Non, les robots ne vous mettront pas sur la paille

La machine à vapeur a évidemment volé énormément d’emplois aux travailleurs manuels et aux chevaux, et donc aux palefreniers, cela va de soi. Mais en fait, pas vraiment, puisqu’elle est au cœur des causes de la révolution industrielle, période pendant laquelle le niveau de vie en a très clairement augmenté en Europe occidentale, aux Etats-Unis, puis, progressivement, partout ailleurs.

On constate aussi en ces lieux et en ces moments d’enrichissements généralisés évidents, l’augmentation de la demande d’éducation, la réduction du travail des enfants – tendance qui s’est d’ailleurs amorcée bien avant sa proscription par les Etats – mais aussi l’allongement de la durée de vie et un grand progrès technologique et technique (sauf quand la centralisation, la normalisation, la législation et la nationalisation de ses structures devient trop importante, voir l’article de Techno-Prêtre à ce sujet). Plus cette accumulation de capital se généralise, plus le développement des “oubliés” du progrès – pour peu que les libertés individuelles s’accroissent – est simple de mise en place : ils peuvent ainsi bénéficier d’aides (charité) et d’investissements (délocalisations/extractions de ressources) extérieurs.

Remplacement donc chômage ?

La question de la robotisation croissante n’est pas bien différente de celle que poserait la suppression d’emplois provoquée par cette fabuleuse machine à créer de la richesse avec quelques pièces métalliques, de l’eau et de la chaleur. En fait, étant donné qu’il faut être dans le déni de réalité le plus total pour nier les évidences du paragraphe précédent, je pense que ceux dont les poils se sont hérissés en lisant le titre de l’article sont majoritairement d’accords avec le constat que je dresse ici ; en réalité, je pense qu’il ne comprennent simplement pas le phénomène du progrès économique, ou qu’ils pensent qu’il y aurait un palier de travail automatisé à ne pas franchir, qui en étant franchi est source de chômage à l’échelle “macro”. D’autres, plus radicaux, affirment que l’automatisation est une sorte de ruse, d’injustice faite par le Grand Capital aux prolétaires, afin que les actionnaires “se gavent” davantage, puisqu’ils auraient moins de coûts de production à payer.

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C’est en réalité la faute à une conception “ingénieure” de la société, pas économique. Les plus radicaux tiennent un discours assez équivalent à cela : “Evidemment, si une machine peut faire le travail d’une dizaine d’hommes, c’est purement et simplement 10 personnes qui se retrouvent au chômage, et l’horrible patron-capitaliste-bourgeois-blanc-cishet, enfin le bonhomme du Monopoly à la moustache, au haut-de-forme sur le cône et au monocle là tu sais – n’aura qu’à supporter les coûts de cette machine et il économisera l’équivalent de 10 salaires multipliés par le nombre d’années pendant lesquelles cette machine sera en état de fonctionnement”.

Alors oui, ça leur suffira peut-être à se faire applaudir par leurs potes de l’UNEF lors d’une de leurs irruptions insupportables dans un amphi de la fac des sciences, plein de gens qui veulent être juste autre chose dans la vie que des artistes de rue rasta-sarouel-labrador, canette 8.6 à la main, master en sociologie, spé-féminisme, option “études de genre”, ou être en top commentaire sous la dernière vidéo d’Usul ; à la limite même les amener à la rédaction de Libé. Mais certainement pas à prétendre que cette affirmation relève un tant soit peu de la science économique.

Avec un raisonnement pareil, on pourrait soutenir que l’on devrait interdire les tractopelles, et obliger toutes les tâches qui impliqueraient de creuser d’être effectuées à la petite cuillère. Si la réalité était telle, je vous réglerais le problème du chômage en 2 lois – 3 réglementations. Et même qu’après j’irai manger un kebab avec Benoit Hamon.

