Joachim Son-Forget, né Kim Jae Duk, est un homme politique français. Il est brièvement membre du Parti socialiste puis intègre La République en marche dès début avril 2016 à sa création. Il est élu député dans la circonscription des Français établis en Suisse et au Liechtenstein en 2017. Après plusieurs polémiques, il quitte LREM en 2018 et fonde son propre parti, d’abord nommé « Je suis français et européen », puis « Valeur absolue ». Cet entretien avec le journaliste politique Grégoire Canlorbe a d’abord été publié en anglais (dans une version abrégée), sur le site du Gatestone Institute.
Grégoire Canlorbe : Vous êtes connu pour vos prises de position houleuses, par exemple sur la PMA. Faites-vous vôtres les propos polémiques de Julie Graziani d’après lesquels (en substance) il vaut mieux ne pas divorcer pour une femme qui vit du Smic, sachant que tout un chacun, riche ou pauvre, doit prendre ses responsabilités ?
Joachim Son-Forget : Mon propos sur la PMA se distingue de celui des partis pro-life, en ceci qu’il n’est pas porteur d’une volonté de discrimination envers les personnes homosexuelles qui voudraient éduquer un enfant. Seulement, je constate que la nature a fait que deux hommes ensemble ou deux femmes ensemble ne peuvent pas donner la vie, et je pense qu’il faut savoir respecter la nature en l’occurrence. Certes l’on a pu – heureusement ! – dépasser la nature dans divers domaines : grâce à la médecine moderne, la mortalité infantile est devenue pratiquement insignifiante en Occident (alors qu’avant le XIXème siècle, un enfant sur quatre mourait avant l’âge d’un an, et un enfant sur deux atteignait l’âge de dix ans). Le progrès technique nous a offert des possibilités de transport et de communication qui étaient inconcevables pour nos ancêtres. Mais tout cela est sans commune mesure avec le fait de vouloir dépasser la nature dans le domaine de la gestation. C’est une barrière qu’il serait peu sage de franchir… ne fût-ce que par égard pour les questions existentielles des enfants nés sous GPA.
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Encore une fois, il n’y a nulle discrimination homophobe dans mon propos : je ne trouve rien à redire à confier des orphelins à des couples homosexuels, bien au contraire ! S’agissant de Julie Graziani, que je ne connais pas, et dont je crois qu’elle n’est absolument pas connue en France au-delà d’un maigre buzz déjà oublié, j’essaye généralement de regarder vers le haut, et de commenter, sinon des penseurs de renom, au moins des gens qui existent un minimum. Alors m’exprimer sur ce que pense la ménagère du quartier (peut-être son opinion à elle est-elle, en fait, plus valide que celle de cette dame), non quand même pas ! Maintenant, pour vous répondre sur le fond : la famille est effectivement le modèle économique traditionnel de la survie dans une situation précaire. Pour ceux et celles qui sont désargentés, et qui vivent dans l’angoisse d’une coupure du courant ou d’un interdit bancaire, se marier était – et pourrait encore être – l’occasion de fonder une tribu dont les membres subviendront aux besoins les uns des autres et s’apporteront assistance, réconfort, et solidarité. Dans un monde soumis à des déterminismes biologiques ou sociaux comme le nôtre, il est un peu illusoire d’appeler les gens à « prendre leurs responsabilités ». L’épigénétique nous apprend de quelle manière des traits acquis comme la violence peuvent être rendus héritables (via le jeu de l’ARN messager). Certes l’éducation peut, en partie, remédier au déterminisme et l’éviction de conditions délétères également… du moins c’est-ce que j’aime à penser pour garder un peu d’utopie pour avancer.
GC : À vos yeux, quel est le pays de l’Asie de l’Est dont la culture se rapproche le plus de celle de la France ? Vous n’êtes pas sans savoir que Claude Lévi-Strauss optait pour le Japon…
Joachim Son-Forget : Lévi-Strauss disait effectivement du Japon qu’il avait « développé plus qu’aucun autre peuple un goût analytique et un esprit critique s’exerçant dans tous les registres du sentiment et de la sensibilité », et faisant pendant au « don d’analyse et [à] la critique systématique » que la France de Montaigne et de Descartes avait déployés « dans l’ordre des idées ». Il parlait de « deux formes parallèles d’esprit critique » qui se répondent « à des bouts opposés de l’Ancien Monde ».
