Actualité et avenir de la politique pénitentiaire française

En novembre 2022, la France a atteint le record absolu du nombre de détenus en France. Fort d’une surpopulation pénale haute de 119,2 %, l’Etat Français compte 72 809 incarcérés écroués parmi lesquels 18 068 étrangers soit près d’un quart de la totalité de la population pénale. On compte parmi elles environ 19 000 prévenus, soit des personnes incarcérées en attente d’un jugement.

L’Union Européenne dispose de nombreux éléments quantifiants les données européennes du champs carcéral. Parmis elles, les Statistiques Pénale Annuelle du Conseil de l’Europe (SPACE) produites par le Conseil de l’Europe.

Il faut noter que la France a un taux de détention plus faible que la médiane européenne. Sur 100k habitants, on compte en moyenne 106 détenus en Europe contre 104 en France. L’hexagone pêche par contre par ses capacités de places disponibles en établissements pénitentiaires. Si la moyenne européenne est de 96 places, la France fait office de mauvais élève avec 79 places en moyenne. [1]

Une solution avancée qui pourrait paraître évidente serait l’expansion du parc pénitentiaire et la création de nouvelles prisons. Tous les présidents successifs ont suivis cette idée, mais les nouveaux établissements bâtis à un rythme trop faible ne permettent que de remplacer les établissements vétustes.

Un autre élément expliquant cette surpopulation carcérale de 116% est la différenciation des lieux d’incarcération. Par exemple, on note pour les Maisons d’Arrêts une moyenne de 130% de surpopulation carcérale, pouvant avoir des pics localisés de 150%, soit littéralement 150 personnes pour 100 places. On voit apparaitre des cellules de 9m² investies par deux ou trois personnes, certaines occupant des matelas à même le sol.

La surpopulation carcérale est symptomatique d’une mauvaise gestion de l’Etat, étant le seul décideur en matière d’affectation et d’incarcération. L’organisation est trop restrictive, couplée avec la pingre extension du parc pénitentiaire et une différentiation d’affectation trop rigide. Il est particulièrement difficile au regard de la loi et des décisions de la CEDH traitant de la dignité du détenu d’affecter un habitué d’un centre de détention ou d’une maison centrale vers une maison d’arrêt, l ‘acte faisant grief alors même que 7000 cellules sont vides sur la totalité du territoire. Le principe d’encellulement individuel demeure un objectif inatteignable en l’état, défendu depuis 1948 et sanctionné par la CEDH par le biais du Controleur Général des Lieux de Privation. Il est également possible d’observer que la logique « du tout carcéral » peut sembler discutable.

Si la moyenne de l’incarcération en France est de 10 mois, c’est qu’une grande quantité de petits délits se voient punis de courtes peines d’incarcération, suffisamment longues pour retirer au détenu sa profession, ses liens familiaux et son logement (éléments garantissant la stabilité de l’existence) tandis qu’elles paraissent trop courtes pour permettre un réel amendement. Faisant déjà ce constat à l’aube du tribunal de Nuremberg, les réformes Paul Amor de 1945 initieront un vaste mouvement vers la justice réhabilitative qui aboutira sur des peines alternatives, solution partielle des enjeux actuels qui sont probablement vouées à se généraliser dés lors que l’on prend en compte qu’il y avait 190 564 Personnes Placées Sous Mains de Justice (PPSMJ) au 31 Décembre 2021[2], parmi lesquelles un peu moins de 73 000 incarcérés, le reste étant donc sous l’égide des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation, chargés de la mise en pratique des politiques Réhabilitatives.

Ainsi, le droit français a fait le choix de préférer à la politique répressive et à l’incarcération la solution des traitements alternatifs en milieu ouverts focalisés sur la réinsertion et un regard utilitariste, possibilité grandement permise par l’essor des nouvelles technologies.

Brève Histoire de la Politique Pénitentiaire

Le sujet que nous nous apprêtons à aborder est si large qu’il faudrait de multiples articles pour l’approfondir correctement sans pouvoir être exhaustif. Il n’est pas impossible que cela se fasse à l’avenir, mais pour le moment, nous nous arrêterons sur un résumé succinct.

À l’origine, la prison vient du latin « prisio » soit « prendre », l’idée étant de s’emparer de quelqu’un pour l’immobiliser. La prison était originalement une mesure de sûreté permettant de s’assurer que le prévenu que l’on devait juger restait à disponibilité des juges, mais n’était pas constitutif d’une peine autonome. Une peine est indissociable de la notion de punition, là où la mesure de sureté peut être préventive ou post-sentencielle.

La perception de la peine a évolué au fil des années. Si le féodalisme voyait dans la souffrance une partie intégrante de cette dernière, destinée à permettre au condamné de racheter ses péchés par la douleur ressentie, elle change aux alentours de la Renaissance pour devenir une notion focalisée sur l’utilitarisme, la peine utile. D’ici, deux courants non-exlusifs l’un de l’autre naitront. Le premier cherche la peine qui permettra d’éviter à ce que le condamné, ou autrui, n’enfreigne la Loi. Pour ce faire, on cherche les punitions qui se montreront suffisamment dissuasives pour éviter la recrudescence du banditisme.

Dans ce courant de pensée, on peut se remémorer les mots sévères de Joseph de Maistre, philosophe de la Contre-Révolution ayant principalement écrit durant la Révolution Française: « le bourreau est la pierre angulaire de la civilisation. »

En opposition à cette pensée dissuasive naîtra le courant réhabilitatif, cherchant à identifier les causes du banditisme pour les endiguer, et une fois le trouble commis, s’assurer qu’il ne revienne pas. Sa naissance est intimement liée aux prémisses de la sociologie au XIXeme siècle et d’un duel entre le positivisme Italien et l’école Sociologique.

Différents phénotypes identifiés par Lombronzo

Pour le positivisme Italien incarné notamment dans Lombrozo, considéré comme le père de la Criminologie, les troubles sociaux et les infractions criminelles trouvent leurs origines dans un déterminisme d’ordre biologique. Lombrozo élabore une longue énumération d’éléments physiologiques censés permettre de prévoir et de trouver le type de l’Homme criminel. S’inspirant de multiples sciences de l’époque, dont la phrénologie, il aboutit à défendre une vision eugéniste de la société ne pouvant se pacifier que par l’élimination des gènes criminels.

