For All Mankind : série apologétique de la conquête spatiale


Le 10 juin 2022, le premier épisode de la saison 3 de la série For All Mankind sera disponible sur la plateforme Apple TV. C’est l’occasion idéale pour parler de cette série tout à fait singulière et qui gagne à être connue.

En effet, en plus de constituer un divertissement efficace, elle a la grande qualité d’être bonne d’un point de vue cinématographique et de participer à la démocratisation de la conquête spatiale notamment au niveau de ses enjeux. Je vais essayer de vous la présenter de la manière la plus pertinente possible tout en évitant les spoils dommageables (attention, je garantis simplement qu’ils resteront mineurs dans cet article).

Voyons de quoi il en retourne.

Le choix de l’uchronie.

Les Soviétiques sont les premiers sur la Lune !

L’idée géniale qui est le point de départ de cette série n’est pas pas de faire une série historique sur les grands événements de la course à l’espace du siècle dernier entre Soviétiques et Américains, mais au contraire de raconter une histoire alternative à ce qui s’est passé dans la réalité (i.e., une uchronie). Le tout est traité de manière très réaliste et en respecte les réalités historiques, technologiques et politiques américaines et soviétiques des années 60/70/80.

Le point de divergence entre notre réalité et cette uchronie est le 27 janvier 1967 lorsque l’équipage principal d’Apollo 1 meurt carbonisé dans un accident lors d’une phase de test. Cet événement réel a traumatisé durablement la NASA, qui ne s’est pas laissée abattre et a continué vigoureusement son travail.

Introduction
en douceur à
Unqualified
Reservations

Premier tome d’une série de 7 de l’oeuvre de
Curtis Yarvin offert à nos tipeurs.

Introduction
en douceur à
Unqualified
Reservations

Premier tome de l’oeuvre
majeure de Curtis Yarvin

Dans la réalité de For All Mankind, cet accident a affecté la NASA à un point tel que celle-ci fut bien trop frileuse et prudente dans sa course à l’espace retardant ainsi l’arrivée des Américains sur la Lune. En conséquence, ce sont les Soviétiques qui furent les premiers à fouler le sol lunaire en juin 1969 ! Cet événement va piquer l’orgueil du peuple Américain et augmenter de manière drastique la compétition pour l’espace entre les deux superpuissances.

L’idée de partir sur l’uchronie est ultra pertinente car cela donne à la série un grand nombre de qualités.

Lancement de la fusée lunaire Saturn V dans la réalité

Premièrement, comme c’est une histoire alternative, nous sommes plus impliqués émotionnellement, car nous ne pouvons pas savoir quel sera l’avenir des héros de la série. Mise à part les incidents majeurs d’Apollo 1 et 13, la course à l’espace fut relativement sûre du côté des Américains. Dans cette autre réalité, les risques pris sont plus importants et les accidents plus fréquents, il y a donc un grand sentiment d’attachement qui se crée autour des héros de la série qui risquent leurs vies : nous ne savons pas s’ils vont survivre à leur entraînements, tests ou missions. Cela nous fait revivre les grands événements de cette course avec le doute, l’incertitude et la sensation de danger qui était présent à l’époque. Chaque lancement de mission peut être une catastrophe mortelle. Cela souligne l’incroyable courage et volonté de ces pionniers de l’espace.

Deuxièmement, malgré le choix de l’uchronie, le réalisme et la vraisemblance tiennent une place centrale dans le récit. Une grande importance est accordée aux événements historique de cette uchronie permettant de justifier de manière habile les raisons qui poussent les deux superpuissances à investir autant dans l’espace. Ce respect des réalités historiques, technologiques et politiques permet de réellement s’instruire et d’en apprendre davantage sur les programmes spatiaux. Même les aspects les plus sombres du programme américain comme le rôle central de Wernher Von Braun (ancien ingénieur gradé commandant au sein de la SS) dans le programme spatial américain sont traités directement.

Troisièmement, ce choix uchronique d’une conquête spatiale sous stéroïdes permet de poser sur l’écran les projets les plus ambitieux de la NASA et du MOM qui furent abandonnés faute de moyens et d’ambition. Ainsi vous pouvez par exemple voir les super fusées Sea Dragon ainsi que la navette spatiale soviétique Bourane en action. Ce sont véritablement des fantasmes de geek de l’aérospatiale qui prennent vie pour notre plus grand plaisir.

Le projet de super fusée “Sea Dragon” 150m de haut et d’une masse au décollage de 18 000 t.

Promotion nécessaire de la conquête spatiale

À mon avis, c’est une véritable chance d’avoir une série de cette qualité pour parler d’un sujet aussi important. C’est typiquement le genre d’œuvre qui ouvre des perspectives de réflexions et qui poussent les spectateurs à s’interroger. Pourquoi allons-nous dans l’espace ? Pourquoi dépenser autant de moyens dans cette entreprise ? Dans le fond, nous sommes toujours au niveau de la fameuse phrase d’André Malraux. “On va sur la Lune mais si c’est pour s’y suicider, à quoi cela sert-il ?”. Ces questions sont d’autant plus actuelles grâce au renouveau spatial que nous vivons depuis 15 ans avec l’arrivée d’acteurs privés disruptifs comme SpaceX et la montée en puissance de la Chine qui réamorce une véritable course à l’espace avec les USA.

