Touche pas à mon Gilet Jaune – Le blasphème de Julie Graziani

“Ce n’est pas à l’État de s’occuper de notre pouvoir d’achat.” “Ils se comportent vis-a-vis de l’État comme des créanciers et à aucun moment vous ne les entendez assumer la responsabilité de leur propre situation”, “Est-ce qu’elle a bien travaillé à l’école? Est-ce qu’elle a fait des études? Il faut prendre sa vie en main, il faut arrêter de se plaindre et il faut arrêter d’empiler les difficultés”, “Le temps qu’ils ont passé sur les ronds points, s’ils l’avaient plutôt passé à travailler leur CV, chercher une formation, ils auraient peut-être déjà améliorer leur sort”…

Julie Graziani – Lundi 4 novembre, invitée de l’émission “24 Pujadas” sur LCI

De la gauche ouvrière à la droite la plus incorrecte, les commentateurs sont unanimes : l’horreur, quasiment le nazisme…

Voyez-vous, Julie Graziani vient de toucher à un totem : les pauvres, cette vache sacrée française, ces gens qui n’ont aucune prise sur leur propre vie, marionnettes des milliardaires qu’ils sont. Peu importe qu’en étant au SMIC avec deux enfants on ait droit en France à 209€ d’APL par mois, 135,55€ d’allocation familiale, 115,64€ par mois et par enfant d’allocation de soutien familial si l’autre parent est décédé ou ne verse pas la pension alimentaire et d’une prime d’activité de 517€ par mois… soit un total de 1092.83€. Le problème en France est définitivement que “les aides ne sont pas terribles” comme dit la victime de cette agression verbale.

Même les décroissants qui nous répètent à longueur de journée que nous pouvons réduire nos besoins et que l’argent et le confort ne sont pas des nécessités en soi sont choqués. Finalement si, il faut beaucoup d’argent et plus d’aides de l’État.

Ce qui est intéressant de relever ici, c’est que cette “affaire” appelle deux notions mises en avant par la science. La première c’est qu’une société inégalitaire a tendance à attribuer des qualités morales supérieures aux pauvres. La deuxième c’est que le bonheur ne tient pas tant au fait d’être riche ou pauvre mais il est inaccessible lorsqu’on se sent pauvre, qu’on le soit réellement ou pas.

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Culture stratifiée vs culture égalitaire

Une façon intéressante d’analyser les différences entre deux cultures est de regarder comment les ressources sont réparties. Par ressources j’entends, les terres, la nourritures, les biens matériels, le pouvoir et le prestige. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs sont considérées plus égalitaires à travers l’histoire. Les inégalités s’étant accrues à partir du moment où il a été possible de posséder et d’accumuler des choses à la suite de la domestication d’animaux et de l’agriculture. Ce processus s’accompagnant de surplus, spécialisation et sophistication technologique, accentuant les chances d’inégalités qui explosèrent avec l’invention de l’héritage qui transmet ces acquis d’une génération à l’autre. Le niveau d’inégalités relevé au sein des premières sociétés pastorales ou des premières micro-sociétés d’agriculteurs correspondent ou dépassent celui des sociétés les plus industrialisées d’aujourd’hui. Pourquoi les sociétés stratifiées se sont-elles imposées sur l’ensemble de la planète et ont-elles remplacé les sociétés égalitaires? Pour le biologiste des populations Peter Turchin, les sociétés stratifiées sont parfaitement taillées pour la compétition. Elles possèdent intrinsèquement des chaines de commandes. Elles sont plus aptes à survivre dans un environnement instable entraînant des baisses de ressources disponibles en gardant la mortalité dans les classes les plus basses. Ce qui se révèle plus efficace que de changer continuellement d’environnement comme le font les chasseurs-cueilleurs. Les sociétés occidentales penchent aujourd’hui du côté des sociétés stratifiées. Les différences principales qu’on observe entre ces deux types de sociétés sont le capital social et le capital économique. Le capital économique est assez simple à comprendre, c’est la quantité de biens, services et de ressources financières. Le capital social est, quant à lui, la quantité de ressources comme la confiance, la réciprocité et la coopération.

