Le Futurisme comme progressisme révolutionnaire de droite (1/2)

Nous sommes en 1910, des passants marchent à Venise, le regard loin à l’horizon se posant indistinctement sur le palais des Doges et les quais recouverts de gondoles. Le ciel est bleu, le vent absent, une belle journée que rien ne semble devoir troubler. Soudain, des cris descendent des hauteurs, des hurlements et de multiples invectives. Levant la tête, un nuage de petits carrés blancs recouvre rapidement la place. Tandis que les autorités se saisissent des étranges perturbateurs, l’on prend le temps de lire ces petits tracts incitant à la militarisation de Venise et à la préparation de la Guerre contre l’Autriche.

« Nous voulons préparer la naissance d’une Venise industrielle et militaire, qui puisse braver et affronter sur la mer Adriatique notre éternelle ennemie : l’Autriche.
Hâtons-nous de combler les petits canaux fétides avec les décombres des vieux palais croulants et lépreux. Brûlons les gondoles, ces balançoires à crétins, et dressons jusqu’au ciel l’imposante géométrie des grands ponts de métal et des usines chevelues de fumée, pour abolir partout la courbe languissante des vieilles architectures ! »

Les lecteurs ont été victimes d’un coup d’éclat de Marinetti, organisé par différents membres de son mouvement artistique : le futurisme.

La vitesse, l’industrie, la guerre déclarée au passé et le mépris de la vie simple, tout y est. Ces éléments guideront l’iconoclaste membre de l’Académie Italienne jusqu’en 1944, date de sa mort, après avoir influencé le régime Mussolinien notamment en contribuant à l’élaboration des Faisceaux de Combats. Le futurisme comme mouvement hétéroclite a rassemblé des personnalités diverses et antagonistes tel que le peintre Français Desmarles rêvant de détruire Montmartre pierre par pierre ou Julius Evola, qui deviendra une figure prédominante de la Révolution-Conservatrice Italienne [1]. Ces deux figures philosophico-artistiques aux antipodes l’une de l’autre se sont formés dans la même école de pensée.

Au début du XXème siècle, de multiples courants artistiques voient le jour. Si la gauche marxiste s’est illustrée dans le surréalisme de Breton, la droite a multiplié les innovations doctrinales. Au milieu des contre-révolutionnaires, des nationalistes intégraux et des conservateurs révolutionnaires, le futurisme incarne comme particularisme d’être autant en guerre contre les dérives modernistes gauchisantes, que contre les illusions passéistes des conservateurs. L’exprimant dans cette formule : « L’Italie a été trop longtemps le grand marché des brocanteurs. Nous voulons la débarrasser des musées innombrables qui la couvrent d’innombrables cimetières. »

Le Futurisme comme ennemi naturel du passéisme

Le futurisme a cela de particulier qu’il s’agit du seul mouvement artistico-philosophique de droite de ce début de XXéme à se vouloir ouvertement technophile, et allant même jusqu’à considérer le conservatisme comme un ennemi de même calibre que la gauche.

Ainsi, le futurisme proclame ouvertement son mépris du romantisme, auquel il reproche l’immobilisme associé à la contemplation des ruines (critique qui sera également faite par Maurras envers Chateaubriand, en se fondant sur le positivisme Comtien) et la référence au passé condamnant l’être à se renfermer sur soi en cultivant l’émotion. Loin de la vague des passions de l’ultraroyaliste [2], Marinetti défend l’Homme multiplié, soit l’idéal de l’homme tendant vers de multiples dimensions par des capacités toujours plus renforcées par la Technique. Mais cette multiplication ne peut avoir lieu que dans un rapport avec l’extérieur.

Ce rapport avec l’extérieur marque un accord de conception avec Bernanos, qui voyait à son tour que le monde moderne était « un complot contre toute forme d’existence intérieure » [3], mais loin de s’en émouvoir, Marinetti part à la recherche de cette existence intérieure afin de l’anéantir. Loin de correspondre au cliché de l’artiste enfermé dans sa tour sombre à méditer face à un crâne, Marinetti appelle tous ses artistes à agir directement dans la rue, et à contribuer à modeler le monde, tant au niveau des idées que matériellement.

L’exaltation du passé ne saurait être qu’un immobilisme tendant à vouloir réitérer une situation donnée dont la répétition est rendue impossible par les structures économiques nouvellement établis sur le fondement des nouvelles technologies, bouleversant de façon définitives les structures d’antan. Le servage est définitivement enterré par la Révolution Industrielle, et c’est tenter « d’inverser la roue de l’Histoire » [4] que d’y retourner. Marinetti se fait ici ennemi des Réactionnaires, reprenant le discours Marxiste d’un sens de l’Histoire et de la maîtrise de la Matière par les moyens de production toujours perfectionnés par la Technique. L’observation mélancolique d’un passé mystifié comme fondement d’une mythologie et d’un rapport esthétique envers une ère dépassée doit être abolie.

