Sur la fin de l’univers : Laissez les adultes rêver

Après avoir désigné le devenir comme la chose la plus sacrée qu’il soit, je me suis empressé d’ajouter ceci : définir le devenir n’est pas quelque chose de souhaitable. Pire il peut même être dangereux. C’est parce que les communistes ont voulu réaliser le paradis sur Terre qu’ils se sont vautrés dans les crimes de masse. C’est aussi parce que les Nazis ont borné le devenir à l’avènement – qu’ils voyaient comme un retour – de la race aryenne qu’ils se sont eux aussi livrés à des atrocités. Définir un devenir pousse à vouloir le hâter par tous les moyens. C’est en cela que j’aime le libéralisme qui ne se donne pas pour autre but que créer les conditions de coopération juridiques les plus justes possibles mais laisse à chacun le soin de se doter de son propre objectif et de sa propre morale. Et si je peux m’attrister et même m’inquiéter de voir tant d’Européens se donner des buts purement matériels si bas, c’est parce que je me dis que c’est autant de potentiel gâché à cause d’une vision du monde trop pauvre.

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C’est pourtant très humain de vouloir se donner un cap, et ce n’est pas un problème en soi tant qu’il n’est pas perçu comme le but ultime du sens de la vie. Ainsi, Elon Musk va par exemple se donner pour but de sa vie, et non de la vie, de rendre l’espèce humaine multiplanétaire. Ce qui est nécessaire et stimulant. L’être humain va alors pouvoir gérer de mieux en mieux l’énergie à sa portée et devenir in fine une civilisation galactique, puis intergalactique… mais après ? Cela ne définit toujours pas pourquoi on le ferait et quel serait la fin de tout cela.

Je trouve par la même dommage qu’Harari ait choisi d’appeler son homme-augmenté Homo-Deus. Cette déification sonnant comme une fin alors qu’elle ne peut être qu’une étape du devenir. L’homme ne deviendra un démiurge que lorsqu’il pourra créer un univers lui-même.

Créer un nouvel univers, c’est justement la finalité de l’humanité que propose Clément Vidal. Partant du postulat plus que probable que notre univers disparaîtra un jour, il considère que la seule façon de prolonger la vie sera de créer un nouvel univers. Cela me semble là aussi très stimulant et ça ne manque pas de sens. Pourtant, si je crois que c’est là aussi une étape nécessaire, je ne peux la considérer comme une fin en soi.

Elle ne fait que retarder le nihilisme

Imaginons que toute l’humanité soit tout entière vendue à ce but. Si tôt que nous serons capables de créer un univers, alors nous perdrons une fois de plus le sens de la vie et tomberons une fois de plus dans le nihilisme. “Nous pourrons toujours nous fixer de nouveaux buts” me direz-vous. Exactement, mais c’est précisément pour cela que je ne saurais le considérer comme le but final, le sens de la vie.

Competition d’univers

Aussi, si nous parvenons à créer un nouvel univers, peut-être désirerons nous recréer le nôtre à l’identique mais peut-être serons nous tentés au contraire d’expérimenter de nouvelles règles. Ces univers pourraient alors entrer dans une compétition aboutissant à une sélection naturelle à l’échelle cosmique. Le but ne serait alors plus de recréer un univers pour continuer la vie mais créer le meilleur univers possible. Cet univers porterait alors en lui en germe les conditions pour que son développement favorise par la suite l’avènement d’univers encore meilleurs. Il y aurait alors, en plus des deux algorithmes contrôlant les comportements individuels via les gènes et les gènes eux-mêmes via la sélection naturelle, un troisième algorithme supérieur sélectionnant les univers les plus adaptés suivant les règles qui les gouvernent.

Autrement dit, si les individus, via leurs gènes, sont soumis à un algorithme influençant leurs comportements afin de les orienter vers la reproduction et de créer de nouvelles instances d’individus qui seront le signal de renforcement d’un second algorithme qui va sélectionner les meilleures combinaisons de gènes via la sélection naturelle, le principe lui même de l’évolution pourrait être intimement lié à un troisième algorithme qui sélectionnera les meilleurs univers disposant des lois les plus adaptées. On pourrait alors l’appeler la sélection cosmique, qui n’est pas soumise aux lois de la nature mais qui au contraire sélectionne les meilleures lois naturelles. De la même façon que la sélection naturelle sélectionne les individus parvenant à se reproduire, la sélection cosmique sélectionnerait les univers parvenant à engendrer de nouveaux univers avant de disparaitre.