Le capital social se mesure généralement en posant deux questions simples. La première, “Pensez-vous qu’on peut faire confiance aux gens ?” et “À combien d’organisations participez-vous ?”. Plus les gens pensent qu’on peut faire confiance aux autres et participent à des organisations sociales, plus ladite société a un capital social fort. On observe que les sociétés avec les plus grandes différences de revenus ont un capital social plus bas. La confiance demande de la réciprocité et la réciprocité est facilité par l’égalité. Plus une société présente des revenus inégaux, moins les gens sont enclins à s’entraider et plus les gens les mieux lotis génèrent des justifications pour leur statut et, dans le même temps, plus ils sont enclins à confier des valeurs morales supérieures intrinsèques aux pauvres… “Ils sont peut-être pauvres mais au moins ils sont heureux / honnêtes ou tout autre adjectif souhaité. Une société inégalitaire a besoin d’ambivalence pour conserver une stabilité. Elle va chercher à compenser cette inégalité dans la représentation partiellement positive des couches sociales d’en bas. Dès lors, gare à celui, ou celle en l’occurrence, qui vient détruire ce mythe en rappelant aux pauvres leur part de responsabilité dans leur sort.

Le problème n’est pas d’être pauvre mais de se sentir pauvre

Et ce mythe a la dent dure car il se nourrit de l’image d’épinal. Il est vrai par exemple qu’en moyenne les pauvres vivent moins longtemps et sont en moins bonne santé. On l’observe dans le domaine de la santé en comparant le statut socio-économique (SES) et le degré de santé. Plus on est pauvre, plus on est en mauvaise santé et plus courte est notre vie. Mais voilà ce que les études révèlent a) Ce n’est pas le degré de mauvaise santé qui entraine un mauvais statut socio-économique, au contraire, un mauvais SES à l’enfance prédit une mauvaise santé à l’âge adulte. b) Ce degré de santé n’est pas lié à un plus mauvais accès aux soins des pauvres, il apparaît aussi dans des pays possédant l’accès gratuit aux soins, il est lié à la non utilisation du système de santé de la part des pauvres et à des maladies non liées à l’accès au système de santé (ex: Diabète juvénile, pour lequel même avec 5 check up par jour ne changeraient rien) c) 1/3 de ce degré est expliqué par le fait qu’avoir un SES plus bas résulte sur plus de prise de risque sur sa santé (ex: plus de fumeurs et d’alcooliques) et moins de protection (ex: bon matelas, pratique du sport…). Alors quelle est la raison principale de cette différence?

Nancy Adler, professeur à McGill university, a mis en avant que ce n’est pas vraiment être pauvre qui entraîne une mauvaise santé mais se sentir pauvre. Autrement dit, la question “Comment pensez-vous que vous vous en sortez financièrement par rapport aux autres personnes?” est au moins un prédicteur aussi fiable pour déterminer la santé d’une personne que son SES réel. Un autre travail crucial de l’épidémiologiste Richard Wilkinson de l’université de Nottingham met en avant que ce n’est pas tant que la pauvreté prédit une mauvaise santé, c’est la pauvreté lorsqu’elle est vécue dans un milieu permettant une comparaison. La meilleure façon de faire en sorte que les gens se sentent pauvres est de leur mettre le nez dans ce qu’ils n’ont pas.

