Dame philosophie : Penses-tu, que ce monde marche sans but et à l’aventure, ou es-tu persuadé qu’il est gouverné selon les lois de la raison?
— Certes, répondis-je, je me garde de croire que le hasard préside à des mouvements si bien réglés. Je sais au contraire que le Créateur veille sur son œuvre, et me préserve le ciel de douter jamais de cette vérité !
En effet, dit-elle, car tout à l’heure tu as exprimé en vers la même conviction. Tu déplorais que les hommes fussent exclus de la sollicitude divine ; mais tu ne mettais pas en doute que le reste de la création ne fût gouverné avec intelligence. Aussi ne puis-je assez m’étonner que, soutenu par des pensées aussi saines, tu sois pourtant si malade. Mais pénétrons plus avant. Je soupçonne ici quelque lacune. Dis-moi, puisque tu ne contestes pas que c’est Dieu qui règle le monde, sais-tu aussi par quelles lois il le règle?
— Je comprends à peine, répondis-je, le sens de ta question. Comment pourrais-je y répondre?
Ne disais-je pas bien, reprit-elle, qu’il y a là une lacune qui, pareille à la brèche béante d’un retranchement, a livré l’accès de ton âme à la maladie qui la trouble? Mais dis-moi encore. Te rappelles-tu quelle est la fin des êtres, et vers quel but tend toute la nature?
— Je le savais, répondis-je, mais le chagrin a émoussé ma mémoire.
Tu sais du moins d’où procède toute chose?
— Je le sais, dis-je. Et j’ajoutai que c’est de Dieu.
Et comment peut-il se faire que, connaissant le principe des choses, tu ignores quelle en est la fin? Au reste, ce sont là les effets ordinaires des passions. Elles ont assez de force pour ébranler un homme, mais non pour le déraciner et s’en emparer entièrement. Mais je voudrais encore que tu répondisses à ceci : Te souviens-tu que tu es homme?
— Et comment, dis-je, ne m’en souviendrais-je pas?En ce cas, pourrais-tu définir ce que c’est que l’homme?
— Tu me demandes apparemment si je sais que je suis un être vivant, doué de raison, et sujet à la mort? Je le sais, et je conviens que je suis tout cela.
Mais elle dit : Ne sais-tu pas que tu es encore autre chose?
— Non.Il suffit, dit-elle. Je connais maintenant une nouvelle cause, la principale, du mal dont tu souffres : ce que tu es toi-même, tu ne le sais plus. Aussi, j’ai trouvé, sans doute possible, avec la cause de ta maladie, le moyen de te rendre la santé. C’est parce que l’oubli de ton être a troublé ton jugement, que tu te plains de ton exil et de la confiscation de tes biens. C’est parce que tu ignores la fin des choses, que tu attribues aux méchants et aux pervers la puissance et le bonheur. C’est parce que tu as oublié les lois qui gouvernent le monde, que les évolutions de la fortune te paraissent indépendantes de toute règle. Voilà des causes redoutables, je ne dis pas seulement de maladie, mais de mort. Mais rends grâces au dispensateur de la santé de ce que tu n’as pas été tout à fait abandonne par la nature. Je tiens déjà un des éléments de ta guérison, le plus efficace de tous : c’est l’idée juste que tu te fais du gouvernement du monde, en ne l’attribuant pas à l’aveugle hasard, mais à l’intelligence divine. Donc, ne crains plus rien.
Boèce – Consolation de la philosophie
Je suis né en 1989, j’ai vécu les premières années de ma vie sans ordinateur et j’ai des souvenirs clairs de la première fois qu’un ordinateur a débarqué dans le foyer familial. C’était un Pentium 3, nous appelions à l’époque notre ordinateur en fonction de son processeur sans même savoir ce qu’était un processeur. Nous naviguions sur Internet avec des modems 56k, chaque connexion coûtait une fortune et occupait votre ligne téléphonique, vous rendant injoignable au téléphone, à une époque où les téléphones portables étaient eux aussi bien peu répandus. Je me souviens de mon désespoir d’alors quand il m’était impossible d’inviter mon meilleur copain de l’époque à venir jouer à la N64 chez moi car son père était constamment connecté à Internet. C’était la fin du millénaire et le début de quelque chose de nouveau.
Je fais partie de la dernière génération d’Occident à avoir connu un monde très majoritairement sans informatique à domicile. Il y avait des exceptions mais 90% des gens n’avaient pas d’ordinateur chez eux. En moins de 10 ans cela s’est répandu partout. Et 25 ans plus tard, il n’y a guère plus que les extrêmes marginaux qui vivent sans ordinateur, tablette ou smartphone. C’est à se demander comment il fut possible de vivre sans.
Tout cela est profondément perturbant, certains de nos aïeux ont vécu des générations entières sans qu’aucune innovation ne change un tant soit peu leur mode de vie et nous, êtres humains modernes, enchaînons les innovations bouleversant nos vies à un rythme soutenu. Cela nous désoriente, nous interroge logiquement notre rapport à la technologie et pour beaucoup d’entre nous, cela nous pousse à nous interroger sur celle-ci et sur son rapport avec l’humanité. C’est ainsi que je vois depuis quelques années deux grandes approches ou postures vis-à-vis de la technologie émerger, même si bien souvent les gens n’en ont guère conscience : la posture techno-optimiste et la posture techno-pessimiste. Même si, comme nous le verrons, ces deux postures existent en vérité depuis bien longtemps, elles ont pris d’autres dimensions au cours de ces dernières années.
