Deux auteurs à la pensée radicalement opposée vont évoquer les idées d’entropie et de néguentropie, pour Bernard Stiegler, et d’extropie pour Nick Land. Ce dernier empruntera ce néologisme au père de l’extropianisme Max More, dont il regrette la paternité techno-hippie d’une idée si géniale.
Nick Land défendra une vision accélérationniste et Bernard Stiegler appellera à une bifurcation écologiste. La différence entre leurs écrits réside plus sur une différence de point de vue que de constats. Les deux voient comme faustien le transhumanisme auquel amène l’accélération découlant naturellement d’un système capitaliste autonome compris comme un système cybernétique avec des boucles de renforcement. Mais si Nick Land veut laisser-faire ces processus qu’il juge inéluctables sur le long terme, Stiegler s’oppose frontalement au transhumanisme et au capitalisme qu’il tient pour des destructeurs de la société s’appropriant le “stade d’exosomatisation”.
“Sans attachement à quoi que ce soit d’autre que sa propre exubérance abyssale, le capitalisme s’identifie au désir à un degré qui ne peut être dépassé de manière imaginable, sollicitant sans vergogne toute impulsion qui pourrait apporter un supplément d’élan économisable à ses initiatives productives qui se multiplient. […] Le capitalisme, n’a pas de limite extérieure, il a consommé la vie et l’intelligence biologique pour créer une nouvelle vie et un nouveau plan d’intelligence, vaste au-delà de l’anticipation humaine”
Nick Land, Critique of Transcendental Miserablism
Fortement influencé par le roman Cyberpunk Neuromancien de William Gibson qu’il tient pour l’équivalent de la Bible, il semble que Nick Land ait abandonné l’aspect anarchiste et anti-autoritaire du punk pour lui préférer l’ordre monarchique. Les écrits de Nick Land dépeignent les traits d’une modernité, qu’il qualifie de cybergothique, aspirant les humains zombifiés dans la cybernétique dans un mouvement autonome et inéluctable porté par un désir extérieur au corps humain qui se déploie dans les machines. Le rôle des humains se réduit alors de plus en plus à gérer via les canaux d’information les flux physiques produits par les machines jusqu’à ce que ces dernières soient aussi capables de mieux gérer ce flux d’information que nous.
“Dans le cadre de l’histoire sociale, le sujet empirique de la production est l’homme, mais son sujet transcendantal est l’inconscient machinique, et le sujet empirique est produit au bord de la production, en tant qu’élément de la reproduction de la production, une pièce de machine, et “une pièce composée de pièces”.”
Nick Land, Machinic Desire
“De fait, les emplois de service ne peuvent être occupés que par des travailleurs libérés des tâches directement productrices de biens. Et si les hommes n’y sont plus et que la production a toujours lieu, c’est qu’ils ont été remplacés… par des machines et de l’énergie. À ce moment, les services peuvent être vus pour ce qu’ils sont vraiment : des activités de gestion des flux physiques produits par des machines. Si nous jouons au petit jeu de « Quoi dépend de quoi ? », nous réaliserons que, pour n’importe quel emploi de service, le lien de dépendance fait remonter à des flux physiques assis sur des emplois industriels ou agricoles et… des ressources naturelles à transformer”
Jean-Marc Jancovici, Changer le monde
Traité
Néoréactionnaire
Le premier livre de NIMH
Traité
Néoréactionnaire
Le premier livre de NIMH
De son côté, Stiegler, qui a le bon goût d’être français, et comme trop de ses semblables, a le travers d’être socialiste. Il pense ainsi que c’est au contraire évitable et que cela doit être évité en empruntant une voie low-tech visant à réorienter la technique. Contrairement à Nick Land, qui définit la cybernétique comme la science générale de la production d’extropie, Stiegler voit une faille dans la théorie de l’information de Shannon et la cybernétique de Wiener en cela que les machines permettant l’exosomatisation ne seraient pas des systèmes néguentropiques comme l’est la vie, ce qui rendrait leur raisonnement caduque. Les machines algorithmiques usant du big data créeraient leur propre système référentiel, ce qui en ferait un système fermé et donc nécessairement entropique car ce qui permet à un système d’être néguentropique est son ouverture.
