Agriculture biologique et rigorisme scientifique, quand l’idéologie prend le dessus – le cas Foucart


Les médias ont une approche très particulière de l’information scientifique. De leur point de vue elle n’est qu’un outil idéologique, une construction sociale, dont l’usage est forcément lié au soutien d’une idéologie ou d’intérêts économiques. Un cas illustre parfaitement cette vision roublarde, le service « Planète » du journal Le Monde, et son journaliste vedette Stéphane Foucart.

En octobre 2018 il a accordé un large écho à une étude qui, d’après son interprétation, démontre que manger bio réduit le risque de cancer de 25%. Ces résultats ont étonné la communauté scientifique car de précédents travaux sur le sujet n’avaient rien découvert de significatif. L’absence d’effet positif des aliments biologiques n’est pas étonnante dans la mesure où les réglementations occidentales exigent que les aliments ne contiennent pas de résidus de pesticides susceptibles d’augmenter le risque d’une quelconque pathologie.

L’analyse en détail de l’étude réduit drastiquement la portée des conclusions journalistiques :

  • L’étude est observationnelle et déclarative, par définition de robustesse limitée, basée sur les déclarations des participants, dont presque 80% sont des femmes.
  • Le traitement statistique à l’aide d’intervalles de confiance à 95% est reconnu comme trop laxiste pour discriminer des phénomènes de faible ampleur et sous l’influence de multiples facteurs difficiles à quantifier précisément.
  • L’effet protecteur des aliments biologiques n’est pas statistiquement significatif pour les individus ayant une bonne hygiène de vie ou un diplôme supérieur, ainsi que pour les hommes et les moins de 45 ans.
  • La prise en compte des facteurs confondants alimentaires est lacunaire (pas de poisson, d’huile d’olive, de noix, de sucre raffiné, de friture etc.). 
  • La correction des facteurs confondants utilisés par les auteurs paraît trop faible compte tenu des différences entre les groupes Q1 et Q4.
  • L’hypothèse avancée par les auteurs, les résidus pesticides, ne fait pas l’objet d’une confirmation par analyse chimique sur les sujets de l’étude.
  • Les pesticides cités étaient interdits avant le début de l’étude (Parathion en 2001, trachlorvinphos en 1987, diazinon en 2007 et le malathion en 2008) ce qui réduit leurs effets présumés et la portée prescriptive de l’étude.

Face à ces critiques Foucart s’est fendu d’un article hallucinant intitulé En matière de santé publique, le rigorisme scientifique (sic) est une posture dangereuse. Arguant qu’on ne pourra jamais supprimer tous les biais, il exige des mesures pour imposer sa vision de l’agriculture plutôt que l’étude calme et réfléchie des faits. Derrière cette posture idéologique, cette volonté de museler la recherche trahit le fond de sa pensée.

Foucart monte la voix et s’agite car il sait pertinemment que l’AB ne protège pas du cancer, il est déçu par l’effet désespérément faible mesuré dans l’étude, très loin de ses espérances. Il a tout intérêt à ce que les travaux s’arrêtent sur des conclusions peu fiables mais favorables à ses idées car pour ce négationniste obsessionnel de l’intérêt des OGM, l’AB n’est qu’un moyen d’imposer l’agenda de l’écologisme millénariste.

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Foucart a peut-être en tête un détail dérangeant. Une analyse de la même cohorte dans une publication de février 2018, reprise par son équipe, avait conclu que la consommation d’aliments ultra-transformés augmente le risque de cancer de 10% par tranche de 10% du poids d’aliments consommés. Étrangement ce facteur de risque incontestable et particulièrement lourd n’est pas pris en compte dans l’étude sur les aliments bio, et ce en dépit de la présence de certains scientifiques parmi les auteurs des deux publications.

Sur sa lancée Foucart repousse les limites du ridicule en prétendant que les pesticides seraient les seuls responsables d’une prétendue hausse de l’incidence du lymphome non hodgkinien (LNH). Il cite des chiffres fantasmagoriques, ne prenant pas en compte l’effet de l’âge et des facteurs de risque connus. Ces chiffres sont paradoxalement incompatibles avec le faible effet protecteur mis en avant par l’étude qu’il agite frénétiquement.