Je n’ai jamais été pleinement satisfait ni de l’une ni de l’autre perspective. Bien que je penche davantage vers le techno-optimisme, ce clivage me semble trop réducteur. En effet, même s’il permet de bien saisir les dynamiques modernes, il ne prend pas en compte l’aspect ambivalent de la technologie sur l’humanité, à la fois source de salut nécessaire et d’aliénation profonde. Cela appelle, selon moi, à une vision plus techno-tragique de la situation.
Ce texte, fruit de mes réflexions et de mes recherches, a pour ambition d’aider les gens à mieux appréhender le tiraillement qu’ils ressentent face à la technologie, qui les aliène tout en les plongeant dans un déchirement constant. Adopter cette posture tragique pourrait, je l’espère, offrir une voie vers une meilleure compréhension et une acceptation des dualités de notre ère technologique.
Le Techno optimisme contre techno pessimisme :
Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive… Une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace
Manifeste du futurisme, Le Figaro, 20 février 1909. de Filippo Tommaso Marinetti
Rares sont les personnes qui, à l’image de Marinetti, ont manifesté un tel enthousiasme vis-à-vis de la technologie. Lui et son mouvement, le futurisme, sont peut-être la manifestation la plus pure et la plus puissante du techno-optimisme. La lecture de ses textes vous donne la folle envie de rouler à 300 km/h sur une autoroute allemande, de vous cloner un millier de fois, de mordre à pleines dents dans le sol de Mars…
Cet enthousiasme fou, quoique quelque peu oublié, a traversé le 20ᵉ siècle et ses désastres. Ce cri résonne encore dans les écrits de nombreux entrepreneurs, intellectuels et auteurs, notamment anglo-saxons, du blogueur marginal ZERO HP Lovecraft, qui fut le premier à ma connaissance à utiliser le terme techno-optimisme dans ses textes, au co-fondateur et gestionnaire d’un des plus grands fonds de capital-risque américains spécialisés dans les nouvelles technologies, Marc Andreessen. Ce dernier a d’ailleurs ravivé la flamme en publiant en 2023 le manifeste techno-optimiste qui a fait grand bruit dans le monde de la tech américaine et mondiale, chantant les louanges du capitalisme et des possibilités offertes par la technologie.
Mais que veulent dire les gens quand ils utilisent le terme “techno-optimisme” ? Il y a selon moi deux possibilités. Premièrement, il peut s’agir d’un objet philosophique, une prémisse de courant de pensée propre que je viens d’évoquer au travers du manifeste de Marc Andreessen. Il est encore un peu tôt pour savoir si celui-ci est amené à se développer.
Deuxième possibilité, et c’est celle qui m’intéresse aujourd’hui : les gens évoquent une posture, une approche vis-à-vis de la technologie (a travers la philosophie, le politique, l’artistique…). Une approche optimiste, c’est-à-dire qu’ils estiment que la technologie et ses avancées ont un impact positif sur l’homme et même sur son environnement, aujourd’hui, hier et demain. C’est elle qui a augmenté la capacité d’action de l’homme, lui permettant de ne plus être le jouet de la nature, de s’en rendre maître. Permettant à un ouvrier de 2019 de mieux vivre que Louis XIV selon les mots du docteur Laurent Alexandre.
Elle est un sous-produit de la notion de progrès tel qu’elle s’est structurée au XVIIIᵉ siècle où les Lumières ont soutenu que la raison, la science et l’éducation pouvaient améliorer les conditions humaines et conduire à un progrès moral et social, alors que durant le Moyen Âge et l’Antiquité le progrès était orienté vers le perfectionnement moral et spirituel.
Cela s’est étendu au XIXᵉ siècle, avec la Révolution industrielle, le progrès a pris une dimension économique et technique avec l’industrialisation, les innovations scientifiques et technologiques. Au début du XXᵉ, il fut très influent et il en émergea plusieurs courants de pensée et artistiques tels que le cosmisme et le constructivisme russe ou le futurisme.
Aujourd’hui, il existe divers mouvements qui ont une attitude optimiste vis-à-vis de la technologie en Occident, tels que les transhumanistes, les divers mouvements Prométhéens, et divers courants accélérationnistes… Dans beaucoup de pays hors Occident, les choses sont plus diffuses. De l’Inde en passant par les Émirats arabes unis, la Chine, l’Indonésie… Une vision très optimiste de la technologie est toujours prégnante. L’industrie et l’innovation technologique sont vues comme des moyens pour eux d’accéder à une vie meilleure. Il est notamment possible de voir ce clivage dans les attitudes des différents pays vis-à-vis de l’IA, qui est sans nul doute la technologie la plus marquante de ces dernières années. Il y a un clivage très net entre les pays occidentaux et le reste du monde, la France étant le pays le plus inquiet face à l’émergence de l’IA.