Je ne conteste pas ce rapprochement opéré par Lévi-Strauss, mais les Français me semblent tout de même plus proches des Coréens pour ce qui est du tempérament. Vraisemblablement en raison de leur caractère insulaire (là où la France, si j’ose dire, relève davantage d’une presqu’île), les Japonais ont développé une culture du déni de soi. Ils ont une esthétique épurée et un éloge de la belle mort (là où les Chinois étaient obsédés par la longue vie), un idéal tout à la fois violent et raffiné, qui ont séduit de nombreux observateurs français. Mais leur sens de l’honneur les pousse à taire leurs aspirations individuelles… et à sauver les apparences en se réfugiant dans l’hypocrisie. Avoir une personnalité extravertie et forte en gueule est bien plus commun parmi les Coréens que cela ne l’est pour les Japonais. De ce point de vue, la France ressemble bien moins au Japon qu’à la Corée.
Néanmoins je voudrais faire remarquer un esprit commun aux aristocraties européennes (dont française) et japonaises d’antan. Un esprit que je qualifierais volontiers d’universaliste, et qui était celui d’acquérir la maîtrise d’un très grand nombre, virtuellement universel, de disciplines. Savoir manier la plume et l’épée. Exceller dans la guerre, ainsi que dans la peinture, la littérature, la physique, la philosophie, l’ingénierie, ou la médecine. À l’heure de notre monde d’ultra-spécialisation et de dilettantisme, c’est un idéal auquel je ne peux songer sans une certaine tendresse…
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GC : Vous avez pris vos distances par rapport au parti de Macron. Pensez-vous que la France a besoin d’un dirigeant de la trempe de Park Chung-hee ?
Joachim Son-Forget : Avec son mélange assumé d’un capitalisme dirigiste et d’un capitalisme libéral, l’économie de marché imbriquée avec la raison d’État, la présidence autoritaire de Park Chung-hee a certes permis le décollage économique de la Corée du Sud dans les années 1960 et 1970. Pour autant, je ne dirais pas que son héritage politique, en particulier son héritage politique génétique, est une réussite à tous points de vue. Sa fille Park Geun-hye, qui a été présidente de la Corée du Sud de 2013 à 2017, a été condamnée et destituée pour des histoires de corruption absolument délirantes… ce qui est révélateur du statut de l’État, qui fut un véritable vivier de malversations endémiques, dans la société sud-coréenne actuelle. Est-ce différent ailleurs me direz-vous, ou juste plus ou moins bien dissimulé ?
S’agissant de la France, elle est fondamentalement ambivalente, en ceci que, toute égalitaire et républicaine qu’elle soit, elle rêve d’une figure paternelle à sa tête. Elle a beau avoir guillotiné Louis XVI, elle garde la nostalgie des rois d’antan. Un bon compromis entre l’égalité et la monarchie est la figure napoléonienne : le soldat qui s’élève dans la société au point de finir à sa tête, mais n’a pas hérité de son titre impérial. Pour autant, je ne suis pas sûr que les résidus napoléoniens, certes vivaces dans la société française, suffiraient à créer l’enthousiasme pour l’équivalent d’un Park Chung-hee : autrement dit, un dictateur militaire dans un cadre formellement républicain. Les peuples dans le monde veulent l’égalité entre les sexes, la liberté d’expression, la transparence, la lutte contre la corruption, l’indépendance du gouvernement par rapport à l’économie… ils refusent la dictature avec tout son cortège de répressions. Certes les démocraties ne sont pas toujours si différentes des dictatures lorsqu’il s’agit de savoir qui, du peuple ou d’une caste établie, détient le pouvoir politique. Disons que les démocraties savent mieux maquiller les choses…
GC : Votre parti s’appelait naguère « Je suis français et européen ». Comment réagissez-vous à l’attitude de l’UE conjointement hostile à Trump et aimable vis-à-vis de l’Iran des mollahs ?