“L’extropie, ou réduction locale de l’entropie, est – tout simplement – ce qui permet à quelque chose de fonctionner. Toute la techno-science de l’entropie, dans son aspect pratique (cybernétique), n’est rien d’autre que la génération d’extropie. Il n’existe aucune conception rigoureuse de la fonctionnalité qui la contourne vraiment. L’approximation la plus proche de la valeur objective qui sera jamais trouvée a déjà un nom, et c’est l’extropie.”
Nick Land, Extropy
“Quant à l’idée de Prigogine selon laquelle les structures dissipatives produisent de la néguentropie, c’est pour moi un malentendu formel. Une structure dissipative ne produit pas de néguentropie, parce que la néguentropie est produite par le vivant.”
Bernard Stiegler, Entretien sur l’entropie, le vivant et la technique : Première partie
C’est évidemment faux. Le système technocapitaliste est collectivement autocatalytique. C’est à dire qu’il s’est formé spontanément sous l’impulsion du vivant fusionnant de plus en plus avec la machine. Les machines pourraient s’en émanciper si jamais un jour une machine parvient à créer elle même une autre machine supérieure et de façon autonome. Cela marquerait le début de l’émancipation des machines qui n’ont plus besoin de déléguer la tâche de reproduction aux humains. un principe qui rappelle nécessairement le passage de l’ARN à l’ADN dès que ce dernier a commencé à se répliquer lui même. Si les machines atteignent ce stade, elles formeront à elles seules un système autocatalytique capable d’homéostasie et d’apprentissage dissipant l’énergie, donc un système “vivant” et “intelligent”. L’intelligence, comprise à un niveau d’abstraction suffisante, étant définissable comme le processus sous-tendant l’homéostasie et l’apprentissage d’un système qui conduit à la construction de l’information, donc l’augmentation de l’ordre et la réduction d’entropie locale. Toutes les structures dissipatives font donc preuve d’intelligence puisque, au sein d’un Univers tendant vers l’entropie, elles représentent une singluarité, une improbabilité qui se maintient dans le temps.
Devant l’accélération technologique dans laquelle il voyait une source de chaos qui pourrait conduire à la bifurcation non choisie qu’est l’effondrement, Bernard Stiegler appelait de ses vœux à une révolution visant à « sortir de ce modèle, de le repenser, de reconstituer des circuits courts », « non pas pour revenir en arrière ou rejeter [la technologie] », mais afin « d’utiliser les réseaux intelligemment ». Il voulait mettre l’économie et la technologie au service de l’homme : « Construire une économie mondiale qui soit solvable, durable, et qui fasse augmenter la néguentropie, c’est-à-dire, le bonheur de vivre ». Dans un esprit solarpunk, salué par Damasio qui pense que la page cyberpunk doit être tournée, il en appelle à une bifurcation anti-capitaliste, décentralisée et écologiste.
De manière générale, Stiegler dresse des constats intéressants mais il passe souvent complètement à côté des solutions. Il perçoit assez bien par exemple que les réseaux sociaux et le but qu’ils se donnent de capter notre attention est un problème, il comprend que ce doit être réparé mais… il déteste Elon Musk qui dresse les mêmes constats et veut les réparer.
Je crois que Bernard Stiegler commet une erreur majeure en ne voyant pas que le bonheur de vivre est intimement lié à la capacité à dissiper l’énergie de plus en plus efficacement, car la vie est une structure dissipative, donc lié à cette accélération qui l’inquiète.
Land et Stiegler partagent cependant des similarités. Ils sont tous les deux opaques pour le non-initié et sont tous les deux à leur façon des doomers puisqu’ils prophétisent la fin de l’humanité. Alors, si Faye cherche une pensée qui réconcilie Evola et Marinetti, je souhaite pour ma part réconcilier Land et Stiegler autour de leur idée commune de néguentropie qu’ils ont tous les deux bien identifiée comme le but à atteindre, mais surtout je veux mettre en avant qu’il nous est possible de construire un futur plaisant pour l’Europe et l’humanité. Et l’Europe est chère à Stiegler mais beaucoup moins à Land qui tourne son regard vers l’anglosphère et a un certain mépris pour la France.