Le rapport au passé de Marinetti dépasse le simple progressisme. Il se considère lui-même comme étant en guerre contre les scories du Temps, en cela que leur survivance attise et maintient une certaine frange de la population dans la béatitude liée à la contemplation d’un fantasme.

« Nous sommes sur le promontoire extrême des siècles ! … A quoi bon regarder derrière nous, du moment qu’il nous faut défoncer les vantaux mystérieux de l’impossible ? Le Temps et l’Espace sont morts hier. Nous vivons déjà dans l’absolu, puisque nous avons déjà créé l’éternelle vitesse omniprésente. »

Sur le plan funéraire, Marinetti se fait un grand défenseur des charniers indifférenciés et des ossuaires. Les périodes de deuil correspondent à d’inutiles moments d’immobilité et de soumission à des passions sans objets, dès lors que le cadavre voué à disparaître par la décomposition n’a pas plus d’utilité qu’une charogne lavée de sa chair. Il lui paraît sain de vouloir se débarrasser de cette notion de deuil, et finalement même de condamner l’affect lié au trépas.

Appliquant à lui-même ce principe, il admet que le futurisme d’aujourd’hui, limité par la maîtrise scientifique de l’époque, sera probablement obsolète demain. Ainsi, cultivant une forme aboutie de nihilisme, Marinetti expose que la révolution futuriste dont il se veut fondateur a pour mission de détruire les œuvres passées pour ne plus s’y perdre, et de lancer les prémisses des révolutions de demain. Mais les futuristes de demain eux-mêmes auront pour mission de détruire les œuvres de la première génération de futuristes, se fondant sur leurs travaux pour pousser un peu plus loin la Technique, sans jamais se limiter aux attentes de leurs ancêtres.

L’homme futuriste se veut l’Homme de l’éternel présent tendu vers l’avenir. D’ailleurs chaque génération de futuristes doit être massacrée par la suivante, pour acter dans le réel le progrès et l’obsolescence des trépassés. Ainsi, le temps conçu comme étant linéaire ne saurait aller que vers un approfondissement global des connaissances scientifiques, et donc des capacités nouvelles associées. Les objectifs futuristes se situent sur un horizon inatteignable vers lequel il faut tendre en permanence. Comme le nom l’indique, l’objectif est un éternel futur qu’il faut sans cesse repousser.

Filippo Tommaso Marinetti, celui qui rêvait de canons, fête aujourd’hui son 146eme anniversaire.

La Haine du passé sous toutes ses formes resplendit particulièrement dans le roman « Tuons le clair de lune !! » mettant en scène un régiment de militaires exaltés partis pour détruire un continent imaginaire quand, bouleversé par un discours particulièrement acerbe envers la naïve mélancolie des poètes, le régiment se décide à construire un canon titanesque avec pour seul objectif de détruire la Lune, emportant avec les débris stellaires toutes les contemplations béates que cette dernière suscite. Le roman a cela de puissant qu’il parvient à faire passer le corps céleste d’un objet inatteignable, à la cible privilégiée par les technophiles, sa destruction marquant définitivement le triomphe de la Technique humaine sur les étant cosmiques.

Détail à signaler, mais le mortier utilisé pour construire les infrastructures nécessaires à l’utilisation du canon est fabriqué à partir de vieilles statues de Bouddha et de vieilles robes brahmaniques [5], marquant ici que la Technique doit se faire dévoreur de temps, consommer le passé et s’y substituer. Si le romantisme exalte le sentiment de solitude de la créature abandonné au milieu de la création par son créateur, le futurisme cherche à détruire la création pour se faire antagoniste et égal du créateur, rejetant dans le même temps ses enseignements et la possibilité de toute Foi en une entité métaphysique.