De l’autre côté, celui qui en son temps sera aussi influent que Durkheim : Gabriel Tarde.

Pour Tarde, la cause de la criminalité se veut presque exclusivement sociologique, l’individu se construisant par l’imitation positive (« je dois devenir celui qui j’admire ») ou négative (« Je dois éviter de devenir celui que j’observe »). À ses yeux, reprenant à son compte le discours de Durkheim sur le suicide, la criminalité est un phénomène naturel et présent dans toute civilisation que l’on peut essayer d’endiguer et de restreindre, mais qu’il paraît utopique de vouloir dissoudre en totalité. Les travaux de Tarde sont particulièrement fournis et mériteraient un article à part entière, mais pour résumer, il devient l’un des fondateurs de la sociologie moderne tout en s’inspirant de la Métaphysique de Leibniz, notamment en reprenant à son compte la Monadologie. En résumé, chaque individu porte en lui le reflet de la totalité de la société, et renvoyant son reflet aux autres, permet une mise en abîme sociologique d’où découle la construction, et la criminalité potentielle.

Petit indice pour savoir qui a triomphé de cette longue lutte : la bibliothèque de l’Ecole Nationale de l’Administration Pénitentiaire a été baptisée Bibliothèque Gabriel Tarde, devenant le premier des Criminologues Français à trouver un intérêt pratique.

Gabriel Tarde, fondateur de la Criminologie Moderne

D’ici, les peines françaises ont évolués vers un modèle fortement réhabilitatif comme autre versant de l’utilitarisme. Si à l’origine, on tendait à identifier les causes de la criminalité pour la prévenir, ici, on cherche à adapter la peine pour qu’elle puisse tendre vers la réduction de la récidive. Ici, il faut noter l’influence Titanesque de Beccaria, dont l’ouvrage Des délits et des peines se fait précurseur du modèle pénal français (à tel point que je conseille à toute personne curieuse de comprendre son fonctionnement actuel de le lire, tant il se fait visionnaire sur l’avenir du Pays).

Pour Beccaria, la peine se doit d’être dissuasive, elle n’est utile que si elle empêche quelqu’un de passer à l’acte. Ainsi, on procède à une rationalisation de la souffrance. On ne vise pas tant la douleur réelle que l’impression extérieure de douleur qui dissuadera. Ainsi, ce dernier cherche à abolir la peine de mort en raison de son aspect inhumain, mais aussi de son inutilité sur le plan dissuasif. Si la Mort du supplicié Damien [3] n’a pas mis fin aux tentatives de meurtre, alors rien ne pourra le faire. Pour pallier ce fait, Beccaria, que l’on estime souvent être un humaniste, propose la mise en place de cachots aux conditions particulièrement rudes où les pires êtres humains seraient considérés comme des animaux et parfois montrés aux publics. L’idée d’une existence intégralement malheureuse paraissant plus dissuasive qu’un simple instant avant le trépas, si douloureux soit-il. C’est de cette manière que l’incarcération devient la peine de référence, et que l’esclavage perpétuel se destine à remplacer la peine de mort.

Ainsi, les éléments sont en place pour une évolution du modèle carcéral : la conception de la prison comme punition autonome, puis comme peine de référence, mais aussi la prise en compte de l’aspect sociologique indétachable du passage à l’acte criminel. Finalement, la dernière étape sera une réaction vis à vis des exactions nazies.

L’État Vichyste et les différents Etats Fascistes tenteront de remettre en place une logique punitive, rétributive (peine nécessitant de faire souffrir le condamné pour l’amender) trouvant un écho particulièrement inhumain dans l’industrialisation de la mort. Sous un angle juridique, les camps d’extermination n’étaient qu’une modalité d’application d’une politique pénitentiaire particulière. De ce fait, les Etats Alliés entameront une politique en réaction et viseront à attribuer aux détenus une dignité nouvelle.

Cette dignité nouvelle s’incarne dans Paul Amor. Le magistrat résistant en 1944 finira à la tête de l’administration pénitentiaire dans l’instantanée après-guerre. En mai 1945 passent les réformes Amor, cherchant à réorienter les objectifs de la prison qui devient l’obtention du reclassement social du détenu, inspiré par l’école de la défense sociale. De là commencera un long chantier vers la généralisation de la justice réhabilitative. Si de nombreux freins apparaissent, notamment dans les condamnations liées à la guerre d’Algérie où la sinistre Affaire Buffet-Bontemps [4], le ton est donné. Alors que François Mitterand vient d’être élu à la présidence de la 5eme République, le Garde des Sceaux Badinter comme militant abolitionniste obtiendra l’abolition de la peine de mort le 9 octobre 1981.

Depuis, la politique pénitentiaire ne fait que tendre vers plus de réhabilitation, légitimant l’absence de création de places supplémentaires par une généralisation des modèles de réinsertion en milieu ouvert. Le plan Chalandon de 1987 cherchant à obtenir 13 000 places de prison supplémentaires serait grandement entamé. On peut noter que le populisme pénal (dont nous parlerons plus bas) a amené la cohabitation Mitterand-Chirac à introduire une peine de perpétuité incompressible pour remplacer la peine maximale, tandis que les réformes Perben II permettent de prolonger exceptionnellement la détention provisoire en cas de terrorisme. Finalement, c’est la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 qui précise les objectifs actuels du Service Public Pénitentiaire, à savoir qu’il « participe à l’exécution des décisions pénales. Il contribue à l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues. Il est organisé de manière à assurer l’individualisation et l’aménagement des peines des personnes. »

Le ton est donné, mais si la portée de cette Loi peut paraître évidente concernant les politiques de réinsertion, qu’en est-il pour la traditionnelle mission de sécurité publique, et la peine d’emprisonnement y étant attachée ?

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Situation actuelle de la politique en milieu fermé

Pour comprendre la portée de la Politique Pénitentiaire Française, il est nécessaire d’avoir à l’esprit les composantes et les prérequis à la détention. Pour débuter, les prisons sont découpées en plusieurs catégories.

La France compte 187 prisons, réparties en différents types de structures pénitentiaires.

Les Maisons d’Arrêt sont les prisons ayant pour objectif d’accueillir les prévenus (détenus en détention provisoire, soit avant jugement) et les personnes condamnées à des petites peines (moins de deux ans). Il arrive que le jeux des affectations fasse résider des détenus lourds dans ce genre d’établissements le temps d’obtenir une affectation plus en adéquation avec ses besoins.