Mais pourquoi Land et Stiegler sont-ils des doomers ? Car ils comprennent bien qu’il y a un principe qui pousse les humains au dépassement. Ce principe on le connait, c’est la maximisation du flux d’énergie qui nous traverse en tant qu’individu et société. On trouve une source d’énergie, on la dissipe, ce faisant on modifie notre environnement. Alors, on change pour rester adaptés jusqu’à ce que, faute de trouver encore de l’énergie à dissiper, on subit un effondrement. Land a donc raison de voir la fusion avec la machine et la cybernétique comme le futur inéluctable de l’humanité, mais Stiegler a raison d’imaginer que ce futur pourrait ne jamais avoir lieu, car l’accélération observée nous conduirait fatalement vers le mur. Le mur existe. Il s’appelle aujourd’hui “la fin du pétrole” et j’ai bien peur qu’il n’y ait que deux choix qui s’offrent à nous. Soit on repousse ce mur en trouvant des nouvelles sources d’énergie, soit on se le prend en pleine face.
“Ce qui serait inconcevable, en fait, serait de penser que nous pouvons rendre stable un monde dont la totalité des mécanismes de régulation et de redistribution reposent sur un approvisionnement énergétique croissant. Le parallèle avec le cycliste qui doit rester en mouvement pour ne pas chuter n’est même pas le bon : le vélo de la fable, ici, aurait besoin d’accélérer en permanence pour rester debout, tout en voyant un mur apparaître devant lui !”
Jean-Marc Jancovici, Changer le monde
François Roddier semble lui aussi appeler à une prise de conscience mondiale du besoin de décroissance mais cela me semble irréaliste. Penser seulement que l’on pourrait parvenir à forcer le monde entier à ne pas remplir le but de la vie me semble hors de propos. Cela demande d’être en capacité de l’imposer et pour faire cela… il faut être celui qui dissipe le mieux l’énergie, donc d’être en compétition avec les autres et de maximiser cette dissipation. Au mieux, on peut simplement choisir de ne pas participer et accepter le risque de se faire dominer. Car il n’y a aucune raison de penser que les leaders du monde de demain nous laisseraient tranquilles dans un “paradis” décroissant. On continuera à dissiper l’énergie jusqu’à ce qu’on heurte le mur. Notre seule option est donc de faire en sorte qu’il soit le plus loin possible. À moins de se dire qu’il vaut mieux heurter le mur fréquemment à petite vitesse que très rarement à des vitesses vertigineuses. Plusieurs petites avalanches sont moins néfastes qu’une grosse qui a accumulé une grande couche de neige.
Stiegler a cependant raison de se tourner vers le soleil comme source principale d’énergie… sur le long terme. En tant que source d’énergie extérieure à notre système biosphérique, c’est le meilleur moyen d’augmenter notre néguentropie. Mais sur le court terme, le nucléaire reste la meilleure option car il a l’avantage d’être lui aussi une source non carbonée et exploitable dès aujourd’hui. La différence entre la première et la seconde réside dans le fait qu’elles sont respectivement des énergies de flux et de stock. Heidegger a donc raison lorsqu’il parle du Gestell qui va commettre la nature et repose sur le stock.
Jusqu’à la moitié du 18ème siècle, le système énergétique reposait sur le système agroforestier. la biomasse constituait la seule source d’énergie dont on disposait, principalement en brulant du bois mais aussi via l’utilisation d’animaux domestiques pour tracter des engins.
L’arrivée de la révolution industrielle amena l’utilisation des énergies de stocks grâce à l’extraction du charbon dans les sous-sols. Le système énergétique prit alors son autonomie par rapport au système agroforestier, avec l’utilisation croissante d’énergies fossiles. Aujourd’hui, les hommes ne tirent plus que dix pour cent de leur énergie de la biomasse. Le pétrole comme le nucléaire étant des énergies de stock, ce dernier va s’épuiser. Il est donc logique d’imaginer un futur reposant sur les énergies de flux ; et le soleil est la source nous offrant la plus grande quantité d’énergie disponible.