Le techno-pessimisme est principalement une attitude occidentale. Car “Qui vomit a dîné” comme le dit Marc-Édouard Nabe, et je crois en effet que bon nombre d’Occidentaux sont repus et saouls du progrès.
Le manifeste du futurisme a plus d’un siècle et jamais il ne fut dépassé en termes d’optimisme technologique. Et si Marc Andreessen prend la peine de publier son manifeste, c’est que les choses ne sont pas si évidentes pour tout le monde. C’est qu’il y a effectivement une lame de fond techno-pessimiste qui traverse tout l’Occident. Elle n’est pas récente et l’on pourrait sûrement remonter jusqu’aux révoltes luddites pour en trouver des traces, plus loin encore probablement.
Actuellement, toute une partie de l’Occident est véritablement prise dans cette relation angoissée avec la technologie. Marc Andreessen l’évoque en ces termes que je trouve très synthétiques :
On nous dit que la technologie prend nos emplois, réduit nos salaires, accroît les inégalités, menace notre santé, ruine l’environnement, dégrade notre société, corrompt nos enfants, porte atteinte à notre humanité, menace notre avenir et est toujours sur le point de tout gâcher.
Marc Andreesen – Le Manifeste Techno-Optimiste
On estime donc, à l’inverse des techno-optimistes, que la technologie a globalement un impact négatif sur l’homme et l’environnement. Qu’au final, les désavantages de la technologie l’emportent sur les avantages et qu’il faut donc la contenir.
Cette posture techno-pessimiste est trans-courante et trans-partisane en Occident. Elle se retrouve aux USA avec Curtis Yarvin, en France avec certaines positions récentes de Julien Rochedy, à gauche avec Sandrine Rousseau et l’éructation de l’écologie d’extrême gauche. Vous la retrouvez dans l’opposition dogmatique aux OGM, à la PMA, à la géo-ingénierie, au nucléaire… Elle a véritablement émergé à partir de la Première Guerre mondiale et s’est renforcée au cours du 20ᵉ siècle, notamment au rythme de la peur du nucléaire, de la montée de la pollution et des enjeux climatiques.
Le manifeste d’Andreessen a même eu le droit à sa réponse, le manifeste techno-pessimiste par Curtis Yarvin. Texte tout aussi qualitatif que celui dont il est la réponse. Le manifeste souligne les limites du matériel humain et, implicitement, on comprend que le bouleversement démographique et l’invasion du Sud vers le Nord sont des menaces au progrès selon lui.
Dans un premier temps, l’auteur donne l’Afrique du Sud comme contre-exemple d’avancement technologique qui n’est pas corrélé avec un véritable progrès et qui ne peut pas être corrigé par plus de technologie.
La transplantation cardiaque humaine a même été inventée à Johannesburg. Quelque chose a régressé – ce n’était pas la technologie.
Manifeste techno-pessimiste – Curtis Yarvin
Le bouleversement démographique augmente la fragilité des systèmes techno-capitalistes occidentaux et met en péril son ordre interne, qui est essentiel pour garantir l’innovation et l’accroissement des possibilités technologiques. C’est d’autant plus dangereux qu’il y a une disproportion immense entre le coût pour générer l’ordre et le faible coût nécessaire pour briser cet ordre.
Dans un deuxième temps, il souligne le fait qu’il y a une perte de volonté chez les élites et l’homme moderne occidental en général de maintenir l’ordre. Le déclin de la volonté. La volonté humaine de générer et préserver l’ordre (le thymos).
La technologie est nuisible aux élites car elle élimine la difficulté et le danger des « équivalents moraux de la guerre » qui sont essentiels à la psychologie mature de l’homme normal. La technologie est néfaste pour les non-élites car elle élimine toutes les façons dont ils peuvent être utiles à eux-mêmes ou aux autres, et les transforme en bouches inutiles.
Manifeste techno-pessimiste – Curtis Yarvin
Mais où trouver de quoi réactiver le thymos ? L’accélérationnisme technologique semble trop timoré pour réactiver les pulsions de vie, de puissance, de conquête nécessaires pour générer l’ordre salvateur. Et pire, il serait lui-même l’agent corrosif de la volonté humaine.
L’accélération technique n’est pas simplement le remède au syndrome du dernier homme. Non, la technologie est la cause évidente du syndrome du dernier homme. Andreessen guérit le cancer avec le tabac.
Manifeste techno-pessimiste – Curtis Yarvin
En résumé, le progrès technique pourrait avoir un double effet négatif : Réduire la volonté de maintenir l’ordre civilisationnel et sociétal chez les gens ayant du pouvoir dans les sociétés et rendre l’Homme paresseux. Ces deux effets négatifs menacent les sociétés et, par conséquent, menacent l’ordre nécessaire à sa propre émergence et s’auto-condamneraient.
La moitié de ces emplois ont disparu dans la gueule de la machine. Et il est déjà clair qu’au cours des prochaines décennies, l’assaut actuel de l’IA contre les « boulots à la con » des cols blancs s’accompagnera bientôt d’un assaut robotique contre le travail manuel – précisément l’outil le plus utile pour devenir paresseux et volontaire.