Fleury-Mérogis, le plus grand établissement pénitentiaire d’Europe dotée d’une capacité de 2855 places.

Par la suite, nous avons différentes catégories d’établissements pour peines destinées à accueillir la population pénale.

Les centres de détention accueillent les condamnés dont les chances de réinsertion paraissent élevées au regard des observations criminologiques. À l’extrême inverse, les Maisons Centrales priorisent la sécurité, en raison de l’accueil des représentants du terrorisme et grand banditisme, les criminels les plus dangereux et ceux le plus susceptibles de s’évader.

Par la suite, les centres de semi-liberté qui correspondent à une catégorie admise en aménagement de peine permettant une détention souple amenant le détenu à sortir la journée pour exécuter différentes obligations (formation, travail, soins) tout en rentrant le soir pour être surveillé.

Les Centres pour Peines aménagées permettent d’accueillir les détenus au plus grand potentiel de réinsertion. Il y a également les Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs qui sont occupés par des mineurs d’entre 13 à 18 ans. Les mineurs représentent 1 % de la population incarcérée, soit 789 en 2021.

Le dernier établissement pénitentiaire est le Centre Pénitentiaire. Il s’agit d’un établissement mixte comprenant des quartiers particuliers reprenant les différents éléments ci-dessus (permettant de faire cohabiter les quartiers pour mineurs avec un quartier maison centrale destinées aux lourdes peines).

La Surpopulation Carcérale touche majoritairement les maisons d’arrêt. Ces établissements passent pour une véritable école du crime et pour cause. On fait cohabiter des détenus habitués aux courtes peines et bien ancrés dans la délinquance avec des prévenus, innocents au regard du principe de la présomption d’innocence. Opérant une véritable désocialisation par l’enfermement, se couplant avec le recul des activités familiales et professionnelles, il n’est pas rare qu’un innocent étant détenu plusieurs mois finisse en sortant par adhérer au corpus idéologique propre à certains détenus. De même que la répétition des condamnations légères, loin d’effrayer le détenu, vient affaiblir la portée dissuasive de la peine, dés lors que celle ci a été expérimentée. Ici, il nous paraîtrait plus sage de procéder à un dualisme et de différencier les établissements pour petites peines des établissements pour prévenus, comme en Pologne. Pourtant, le principe de séparation entre prévenus et condamnés interdit strictement une cellule mixte [5]. De la même manière, il n’est pas autorisé de mélanger Hommes et Femmes (représentant 3,1 % de l’ensemble de la population détenue en 2022, soit 2221), ou Mineurs et Majeurs. Notons également que tous ces établissements peuvent disposer de “modules respect” soit des conditions de détention plus favorables aux détenus se comportant bien. La peine devient moins douloureuse, au profit d’une détention pacifié entre détenus et surveillants.

Le manque de ressources et le surplus des condamnés conduit à parfois devoir faire quelques entorses envers certaines règles, tel que le principe de l’encellulement individuel. Si on essaye de viser un détenu unique par cellule, la pratique n’est pas rare de voir deux voir trois détenus par 9m². À ce propos, la Cour Européenne des Droits de l’Homme rappellera (en menaçant de sanctions) qu’une cellule de moins de 3m² constitue une présomption de traitements inhumains et dégradants, pouvant donc donner lieu à des réparations pécuniaires et une condamnation de l’Etat. Au premier juillet 2022, la France comptait 1872 matelas au sol.

Vis-à-vis de l’objectif de sécurité, plusieurs éléments sont à prendre en compte.

La sécurité passive et la sécurité active, ou dynamique. La sécurité passive est constituée de ce qui a trait à l’occupation de l’espace tel que les grilles, les barbelés, les murs d’enceintes, les miradors, les serrures métalliques.. En bref, c’est la conception et l’optimisation de l’espace destinée à assurer une mission de sécurité, et de contention.

La sécurité dynamique, quant à elle, est constituée de tous les mécanismes de sécurité dépendant d’opérateurs humains pour être mis en place. Ici, l’on peut noter de larges évolutions, telles que l’introduction d’équipes locales de sécurité pénitentiaire(ELSP) en 2019, soit des équipes de surveillances mobiles destinées à accompagner la surveillance interne et périmétrique de l’établissement. Elle concerne par exemple des patrouilles à l’extérieur des murs d’enceintes destinés à arrêter tout envoi de projectile (drogue, armes…) au-dessus du mur d’enceinte à destination d’autres détenus.

C’est en 2003 qu’apparaît la plus grande innovation de la sécurité dynamique en la formation des ERIS. (Equipes Régionales d’Intervention et de Sécurité)

Les Eris en action

Fondées par Didier Lallement, à l’époque Directeur de l’Administration Pénitentiaire à l’échelon national (bien avant de devenir Préfet de Paris), les ERIS constituent une force d’intervention formée par le GIGN destinée à prévenir de toutes les opérations délicates. Spécialement formés à l’usage d’un matériel de pointe, leurs missions consistent à escorter les détenus dangereux, à agir les premiers lors des émeutes de haute intensité ou lors des tentatives d’évasion. Ils peuvent également être mobilisés lorsque la situation nécessite des fouilles difficiles. L’Administration Pénitentiaire rattachée au Ministère de la justice depuis 1911 s’accapare au fur et à mesure des prérogatives se rapprochant de plus en plus des missions du Ministère de l’Intérieur, brouillant les frontières entre les deux à tel point que deux candidats à la présidentielle de 2017 et 2022 demanderont le rattachement effectif des Forces Pénitentiaire à ce dernier[6] de par son statut de 3ème force de sécurité intérieure.

On compte aujourd’hui sur 41 000 agents pénitentiaires environ 30 000 surveillants tout grade confondus contre 5000 agents de réinsertion, les personnels restants confondants personnel de direction, administratifs et techniques.

Il paraît important de noter que la politique pénitentiaire tolère depuis des années la surpopulation par la mise en place de moyens techniques efficients. On peut compter par exemple sur l’évidente surreprésentation des caméras de surveillance, ou la dotation en HK G36 pour les ERIS, ainsi que les grenades de désencerclement, mais force est de constater que la technologie joue un rôle plus que conséquent au sein des établissements pénitentiaires.

