Les BRICS / Partie 2 : l’Inde, La Chine et l’Afrique du Sud

L’Inde: 600 millions de pauvres et une rivalité inévitable avec la Chine

Avant de faire un panorama de l’économie indienne, il convient de mettre en évidence les conflits territoriaux, certes larvés, mais bien réels entre New Delhi et Pékin. Les Chinois revendiquent en effet un bout du Cachemire et l’Arunachal Pradesh. Ils savent, en outre, qu’à long terme, l’Inde sera leur seul rival régional. La croissance indienne est aussi soutenue que la leur, et les projections démographiques démontrent qu’il y aura 450 millions d’Indiens de plus que de Chinois en 2050. Depuis plusieurs années, la Chine multiplie les installations militaires au Tibet et dans l’Himalaya pour se rendre capable de remporter une guerre éclaire contre l’Inde. Ces tensions ont débouché en 2017 sur la confrontation du Doklam, du nom de cette région qui forme un tri-point entre le Bhoutan, l’Inde et la Chine. Les armées de ces 2 derniers pays se sont fait face. Au vu des piètres performances de l’armée indienne face à son homologue pakistanaise, on réalise vite que si la confrontation tourne au conflit armé, l’issue ne sera guère favorable aux Indiens.  Dans cette optique, il est difficile de parler d’alliance objective avec la Chine tant les tensions sont nombreuses.

l’Inde a connu une accélération de sa croissance économique (9% par an jusqu’à 2007). Sa croissance est essentiellement fondée non seulement sur des industries (Mittal et Tata), mais aussi sur des secteurs de pointe comme les services bancaires, informatiques ou pharmaceutiques. Toutefois, la puissance économique indienne reste inférieure de moitié à celle de la Chine, même si elle est deux fois plus importante que celles du Brésil ou de la Russie. L’Inde pourrait devenir la 3e puissance économique mondiale à l’horizon 2030. Ses atouts sont nombreux et la distinguent de son grand voisin chinois : forte baisse du ratio de dépendance du fait d’une dynamique démographique favorable, classe très nombreuse d’entrepreneurs privés et valeurs bien ancrées de démocratie et d’Etat de droit. Compte tenu de ces perspectives encourageantes, l’Inde capte sans surprise une grande partie des flux mondiaux d’investissement (3e pays le plus attractif selon les Nations-Unies).

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Pourtant, l’Inde doit faire face à la pauvreté endémique qui la plombe; et, bien que l’émergence d’une classe moyenne urbaine se précise, 79% de la population indienne vit sous le seuil de pauvreté international. Un tiers de la population est illettré et 65% de la population travaille dans le secteur agricole. Pourtant, l’Inde fournit un lourd contingent d’étudiants aux universités américaines, et ses universités se sont d’ailleurs mis aux standards occidentaux. Si une partie de l’Inde est résolument moderne, le reste est largement arriéré, à tel point que le pays apparaît aussi inégalitaire que les pires exemples africains. Les 10 % les plus fortunés accaparent 55 % de la richesse du pays. Ce chiffre a doublé en vingt-cinq ans : une rapidité record. L’Inde est ainsi l’un des pays qui compte la plus forte inégalité du monde. La Chine, qui a vécu une émergence comparable, est bien meilleure redistributrice : les 10 % des plus fortunés ne détiennent « que » 41 % de la richesse nationale. L’Inde, qui pointe en septième position du PIB mondial, est plus que jamais un pays riche avec énormément de pauvres.

L’Inde, est donc un pays avec 600 millions de pauvres, où l’on assassine 2 millions de femmes par an et qui détient un taux de pollution ahurissant. Pour les néo-féministes occidentales, cela pourrait confiner au nazisme. Et pourtant, nous n’entendons ni la petite Greta, ni aucun responsable politique d’envergure rappeler que l’Inde, la Chine et la Russie portent une lourde part de responsabilité dans la pollution mondiale.