« Debout sur la cime du monde, nous lançons encore une fois le défi aux étoiles ! »

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Futurisme contre la Gauche

Si le Futurisme partage certains points particuliers avec la gauche radicale de l’époque, telle que le matérialisme, l’importance de l’industrie, le rejet des anciens régimes ou la volonté d’étendre le droit de votes aux femmes, cela ne saurait être que dans une dynamique antagoniste à cette dernière, que nous semblons pouvoir résumer en une formule tirée du premier manifeste : « Nous voulons glorifier la guerre, – seule hygiène du monde, – le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles idées qui tuent et le mépris de la femme. »

Le futurisme est indétachable d’un esprit guerrier particulièrement belliciste, et d’une conception virile de l’Homme. Opposé au socialisme, la soif de repos ici ne semble qu’un souhait de cercueil n’étant adapté qu’aux morts. « Vive la Mort » s’écrieront quelques décennies plus tard les combattants nationalistes durant la guerre d’Espagne, « Vive la Mort » s’écriait déjà Marinetti. Les futuristes furent d’ailleurs unanimes sur la nécessité d’entrer en Guerre lors de la Première Guerre Mondiale, à l’exception notable d’un mouton noir nommé Julius Evola, qui polémiquera.

L’industrialisation et l’apparition d’innombrables usines sont une nécessité incontestable durant un conflit. Un conflit mondial d’où découlerait le sort de l’intégralité des Nations ne saurait se faire sans s’abandonner totalement à l’industrialisation, la production en masse d’armes, et la Technique triomphante incarnée parfaitement durant la guerre des tranchées où des adversaires invisibles à plusieurs kilomètres de la zone de front faisaient tomber le tonnerre de Zeus sur les tranchées, ravageant et modelant la terre au moyen d’explosifs innombrables dont aucun pays ne semblait pouvoir tomber à court.

L’armée ayant toujours besoin d’instruments plus performants pour occuper le terrain, le transformer ou tout simplement éliminer les militaires d’en face, le conflit apparaît comme le plus grand accélérateur du progrès technique. Dans une logique prométhéenne, l’Homme s’est condamné aux plus terribles souffrances en appliquant la maîtrise sur-naturelle du réel. Par exemple, les premiers gaz de combats capables de liquéfier les organes internes des contaminés, où les innovations de l’Artillerie, telle que le Gros Gustave capable de tirer des obus de plus d’une tonne à travers des kilomètres de plaines tranquilles et silencieuses apparaissent comme autant d’innovations bouleversant l’ordre du monde avec plus de brutalité et d’efficacité que l’ordre naturel dont l’homme s’émancipe par la science.

Représentation du Gros Gustave.

Émancipation d’autant plus vérifiable que pour les populations des métropoles rampantes, le cadre quotidien de leur vécu est déjà plus dépendant des manufactures et des infrastructures que des lointaines productions naturelles, que l’exploitation en masse par les premières machines industrielles éloigne encore un peu plus de l’Homme.

Au-delà de ce rapport à la guerre comme motivation industrieuse, Marinetti la perçoit également comme une hygiène purifiant et lavant l’Humanité de ses scories les plus faibles. Défendant un paradoxal Darwinisme social, le futurisme perçoit que le Nouvel Ordre Social Techniciste doit élaborer à son tour un moyen de sélection des individus les plus aptes. Les humains étant protégés des périls naturels par ce cadre artificiel, c’est à un élément artificiel de procéder à son tour au tri des plus faibles : la Guerre est le Darwinisme artificiel permettant l’élévation de l’Humanité par la disparition de ses éléments les moins performants. La rupture est définitivement consommée avec la gauche.

La patrie devient l’espace de prédilection pour le développement du militarisme, prétexte à la violence en permettant de différencier « les nôtres », des « autres », le tout en conservant de l’anarchisme une certaine tendance à l’indépendance d’esprit, à l’individualisme et à l’appréciation du chaos. Le futurisme rejette la vie confortable au profit de la vie en mouvement, de la vie active, et rejette toutes les utilisations bourgeoises de la Technique comme perte sèche de la volonté de puissance.

On assiste donc à l’apparition d’une posture ultra-nationaliste sur fondement utilitaire. L’Etat-Nation est le cadre de prédilection des compétitions dans lesquelles toutes les forces vives peuvent tendre vers le même objectif : la production et l’innovation destinées à écraser l’ennemi, le futurisme se faisant ici avant-gardiste des idées de guerre totale, au nom du triomphe de la Technique. La guerre incarne le plus haut niveau possible de concurrence à l’échelle des Etats, permettant des investissements économiques titanesques et une avancée quasi-systématique.

Ce rapport au Darwinisme Social incarné dans la compétition conduit ce mouvement à identifier une Hiérarchie Humaine, les lois naturelles permettant de différencier avec un regard de biologiste les éléments les plus performants, les plus sains, les plus adaptés. Cette sélection se fait à deux échelles : les individus devant s’adapter à un cadre artificiel prédominant, et les États en compétition. La société humaine permet de voir apparaître de nouvelles catégories d’hommes adaptés non pas au règne animal, mais au règne Technique. En cela, loin de défendre un égalitarisme sans fondement, le rappel de l’universalité de la hiérarchie vient légitimer la lutte contre le socialisme et le marxisme, porteurs d’un égalitarisme mortifère ne pouvant que procéder à un nivellement vers le bas.