Les miradors de Valence

Si les miradors (désavoués par un décret de 2010 sous Sarkozy, leur préférant une surveillance informatique, moins onéreuse) blindés permettent d’observer en permanence les détenus sans risques, on compte également le découpage architectural en Poste de Contrôle et en Relais comme autant de proxy indépendants et autonomes les uns des autres. On peut aussi noter que devant la recrudescence des téléphones illégaux en cellules (circulant par don depuis l’extérieur, parloir ou corruption du personnel) l’Administration Pénitentiaire a cru bon d’investir dans des brouilleurs, permettant de totalement neutraliser les ondes radios au sein de l’enceinte. Certains dispositifs plus coûteux permettent non pas de brouiller les conversations, mais de les enregistrer, les données étant ensuite récupérées par le Service de Renseignement Pénitentiaire les diffusant entre autres à la DGSI et aux forces de Polices.

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Les innovations matérielles permettent également de lutter contre la technologisation du crime. Les années 2010 ont vu apparaître par exemple l’importation de drogue depuis l’extérieur au moyen de drones. Ici, deux éléments ont été usités. Un simple filet en kevlar tissé suffisamment finement pour empêcher au drone l’accès à la cours, ou également un « canon à onde » capable de griller les processeurs de l’aéronef et de le désactiver à distance, et de simples brouilleurs fixes.

Les fouilles comme prérequis nécessaires à la sécurité du personnel se voient complétées de nombreux moyens. Au-delà de la simple possibilité de fouiller le matériel électronique à disposition [7], il existe de nombreux outils destinés à la sécurisation de l’établissement.

En vrac, le portique de détection de masse métallique se voit généralisé à l’entrée des prisons comme dans les aéroports. Le précis magnétomètre permettant d’affiner la zone de contrôle et d’identifier des composants non-métalliques, tel que de la céramique. Les établissements les plus tendus (tel que Fresnes ou Fleury-Mérogis) possèdent des drones de surveillance permettant à un surveillant seul de concrétiser le fantasme de Foucault. Ce dernier voyait dans l’organisation des panoptiques, soit un modèle d’architecture carcérale conçu par Bentham consistant en un mirador central permettant d’observer la totalité des coursives, soit toutes les personnes incarcérés autour en contrebas, comme l’apogée de l’aliénation et de l’impression de contrôle permanent, le détenu étant incapable de savoir derrière les vitres teintées si le surveillant l’observe, engendrant une paranoïa facilitant le contrôle. Le panoptique n’ayant plus besoin d’une tour centrale, ce sont de multiples petits robots dotées de caméras qui surplombent la prison, autant pour suivre les mouvements internes que pour suivre les perturbations originaires de l’extérieur, habilités par exemple à suivre le véhicule d’un individu pris en flagrant délit de soutien à un détenu. Les innovations peuvent également porter sur la réduction de coût de construction. L’utilisation de matériaux peu onéreux prendra peut être de l’ampleur. Une dynamique similaire s’est déjà vue avec le centre de semi-liberté de Saint-Martin-Boulogne, dont les cellules sont composées de vieux containers maritimes récupérés par le groupe Eiffage.

Drone pénitentiaire

Ainsi, l’Administration Pénitentiaire se modernise efficacement pour faire face aux périls grandissant, tel que le prouve la présence de plus en plus présente d’informaticiens destinées à protéger les logiciels maintenant sous écrous les détenus, mais force est de constater que les principales avancées dans le secteur pénitentiaire concernent principalement les politiques de réinsertion [8], devenant si massives qu’elles sont en voie de supplanter la politique traditionnelle de la détention.

Situation actuelle de la politique en milieu ouvert

Plusieurs éléments sont à différencier ici. Expédions dans un premier temps la notion de « prison ouverte ». Il s’agit d’établissements dans lesquels n’existent aucun procédé de sécurité passive. Ici pas de murs, ni de miradors, juste quelques gardiens. Ces établissements (parfois combinés avec des logiques de progressivité, un détenu obtenant une qualité de détention de plus en plus permissive au fur et à mesure de son bon comportement) ont été conçus afin de permettre aux détenus de s’autonomiser en vue d’un retour à la vie civile. Une « sortie sèche » (comprise comme une sortie sans aucune préparation ni aménagement) étant le meilleur moyen d’engendrer un récidiviste. La prison ouverte de France la plus connue est Casabianda. Installée sur les côtes Corses, il n’est pas rare d’y observer des détenus se reposer sur la plage après avoir travaillé dans les terres agricoles locatives au sein desquelles ils doivent exécuter une activité professionnelle. Aussi étrange que cela puisse paraître, on ne compte pas plus d’une unique tentative d’évasion en plus de vingt ans. Le traitement particulier est si favorable que les détenus, conscients de leurs chances, tendent à respecter le peu d’obligations qui leur restent. Le rapport Gontard semble observer un taux de récidive ainsi qu’un coût de construction bien inférieur à la norme, tout en précisant que cela n’est pas indétachable du fait que seuls les détenus les plus prometteurs y sont envoyés. Si cette politique de prisons ouvertes a fait ses preuves dans les pays du Nord de l’Europe, elle perce difficilement en France, ce qui n’empêche pas à d’autres processus de justice réhabilitative de s’imposer.

La prison ouverte de Casabianda

Effectivement, bien que la justice réhabilitative soit dans le débat public depuis la Réforme Amor, force est de constater qu’elle s’ancre de plus en plus dans le paysage juridique actuel, comme le précise la Loi Pénitentiaire du 24 novembre 2009 rappelant que le service public pénitentiaire « contribue à l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire ».

La direction des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) se découpe en plusieurs directions interrégionales (étant un service déconcentré d’État) elles-mêmes divisées en 103 Antennes Locales d’Insertion et de Probation, soit l’échelon le plus proche au sein duquel se rencontrent professionnels et les « usagers involontaires du service public » [9]. Rassemblant environ 5300 personnes, les personnels de l’Insertion et de la Probation ont pour objectifs de faire en sorte que la détention en milieu fermée soit la plus utile possible pour le détenu, par l’obtention d’une formation, ou d’un soin particulier par exemple. En milieu ouvert, elle cherche plutôt à obtenir le bon déroulement de la peine, et à conseiller le magistrat vis-à-vis de la sanction la mieux adaptée pour chaque détenu, suivant l’éternel principe d’individualisation. Le SPIP cherche également (et c’est peut-être sa plus grande mission.) à lutter contre la récidive. Les SPIP français composent notamment avec une grande quantité d’aumôniers. L’idée est ici que la pratique d’un culte sociabilise l’individu et peut l’éloigner de ses aspects mortifères. La pratique religieuse est donc généralement encouragée. Les aumôniers ne sont sélectionnés que parmi une liste assez restreinte parmi laquelle demeure une obligation de diplômes, censés garantir la capacité à désamorcer les processus de radicalisme religieux.