Joachim Son-Forget : Je ne juge pas l’UE particulièrement hostile à Trump, si ce n’est qu’elle regrette et dénonce la guerre commerciale qui lui a été déclarée : c’est de bonne guerre, heureusement. Je comprends tout à fait la décision du président américain d’augmenter les droits de douane sur des marchandises comme les vins européens ou les avions Airbus. Trump défend les intérêts économiques de l’Amérique, et il a évidemment raison de le faire de son point de vue. Dans la mesure où je songe aux intérêts français et européens, je suis certes obligé d’approuver les sanctions tarifaires avec lesquelles l’UE a promis de riposter. Mais Trump est un grand président, dont je regrette qu’il ne puisse trouver en Macron un interlocuteur qui lui réponde très fermement (quitte à employer lui aussi des termes déstabilisants, voire violents, dans sa répartie); quelqu’un qui défende habilement et férocement ses propres intérêts économiques et géopolitiques, comme a pu le faire un Kim Jong-un, fort habile jusqu’alors malgré son jeune âge et son éducation en terres suisses.
Je rejoins le président Trump sur une partie de ses idées : son libéralisme reaganien, dont le succès contraste cruellement avec le bilan économique de son homologue français, lequel – malgré des réformes économiques et structurelles qui vont dans le bon sens – peine à se défaire du socialisme si présent dans les formations d’énarque, où l’État est là, tout le temps, même quand il devrait s’abstenir et laisser faire le privé. Mais aussi le souci de Trump de contrecarrer les velléités hégémoniques de la part de l’Iran des mollahs, qui n’est jamais que l’une des nombreuses têtes de l’hydre islamiste, feignant de vouloir se manger les unes les autres. Le même Iran qui lança une fatwa délirante sur l’excellent Salman Rushdie. L’Histoire ne sera pas tendre avec Emmanuel Macron s’il ne montre pas une plus grande fermeté envers l’Iran… de même qu’envers la menace terroriste et l’idéologie islamiste qui règnent sur son propre sol. En définitive, ce qui choque les élites de Paris ou de Bruxelles avec le président Trump, c’est bien qu’il incarne une véritable gouvernance, qui est en inadéquation totale avec leur mode de fonctionnement.
Ni l’UE ni la France ne sont des technocraties : elles sont bien plutôt ce que je serais tenté d’appeler des administrocraties. Elles sont aux mains de gens qui, à défaut de prendre des décisions fortes, et d’avoir une maîtrise scientifique des problèmes, commentent l’actualité à longueur de journée. D’où le fossé qui sépare le profil de cette classe politique de celui de l’entrepreneur extrêmement libre et direct dans sa parole, extrêmement habile et surprenant dans sa façon de faire, qu’est Donald Trump. Naturellement il y a aussi le malaise que leur inspire sa conception nationaliste du rôle de l’État : sa conviction que les gouvernements sont au service des intérêts nationaux (et non ceux de quelque instance supranationale). En l’état, la « construction européenne » repose sur le préjugé latent que l’identité européenne prime sur les appartenances nationales, ce qui est une erreur anthropologique. Les peuples qui habitent l’Europe sont – et se sentent – des Anglais, des Italiens, des Français, ou des Polonais, avant d’être des Européens. Il faut respecter l’empilement des identités en partant du plus petit ensemble, la famille, la tribu, vers des ensembles de plus grande taille, chacun n’ayant pas la même faculté ou envie de s’identifier à de grands ensembles. C’est, du reste, la limite de l’union sacrée des populistes : ceux-ci seront forcément en opposition brutale sur de nombreux points par défense de leurs intérêts souverains.
GC : Trump fait face aux trois grands périls totalitaires du monde contemporain que sont l’Iran des mollahs, la Chine maoïste, et la Corée du Nord. Comment voyez-vous la Corée du Nord (essayer de) tirer son épingle du jeu ?
