigieux y trouvent leur intérêt. Vivre dans un groupe fonctionnant mieux améliore la puissance du groupe, et donc, celle de tous, la leur y compris. Phénomène intéressant, Joseph Henrich met en avant que, pour fonctionner, ce geste doit être mis en place volontairement par les individus prestigieux. Si ce sont les individus de moindre statut qui initient le phénomène, il ne prend pas. C’est ici toute la supériorité du christianisme sur le communisme.

Comble de l’hypocrisie, mais l’hypocrisie est parfois nécessaire, il fallait bien s’arranger avec la phrase de Jésus voulant « qu’il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu ». À partir de cette parabole, Ambroise a érigé un trésor pour l’Église en promulguant l’idée que les riches pouvaient effectivement entrer au paradis en donnant leurs richesses aux pauvres, par l’intermédiaire de l’Église. Idéalement, les riches chrétiens devraient donner leurs richesses aux pauvres et se mettre au service de Dieu. Mais l’Église proposait également une alternative psychologiquement plus facile : les riches pouvaient léguer une partie ou la totalité de leur fortune aux pauvres au moment de leur mort. Cela permettait aux riches de rester riches toute leur vie, mais de continuer à enfiler l’aiguille proverbiale en donnant généreusement aux pauvres à leur mort.

Ce que le christianisme a permis est de faire comprendre aux forts et aux faibles qu’ils ont besoin les uns des autres. Alors, il n’est pas tout à fait exact de parler de morale de forts et de faibles à mon sens. Des faibles peuvent avoir une morale les poussant à envier les forts et les forts peuvent avoir une morale les poussant à écraser les faibles. Mais une société fonctionnelle est nécessairement celle où les forts et les faibles partagent la même morale qui comprend ce que chacun doit à l’autre sans ressentiment ni excès d’empathie. Le christianisme va alors jouer un rôle restrictif limitant le mal extérieur qui va permettre le développement de la civilisation.

En enlevant Dieu et son projet divin de l’équation, on aboutit à un monde matériel où les inégalités ne sont plus acceptées et le ressentiment des faibles n’est plus canalisé. La force du christianisme, était sa téléologie.

1 comment
  1. Intéressant article. On pourrait aussi l’utiliser pour éclairer la version nocive, pervertie du prestige chrétien, et en quoi en tant qu’héritage il a pu influencer les bourgeois de gauche et soit-disant “égalitaristes” qui voudraient être les sauveteurs de plus pauvres qu’eux.

    Car c’est bien par recherche d’un faux *prestige de la bienveillance* que la gauche cherche l’électorat des pauvres, et celui des immigrés suffisamment crédules pour les croire. Le pape tombe lui aussi dans ce travers avec ses appels à “ouvrir les portes” de l’Europe :confounded: Pourtant son attitude semble bien chrétienne. Mais il ne sait plus quoi faire pour se sentir utile ; ces gens ont besoin de sentir la misère fouler leurs cheville pour croire en leur propre importance, en leur propre “prestige chrétien”.

    Malheureusement cette attitude pervertie a largement suffit à me dégoûter de cette religion, car elle prévaut dans le monde que j’ai toujours connu et cristallise même le virus qui ronge notre pays de l’intérieur. Il y a ce grand écart entre la théorie et la réalité des chrétiens autour de nous.

    En somme si la valeur historique de cette religion semble incontestable, je vois mal comment on pourrait la sauver de sa part d’hypocrisie qui l’a complètement phagocytée, et continue de la décrédibiliser aujourd’hui, notamment avec les déclarations du pape qui continuent de l’enfoncer.

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