L’Indien lambda perd en moyenne 10 ans d’espérance de vie à cause de la pollution. Sur le long terme, le coût sanitaire de cette pollution pour le pays risque d’être colossal. Certaines grandes villes risquent d’être évacuées dès 2025 car jugées inhabitables du fait de la pollution qui y règne, comme à Kanpur, ville de 3 millions d’habitants. Parmi les vingt villes les plus polluées au monde, 15 sont indiennes. Une étude publiée par Lancet Planetary Health en décembre 2018 a, pour sa part, évalué à 1,24 million le nombre de décès dus à la pollution en Inde, dont 30000 dans la seule ville de New Delhi. Dans tous le pays, trouver de l’eau potable relève de la gageure lorsqu’on est dans un état de pauvreté absolue.

Comme on peut le voir, les problèmes structurels du pays sont à l’image de sa géographie : immenses. Ici aussi, la corruption est endémique et les mentalités encore largement arriérées. La pollution risque d’être un des problèmes majeurs de ces prochaines décennies alors même que le voisin chinois s’attelle à faire des efforts. Enfin, la rivalité avec la Chine interdit de facto toute alliance sérieuse et objective.

La Chine: le 3ème âge pèsera sur l’Empire du Milieu de manière irréversible

Nous avons déjà vu auparavant dans la semaine dédiée à l’IA comment la Chine entend s’emparer du leadership mondial. De tous les pays des BRICS, la Chine en est la pierre angulaire. C’est un peu la locomotive de l’ensemble, celle par qui tout passe et rien ne se fera sans son consentement. Afin de bien mesurer le poids de la Chine dans les BRICS, il suffit de s’attarder sur la Nouvelle Banque de Développement, sorte de contre FMI, dont le siège est basé Shanghai. Cette alternative au FMI est dotée d’un fond de 100 milliards de $. Il est bien entendu que ce sont ceux qui payent les factures qui décident, et dans ce cas, les Chinois entendent être maîtres du jeu en mettant sur la table 41 des 100 milliards de la mise de départ. La localisation du siège de ce genre d’institution ne doit rien au hasard, tout comme le siège du FMI est à New York et celui de la banque européenne à Francfort.

L’Empire asiatique remporte non seulement des succès mais les dépasse, qui plus est souvent plus rapidement qu’attendus. Rien ne semble pouvoir le freiner. Mais ce nouveau grand bond en avant de développement de puissance possède ses revers. Si les déséquilibres environnementaux et les drames humains collatéraux sont souvent mis en avant, la démographie est moins citée. Peu citée par les autorités, cette dernière est bien le point qui risque de déséquilibrer de façon durable la Chine, et pour cause, elle risque une déstabilisation de grande ampleur, à l’image de sa pyramide des âges, étranglée à la base, et déséquilibrée par une tête hypertrophiée. Elle est en ce moment à la croisée des chemins, sa population active commençant à décliner dans les années qui viennent. L’évolution démographique de la Chine s’est faite avant le développement économique, ce qui est assez inédit, et ce, grâce notamment à une volonté politique forte dans les années 70, le Grand Bond en Avant. Pour la population, s’il faut rentrer dans l’obligation de l’enfant unique, cela se fait au détriment des filles. La société chinoise considère traditionnellement le garçon comme garant de la famille, qui doit s’occuper de ses parents âgés, doit mieux pouvoir rapporter qu’une fille à la famille, tout en assurant la perpétuation du nom. La préférence au garçon atteint aujourd’hui, à cause de la politique de l’enfant unique, des sommets : il y a 120 naissances de garçons pour 100 filles, au lieu de 105 naturellement. Enfin, cette transition démographique fut un atout économique puisqu’à l’opposé des pays africains : la Chine n’a pas eu à gérer un afflux massif et soudain de jeunes gens sur le marché du travail. Néanmoins, cet avantage n’est que temporaire.

Aujourd’hui, on estime qu’il y a 34 millions d’hommes en plus que de femmes. Les industries de main-d’œuvre peu qualifiée et l’agriculture comptent une grande proportion de femmes. Elles auront à faire face à une diminution de leur main d’œuvre. Ce déséquilibre entraîne aussi mécaniquement un besoin de naissances plus important pour le simple remplacement des générations, loin d’être assuré aujourd’hui.