Le SPIP, comportant bon nombre de criminologues, peut être perçu comme les descendants directs de Gabriel Tarde. À la croisée de la Psychologie, de la Psychiatrie, de la Sociologie et du Droit, les représentants de cette matière multidisciplinaire se sont formés des suites de plusieurs grandes vagues.

Pavlov et son chien

Dans un premier temps, les comportementalistes ont joué un rôle capital. Parmi eux, deux grands noms : Pavlov et Skinner. Ils ont respectivement démontré que l’on pouvait pousser un animal à réagir physiologiquement après habitude, appuyant le critère acquis de certains comportements. Skinner, quant à lui, démontrera qu’il est possible de faire agir par automatisme un animal après l’avoir soumis à un conditionnement par l’action. Dans l’expérience de Pavlov, une sonnette sonne à chaque fois qu’un repas copieux doit être servi à un chien. Après un long conditionnement, il est observé que le chien génère de la salive dès le tintement de la clochette, sans attendre de faire face au repas. Skinner enfermera un rat dans une salle avec des boutons. Le rat dispose rapidement d’un comportement rationnel dès qu’il comprend qu’un bouton est uniquement destiné à la récompense (nourriture) tandis qu’un autre est exclusivement réservé à la punition (choc électrique) mais Skinner poussera l’expérience plus loin. Il démontrera que quand le bouton permet de disposer aléatoirement de nourriture, d’eau, de choc électrique ou totalement sans effet, le rat par un calcul gain-bénéfice prendra l’habitude d’appuyer en permanence sur ce bouton à chaque fois qu’il aura un besoin particulier. Ces éléments seront utilisés par la criminologie pour observer le rapport entre sociabilisation et comportement. Point intéressant, les jeux Diablo, fondateurs des Hack’n Slash, s’inspirent grandement des travaux de Skinner pour déterminer la fréquence d’apparition de Loot et s’assurer d’un maximum de concentration de la part de son joueur.

La seconde grande vague de la criminologie s’est construite à partir des cognitivistes, parmi lesquels Bandura.

L’expérience de Bandura est simple. On enferme un enfant dans une salle avec plusieurs jouets, dont un clown. Dans l’expérience témoin, un adulte symbole d’autorité entre, sourit, et repart en laissant l’enfant jouer de manière autonome. Dans la seconde expérience, l’adulte joue avec le clown avec un grand sourire et tendresse : lors de son départ, l’enfant imitera son geste. Si l’adulte se comporte avec cruauté et hurlement, l’enfant panique et se met à pleurer, comprenant que quelque chose d’anormal et de grave se passe. Mais que se passe-t-il si l’adulte fait preuve de comportements violents tout en souriant et en rigolant ? Les signaux positifs envoyés à l’enfant trouvent écho en lui. Une fois l’adulte parti, l’enfant imitera l’adulte en se montrant violent avec le mannequin. Voilà comment l’éducation permet d’intérioriser des comportements violents.

Experience de Bandura

Pour désamorcer ces éducations, le SPIP mobilisera les compétences des thérapies comportementales, cognitives et émotionnelles. Ainsi, le SPIP se sert en permanence des dernières innovations médicales pour « éduquer » les PPSMJ. Traitement psychiatrique, partenaires paramédicaux, entretien psychologique, application de la théorie RBR [10], le traitement en milieu ouvert semble autant nécessiter une maîtrise du champ social que du champ psychique. Pour caricaturer, si un SDF devenait violent du fait de sa situation de famine nécessitant le vol pour se nourrir, le Conseiller Pénitentiaire essaierait de lui trouver un logement et des aides sociales pour endiguer la situation criminogène. De même, la sociabilité étant nécessaire à la stabilité, il sera essayé de favoriser son introduction à divers groupes sociaux, ou tout simplement à une profession. Ces éléments se rejoignent particulièrement dans le suivi socio-judiciaire, imposé lors de profils lourds.

Au-delà de ces produits psychologiques, le SPIP met en place les aménagements de peines rendus intégralement possibles par le progrès technique. Par exemple, les prévenus lourdement suspectés en attente de leurs condamnations peuvent se voir assimiler une Assignation à Résidence sous Surveillance Electronique (ARSE) : le principe est simple, la personne portera à la cheville un bracelet et sera cantonnée à un secteur délimité pour ses déplacements à l’exception de quelques moments libres destinés à l’exécution des obligations. (travail, famille, courses..)

En tant que peine autonome ou aménagement, il existe de nombreux équivalents. La Détention à Domicile sous Surveillance Électronique (DDSE) est une interprétation moderne de l’emprisonnement. L’emprisonnement se traduit comme la privation de la liberté. En cela, la DDSE permet de cantonner un individu à domicile, faisant de son habitation sa cellule, ne nécessitant pas d’infrastructures supplémentaires. (Notons qu’il est possible pour les personnes incarcérées de disposer de jours de sortie sous conditions, notamment l’absence de mesures de sûreté.)

Différentes nuances de cette même peine existent. Il est possible de disposer d’une liberté d’action la journée mais de devoir rentrer le soir (Semi-Liberté) ou de devoir résider dans un lieu particulier sans portes closes (Placement Extérieur). Cependant, trois dispositifs méritent encore d’être décrits ici.

Premièrement, ce que l’Administration Pénitentiaire appelle le PSEM : le Placement en Surveillance Électronique Mobile. Cette mesure de sûreté accompagne le détenu après sa libération. Si les études criminologiques tendent à démontrer qu’un détenu reste dangereux y compris à la fin de sa peine, alors il sera possible de le suivre à la trace au moyen d’un bracelet électronique pour s’assurer de l’absence de récidive. Ce dispositif particulièrement lourd tend à permettre une surveillance ad infinitam de l’individu dangereux, tant que sa dangerosité est avérée, et que la mesure de sûreté n’est pas au bout de sa durée. Comme pour tous les bracelets, le fait de le couper ou d’essayer de couvrir le signal sera immédiatement repéré et donnera suite à une semonce, suivi d’intervention des forces de l’ordre.