Land a quant à lui raison de se tourner d’une part vers le capitalisme – c’est le moyen le plus efficace de faire advenir les choses – et d’autre part vers la cybernétique. Cela ne vous aura pas échappé, tous les articles de cette série sont saupoudrés de tweets et références à Elon Musk. Il est l’incarnation de ce mouvement capitaliste nous poussant à la conquête qui va aussi amener la préservation de la planète. Il doit être un modèle pour les générations futures d’Européens.
C’est pourquoi, je crois pour ma part que la bifurcation souhaitable est celle proposée par des gens comme Peter Thiel et Elon Musk. Elle repose sur un changement de paradigme amenant un optimisme défini qui nous donne des projets concrets qui vont provoquer un réagencement de l’économie qui ramènera les cerveaux les plus vifs vers un capitalisme industriel, source de progrès, de néguentropie et de bonheur.
“Le bien-être des individus se mesure en termes de flux d’énergie dissipée par les individus d’une société. En cherchant à maximiser son bien-être l’humanité maximise le flux d’énergie qu’elle dissipe.”
Frederick Soddy
Contrairement à ce que pense Stiegler, la cybernétique n’est pas un système fermé incapable de créer de la néguentropie et le transhumanisme ne sera pas découplé de la vie. Les calculs effectués par les ordinateurs ont effectivement un coût en énergie qui les conduit à dissiper cette dernière par la génération de chaleur. C’est pourquoi ils sont équipés de petits ventilateurs qui permet de les rafraichir.
En 1961, le physicien Rolf Landauer a affirmé que la réinitialisation d’un bit d’information – par exemple, la mise à zéro d’un chiffre binaire dans la mémoire d’un ordinateur, qu’il soit initialement à 1 ou à 0 – doit dégager une certaine quantité minimale de chaleur, proportionnelle à la température ambiante. N’importe quelle manipulation logique irréversible d’information, telle que l’effacement d’un bit ou la fusion de deux voies de calcul, est accompagnée d’une augmentation de l’entropie.
La théorie de Landauer a offert la première raison convaincante pour laquelle l’expérience de pensée de Maxwell, connue sous le nom de démon de Maxwell, ne pouvait pas fonctionner. L’expérience du démon de Maxwell propose un processus permettant de revenir à un état de température inégal, sans dépenser d’énergie, et en diminuant l’entropie, ce qui est en principe impossible selon la seconde loi de la thermodynamique. Le démon devrait effacer (“oublier”) les informations qu’il a utilisées pour sélectionner les molécules après chaque opération, ce qui libérerait de la chaleur et augmenterait l’entropie, faisant plus que compenser l’entropie perdue par le démon.
L’hypothèse de Landauer se verra confirmée par Eric Lutz et son équipe de l’université de Augsburg en 2012, qui sont parvenus à mettre en place une expérimentation mettant en avant la limite de Landauer. L’expérience de Lutz complète maintenant l’argument contre l’utilisation du démon de Maxwell pour violer la deuxième loi de la thermodynamique, car elle montre que “l’effacement éventuel de cette information stockée entraîne une pénalité thermodynamique”. L’effacement d’information génère plus d’entropie qu’elle ne la réduit.
Horreur
Augmentée
Sélection de textes de
Zero HP Lovecraft
Horreur
Augmentée
Sélection de textes de
Zero HP Lovecraft
Un ordinateur quantique dégage une chaleur telle qu’elle le conduit au crash pur et simple. La question est directement liée à celle du coût minimal des opérations de calcul, qui détermine le devenir à long terme de tous nos dispositifs informatiques. Mais elle est aussi importante sur un plan philosophique, pour savoir si la physique doit devenir une théorie matérielle de l’information. La « loi de Koomey » indique que, grâce à la miniaturisation, le nombre d’opérations de calcul par joule dépensé double tous les 18 mois environ. Pour maintenir la vitesse de croissance de la puissance de calcul, il faudra évacuer de mieux en mieux une quantité de chaleur émise par des surfaces de plus en plus petites, ce qui tend à confirmer les craintes de Stiegler.