De façon mécanique et unique au monde, la politique de l’enfant unique entraîne un vieillissement rapide de la population, en diminuant le nombre des jeunes par classe d’âge. La part des personnes de 65 ans ou plus, pourrait doubler d’ici à 2030. Selon la projection moyenne, en 2050, il pourrait y avoir 440 millions de seniors en Chine, presque l’équivalent de la population européenne d’aujourd’hui (502 millions d’habitants ) ! La prise en charge des personnes âgées sera un problème éminemment lourd à gérer. La famille constitue le seul système de « protection sociale » pour la majeure partie de la population pauvre. Or, dès les années 2020, les parents n’auront plus guère d’enfants sur qui compter pour subvenir à leurs besoins et nombre d’enfants devront gérer, par couple, huit personnes âgées. Par ailleurs, le gouvernement chinois n’a pas anticipé ce vieillissement par une politique sociale d’accueil des anciens. On peut imaginer aisément les troubles sociaux qui peuvent en découler, alors même qu’en France les retraités se sentent maltraités. Mais face au vieillissement de la population, Pékin autorise désormais depuis 2016 toutes les familles à avoir deux enfants.

Problème : face aux coûts de l’éducation, de la santé et du logement, beaucoup de couples préfèrent en rester à l’enfant unique, voire à pas d’enfant du tout.

La hausse vertigineuse de l’immobilier et ses fluctuations reste également un énorme problème. Les autorités expriment une inquiétude croissante face aux risques financiers liés à des années de dette immobilière croissante, ainsi qu’au mécontentement social dans les villes où les propriétaires ont une grande partie de leur richesse liée à la valeur de leur bien et où les jeunes craignent que les prix ne soient hors de leur portée. Ici aussi les tendances démographiques sont lourdes de conséquences : le ralentissement de l’urbanisation signifie que moins de résidents ruraux déménagent dans les villes, ce qui réduit la demande de nouvelles habitations, tandis qu’une population vieillissante signifie que moins de jeunes familles cherchent à améliorer leurs maisons. Le marché est d’ailleurs stimulé artificiellement par un système de subvention mis en place par le Parti afin d’améliorer l’habitat, ce qui a accru la demande d’un coup de baguette magique.

L’Afrique du Sud: le clochard violent

L’Afrique du Sud est certainement avec la Russie le boulet des BRICS. Tout d’abord, la situation économique n’a eu de cesse de se détériorer depuis la fin de l’apartheid. Le pays vient juste de sortir d’une période de récession et n’affiche qu’une croissance hésitante, en dessous des 1%, ce qui est très peu pour une puissance émergente. L’économie la plus industrialisée du continent africain affiche un taux de chômage de plus de 27 %. L’ANC est pointé du doigt par les économistes comme étant responsable de ce gâchis. Puissance minière s’il en est, l’Afrique du Sud a pourtant vu sa production d’or chuter de 15% en 2 ans. Son agriculture marque le pas également avec une contraction de 5%, la raison en est toute simple : le gouvernement entend confisquer des terres cultivées par des Blancs pour les donner à des paysans noirs. Un quart de siècle après la fin de l’apartheid, l’économie sud-africaine gémit de nouveau sous un vaste et complexe système de quotas et de préférences raciales, qui, cette fois-ci, favorisent la majorité noire sur la minorité blanche. Le gouvernement composé de l’ANC et du SACP (le parti communiste), rejette explicitement le progrès basé sur le mérite en faveur de la représentativité raciale dans tous les aspects de la vie politique et économique. En parallèle, le secteur public gonfle à vu d’oeil, afin de nourrir le clientélisme et les prébendes de l’ANC qui gère le pays comme son potentat. À la fin de l’année 2018, les économistes de Standard & Poor’s ont d’ailleurs maintenu la note de la nation arc-en-ciel dans la catégorie spéculative. En cause : « une croissance économique anémique et des passifs considérables ». Le pays est tellement mal géré depuis la fin de l’apartheid que tout s’écroule à commencer par ESKOM (équivalent EDF en Afrique du Sud) qui a été pillée par des dirigeants incapables. Et aujourd’hui il n’est pas rare d’avoir de 2 à 4 coupures d’électricité par jour chacune d’une durée de 2 heures. Les conséquences pour le pays sont énormes. Cela s’appelle Load shedding. Il y a même une appli EskomSePush qui vous permet d’avoir le planning des coupures de la semaine …