La démarche de Foucart s’inscrit dans le cadre de la propagande de sidération. Le lecteur est tétanisé par des gros chiffres qui font peur et qui inhibe son système 2. Foucart feint d’ignorer qu’une bonne dizaine de facteurs ont été identifiés comme le vieillissement de la population (ce cancer est très rare avant 60 ans), la diffusion de virus sexuellement transmissibles (VIH, Virus d’Epstein-Barr, l’hépatite C chronique et le HTLV-1), les maladies auto-immunes (dont l’explosion est à relier au syndrome métabolique provoqué par la sédentarité et la surconsommation de sucre libre), l’immunodépression et la proximité d’un trafic routier important, vraisemblablement à cause du benzène (présent dans l’essence sans plomb) et des émanations du diesel.

Laissons un avant dernier mot au CIRC au sujet de l’augmentation de l’incidence du LNH en France, ajusté à l’âge :

Quand Foucart voit 120% d’augmentation, le CIRC ne voit aucune augmentation

Le dernier clou sur le cercueil est enfoncé par Philippe Stoop, de l’académie d’agriculture. Il démontre, dans un document limpide, que le lien entre pesticides et LNH est très douteux. Son analyse rigoureuse de l’étude Agrican montre que le sur-risque de cancer est nul chez les agriculteurs utilisant des pesticides sur leurs cultures, de 16% chez ceux qui n’en utilisent que dans des espaces non cultivés et de 23% chez ceux qui n’en n’utilisent pas. Nul doute que ce résultat paradoxal ne sera jamais à la une d’un journal de la presse conventionnelle.

Une étude isolée, aux limites méthodologiques évidentes, affichant des résultats de robustesse et d’ampleur modestes, ne peut aucunement démontrer que les aliments AB protègent du cancer. Les auteurs ne disent rien d’autre quand ils précisent prudemment quesi ces découvertes sont confirmées, la promotion de la consommation d’aliments biologiques dans la population générale pourrait être une stratégie prometteuse pour la prévention du cancer. Foucart devrait prendre garde, car comme le démontre la jurisprudence Ancel Keys, quand on s’acharne à défendre une thèse mal démontrée, on passe à côté de la vérité et cela peut faire beaucoup de dégâts.

3 comments
  1. Bonjour. Faut-il comprendre que l’étude de M. Stoop montre que le risque de cancer diminue avec l’utilisation de pesticides ? Si c’est le cas savez vous comment il explique ce résultat à priori paradoxal ?

    1. Consultez par exemple cette étude (par des gens du CIRC, la référence suprême pour l’activisme anti-pesticides) :

      https://academic.oup.com/ije/advance-article/doi/10.1093/ije/dyz017/5382278

      Mon analyse ici :

      http://seppi.over-blog.com/2019/03/glyphosate-et-lymphome-non-hodgkinien-toujours-pas-de-preuve-convaincante-de-lien.html

      Vous y trouverez bon nombre de . Si on tient à affirmer mordicus qu’un HR (hazard ratio) supérieur à 1 signifie que le pesticide en question est dangereux, alors il faut admettre en sens inverse qu’un pesticide avec un HR < 1 protège du cancer…

      En fait, l'épidémiologie est loin d'être une science exacte.

  2. J’ai un très vieux souvenir sur les études déclaratives et leur caractère profondément biaisé. Dans les années 1980, un journaliste s’est déplacé en Nouvelle Calédonie pour interroger les Caldoches sur leurs origines : Descendaient-ils de bagnards qui avaient obtenu un lopin par bonne conduite ?
    Réponse quasi générale : Non, en Nouvelle Calédonie, personne ne descendait de bagnards. Le journaliste en avait conclu le caractère impitoyable du bagne, qui contrairement à la légende, n’avait pas permis aux condamnés de se “rédempter” par une nouvelle vie. Je m’en souviens car un collectif d’historiens à l’époque, s’est insurgé, en arguant que l’on pouvait facilement par les archives, suivre les innombrables descendants de bagnards qui avaient fait souche et que l’on ne pouvait rien conclure d’interrogations verbales d’un panel de gens. L’article était absurde et reflétait la naïveté de son auteur, rien de plus.
    Posez la même question aujourd’hui en Nouvelle Calédonie, tous les Caldoches ont au moins 1 voir plus de descendants bagnards. Les temps ont tout simplement changé, en 1980, on voulait oublier un passé jugé inavouable, aujourd’hui tout le monde en est fier.

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