Manifeste techno-pessimiste – Curtis Yarvin
En plus de ces critiques intellectuelles, il me semble également essentiel de souligner le soubassement psychologique de la posture technopessimiste, qui est, à mon avis, le carburant principal de ceux que j’appellerai les technopessimistes du commun. Ils sont pour la plupart animés par une pulsion latente, une peur profonde. Ils regrettent ou rejettent les innovations technologiques et leurs conséquences, certains à tel point qu’ils préfèrent la mort plutôt que de continuer. C’est ainsi que l’on peut comprendre les postures profondément antihumaines de l’écologie moderne ou les fièvres primitivistes de certains. Et d’une certaine manière, je le comprends. Moi-même, je sens bien que le reptile au fond de mon crâne est angoissé, qu’il trouve que cela va trop vite, et même qu’une peur encore plus enfouie, celle de l’être vivant que je suis, lui retourne le bide. C’est viscéral. Mais pour autant, cette peur doit-elle justifier notre suicide en tant qu’espèce (car, comme nous le verrons plus loin, l’arrêt du progrès technique conduirait indubitablement à la fin de l’Humanité) ? J’espère que non, et je ne le crois pas.
Pour autant, doit-on, comme les plus fervents techno-optimistes, accélérationnistes, futuristes, transhumanistes et post-humanistes, hâter l’horizon bionique ? (L’horizon bionique chez Nick Land est une notion qui fait référence à un futur dans lequel les frontières entre l’organique (le biologique) et le technologique deviennent floues, voire disparaissent. Ce concept est central dans sa pensée accélérationniste, où il envisage un monde où l’évolution technologique accélérée modifie radicalement la condition humaine et redéfinit l’avenir de notre espèce.)
Nous avons même rêvé de créer un jour notre fils mécanique, fruit de la pure volonté, synthèse de toutes les lois dont la science va précipiter la découverte.
Le Mépris de la femme – Filippo Tommaso Marinetti
Je n’en suis pas certain, les risques existent et comme l’explique Yarvin, le coût nécessaire pour briser cet ordre est faible et le déploiement techno-capitaliste n’est pas dépourvu de soubresauts capables de briser le cercle vertueux générateur d’ordre.
Les premières conclusions que nous pouvons tirer de tout cela sont que, pour perpétuer ce cercle, il faudra faire preuve de force et de raison, car il ne se maintiendra pas tout seul (pas encore), tout en évitant de brusquer les choses par peur de le briser. D’un point de vue individuel et collectif, le mieux qui puisse être fait, à mon sens, est d’adopter une posture techno-tragique.
Le Cadre de la posture techno-tragique :
Certains penseurs modernes de la technologie comme Nick Land sont en dehors de ces deux postures (optimiste et pessimiste) et ont une approche neutre de la technologie. Il adopte un point de vue très intellectuel, cryptique, dépassionné sur ce sujet. C’est ici que j’ai trouvé matière à penser, notamment en découvrant grâce à Rage Culture le cadre sous-jacent de sa pensée. Plus précisément, ce que j’appelle la cosmologie accélérationniste, que vous pouvez notamment retrouver dans son texte : “Pour expliquer le chemin vers la singularité technologique”. Celle-ci sert de base à divers mouvements accélérationnistes.
Elle repose sur le fait qu’il y a une accélération de la structuration de l’univers qui est le résultat mécanique des lois de la thermodynamique1. Ce processus d’accélération cosmique fragmente et réorganise pour dissiper de plus en plus d’énergie de manière efficace, c’est à dire avec le moins d’action (principe de moindre action), le plus vite possible, compte tenu des contraintes en créant des structures, des îlots de complexité locale, alors que l’univers dans son ensemble tends lui vers un état de désordre croissant (c’est à dire que les choses au globale se décomposent et se dispersent avec le temps, devenant moins ordonnées). Au fur et à mesure que l’univers se déploie dans le temps, il tend donc à développer des structures localement de plus en plus complexes pour optimiser la dissipation globale de l’energie (des structures dissipatives). C’est un phénomène d’auto-organisation émergeant, partant des plus petites molécules subatomiques qui, en dissipant de l’énergie, formeront des structures toujours plus complexes et dissipant toujours plus d’énergie, donnant ainsi naissance aux atomes, puis aux molécules, aux êtres vivants, aux sociétés humaines…
Il y a donc une tension entre la désagrégation de l’univers global et sa structuration locale. La structuration locale (néguentropie), sert à mieux dissiper l’énergie au niveau global (l’entropie). Tout l’existant est le fruit de ce processus d’auto-organisation s’accélérant. Ces lois de la physique découlent en cascade dans le vivant, notamment via la sélection naturelle.
Les sociétés humaines sont identifiées comme les entités capables de dissiper le plus d’énergie, et cette capacité est exacerbée par le développement technologique. Les technologies avancées représentent la pointe de cette optimisation, atteignant des niveaux d’efficacité de dissipation énergétique sans précédent. L’intelligence artificielle, en particulier, est perçue comme un aboutissement de cette tendance, repoussant toujours plus loin les limites de la complexité et de la dissipation énergétique.