Luigi Russolo, la Révolte (1915)

Le Futurisme se fait également adversaire de la Démocratie comme régime de prédilection du confort, de la vie simple et des compromis, rendant inaccessible la soif d’exaltation et de conflit propre à la quête du mouvement absolu. Si l’industrie permet de s’accaparer un pouvoir surhumain pour modeler le réel, il semble contre-productif de partager ce pouvoir surhumain avec une multitude, apte à la produire, mais pas à la diriger efficacement. L’opposition de Marinetti avec la bourgeoisie, loin d’être un vecteur du socialisme, se fait en réalité adversaire du capitalisme non pas au nom d’un progrès social quelconque, mais parce que le régime bourgeois incarne la soif de confort et donc d’immobilité, soit l’exact opposé de l’Homme Multiplié dont la maîtrise totale de la vitesse permettrait d’occuper la totalité de l’espace et d’être en perpétuel mouvement.

Sur ces éléments, Marinetti défend un ordre autoritaire autocratique monocéphale, belliciste et technophile régnant avec despotisme et indépendance en affirmant continuellement sa supériorité. Et si supériorité il y a, ce n’est qu’en raison du détachement de ce dit autocrate d’avec des éléments tendant vers l’immobilisme parmi lesquels les Sentiments, trouvant un allié précieux envers les Femmes.

« Nous méprisons l’horrible et pesant Amour, laisse immense par laquelle le soleil tient peut-être enchaînée dans son orbite la Terre courageuse, qui voudrait sans doute bondir au hasard pour courir tous ses risques sidéraux. »

La femme est un vecteur de stimulation de l’amour, du sentiment, et de la dépense d’énergie orientée vers la séduction et la romance. Perte de temps et immobilisme, ces êtres portent intrinsèquement la soif de confort et de la paix. La femme cherchant avant tout à protéger sa progéniture, il lui est naturel (bien que méprisable aux yeux du futuriste) de chercher un cadre stable pour élever son enfant. Pour cette raison, Marinetti défend l’obtention du droit de vote des femmes, simplement car le sexe détaché de toute conception réaliste de l’État finirait par en saper les fondements et préparer la chute, l’érotisme au parlement ne pouvant que fragiliser les actions rationnelles des élus. Cette position proto-accélérationniste permettrait notamment de préparer le terrain à une révolution brutale, guerrière et virile.

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Rappelons en passant que Marinetti se fait ici (à l’image d’Otto Weinninger [6]) un des précurseurs du constructivisme. La misogynie futuriste et la dénonciation de l’infériorité féminine étant émancipée de tout essentialisme. La femme n’est devenue un foyer de passion et de désir qu’à la suite des cultures successives se fascinant pour l’érotisme et à l’amour, au lieu de se cantonner à un rôle de continuatrice de l’espèce. L’esprit féminin serait issu d’une longue série d’éducations transgénérationnelles les ayant conditionnées à être plus faibles, plus sentimentales et plus attachées à la vie. Marinetti défend l’idée que plusieurs générations successives de femmes élevées comme des hommes, aboutirait à une Humanité de qualité égale. Cependant, son statut présent de courtisane la rendant esclave de l’érotisme, elle ne saurait être que plus faible que l’Homme, tant sur le plan physique et psychologique qu’intellectuel.

Les femmes sont également au centre de la révolution futuriste en cela que leur émancipation aboutira à la mort du foyer, et indirectement de la famille. La fin de la famille permettra d’aboutir à une logique de reproduction indétachable de la Technique. Marinetti comme premier transhumaniste rêve de l’époque à venir où l’Homme se sera détaché de toutes les scories passées, au point même de s’affranchir de l’impératif biologique en se reproduisant par l’industrie et la technique, les usines fabricants des enfants en série.

« Nous avons même rêvé un jour de notre fils mécanique, fruit de pure volonté, synthèse de toutes les lois dont la science va précipiter la découverte. »

Le futurisme a donc énoncé de lourdes critiques à l’égard des idéologies en lutte de l’époque, renfermées sur une morale d’esclave ou sur un passéisme béat. Dans la seconde partie de cet article, nous observerons que Marinetti, fort de son positivisme Comtien, ne se contente pas d’énoncer d’intenses invectives, mais élabore une pensée positive aboutissant sur une nouvelle perception de la place de l’Homme, de la Nature avec en son centre, la Technique, comme instrument du dévoilement Heideggerien permettant de percer les mystères de la création, et d’en prendre possession pour s’en faire maître.