C’est un point de vue défendu par Lee Smolin, un des fondateurs de la gravitation quantique à boucles, qui émet la théorie de la Sélection naturelle cosmologique. Selon lui, l’univers que nous connaissons serait le résultat de l’évolution par mutation d’univers plus anciens. C’est la théorie des univers féconds. Smolin avance qu’un univers pourrait en engendrer un autre lors de la formation d’un trou noir. Le corollaire de cette vision du monde est que notre univers pourrait déjà être soumis à cette compétition et donc disposerait de la possibilité de ne pas être sélectionné par la sélection cosmique.

Mais alors, si les nouveaux univers se forment via les trous noirs, quel serait le rôle de l’homme ? Est-ce que son existence serait nécessaire afin de rendre son univers fécond ou relèverait-elle simplement du hasard comme un sous produit de l’évolution cosmique. De la même façon que les hommes ont des tétons qui ne servent à rien simplement car ils sont utiles chez la femme pour donner le sein, l’existence de l’homme pourrait n’être que le résultat d’un heureux hasard non nécessaire découlant des lois naturelles qui permettent de rendre un univers fécond. Il ne relèverait pas alors de son rôle de participer à la sélection de son univers et ce ne pourrait être son but final. La raison du paradoxe de Fermi pourrait être alors tout simplement qu’à un certain niveau d’intelligence et de compréhension du monde, on comprend que l’on n’a pas d’impact sur l’échelon supérieur.

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Maximiser la production d’entropie

Une autre option formulée par Schrödinger dans sa conférence “Qu’est-ce que la vie ?”, voit comme rôle de la vie la production d’entropie. Jeremy England, un physicien du MIT, propose lui aussi cette solution : la vie serait la manière la plus efficace de dissiper la chaleur et donc d’augmenter l’entropie. Sur une planète comme la terre, les atomes et les molécules sont bombardés en permanence par une énergie forte et utilisable : le soleil. Ceci engendre une situation d’entropie très faible. Naturellement, les atomes vont alors s’organiser pour dissiper l’énergie. Physiquement, la manière la plus efficace de dissiper l’énergie reçue est de se reproduire. En se reproduisant, la matière crée de l’entropie. La première molécule capable d’une telle prouesse, l’ARN, fut la première étape de la vie. Les mécanismes de sélection naturelle favorisant la reproduction ont alors fait le reste. Selon Jeremy England, la vie serait mécaniquement inéluctable pour peu qu’il y aie suffisamment d’énergie. Si la théorie d’England se confirme, cela serait une très mauvaise nouvelle pour l’humanité. Car si le but de la vie est de maximiser l’entropie, alors ce que nous faisons avec la terre, la consommation à outrance, les guerres, les bombes nucléaires sont parfaitement logiques. Détruire l’univers le plus vite possible pour en faire une soupe d’atomes serait le sens même de la vie. Une fois le stade d’entropie maximale atteint, l’univers trouverait une stabilité dans l’immobilité et donc dans la fin de toute vie, dans le néant.

Ce qui compte alors c’est le devenir

Quand bien même créer un nouvel univers ou générer de l’entropie donnerait un cap pour l’action humaine, il est délicat d’affirmer aujourd’hui qu’il est sûr et certain que la vie revêt un rôle capital. C’est pourquoi j’en suis arrivé à la conclusion personnelle que, s’il est important de questionner le devenir et le sens de la vie, il est vain de définir le but ultime du devenir. Je suis d’accord avec Elon Musk quand il donne comme but pour l’espèce humaine de se donner la capacité de poser les bonnes questions plutôt que de définir une réponse définitive sur le but de la vie. Ainsi, je pense que ce qu’il y a de plus important est le devenir, pour ce qu’il est, sans but précis, du moins pour le moment.

Ce principe du devenir, je l’applique à ma pensée elle-même. Je veux que mon œuvre témoigne d’une pensée en mouvement, en devenir. Cela implique de ne pas avoir peur de se tromper parfois, de se contredire, de se corriger, mais surtout de ne pas avoir peur de rêver. Je crois que c’est pour cela que Nietzsche ne voulait pas de disciples. Les disciples voulant s’approprier la pensée de leur maître la fixe comme une vérité révélée. or c’est bien ce que l’on peut faire de pire à un penseur du devenir.

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