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Très proche de ce modèle, on peut identifier le Bracelet Anti-Rapprochement. Ce processus permet d’alerter les forces de l’ordre dès lors qu’un individu s’approche d’une ancienne victime, lui interdisant d’entrer dans un périmètre particulier. La victime peut elle même se voir offrir un « Téléphone Grand-Danger » en ligne directe avec la police.

Le dernier élément est le Travail d’Intérêt Général. Considérant que les courtes peines de prison sont inefficientes à lutter contre la récidive et à préparer la réinsertion de la PPSMJ, il est considéré que deux solutions existent : l’amende, qui servira à financer l’État et indirectement l’intérêt de la Nation par les caisses des collectivités, ou le Travail d’Intérêt Général. Cette peine est une obligation de travailler sans rémunérations. Ressuscitant la logique du bagne, l’amendement et l’utilité se trouvent dans le travail, parfois se couplant avec une formation professionnelle et permettant une plus-value non-négligeable pour les employeurs. Si pour le moment seules des Personnes Publiques peuvent se servir de Tigistes, certains parlementaires tendent à vouloir étendre ce système pour des personnes privées. Entre Esclavage Temporaire et Bagne, les Institutions Publiques partenaires ont conçus une application permettant de réguler l’affectation de chaque tigiste en fonction des besoins de l’État. Certains municipalités employant ainsi en permanence des condamnés, et cherchant à les embaucher à l’issue de leurs peines.

Nous venons d’observer la logique générale de la politique pénitentiaire Française, mais loin de se faire sans heurts, de nombreux défis sont contingents aux missions l’Administration Pénitentiaire.

Problèmatiques organiques du monde carcéral

Comme nous l’avons énoncé précédemment, le monde carcéral a affaire au problème de la surpopulation. Une illustration de plus de l’expérience du « cloaque comportemental » où une colonie de rats évoluant librement dans un milieu clos finissait par se reproduire jusqu’à ce que la promiscuité, insoutenable, n’aboutisse à de multiples cas d’agressions gratuites et de cannibalisme. Ainsi, la présence d’un surplus d’individus au même endroit stimule l’agressivité. Associé au monde pénitentiaire, cela empêche le bon déroulement de la peine et entrave la possibilité de la réinsertion. De plus, ce climat délétère favorise ce que la criminologie appelle la « culture carcérale » soit l’ensemble des Comportements Sociaux adoptés pour survivre en milieu pénitentiaire. Le problème est que ces Habitus bénéfiques en ce microcosme particulier (être capable de violence, savoir manipuler les bons détenus, pratiquer la délation contre des avantages, s’identifier à un groupe dominant tel l’islamisme radical…[11]) deviennent néfastes à l’extérieur.

Cette surpopulation carcérale peut être issue d’un nombre trop faible de places ou d’un surplus de petites peines (étant principalement localisé dans les Maisons d’Arrêt). De là, il paraît nécessaire de bâtir de nouveaux établissements ou d’étendre les modèles alternatifs. Jusqu’aujourd’hui la plupart des gouvernements se contentaient de remplacer les établissements vétustes, n’étendant que très peu le parc pénitentiaire malgré la hausse constante du nombre de condamnés. De même, les prisons bâties sont de petites tailles en majorité. Ici, le problème est double : si une prison plus petite assure moins de places, elle assure en revanche un meilleur climat de travail pour les surveillants, ce qui est important dès lors que l’on observe une grande difficulté de recrutements au sein de l’Administration Pénitentiaire.

Effectivement, encore aujourd’hui, le « maton », passe pour un sous-policier, le corps de surveillance est majoritairement composé des rebuts des concours de la police nationale, et constitue bien souvent le dernier objectif des étudiants visant le régalien, derrière la Police, l’Armée et la Douane. En 2019, seuls 20 % des inscrits au concours de surveillants se présentent aux épreuves, tandis que 10 % des titulaires quittent l’administration dans les trois ans qui suivent la réussite au concours. Ces éléments sont symptomatiques d’un sentiment de manque de reconnaissance qui s’ancre dans de nombreux mouvements sociaux, tel qu’en 2016 ou en 2018. D’autres éléments justifient la difficulté de recrutements. Par exemple, le salaire, inférieur à celui des grades équivalents dans la police nationale, s’accompagne d’une interdiction absolue de faire grève ou d’être absent à son emploi sous peine de graves sanctions disciplinaires. Cette interdiction provient d’une ordonnance du 6 août 1958 où la grève des surveillants aurait signé l’arrêt de mort des détenus à une époque où les prisons algériennes étaient pleines de partisans du FLN et de l’OAS. Cette interdiction a été confirmée en 2019 avec l’adoption du code de déontologie pénitentiaire, précisant en l’article 29 son obligation de respecter des conditions précises, telle que l’impossibilité de mettre fin à la continuité de son service pendant la grève. Les salaires tendent à augmenter, les Conseillers Pénitentiaires ont vu leur statut s’améliorer (passant de fonctionnaire de catégorie B à A), ce qui apaise les tensions des titulaires, sans pour autant stimuler le recrutement [12]. Le métier est d’autant plus dangereux qu’il est possible pour le détenu d’exercer un recours contre chaque action faisant grief, incluant tout déplacement de cellule ou d’établissement pénitentiaire, ce qui soumet le personnel de surveillance à une véritable rigidité pouvant se conclure sur des faits graves [13]. Ces derniers appellent à une amélioration de leurs statuts et à des avantages proches de ceux des militaires, notamment concernant les réductions de tickets de train. Sachant que près de 70% des professionnels pénitentiaires viennent des Hauts-de-France, une grande majorité se voit contraint d’abandonner sa région sans contrepartie en se pliant aux volontés de la hiérarchie, l’intention de bâtir une vie de famille ne justifiant pas d’aménagement, contrairement à la majorité des autres structures de l’Etat, force armée comprise.

Les deux principaux syndicats pénitentiaire, condamnés en 2012 en raison de la plainte de l’Observatoire International des Prisons pour avoir amalgamé la figure du détenu et celui de la « Racaille ».