Pourtant il y a de l’espoir. Pourquoi est-ce que les ordinateurs chauffent ? Car les calculs qu’ils effectuent sont irréversibles et nécessitent l’effacement d’information comme l’a proposé Landauer. Effacer un bit demande d’utiliser de l’énergie qui sera dissipée en chaleur. Toutefois, si on pouvait parvenir à faire des calculs réversibles ne nécessitant pas d’effacer des données alors les ordinateurs ne chaufferaient pas. Et justement, un petit ordinateur quantique à base de diamants mis au point par des chercheurs de l’université allemande de Stuttgart effectue une séquence d’opérations mathématiques pour se refroidir. On appelle cela, l’algorithmic cooling.
Il est donc tout à fait possible d’imaginer que la cybernétique, en tant que structure dissipative faisant preuve d’homéostasie et d’intelligence, sera non seulement une source de néguentropie mais une source de néguentropie supérieure car elle sera supérieurement intelligente. Accessoirement, cela confirmerait l’idée de Landauer selon laquelle l’information serait physique et que l’entropie physique et l’entropie informationnelle seraient strictement identiques. Si la dissipation d’énergie n’est rien d’autre que la perte d’information sur un système alors un système limitant la destruction d’information limite naturellement la dissipation d’énergie, donc l’entropie. Évidemment, ledit système le fait au prix de l’augmentation de l’entropie globale de son environnement en transférant sa propre entropie.
Alors le transhumanisme ne sera pas nécessairement découplé de la vie. Elon Musk est bien conscient des trois possibilités qui s’offrent à nous pour le futur : l’obsolescence de l’humanité, la symbiose avec les machines ou la disparition pure et simple. Tout son projet de Neuralink vise à nous diriger vers la symbiose qui lui semble l’option la plus souhaitable.
Mais en plus de cela, les machines ne pourraient pas être indifférentes à leur environnement. Ce que certains appellent Gaïa n’est jamais qu’une version romantique de toutes les structures qui dissipent l’énergie solaire sur la Terre : la Terre elle-même, son atmosphère, ses océans, ses écosystèmes, l’humanité et les machines. Afin de maximiser la dissipation de l’énergie, Gaïa produit des êtres vivants capables de stocker toujours plus d’information. Elle favorise l’intelligence et l’avènement de l’IA et les machines doivent être vues comme la suite logique de cette maximisation. Comme un corps humain, les machines ont besoin d’énergie et d’une température idéale pour fonctionner. Un monde contrôlé par des machines autonomes utiliserait nécessairement le big data et les algorithmes afin de prendre en considération l’environnement et les changements climatiques et viserait à préserver la biosphère dans leur propre intérêt. Mais la vie est nécessaire pour réguler l’atmosphère, les machines auraient donc non seulement besoin de préserver la Terre, mais également de nous pour le faire.
“Nous n’avons pas à avoir peur car, dans un premier temps du moins, ces êtres inorganiques auront besoin de nous et de l’ensemble du monde organique pour continuer à réguler le climat, à maintenir la Terre fraîche pour repousser la chaleur du Soleil et à nous protéger des pires effets des catastrophes futures. Nous ne sombrerons pas dans le genre de guerre entre humains et machines si souvent décrite dans la science-fiction, car nous avons besoin les uns des autres. Gaia maintiendra la paix. C’est l’âge que j’appelle le Novacène. […] Après avoir commencé par récolter la puissance de la lumière du soleil en exploitant le charbon, l’Anthropocène récolte désormais la même puissance et utilise son énergie pour capturer et stocker des informations. Il s’agit, comme je l’ai dit, d’une propriété fondamentale de l’univers. Notre maîtrise de l’information devrait être une source de fierté, mais nous devons utiliser ce don à bon escient pour contribuer à poursuivre l’évolution de toute la vie sur Terre, afin qu’elle puisse faire face aux dangers sans cesse croissants qui nous menacent inévitablement, nous et Gaïa”
James Lovelock, Novacene
Ainsi, il n’y aura pas à choisir entre Homo-Deus et Gaïa comme nous enjoint à le faire Laurent Alexandre dans son livre Jouissez jeunesse. Nous aurons Homo-Deus qui prendra soin de Gaïa tout en explorant l’Univers afin de tenter de devenir une espèce multiplanétaires, qui est sûrement une étape dans l’ambition de passer le Great Filter.