Que j’exagère ou pas, ça, c’est votre opinion … à titre personnel, je dirais que c’est plutôt une essentialisation du ridicule discours anticapitaliste. Mais bref, tout propos ressemblant de près ou de loin à cela relève donc d’une ignorance quant au fonctionnement du marché. Il n’y a, dans aucune des explications des individus obscurantistes dont je me moque plus haut, l’évocation des prix, de la valeur et surtout, de la productivité. Leur inclusion est pourtant nécessaire pour comprendre les phénomènes de marché. Les opinions n’ont pas leur place en économie ; et l’action humaine repose sur des principes, des axiomes et une logique que vous pouvez retrouver décris de manière exhaustive dans le livre du même nom, sur lequel j’ai d’ailleurs écrit un article.

Le marché et la hausse de la productivité

Voilà une explication de base à apporter pour remédier à ces défaillances : si le travail avait une valeur intrinsèque, nous pourrions tous gagner notre vie à creuser des trous à la petite cuillère – bien mieux qu’au tractopelle d’ailleurs – pour ensuite les reboucher. Nous ne le faisons pas bien-sûr parce que ce qui fonde nos relations économiques, c’est le service que nous rendons aux autres, et non pas le simple travail. Ce qui nous permet de nous enrichir, ce sont nos gains de productivité, non pas le fait de travailler plus. Alors permettez-moi d’illustrer le tout par un exemple.

Reprenons le cas de de la machine qui effectuerait le travail de 10 personnes. Disons que cette machine produit [pour les mêmes coûts de production] 10 fois plus de clous. Toutes choses égales par ailleurs, notre méchant entrepreneur, pour maximiser ses profits, va vendre moins cher les clous que ses concurrents grâce à cette machine, et de ce fait, faire plus de profit en en vendant plus ; et puis s’il ne le fait pas, un autre s’en chargera. Maintenant analysons les effets de cette baisse du prix de vente :

  • D’une part, de la même manière que le prix des clous a chuté, les tables, les lits, les travaux de bricolages en tout genre et autres crucifixions coûteront moins cher, mais aussi, les artisans et ouvriers qui utilisent des clous dans leur activité pourront vendre leurs biens et louer leurs services moins chers.
  • D’autre part, les consommateurs sont en capacité de dépenser moins dans les secteurs de l’économie qui nécessitent des clous, et parallèlement de dépenser dans d’autres, voire d’épargner davantage (pour mieux se prévenir face à des besoins urgents, investir ou prêter ; quoi qu’en disent les keynésiens, la restriction de la consommation fait partie intégrante de l’action humaine, puisque la nature incertaine de l’avenir engendre naturellement des comportements tournés vers soit la prévention, soit l’innovation).

Maintenant, imaginez que cette augmentation ne prend pas uniquement place dans l’entreprise qui utiliserait les machines à produire plus efficacement les clous. Imaginez qu’elle prendrait place dans toutes les entreprises qui produisent des clous, du mobilier et des outils présents sur les établis de nos artisans et dans les boîtes de nos ouvriers. C’est alors une sorte d’abondance qu’on observe dans ces secteurs de l’économie : production plus efficiente et vente moins chère.

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Ainsi, l’ensemble des consommateurs peut progressivement dépenser, ou plus qu’auparavant, dans des secteurs comme le tourisme, la restauration, les bars, le sport, le cinéma, les concerts, les jeux-vidéo, les loisirs en tout genre, l’éducation, les vêtements, la construction … mais surtout aussi dans les domaines mêmes de ces grands remplacements de l’économie : la robotique, donc l’ingénierie, l’informatique, l’ergonomie etc. Secteurs dans lesquels les offres d’emplois se multiplieront. La boucle de création-destructrice due à l’innovation, la technique, l’automatisation et bien entendu, la robotisation (qui sont, économiquement parlant, quasiment la même chose : une augmentation de la productivité) est bouclée.