Au cœur de cette vision, il y a l’idée d’une singularité technologique : un point où les avancées technologiques atteignent une masse critique où le système économique et technologique se renforcent mutuellement, accélérant les processus de production, de consommation et d’innovation à un rythme exponentiel, au détriment des structures sociales traditionnelles. Le techno-capital, à savoir l’ensemble de ces processus, prenant son indépendance de l’humanité, entraînant des changements radicaux et irréversibles, rendant Homo sapiens obsolète a terme.
Tel est notre chemin, en tant qu’espèce, nous suivons notre essence, dictée par la nature et qui est elle-même conditionnée par le cadre cosmologique accélérationniste. Nous n’avons pas choisi cette voie, nos ancêtres singes sont le produit d’une impitoyable sélection naturelle qui a optimisé des éons de gènes pour aboutir aux premiers hommes, qui ont eux-mêmes accéléré artificiellement ce processus avec la domestication du feu. Puis, nos aïeux d’il y a 500 générations nous ont fait passer du paléolithique au néolithique, sédentarisant l’Homme et inventant la civilisation, laquelle fera émerger des formes d’organisation de plus en plus complexes, jusqu’au technocapitalisme actuel, qui est le système créant le plus de complexité et d’innovation. Tout cela n’était qu’une partie du chemin qui, inéluctablement, nous conduit vers le crépuscule de l’Homo sapiens, dans l’horizon bionique et l’avènement de la singularité technologique. Ils ont fait ce que leurs gènes leur demandaient : survivre, se reproduire et optimiser tout cela. Cette recherche d’optimisation n’étant, je le rappelle, qu’une manifestation des processus régissant l’univers. À partir d’un certain degré d’organisation supérieur de la civilisation, l’essence vitale de l’homme se consume car il est faible dans ces conditions. À cause des conséquences du mismatch, il s’autodétruit, il bascule dans l’auto-stérilisation et les pensées néfastes pour sa propre espèce. Mais l’optimisation et l’augmentation de l’ordre continuant malgré tout, cette souffrance s’auto-dépassera par le capitalisme, le transhumanisme, puis le posthumanisme, pour finir dans un hivemind ou quelque chose de semblable… et tout cela est irréversible, il n’y a pas de retour en arrière possible car nous sommes d’ores et déjà trop dépendants de la technologie pour survivre à un découplage avec celle-ci, sachant qu’elle nous a façonnés en profondeur depuis la domestication du feu il y a 400 000 ans. Nous sommes donc coincés sur ce chemin.
L’univers tout entier s’est organisé, loin du hasard, vers ce chemin nécessaire pour permettre la création la plus riche, c’est-à-dire la plus grande complexité, tout en restant ordonnée. Dans ce contexte, le progrès bien compris serait tout ce qui favorise la complexification et l’ordonnancement du monde. Sachant à quel point l’origine de ce déploiement est le produit des lois fondamentales de l’univers, il serait aussi prétentieux que naïf de vouloir ou même penser que les choses se soient faites autrement. Cela reviendrait à souhaiter que la réalité n’ait pas eu lieu.
Il [s’en]suit de la Perfection Suprême de Dieu, qu’en produisant l’Univers il a choisi le meilleur Plan possible où il y ait la plus grande variété [possible] ; le terrain, le lieu, le temps, les mieux ménagés ; le plus d’effect produit par les voyes les plus simples ; le plus de puissance, le plus de connaissance, le plus de bonheur et de bonté dans les créatures que l’univers en pouvoit admettre. Car tous les Possibles prétendans à l’existence dans l’entendement de Dieu à proportion de leurs perfections, le résultat de toutes ces prétensions doit être le Monde Actuel le plus parfait qui soit possible
Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du mal – Gottfried Wilhelm Leibniz
Techno Tragique et consolation :
Maintenant que nous avons inspecté la posture techno-optimiste et la posture techno-pessimiste et constaté leurs limites, une fois que nous avons accepté le cadre de la cosmologie accélérationniste et reconnu sa pertinence, que faire ? Comment l’homme peut-il vivre avec cela ? À ma connaissance, Nick Land, le fondateur de cette cosmologie, ne propose pas vraiment de méthode ou de consolation pour Homo sapiens. Il propose simplement de continuer ce processus et de le renforcer pour hâter l’augmentation du progrès, peu importe ce qui arrive à l’Homme. Je comprends sa radicalité faisant fi de sa propre condition humaine, car de toute manière cela n’aura bientôt entre très très peu et pas d’importance pour le cosmos.
Comprenez-le bien, techniquement le monde s’améliore, la complexification des sociétés humaines, liée à l’avancement du progrès, écrème beaucoup d’hommes, elle met de plus en plus de monde sur le côté. Ce n’est heureusement pas nécessairement une élimination physique au sens le plus brutal du terme, mais elle stérilise les sociétés les plus avancées, décharge beaucoup d’hommes de la tâche de faire avancer la société, et déjà certains n’y participent plus vraiment. Ils ne participent plus de la civilisation par leur action, ni par la création d’une descendance, il ne leur reste que la consommation. Le nombre de ces individus va augmenter et, à l’inverse, le nombre d’individus vraiment actifs dans l’avancement de la civilisation va se réduire de plus en plus. Certains, pour suivre le rythme, s’augmenteront et fusionneront avec la machine, jusqu’à la décorrélation ultime entre le progrès et l’humanité, le progrès étant alors supporté probablement totalement par le techno-capital.