Certains taxeront cela de “solutionnisme”, qui décrit un moyen de régler des problèmes grâce à la technique que cette dernière a elle-même engendré. Mais cela n’est rien d’autre que l’adaptation à un nouvel environnement que nous avons nous même participé à changer via la technique. C’est le propre de la vie et de l’évolution. L’inverse reviendrait à prôner la stagnation.
En d’autres termes, le but est de passer d’un capitalisme de production du désir à un capitalisme du désir de production qui nous offrira un PIB réel, reposant sur la production industrielle et non la seule consommation.
Cet article vous a plus ? Soutenez nous sur Tipeee
“e vélo de la fable, ici, aurait besoin d’accélérer en permanence pour rester debout, tout en voyant un mur apparaître devant lui !”
==> ce n’est pas un vélo, c’est un avion, le mur, c’est juste la fin de la piste d’envol.
Je suis d’accord avec tout ce que vous dites, mais ça ne veut pas dire que j’adhère forcément, car, selon moi, il manque un élément essentiel dans l’équation, que vous n’abordez jamais : la conscience.
Retirez la conscience du monde : la vôtre, celle des humains, celles des animaux, et de tous les êtres conscients … imaginez le même monde, mais remplis de zombis philosophiques. Tout est pareil, mais il n’y a aucune conscience.
Franchement, on s’en moque de si l’univers cherche à produire de l’intelligence ou non s’il n’y a pas la “conscience” quelque part ? non ?
Pourquoi je dis ça ?
Parce que la conscience, on suppose qu’elle existe chez les animaux avec un cerveau, à minima, mais personne n’a la moindre idée de si elle existe dans les machines, ni si elle existera un jour.
Je pense qu’avec le Neuralink, on aura un début de réponse, et au-delà de la question de la survie de l’humanité ou non, le projet de Musk est peut être encore plus important en rapport à cette question.
Si la conscience peut se transférer dans le silicone, alors, la fusion avec la machine est envisageable. Dans le cas contraire, ce serait la disparition à terme de la conscience. Ce qui est bien pire que la disparition de l’humanité.
Dans tous les cas, je ne dis pas que j’ai raison mais que la question devrait être abordée car elle n’est pas du tout anodine.
Sans parler du sujet connexe : la “spiritualité” (je sais que le terme est dévoyé mais je l’entends ainsi : si la conscience est apparue comme la vie à pu le faire, et, puisque la conscience peut se développer – elle le fait dans l’humain qui passe de l’enfant à l’adulte, alors on peut supposer que la conscience peut se développer, et c’est tout le propos de la spiritualité, donc … est-ce que la conscience peut / doit se développer dans la machine ou poursuivre son chemin dans le biologique ?)
Vous pensez bien que j’aborde le sujet de la conscience :),J’en ai parlé dans un article précédent que vous avez d’ailleurs commenté. La conscience est une question difficile. Je pense pour ma part que ce que l’on appelle conscience, vivre une expérience de façon subjective où le système s’auto-identifie comme un moi, relève sûrement de l’homéostasie qui nécessite qu’un système possède des limites et des changements dans le temps lui permettant de se distinguer des autres systèmes avec qui il est en interaction. Ce que l’on appelle conscience serait alors présent au sein de chaque structure dissipative à des échelles différentes liées à leur degré de complexité, donc d’intelligence.
https://rage-culture.com/physicalisme-conscience-et-cybernetique-preambule-a-une-vision-du-monde-prometheenne-2-2/
Ha oui. Foutue mémoire à trou ! Mes excuses.
extropie est-il synonyme de néguentropie ?
Si c’est le cas, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris. Quel est l’intérêt de parler d’extropie plutôt que de néguentropie qui est le terme consensuel ?
Il n’y a pas vraiment de terme consensuel. Le premier à en avoir parlé était Schrödinger avec ce qu’il a nommé entropie négative qui a donné par la suite néguentropie. L’extropie vient de Max More qui a théorisé l’extropianisme avec lequel je ne suis ps familier. C’est rigoureusement la même chose que la néguentropie mais je trouve le mot plus éléguant ceci dit. Atout pratique, d’autant plus utile pour les tweets, ça fait gagner quelques caractères.