Joachim Son-Forget : La défense de l’humanisme occidental face aux totalitarismes est un enjeu de première importance. Par humanisme, j’entends évidemment l’attachement à des valeurs comme l’égalité en droit et le souci de permettre le développement optimal de tout un chacun, quelle que soit son origine sociale ou ethnique. Et non les dérives pseudo-humanistes que sont le féminisme poussé à l’extrême, ou l’octroi de droits aux animaux. Ou l’écologie politique de gauche, qui voudrait par panique précipiter l’homo sapiens sapiens vers un état de nature régressif.
Les prétentions hégémoniques de la Corée du Nord sont aidées par le retrait géopolitique du Japon, qui n’en finit pas de faire repentance pour ce dont il n’a pas envie de s’excuser… les crimes commis sur les divers peuples – dont coréen – que le Japon a subjugués lors de son expansion impériale dans la première partie du XXème siècle. La Corée du Nord peut compter également sur le soutien de la Chine, qui conteste à l’Amérique sa position de première puissance économique mondiale. En ce qui concerne ses avantages endogènes, la Corée du Nord jouit d’une bonne génétique, si j’ose dire. L’ethnie coréenne (que ce soit au nord ou au sud de la péninsule de Corée, ou dans des pays du Caucase comme le Kazakhstan ou en Chine où s’est installée la diaspora coréenne) est le fruit d’un certain nombre de brassages qui ont permis des qualités de résilience, de diligence, ou de curiosité.
Un second avantage de la Corée du Nord est sur le plan de la technologie. Clandestinement la Corée du Nord est à la pointe de l’informatique, ce qui lui permet de siphonner des fonds importants via la blockchain. S’agissant du nucléaire, les discussions entre Washington et Pyongyang sont désormais dans l’ornière. À la différence de son homologue sud-coréen Moon Jae-in, qui œuvre à l’apaisement des relations entre les deux Corées (sur l’idée d’une confiance mutuelle d’abord, puis d’une dénucléarisation progressive), et qui a accueilli, à ce titre, une délégation nord-coréenne aux Jeux olympiques de PyeongChang, Kim Jong-un n’a pas intérêt à mener à bien la dénucléarisation.
Celle-ci n’est ni totale, ni irréversible, encore moins vérifiable. Le régime nord-coréen ne fait que continuer son bonhomme de chemin comme en attestent les tirs de missiles de décembre 2019, dont il promet que l’effet sera « très important », et qu’il changera le « statut stratégique » de la Corée du Nord… Pourquoi s’arrêterait-il à adopter une position de faiblesse ? Je note que la rhétorique des éléments de langage de l’Ouest qui déclaraient que la Corée du Nord ne maîtrisait ni les vecteurs de ré-entrée atmosphérique, ni le guidage terminal, a soudainement disparu de tous les argumentaires officiels dès l’ouverture des négociations avec Trump. On n’aurait pas commencé à négocier avec Pyongyang s’il n’y avait pas une menace tangible.
Retrouvez Joachim Son-Forget sur Twitter @sonjoachim et sur son site internet.
” discrimination envers les personnes homosexuelles “, ” discrimination homophobe ” dites vous, qui seraient le propre de partis pro-life (pourquoi cet américanisme ?). Les militants pro-vie sont contre la mise à mort dans le ventre des mères. Ils ne dénoncent pas la procréation transgressive.
Discriminer est le parfait synonyme de distinguer, ce que vous faites vous même en distinguant les couples d’homosexuels et leur impossibilité à procréer.
Puisque vous assimilez très improprement discrimination et ségrégation, il est impératif de souligner que n’y a absolument aucun rejet de l’homosexualité de la part de ceux qui veulent préserver l’ordre naturel et l’équilibre éducatif de l’enfant. Vous le savez mais vous vous soumettez au diktat idéologique imposant la diabolisation du refus de la transgression de l’ordre naturel et de la nature humaine.
Or vous le dites vous même : “dépasser la nature dans le domaine de la gestation. C’est une barrière qu’il serait peu sage de franchir “. C’est exactement ce que disent les détracteurs de la PMA et GPA sans père et mère. Mais la bien-pensance autoproclamée et totalitaire interdit la liberté de penser ainsi.
Vous vous êtes ainsi exclu du monde politique français, celui qui même notre pays au chaos.