La série ne prétend pas vraiment répondre à ces interrogations. Mais elle pose remarquablement bien les problématiques et permet donc de nourrir cette réflexion, mais aussi d’aiguiser notre regard envers les enjeux de la conquête spatiale ; et n’est-ce pas le plus important actuellement ?

Elon Musk lui même disait dans une interview :

“Je pense que la question est souvent plus difficile que la réponse. Et si vous pouvez formuler correctement la question, alors la réponse est la partie la plus facile.

Donc, dans la mesure où nous pouvons mieux comprendre l’univers, alors nous pouvons mieux savoir quelles questions poser, quelle que soit la question qui se rapproche le plus de : quel est le sens de la vie ? C’est la question qui peut finalement nous rapprocher de la compréhension. Et donc j’ai pensé que dans la mesure où nous pouvons élargir la portée et l’échelle de la conscience et de la connaissance, alors ce serait une bonne chose.”

Elon Musk, World Government Summit 2017

La conquête spatiale nous invite à “repenser la fin” et elle donne une direction à suivre pour l’humanité, celui d’aller dans l’espace pour augmenter nos connaissances et nos capacités en tant qu’espèce. Le titre même de la série “For All Mankind” (pour l’Humanité) souligne l’aspect fondamentalement universel de la conquête spatiale. Même si celle-ci s’incarne au travers de pionniers courageux, au travers de certains pays ou entreprises, cela concerne l’espèce humaine dans son ensemble.

De plus, la conquête spatiale y est montrée sous un aspect positif et glorieux. Les hommes et les femmes qui y participent peuvent faire preuve de faiblesse, être en proie au doute et parfois faire des erreurs très graves. Mais, ils sont tous incroyablement courageux, généreux et pleins de vie. Les figures de l’astronaute et du cosmonaute sont valorisées. Tout cela est extrêmement motivant.

Enfin, ce genre d’œuvres est nécessaire à l’heure du populisme écolo/collapsologique, qui a tendance à grimer Elon Musk en monstre inhumain et la conquête spatiale en entreprise futile. Cette série participe d’un contre discours vital pour la défense de cette noble cause.

Soutenez l’Ukraine

en achetant un de nos t-shirts dont les bénéfices
sont reversés à FUSA
 qui fournit du matériel
aux soldats.

Soutenez l’Ukraine

en achetant un de nos t-shirts dont les bénéfices
sont reversés à FUSA
 qui fournit du matériel
aux soldats.

Conclusion

Je conseille donc à tous les amoureux de la conquête spatiale de se lancer dans cette série, je doute que vous soyez déçus. Cependant, malgré toutes ses qualités, elle n’est pas exempte de défauts ; les intrigues sentimentales y sont moyennes et parfois incohérentes.

On peut également noter la présence abusive de certains enjeux sociétaux et moraux anachroniques ajoutés au chausse pied dans les intrigues personnelles (comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui en pleine époque wokiste). Autant la bataille pour les droits civiques, et le féminisme ne me choque pas car ils sont en accord avec l’époque ou réaliste dans l’Amérique des années 60/70/80. Mais les enjeux d’orientation sexuelle et du sort de migrants sont vraiment poussifs… (Et je ne parlerais pas de l’équivalent d’Elon Musk dans la saison 3…) Mais cela ne doit pas nous pousser à bouder notre plaisir face à une série qui parle de spatial et qui en parle bien…

Je note également que la première saison est sensiblement supérieure à la deuxième qui a tendance a trop s’étaler sur les enjeux sentimentaux qui ne sont pas les points forts de la série selon moi. J’espère que la saison 3 raccrochera les wagons et surtout qu’elle réussira la transition d’une série uchronique vers une série de science-fiction. Cette dernière se déroulera dans les années 90 de cette uchronie avec des technologies aérospatiales boostées pendant 30 ans par rapport à nous. Les enjeux de leur conquête spatiale dépassent très largement ceux de notre réalité de 2022. Il ne sera plus possible de se baser sur des projets abandonnés il faudra faire un travail de prospective qui n’est pas la même chose qu’un travail de réinterprétation historique. Cette saison intégrera également des enjeux plus actuels de la course à l’espace comme l’apparition d’acteurs privés.

Rendez-vous le 10 juin 2022 pour voir le premier épisode de la saison 3.

Cet article vous a plus ? Soutenez nous sur Tipeee

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Previous Post

L’Oligarchie managériale — l’Intellectuel de Gramsci à Burnham

Next Post

Dieu est un hacker ; Le réalisme face à la mécanique quantique ; – Préambule à une vision du monde prométhéenne (1/2)