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Dans cette ambiance de crise politique liée à la chute de Jacob Zuma, autant dire que les investisseurs ne se bousculent pas. Pas de quoi réduire un chômage de 27,7 %, au plus haut depuis 2003. Pas de quoi non plus réduire une dette publique qui atteindrait 61 % du PIB d’ici à 2022 et absorberait quelque 15 % des recettes budgétaires. Ni de quoi réduire les inégalités, 93 % de la richesse nationale étant détenue par 10 % des Sud-Africains. L’économie du pays est aux mains de quelques entreprises publiques extrêmement mal gérées dont l’état a dû se porter garant des dettes. Les politiques économiques étatistes du gouvernement, son inefficacité et sa vénalité ont conduit à une croissance faible, une dette montante, des impôts plus élevés et, pire encore, une explosion du chômage. La détérioration des conditions économiques a, à son tour, créée un terreau fertile pour les idéologues marxistes des deux partis, qui semblent être sur le point de commettre un suicide économique en expropriant des terres sans compensations.

Le second point noir du pays réside dans une criminalité ahurissante, en dehors de tout contrôle. Avec 57 meurtres violents par jour, chiffre bien pire que sous l’apartheid, le pays peut être comparé à une zone de guerre avec plus de 20000 morts par an. Selon l’ONU, sur les 250 000 viols déclarés par an de par le monde, plus de 66000 se déroulent dans la seule Afrique du Sud. Mac Bride, le responsable de la police des polices (IPID) reconnaît que presque toutes les attaques de convois de fonds sont commises par ou avec des policiers et le nombre de ces attaques dignes du Chicago de la grande époque du gangstérisme est en augmentation de 56,6%. Dans le même temps, les VIPs du régime se surprotègent, avec un budget dédié à leur protection en augmentation de 50% d’une année sur l’autre.

Cette année, un autre niveau a été atteint : dans les townships du Cap, l’armée a dû être déployée pour maintenir un semblant d’ordre face à une police totalement dépassée après que 40 personnes aient été abattues en un seul week-end. Ce n’est pas une première puisqu’en 2017, l’armée a dû être appelée pour rétablir l’ordre dans la capitale Prétoria après des émeutes xénophobes visant des commerçants nigérians.

Conclusion

Il apparaît tout de même curieux que les sicaires tiers-mondistes qui portent aux nues ces pays sont les mêmes qui, en Occident, sont outrés par une concentration de richesse ou de pouvoir pourtant bien moindre que chez les BRICS. Dans ces pays, l’arbitraire, la violence et la concentration des pouvoirs comme des richesses sont une situation tout à fait normale et acceptable. Nous pouvons également voir que leur décollage économique est loin d’être assurée du fait de leurs faiblesses structurelles et que donc, leur émergence en terme de puissance, reste tout aussi hypothétique sur le long terme.

Alors que chez nous, manger un homard confine au mépris social du dernier degré, les mêmes moralisateurs voudraient renverser les alliances avec des pays corrompus jusqu’à la moelle. Quand un dirigeant comme Poutine donne des montres BlancPain qui coutent plus chères que son salaire annuel, nos ascètes deviennent aveugles, sourds, et muets. Ce n’est qu’une pratique parmi tant d’autre qui a court dans ces pays.

1 comment
  1. “Il apparaît tout de même curieux que les sicaires tiers-mondistes ”
    Certes, pourtant, ce n’est pas si curieux si on considère que la situation dans ces pays s’améliorent, même s’ils souffrent du poids du passé, alors que chez nous la situation empire, bien qu’elle parte d’un meilleur endroit.
    C’est surtout cela, à mon avis, qui fait que certains semblent juger plus sévèrement la situation chez nous qu’ailleurs : à cause des directions prises.
    Peut-être aussi que la situation est pire dans ces pays, mais moins hypocrite. L’hypocrisie des SJW et du camp du bien chez nous fait qu’on n’a plus confiance dans les annonces de “c’est mieux chez nous”.

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