Nos corps sont presque froids
Michel Houellebecq, Présence Humaine
Il faut que la mort vienne
La mort douce et profonde
Bientôt les êtres humains
S’enfuiront hors du monde
Alors s’établira
Le dialogue des machines
Et l’informationnel remplira
Triomphant
Le cadavre vidé
De la structure divine
Puis il fonctionnera
Jusqu’à la fin des temps
Alors pourquoi s’en soucier ? Parce que nous sommes humains et que nous et nos descendants allons traverser tout cela, qu’il faut s’armer moralement pour que cela se passe le mieux possible. Sans rejeter les observations de Land, mais en les prenant bien en compte, il nous faut une éthique. Quelque chose qui tend vers l’acceptation de la cosmologie accélérationniste, y compris toute sa brutalité et ses aspects angoissants pour l’humanité, comme l’horizon bionique ou l’obsolescence de l’humanité.
Nous avons déjà quelques outils précieux pour cela, comme les Stoïciens, Leibniz ou bien Nietzsche, qui ont eux aussi développé des pensées d’acceptation rationnelle de la nécessité de la réalité. Mais aussi la sagesse classique des Grecs qui se voyaient pris dans les plans des dieux, d’où l’idée de tragédie. Tout cela s’est influencé mutuellement au fil du temps.
Pour notre affaire, et à défaut de savoir si Dieu, les dieux ou toute autre forme de divin existe, considérons le cosmos et ses lois, telles que vues précédemment, comme le support du plan de déploiement de l’univers dont nous sommes les jouets. L’univers va dans une direction et l’humanité est une étape sur ce chemin, une phase transitoire vers le prochain palier du progrés. Nous n’avons aucun moyen de nous en départir, tout juste pouvons-nous guider nos petites vies, qui ne sont rien à l’échelle du temps et de l’univers. Nos petites vies, quels que soient nos choix, nos réalisations, les plus grandes ou les plus piteuses, sont bornées par ce plan qui conduit la trajectoire de notre espèce, du vivant et de tout le reste.
Y consentir est la meilleure chose à faire ; à l’inverse, le pire serait de le rejeter, de s’y opposer. Car imaginer sérieusement autre chose que ce que nous vivons revient à cracher au visage de la réalité elle-même, sans compter que ce serait aussi illogique que vaniteux. La réalité nous le rend toujours avec des malheurs de plus en plus grands. Constaté depuis des siècles, ce qu’a amené la révolte stérile et pitoyable du petit homme face à la réalité… Cela a forgé le creuset des pires passions de l’Homme, là d’où jaillit l’insidieux ressentiment, terreau des pires malheurs de l’humanité, celui qui empoisonne l’existence et plonge des peuples entiers dans l’abîme.
Non, définitivement, il vaut mieux y consentir. Et plus encore, pour les plus forts moralement, aimer ce plan et son destin personnel qui y est inscrit, en adoptant l’amour du destin, tel l’Amor Fati nietzschéen, et tendre vers une acceptation totale de la nécessité des choses, au point d’en manifester de la gratitude.
Celui de l’homme le plus généreux, le plus vivant et le plus affirmateur, qui ne se contente pas d’admettre et d’apprendre à supporter la réalité telle qu’elle fut et telle qu’elle est, mais qui veut la revoir telle qu’elle fut et telle qu’elle est, pour toute l’éternité, qui crie insatiablement da capo, en s’adressant non pas à lui, mais à la pièce et au spectacle tout entier, et non pas seulement à un spectacle, mais au fond à celui qui a besoin de ce spectacle et le rend nécessaire ; parce qu’il ne cesse d’avoir besoin de soi et de se rendre nécessaire
Par-delà bien et mal – Friedrich Nietzsche
D’un point de vue pratique, pour les plus angoissés, la sagesse stoïcienne peut être d’un grand secours en contrôlant ses réactions aux événements, plutôt qu’en cherchant à les contrôler. Après tout, à y regarder de près, cette philosophie est née dans un contexte particulier : l’Athènes de -330 av. J.-C., qui traversait une période de crise existentielle. Les Athéniens d’alors voyaient leur pays et leur ère civilisationnelle perdre leur souveraineté au profit de la Macédoine d’Alexandre le Grand et voyaient leur destin présidé par quelque chose de plus grand qu’eux, à l’image de l’homme moderne qui voit sa destinée de plus en plus mise dans les mains de l’IA et de systèmes de plus en plus complexes qu’il va de moins en moins comprendre et contrôler.
Au-delà des angoisses et des méthodes qui peuvent être mises en place pour les affronter, la posture technotragique dévoile aussi des consolations, comme par exemple, une compréhension nouvelle du monde. Celle-ci va émerger d’un double mouvement contradictoire. D’un côté, il y aura une dimension angoissante avec la multiplication des boîtes noires et l’augmentation des systèmes complexes dans le techno-capital, rendant l’environnement immédiat de l’homme de plus en plus inintelligible, ce qui pourrait être potentiellement très angoissant. Mais d’un autre côté, cela aura pour corollaire une augmentation de la compréhension du fonctionnement du cosmos. En effet, les engins de plus en plus complexes apportés par la technologie ne seront peut-être plus compréhensibles, mais offriront des connaissances sur le monde immense, nous permettant de mieux le comprendre.