C’est en cela que Julie Graziani a tout notre soutien. Elle ne participe pas à cette guéguerre entre populistes de droite et de gauche qui veulent parler au nom du peuple. Contrairement aux bourgeois qui voient dans les pauvres des gens porteurs de valeurs supérieures qui leurs feraient défaut ou aux socialos qui agitent leur colère et nourrissent leur ressentiment en ressassant continuellement combien d’autres personnes possèdent plus de biens matériels, elle les met face à leurs responsabilités et leurs rappelle des choses simples. N’attendez pas que l’état ou une personne extérieure viennent régler vos problèmes, prenez votre vie en main. Vous pouvez être heureux à n’importe quel stade de richesse si vous ne vous comparez pas aux autres inutilement mais cherchez toujours à exploiter vos capacités au maximum. Chacun a son parcours, peut-être que le votre est jonché d’échecs mais il n’est jamais trop tard pour essayer de faire mieux en partant d’où vous êtes actuellement. Sans minimiser la difficulté d’élever deux enfants seuls on peut toutefois la relativiser en disant qu’on n’a jamais connu dans l’histoire de degré de confort matériel plus grand qu’aujourd’hui et qu’il n’a sûrement jamais été plus facile de le faire qu’en France actuellement (Même si c’est peut-être encore plus simple dans les pays scandinaves) lorsqu’on tient compte du fait qu’un enfant coute en moyenne 6000€ par an, donc 500€ par mois, et qu’une femme seule au SMIC peut prétendre à obtenir 1092€ d’aides sociales par mois . Alors laissez tomber les rond-points, exploitez pleinement votre potentiel, quel qu’il soit, arrêtez d’écouter les gens qui vous confortent dans une médiocrité et vous confinent dans un espace mental peu prompt à l’épanouissement. Devenez la meilleure version de vous-même.

5 comments
  1. “Mais la réussite est autrement plus haute qui consiste, pour délivrer l’homme, à le faire régner sur soi-même.”

    Comme d’habitue merci beaucoup pour l’excellent article !

  2. Plusieurs choses manquent.
    1/ “voient dans les pauvres des gens porteurs de valeurs supérieures” c’est un héritage du christianisme, cf le père Jésus “il est plus difficile à un riche qu’un chameau” …
    héritage qui polluent encore tellement les esprits, autant ceux des gauchistes que ceux des libéraux
    2/ le QI. Le QI est fortement corrélé au SES ainsi qu’à la santé.
    3/ les effets systémiques du marché (anti-ruissellement) : https://www.scientificamerican.com/article/is-inequality-inevitable/
    4/ l’homme est un animal social, il vit en se comparant aux autres, donc oui, ce n’est pas la pauvreté qui compte, mais le fait d’être PLUS pauvre (que le voisin).

    A note que Robert Putnam à montré que le capital social diminue avec l’immigration…

    Sinon les gilets jaunes ne sont pas des branleurs qui râlent pour avoir 3 miettes d’aides en plus, mais des gens honnêtes qui travaillent beaucoup et qui n’arrivent pas à boucler les fins de mois. C’est pour ça que les propos de Graziani sont mal reçus. Et puis bon, admettons qu’ils soient trop con, c’est à dire QI trop faible pour tirer le meilleur parti du système ultra-complexe actuel (qui favorise donc les hauts QI) : ce n’est pas leur faute, ils ne sont pas équipé pour, que peuvent-ils y faire ? on va pas les laisser crever ou souffrir pour ça, non ? pas dans le monde d’abondance capitalistique que vous nous vendez ici du moins … (faut choisir, soit on n’a jamais été si prospère et alors, on ne voit pas pourquoi certains n’y auraient pas droit, soit on n’est pas si prospère que ça et alors oui, certains n’ont pas assez).

  3. Le “système ultra-complexe actuel”, comme vous dites, est loin de “favoriser les hauts QI”, mais plutôt les abrutis qui courent derrière un ballon ou ceux qui s’agitent sur les écrans cinématographiques ou télévisuels…

  4. Graziani pense ce qu’elle veut mais elle me donne envie de vomir pour une raison bien précise, qui est qu’elle se prétend catholique alors qu’elle est en contradiction totale avec le Magistère, aussi bien sur des questions sociétales (la contraception par exemple, qui ne lui pose aucun problème) qu’économique – car pour se dire tatchérienne et catholique à la fois, quand on connaît les positions de la Doctrine Sociale de l’Église, il faut être soit absolument inculte soit totalement hypocrite.

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