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Notes

[1] Julius Evola principalement connu pour son ouvrage Révolte contre le Monde Moderne.

[2] René-François de Chateaubriand, qui sera député des Ultraroyalistes sous la Restauration décrira « la vague des passions ». Il s’agit phénomène de repli sur la vie intérieure des individus tourmentés par différents désirs qu’ils ne peuvent exercer sur un extérieur, les conduisant à un état permanent de mélancolie originaire du sentiment d’abandon ressenti par la créature abandonnée au milieu d’une création déserte par son créateur.

[3] Georges Bernanos, La France contre les Robots.

[4] Karl Marx et Engels, Manifeste du Parti Communiste.

[5] Lié aux brahmans, caste sacerdotale de l’hindouisme/védisme.

[6] Otto Weinniger, Sexe et Caractère.

3 comments
  1. On devrait toujours se méfier de ceux écrivant des “manifestes” (textes essentialistes qui jugent la réalité avec une condescendance souvent non-méritée). En cela Marinetti me paraît remplacer une posture affective par une autre (= conspuer l’immobilisme), et en faire son fond de commerce, mais la cible de son propos reste l’affect. Il ne s’en dégage pas et se contredit lui-même.

    Le véritable “skin in the game” de ces gens devrait être de démissionner pour devenir technicien. Mais ils ne le font pas, car commenter est une activité plus oisive que de travailler.

    Pour le dire autrement, le futur n’a pas besoin de futuristes. Car le fond du mouvement technique est d’avoir des conséquences impossibles à anticiper…

    Bref, je m’égard un peu.

    Une vraie question : pourrait-on considérer la hard SF comme la seule littérature futuriste d’aujourd’hui ?

    1. Je crois plutôt que Marinetti avait besoin d’agir en fanatique pour défendre sa vision. Les écoles artistiques sont bien souvent empruntes d’un antagonisme visceral, la radicalité devenant une nécessité pour s’imposer. Je crois que la brutalité orale de Breton était nécessaire pour ancrer le surréalisme dans le temps, et on ne s’entoure de convertis qu’en ne tolérant aucune nuance. C’est un rôle d’évangile.

      Il est vrai que Marinetti touche à l’affect, mais loin de se limiter à une conversion creuse, cela s’ancre dans le réel. Il est vrai que la cohérence en tant qu’individu aurait du le mener à devenir ingénieur, mais ce serait oublier que l’Art structure les Civilisations et les oriente dans un sens, d’autant plus quand c’est un Art d’Etat. (ce qui fut le cas de Marinetti)

      En devenant figure de proue de l’art italien, il a légitimé le comportement violent des Chemises Noires, puis en se propulsant à l’Académie a permis d’orienter la totalité des lettres (et indirectement des arts) vers la science. S’en est venu l’adhésion des élites lettrées pour la cause industrieuse, et l’adhésion aisée de la population aux vastes investissements faits aux industries lourdes et les réformes tendant à la Guerre Totale. Une fois les élites converties, la population ne peut que suivre. En cela, Marinetti a été plus utile dans son rôle d’influenceur ayant incité à multiplier les ingénieurs, plutôt que de devenir lui même un rouage supplémentaire de la machine.

      De même qu’un Apôtre multiplie les croyants, Marinetti a multiplié les ingénieurs.

      Pour répondre à votre question: il est délicat d’assimiler la Hard SF comme littérature futuriste. Si le rapport “réaliste” de la Technologie mise en scène semble s’y rapporter, il ne faut pas oublier que la Hard SF a une certaine tendance à montrer un futur considéré comme “rationnel” et dans une logique pacifiste. Le bellicisme est inhérent à tous les arts futuristes.

      Dans la seconde partie de cet article qui paraitra bientôt j’énumére quelques exemples d’oeuvres d’arts empreintes de futurisme: Métropolis de Fritz Lang, le Brutalisme Architectural, le T-800 de Terminator correspondant à de nombreux niveaux à l’idéal de “l’homme multiplié”, les oeuvres d’arts artificielles passant par des I.A, ou pourquoi pas certaines bandes dessinées, telles que la Caste des Méta-Barons, dépeignant un monde régulé par la Technique et la Guerre. Si on s’autorise une légére capillotractation, on peut presque assimiler l’Imperium de Warhammer 40K à un fantasme néo-futuriste.

      En esperant avoir répondu à votre question.

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