Imaginez un télescope de l’an 2230, construit par des IA supérieures, dont les subtilités nous échapperaient totalement, mais si puissant qu’il serait capable d’observer la surface de Proxima Centauri ou l’origine de l’univers… La frustration serait grande de ne pas comprendre sa construction, mais ses résultats seraient profondément satisfaisants, à tel point qu’ils pourraient constituer une vraie consolation. La consolation de savoir que nous progressons dans notre compréhension de l’univers et de ses mécanismes, nous permettant de mieux comprendre ses mystères qui, depuis toujours, tourmentent l’homme. La consolation de savoir que nous aurons atteint le maximum de ce que l’humanité sera capable de comprendre. Nous serons allés au bout de notre quête de connaissance, tout en sachant que le relais de cette quête serait passé au techno-capital.
Plus simplement encore, la consolation ultime que pourrait apporter la vision techno-tragique du monde est simplement de savoir que nous allons quelque part : qu’il y a un sens à cet univers, qu’il n’est pas le fruit du hasard aveugle et chaotique. Que le progrès émanant de l’ordre est la direction, et que le déploiement de cet ordre augmente notre degré de compréhension, nous permettant d’apprécier de plus en plus ce phénomène. Même si nous sommes nés trop tôt pour réellement comprendre le pourquoi de l’univers, mais nous avons avancé assez loin pour comprendre qu’il y en a un. Peut-être qu’une religion pourrait émerger sur ce sens, aidant aussi l’homme à vivre.
En attendant, nous pouvons aussi observer le déploiement de l’ordre et y trouver une autre consolation puissante : la consolation esthétique, qui, à la lumière de la compréhension de la cosmologie accelerationniste, nous inviterait à contempler le monde et sa complexité. Comprendre que la beauté a pour fondement la néguentropie, que ce soit d’une manière directe via le beau le plus pur ou de manière détournée avec le beau indirect, c’est-à-dire l’épure, le morbide… Que certains trouvent beau ou agréable parce qu’ils sont une manière détournée de rappeler ou de célébrer la néguentropie, par son absence, sa négation, sa déviance…
L’art et la contemplation du beau offrent une manière de transcender la réalité et d’enrichir son existence, de créer de nouvelles valeurs, d’exprimer la volonté de puissance, et de trouver une consolation face à la dureté de l’existence. C’est une célébration, une affirmation de la vie dans toutes ses dimensions, et une affirmation de la capacité humaine à créer du sens et de la beauté au dessus du chaos.
“Nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité.”
La volonté de puissance – Friedrich Nietzsche
Toutes ses consolations seront bien nécessaires, pour l’Homme et même pour le progrés lui-même. Car, pour encore quelque temps, l’humanité restera le principal vecteur de ce progrès, le techno-capital n’a pas encore pris son envol. Il faut donc la préserver, elle et sa qualité. C’est en cela que je m’éloigne quelque peu de certains accélérationnistes radicaux qui, eux, veulent pousser les innovations du techno-capital à n’importe quel prix, quelles que soient les conséquences, notamment pour l’Homme. Tout cela nécessite un certain équilibre, une certaine lucidité et une certaine subtilité. Non pas par humanisme ou parce qu’il faut prendre soin de l’Homme car il est la chose la plus importante de l’univers et que son bonheur importe. Mais parce qu’il est encore le support du techno capital et que c’est son rôle transcendant. Nous sommes le maillon d’une chaîne, le jouet de l’univers s’organisant.
Le techno-tragique est la force consciente des équilibres et de la direction du progrès. Il le maintient, le défend de manière lucide, même si ultimement cela ne sera pas forcément bon pour l’Homo sapiens qu’il est actuellement. Mais telle est la plus juste et la plus rationnelle posture à tenir et ainsi servir au mieux l’Univers. En comprenant cela j’espère qu’il y trouveras la consolation.