Un autre défi consiste en la récidive, qui si elle tend à baisser pour la plupart des infractions, continue de monter de façon exponentielle pour les délits en bande organisée, notamment le trafic de stupéfiants, d’autant que les prisons servent de réseaux pour de nombreux usagers cherchant des contacts. Le processus d’incarcération volontaire n’a rien d’exceptionnel, et certains surveillants en jouent. Il est de notoriété publique et reconnue que l’administration pénitentiaire compose avec une part non-négligeable de corrompus, à l’image de celui ayant été payé pour laisser à Rédoine Faïd des bombes de peinture ayant servi pour l’évasion de Sequedin.

Un dernier élément important apparaît dans ce que le Ministère de la Justice nomme le « populisme pénal ». Le populisme pénal peut être défini comme « le dévoiement de la justice qui inclut ou privilégie la réception populaire de la sanction par rapport à la primauté du droit »[14]. La notion de populisme pénal induit l’idée que la population (d’où est censée découler la légitimité de l’État) ne comprend pas la portée de la politique pénitentiaire et se montre incapable d’élaborer une conception cohérente de la peine. De là, il conviendrait d’admettre que les émotions ressenties au sein de la population vis-à-vis d’un traitement trop doux sont illégitimes, et ainsi, à ne pas prendre en compte. Pire, le ministère de la Justice cherche de plus en plus à « éduquer » ses usagers du bien-fondé des politiques de réinsertion, bien qu’il paraisse plus qu’incertain qu’une course de karts aide à l’amendement et au reclassement social des détenus de Fresnes. Ainsi suivre les attentes du peuple reviendrait à essayer de contenter un ignare vis-à-vis d’un sujet technique qu’il serait incapable de saisir. Sur ce point, nous devons nous montrer en désaccord et élaborer une petite réponse.

Dominique Simmonot, actuel Controleur Général des Lieux de Privation de Liberté, particulièrement critique envers l’hostilité générale qu’a engendré la course de Karts de Fresnes.

À mes yeux, le Contrat Social sur lequel se fonde la société repose sur la notion de vengeance. Chaque individu accepte d’abandonner sa vengeance personnelle, à la condition que la Justice soit suffisamment sévère pour pouvoir s’y substituer. La Loi du Talion parait plus pacificatrice que la vendetta générationnelle entre deux familles rivales. Ainsi, expliquer que la population ignare est incapable de comprendre la portée des ambitions juridiques et devrait donc s’enfermer dans le mutisme plutôt que de s’émouvoir qu’un meurtrier et un violeur jouent ensemble dans une course de karts, me semble problématique.

C’est un problème car, l’administration pénitentiaire étant au service de l’État, lui-même organe censé être au service de la Nation, il paraîtrait assez rationnel que cette dernière vise à satisfaire ses contribuables, à l’image des actionnaires d’une entreprise cherchant des résultats satisfaisants. Deuxièmement, rejeter la soif de punition comme un souhait infantile et ignare détachée des réalité se fait elle-même détachée des réalités. La tendance à la vengeance prend le devant quand la Justice n’accomplit par son rôle de disjoncteur social. La plus belle illustration paraît dans l’affaire du bijoutier de Nice qui, fatigué de la passivité de l’État, avait décidé de se défendre lui-même à coup de fusil lors d’un cambriolage.

Ainsi, le populisme pénal s’incarne dans les enquêtes Jaurès de 2018. En 2000, 89 % des Français souhaitaient un renforcement des programmes de réinsertion, contre 72 en 2018. De même, si en 2000 18 % des Français considéraient que les prisonniers étaient trop bien traités, ce taux a grimpé jusqu’à 50 % en 2018. Même si je pense à titre personnel qu’il est juste qu’un individu obtienne justice en appliquant une sanction, l’élément du juste ou injuste du « populisme pénal » ne devrait pas entrer en compte.

Il s’agit d’une réalité sociologique qui fonde la légitimité de la Justice, et constitue un problème des plus sérieux. Si la perte d’efficience des forces de police justifie la recrudescence des achats d’armes (légales comme illégales) il y a fort à parier que la disparition progressive de l’aspect punitif de la peine (même si on la concevait comme juste) finisse par aboutir à des comportements d’auto-défense et de vengeance personnelle, voir une recrudescence des vendettas [15].

Prospections sur la Prison de Demain.

De ces éléments, il est possible d’élaborer plusieurs modèles théoriques vis-à-vis des possibilités pénitentiaires de demain. Dans un premier temps, le faible coût de la mise en pratique des modèles alternatifs à l’incarcération ainsi que l’absence de logistique nécessaires semble tendre vers un approfondissement des peines à base de bracelets, devenant une extension sur le long terme du confinement lié au Covid. D’ailleurs, la généralisation de l’utilisation de ces bracelets tend à la création d’une surveillance pénitentiaire mobile destinée à vérifier les infractions commises par les condamnés, ce qui libérerait la police d’un poids certain en leur permettant de se focaliser à part entière sur leurs propres missions. La pénitentiaire mobile semble une meilleure solution sur le long terme que l’emprunt permanent fait à la police nationale. Par contre, difficile d’envisager la fin du manque de places par l’apparition de prisons austères sur le modèle du Shérif Texan Arpaïo, tant les normes Européennes imposent un qualité de vie « décente » pour ses détenus, incompatibles avec des simples lieux de détention de toiles et de barbelés.

Ensuite, la dynamique de hausse de salaire et de statuts des personnels pénitentiaires ne semble pas prêt de s’arrêter. D’ailleurs, certains élaborent la possibilité de créer de nouveaux grades améliorant leurs statuts [16] ce qui est déjà en cours (avec l’apparition du Chef des Services Pénitentiaires, grade de direction entre le Lieutenant et le Directeur).

À l’avenir, nous pouvons nous attendre à ce que les établissements sécurisés soient limités pour les détenus particulièrement dangereux, tandis que les nouvelles destinées à accueillir un public faiblement criminogène deviennent de faible facture, peu onéreux. De même, la nécessité de séparer les prévenus des condamnés et d’endiguer la surpopulation pourrait amener à dissoudre les maisons d’arrêt au profit d’un dualisme séparant les uns des autres.

Il nous paraît nécessaire ici de parler des Coffin Hotel, au Japon. Le principe est simple : pour optimiser l’espace, des bâtiments sont composés exclusivement de chambres de deux mètres sur un mètre, étalées les unes sur les autres. Bien que la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’y opposerait, il est possible que l’avenir conduise à choisir cette possibilité qui permettrait d’enfin rendre effectif le principe de l’encellulement individuel, en vigueur en France depuis des décennies.