Si vous n’êtes toujours pas convaincus, cherchez quels pays ou régions du monde ont les industries les plus automatisées/robotisées. Faites en même temps une recherche de la même sorte, mais cette fois-ci, en cherchant les taux de chômage les plus faibles. Vous pourrez établir de vous-même une corrélation plutôt évidente.

C’est cadeau.

Malgré tout, les statistiques ne prouvent rien, c’est avec la théorie que l’on établie les lois économiques ; toutefois, les statistiques permettent quand même d’appuyer certains propos avec des exemples.

Le robot contre le code du travail

J’ajouterais, au sujet du robot, qu’il émerge et se développe bien sûr comme un moyen de développer cette productivité. Mais il faut voir aussi que cet appel à plus de productivité est freiné par la rigidité de la protection sociale et du code du travail. La tentative socialiste de figer les conditions économiques, sous le prétexte d’une exploitation et d’un manque de protection du salarié sans cette intervention, conduit à ce que la pression du gain de productivité soit obligée de se manifester ailleurs.

Ainsi, on ne peut pas rendre le salarié plus productif, alors on cherche à faire des gains de productivité autre part. Et c’est ainsi que toutes les entreprises cherchent à développer toujours plus de logiciels, automatisent, et… robotisent. Le salarié protégé finit par être court-circuité au lieu d’avoir pu évoluer. Le robot concurrent du salarié est donc un sous-produit de la vision rigide et anti-progressiste du socialisme / communisme / syndicalisme ambiant.

Il faudra noter tout de même que la propriété intellectuelle (que je trouve absurde : la propriété privée existe puisque les choses de ce monde sont rares. Or, les idées une fois produites ne sont plus rares, elles ne nécessitent plus de ressources pour être reproduites) limite atrocement la propagation des innovations, donc de la hausse de la productivité.

Refus du changement

Pour conclure, je voulais rappeler que cet article ne vient pas de nulle part. A l’heure où Bill Gates propose de taxer les entreprises trop automatisées (en effet, les robots ne paient pas d’impôts sur le revenu, alors que les individus si. La solution au problème de notre bon vieux Bill ne serait-elle pas de supprimer l’impôt sur le revenu des humains au lieu d’en inventer une pour des êtres inconscients ? Bientôt une taxe des agriculteurs sur les abeilles pollinisatrices ?), mais aussi où un candidat du parti Démocrate aux présidentielles américaines, Andrew Yang, propose un revenu universel d’existence pour anticiper le chômage de masse lié à l’automatisation, il semble urgent de rétablir des vérités économiques avant de s’engouffrer dans des inepties socialistes.

Traiter ce sujet est donc pertinent encore aujourd’hui, alors que depuis que l’homme existe en société et innove, des gens ont redouté des innovations, ont angoissé à l’idée de devenir obsolètes et, par conséquent, ont voulu être protégés, par des syndicats, par des lois, de l’oppression des entrepreneurs qui servent le mieux les consommateurs. La réalité est toute autre que celle dépeinte par les technophobes : la peur concernant l’économie est infondée ; elle est en réalité un prétexte qui camoufle la peur de l’inconnu. La peur du changement. La peur de l’incertitude.

C’est une crainte certes, mais une crainte dont il faut avouer le nombrilisme : garder sa place au détriment de la volonté de tout le monde, transformer une place méritée en privilège illégitime. Les discours paternalistes des politiciens et pseudo-économistes réticents relèvent donc soit d’une compréhension incorrecte de l’action humaine, ici rectifiée, soit d’un clientélisme électoral et idéologique qui exploite les peurs.

Que serions-nous, et où en serions-nous si nous nous prévenions de tout progrès ? Malgré nos incompétences temporaires, il faut admettre notre obsolescence-jamais-programmée, reconnaître nos grandes capacités d’adaptation et surtout, accepter la remise en question permanente de l’organisation de notre société et donc, individuellement, de tous ses membres. Il ne faut pas se laisser berner par les individus qui cristallisent nos peurs de l’avenir et du progrès.

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