Conclusion :
Le techno tragique n’est pas le juste milieu entre techno optimisme et techno pessimisme. C’est un appel à embrasser notre destin. En reconnaissant notre dépendance inévitable à l’égard du progrès technologique et la nécessité de continuer à avancer, malgré les risques, les peurs et les incertitudes. Il peut aussi être une consolation en permettant à l’homme de comprendre sa place dans le cosmos et l’avancement du progrès. Comprendre aussi que le déploiement auquel il participe est inévitable et nécessaire pour que l’homme puisse continuer à exister, même si c’est sous une autre forme, même si c’est au travers des processus qui nous succéderont. Le techno-tragique, dans cette perspective, refuse l’enthousiasme naïf pour la technologie, mais comprend profondément ses implications tragiques et incontournables. A tel point qu’il le défend, même à contre-cœur. Pour conclure, je voudrais partager avec vous une métaphore de notre situation :
“Nous sommes sur un vélo. Si nous ralentissons, nous chutons. Et nous sommes sur un vélo avec une pente de plus en plus forte et nous allons de plus en plus vite. À la vitesse actuelle, nous avons franchi le seuil où une chute nous tuerait. Nous n’avons donc pas d’autre choix que de continuer. Et ce, même si tenir le guidon à une telle vitesse devient de plus en plus éprouvant, a tel point que nous ne nous reconnaissons plus nous-mêmes. Nous pensions faire un petit tour de vélo sur un faux plat et nous nous retrouvons à glisser sur une pente de plus en plus vertigineuse. La plupart d’entre nous avons peur. Nous nous demandons pourquoi nous nous sommes fourrés dans une telle affaire ! Une sensation lancinante commence à envahir notre cœur. Comme si nous commencions à sentir qu’il n’est pas impossible que le vélo et nous-mêmes changions de nature dans le processus, nous transformant en avion ou en quelque chose de très différent de ce que nous sommes. Il est relativement angoissant de constater cela, mais nous nous gardons des angoisses qui nous hurlent de nous précipiter dans le ravin et des coups de folie nous poussant à pédaler jusqu’à en perdre force. Nous nous étions habitués à notre vélo et à cette pente, même si celle-ci est devenue de plus en plus raide et que nous n’avons pas oublié le début de notre parcours sur un faux plat. C’était certes fatigant, épuisant de pédaler de la sorte pour avancer, ce chemin n’était le seul, même si il n’était pas certain. Mais c’est comme si nous étions faits pour cela. Tout autant que nous étions voués à prendre cette pente.”
- les lois de la thermodynamique :
– Première loi: l’énergie se conserve mais la chaleur est une forme dégradé d’énergie.
– Deuxième loi: l’énergie se dissipe c’est à dire quelle tends à se transformer irréversiblement en chaleur (forme désordonnée d’énergie) conduisant à l’entropie.
– Troisième loi: l’énergie se dissipe le plus vite possible, compte tenu des contraintes.
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Le techno tragique n’est donc au fond que du techno optimisme qui considère qu’il faut un peu de retenue dans l’enthousiasme tant que l’IA n’a pas fini de remplacer et éliminer l’homme ? Adossé à une philosophie de l’acceptance de la disparition au nom d’un principe supérieur, ici supposément l’ordre fondamental de l’univers ?
Il y a une similarité dans la seconde partie avec l’es écolos radicaux qui veulent la disparition de l’homme au nom du principe supérieur de la Nature (peu importe comment on le définit), lui aussi supposément une forme d’ordre fondamental de l’univers. Et laisser la biologie plutôt que le technocapital continuer l’optimisation de la dissipation d’énergie (/ création de bien et beauté) si on le lit dans vos termes.
Et plus généralement un côté religieux avec l’homme devant être au service de ce principe supérieur volontairement ou non. Je crois que j’assiste juste à la naissance d’un culte millénariste ou le divin a été remplacé par une autre forme de principe universel fondamental. C’est très new-age.
Vous (est je ne sais plus qui d’autre sur ce site qui a plus développé ce sujet de l’humanisme vs singularité) avez raison que l’humanisme est l’ennemi de la singularité (dans le sens de technocapital autonome) mais il y a réduction de l’humanisme ici à une simple auto-préservation biologique devenant obsolète avec l’homme. Je postule ici que le fond de l’opposition est philosophique (voire spirituel) et non technique comme vous l’avancez et qu’il s’agit de deux camps qui voient le sens de l’univers et de l’existence de manière et dans des domaines fondamentalement différents et opposés.
Les humanistes maintiennent que l’homme, ses pensées et réalisations ont de la valeur en soi (pour des raisons très variables selon les courants techniquement classifiables comme tel) alors que les religieux ne voient la valeur que dans ce que l’homme peut apporter au principe supérieur (quoi qu’il soit). Nous somment revenus ici au désormais ancien combat entre les humanistes et les religieux. Dieu à été remplacé par l’entropie, aujourd’hui incarnée en l’IA et plus tard en un technocapital voulu autonome mais les fondements restent les mêmes. Une église qui travaille à former les fidèles de demain, désormais robotiques.
L’accélérationisme ne serait il que la fuite en avant dans la religiosité new age d’hommes perdus dans l’aliénation due à la corrosion sociale causée par certaines technologies, cherchant du sens dans les seule choses qui y survivent encore ; la technologie elle même doublée une vue purement technique de l’univers ?
– Mi Cochon Mi Canard,
Archéofuturiste.
Ce commentaire est probablement de ton très insultant et vous avez le droit de juste dire que j’ai rein compris de votre propos.
Il y à également un argument a poser contre la continuité entre l’astrophysique et la biologie comme des formes d’optimisation de l’entropie, qui semble être le fondement de la justification de toute cette philosophie (/ du divin de cette religion) mais je trouve l’autre versant plus intéressant.
Votre commentaire n’est pas particulièrement insultant, mais il repose sur une incompréhension. À aucun moment il est question de “Tu dois”. Il ne dit pas que l’homme doit disparaître ou laisser sa place à la machine, il dit que si ce doit être là la fin de l’homme alors so be it. L’homme sera dépassé quoi qu’il arrive à un moment ou à un autre, d’une façon ou d’aune autre. Il n’y avait pas d’homme il y a 300,000 ans et il n’y en aura plus plus tard. Ce n’est pas un souhait, c’est une observation logique et c’est tragique.