La réalité virtuelle, quant à elle, a déjà été essayée pour éduquer un détenu contre ses tendances violentes et agressives sexuellement. En expérimentation en Espagne, il est possible d’imaginer que ces plateformes se généralisent à l’avenir. Les plus sévères d’entre nous pourront même imaginer la possibilité d’enfermer le détenu dans une prison virtuelle au moyen d’un casque VR, lui faisant subir un analogue de la proposition du Basilic de Rocco [17].

D’autres éléments exogènes sont à prendre en compte, tel que la puce de Musk. Il est incontestable que la généralisation de prothèses connectées au sein des individus deviendrait également utile pour suivre et analyser les comportements des détenus et faciliter la surveillance. De même, les drones pourraient se généraliser, un pilote couvrant une surface bien plus élevée que n’importe quelle caméra, il semble que cette surveillance soit plus efficiente, ce qui amènerait le monde pénitentiaire à se doter de techniciens et d’ingénieurs en plus grande quantité.

Économiquement, nous devons noter la montée en puissance des établissements bâtis par des Entreprises Privées puis occupés par l’Etat contre un loyer. Ce modèle permet à l’entreprise privée de remplacer la régie de l’Etat et de placer son personnel à tous les postes détachés du pur régalien. Dans ces établissements, les techniciens, le matériel, les cuisines et le personnel de nettoyage appartiennent à des privés, l’Etat se limitant à organiser la sécurité. Cependant, compte tenu de la difficulté grandissante de la part de l’Etat Français à obtenir des effectifs satisfaisants de surveillants (les concours disposant toujours de plusieurs centaines de places de plus que de candidats, dont le niveau d’admissibilité a été baissé à 05/20), il n’est pas impossible d’envisager à l’avenir que le secteur privé obtienne également la possibilité d’organiser à son tour la sécurité, copiant le modèle carcéral en vigueur dans certains Etats Américains. Peut-être verrons-nous de notre vivant des énormes centres de détention possédés et intégralement gérés par Bouygues ou Sodexo, déjà très implantés.

Finalement, nous devons envisager la possibilité d’une réaction de l’Etat vis-à-vis du populisme pénal grondant. La population reste majoritairement favorable à la peine de mort, et ce rappel fréquent ainsi que la tendance de plus en plus populaire orientée vers un retour de la justice répressive amènent la possibilité d’une justice cherchant une alternative plus sévère pour les pires détenus, sans pour autant revenir à la peine capitale.

On pourrait bien voir concrétiser la volonté du député Michel Aurillac qui proposait en 1981, comme peine de substitution à la peine de mort, la construction d’un Bagne dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises. Si à l’époque, on lui avait rétorqué en partie que l’objectif se voyait architecturalement trop difficile à mettre en place du fait des difficultés techniques et du prix de la manœuvre, il nous semble que ce problème ne serait plus d’actualité. Il pourrait même s’agir d’une solution bien trouvée au peuple qui gronde, car à l’inverse de la peine de mort, aucune convention internationale ni traité européen n’interdit une incarcération en milieu glaciaire, ni la construction d’une prison ouverte au milieu des TAAF. À la condition d’un travail non-obligatoire proposé sur place, rien ne semble s’opposer juridiquement à la concrétisation de cette option déjà mise en place par d’autres Etats.

Prison Canadienne située dans l’Arctique

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NOTES

[1] Au 31 Janvier 2020

[2] Statistiques annuelles du milieu ouvert, Ministère de l’Intérieur

[3] Robert-François Damiens, considéré comme l’être humain ayant le plus souffert. Condamné pour tentative de Régicide sur Louis XV à de multiples supplices tel que de multiples brulures à la cire, des lambeaux de peau arrachés à la tenaille, la main plongée dans du plomb fondue, résine et poix sur le visage avant l’écartelement. La scène sera intégralement décrite dans « Surveiller et Punir », essai de Michel Foucault sur les prisons.

[4] Prise d’Otage conclue sur la mort d’un surveillant et d’une infirmière par deux prisonniers qui seront condamnés à mort, donnant le goût de la lutte abolitionniste au Garde des Sceaux en devenir Badinter.

[5] 18.8 de la Règle Pénitentiaire Européenne

[6] François Fillon, Marine Le Pen et Eric Zemmour.

[7] Sous condition, un ordinateur peut être laissé à l’utilisation d’un détenu.

[8] A l’exception notable de la Loi Perben II de 2004, plutôt orienté vers un approfondissement de la sécurité et une perception plus permissive des missions de police.

[9] Terme jargonneux qualifiant les Personnes Placées Sous Main de Justice, en cela que le service pénitentiaire est d’un point de vu Technique un Service Public, ce qui inclut que ses usagers, bien qu’involontaires, disposent de droits.

[10] Risque-Besoin-Réceptivité : Théorie Criminologique cherchant à identifier les facteurs de risques de récidive/passage à l’acte chez les PPSMJ, en fonction de ces dangers identifier les Besoins à combler tout en s’assurer d’utiliser une méthode face à laquelle la PPMJ est Réceptive.

[11] De nombreux témoignages font état de détenus athées simulant une adhésion à l’islamisme radical pour profiter d’une incarcération plus confortable. Habituel chez les récidivistes, elle induit de nombreux comportements inconscients qui perdurent parfois malgré la fin de l’emprisonnement.

[12] Si bien qu’en 2018, l’État offrira, et ce jusque 2023, une prime d’entrée et de sortie de 4000 euros, soit 8000 au total pour tout surveillant acceptant les affectations les plus nécessiteuses.

[13] Il est courant que des surveillants soient condamnés pour des opérations de sécurité tendant à la nécessité, le tout au nom des droits de l’Homme, venant les amputer des moyens d’accomplir leurs missions tout en leur soumettant la bonne execution de cette dernière sous peine de sanctions.

[14] Définition trouvée dans un Mémoire de l’ENAP.

[15] Vengeance en Corse, correspondant à des comportements violents infligés d’une famille à l’autre dans une perpétuelle escalade, généralement très violente, jusqu’à la trêve ou l’annihilation totale d’un des deux camps.

[16] Le Candidat à la Présidentielle Eric Zemmour avait proposé la création d’un corps de « police pénitentiaire.»

[17] Théorie assez touffue où une intelligence artificielle pourrait punir certains humains en enfermant des copies numériques de ces derniers dans un enfer virtuel.

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