Gurren Lagann, Manga de droite prométhéenne par excellence ?

La plupart des shonen nekketsu qui racontent les aventures d’un jeune garçon de 12 à 25 ans transmettent souvent des valeurs de courage et une certaine forme de virilisme, avec le mythe du héros/homme providentiel qui, par un pouvoir spécial qui le rend très fort, va pouvoir affronter des menaces de plus en plus dangereuses. On peut dire sans prendre trop de risque que ces valeurs résonnent avec celles de la droite.

Pourtant, rares sont les personnes à faire ce constat, sûrement car ce sont des produits culturels étrangers très appréciés par la population. Au pire, on se retrouve avec des interrogations sur le niveau de fascisme de Shingeki No Kyojin.

Mais l’anime que je vais disséquer ici transperce son niveau de droitisme, qui dépasse les autres.

Il s’agit de Gurren Lagann, qui est non seulement un manga de Droite avec un D majuscule, mais en plus de Droite prométhéenne. Ça ne saute pas forcément au premier coup d’œil par rapport au reste, enfin, quoique, le synopsis de base est l’histoire « d’un homme qui se bat contre sa propre destinée », c’est-à-dire un gamin de 14 ans peureux, méprisé de tous et vivant sous terre qui va libérer l’humanité des souterrains pour finir par diriger une armée intergalactique contre une espèce assujettissant le multivers. Bref, cet anime contient probablement l’arc de personnage le plus exponentiel qui soit, ce qui en fait de base un anime progressiste, au sens littéral du terme, c’est-à-dire qui est partisan du progrès, matérialisé par le pouvoir de la spiral, force vitaliste qui pousse tout être vivant à se développer. La question de l’œuvre est de savoir s’il faut contenir ce pouvoir ou pleinement le libérer.

Mais tout d’abord, définissons les critères pour déterminer ce qui est de droite prométhéenne. La droite est un concept assez flou car regroupant bon nombre de pensées, mais globalement, c’est un système de valeur identifié comme antagoniste à la gauche, et dans lequel on retrouve des valeurs d’ordre, de hiérarchie et d’identité. Puisqu’il faut choisir des axes pour mettre des critères permettant de définir Gurren Lagann comme de droite ou de gauche, nous retiendrons surtout la droite comme un système de pensée basé sur la hiérarchie et l’ordre naturel. Le prométhéisme parle lui du but visé par le respect de ces valeurs. Autant directement citer l’article introductif « Qui sommes-nous » de Rage Culture : « Comme Prométhée, nous aimons l’humanité et avons à cœur d’en prendre soin et de l’amener vers des contrées jamais explorées. » Le prométhéisme, c’est le progrès de l’humanité vers toujours plus d’espace, par l’acquisition de nouvelles techniques.

À partir de là, on remarque que Gurren Lagann coche absolument toutes les cases en faisant un anime viscéralement progressiste, écomoderniste, antidémocrate et vitaliste.

Avertissement au lecteur : l’article va intégralement divulgâcher l’anime.

Le plan de cet article sera en quatre parties : je montrerai en quoi Gurren Lagann est progressiste, ensuite que c’est un anime écomoderniste, puis un anime nataliste avec une vision complémentariste des hommes et des femmes, et enfin un anime antidémocrate qui prône l’ordre et la hiérarchie.

1/ Une histoire glorifiant l’évolution permanente

Tout d’abord, Gurren Lagann, de quoi ça parle ? C’est l’histoire de Simon, un gamin de 14 ans orphelin qui grandit dans un monde où les humains vivent sous terre sous la menace de secousses sismiques, et ayant l’impossibilité de remonter à la surface sous peine de se faire tuer par des hommes-bêtes. Simon est au départ un loser, incel, sale, sans confiance en lui, qui ne sait rien faire d’autre que forer, d’où son surnom péjoratif « Simon le foreur ». À la fin, il affronte à bord d’un robot géant une civilisation intergalactique qui a le pouvoir de manipuler les probabilités.

En une phrase, le principe de l’anime, c’est commencer sous terre, finir dans l’espace. Un grand écart exponentiel qui participe à l’esthétique de l’œuvre. Des mangas démesurés existent, mais ici la démesure est magnifiée par la petitesse du point de départ. Le thème central est donc l’évolution, que ce soit dans la narration ou dans le concept du « pouvoir de la spiral », énergie vitaliste qui définit tout être vivant cherchant à grandir et se développer.

On peut constater cette idée de progrès par la démesure du tout début de l’anime. Simon, le personnage principal, est un amiral spatial qui affirme affronter la voûte étoilée où chaque point lumineux est un ennemi. Alors que l’anime commence réellement six pieds sous terre, il définit l’objectif, à savoir péter la gueule à l’univers entier. C’est l’esprit de conquête et de progression qui est impulsé par ce prologue et qui est entretenu durant tout le récit. La démesure se retrouve parsemée dans tout l’anime, avec par exemple une bataille qui est retranscrite par un écran géant sur l’ensemble du globe, ou bien dans les attaques finales des gunmen qui transforment leur poing en vrille cent fois plus grosses qu’eux.

La droite prométhéenne tire son origine de Prométhée, qui offre le feu aux humains et qui sera la base archaïque de son progrès. Le feu symbolise ainsi la technique, étant une énergie pour la production de divers outils, mais également le symbole de la connaissance qui illumine l’humanité. Le progrès se fonde ainsi sur la technique et la connaissance offerte à l’humanité par un être supérieur. Kamina, personnage charismatique qui initiera la révolte des hommes contre leurs oppresseurs, est une figure prométhéenne. C’est à lui que les personnages se réfèreront pour avancer dans leur conquête.

Dans la narration donc, celle-ci se décompose dans des situations où les personnages (voire l’humanité) est dans une situation stable mais dangereuse, et doit donc trouver des solutions pour dépasser ces conditions, en général soit par l’acquisition de connaissance, soit par l’acquisition de nouveaux outils techniques, que sont les Gunmen, machines humanoïdes géantes utilisées pour combattre. Mais l’anime montre aussi que la technique doit aussi être accompagnée de l’acquisition de connaissances pour avancer. Pourquoi les humains sont sous terre ? Pourquoi des hommes-bêtes infertiles tentent de les tuer ? Quelle est cette énergie en spiral ? Ces robots géants ? Le progrès humain est impossible sans réponse à ces questions. Voici donc une liste exhaustive des moments d’évolutions dans Gurren Lagann, en précisant s’ils sont des acquisitions de connaissance (AC) ou des acquisitions de techniques (AT), montrant que le progrès est permis par l’information et la technique :

  • AT : Trouvaille du Lagann. Simon, en creusant toujours plus profondément, tombe sur un robot de taille humaine (le Lagann). Toutefois, il ne sait pas s’en servir, et la trouvaille n’est d’aucune utilité pour le moment.
  • AC : Utilisation du Lagann pour perforer un Gunman et le plafond. Un monstre détruit le village, et Simon rencontre Kamina, qui joue le rôle de mentor toujours positif dans le futur. Celui-ci lui dit d’utiliser le Lagann, qui s’avère être une arme de taille à détruire le monstre, et même voler jusqu’à la surface de la terre. Le Lagann n’a pas été ici la seule clef pour sortir de terre, mais c’est aussi la volonté de Kamina d’un jour aller à la surface qui a permis de mouvoir cet outil. Ainsi, ils acquièrent la connaissance de la surface terrestre, pour l’instant simple terre sauvage, magnifique et mystérieuse.
  • AT : Acquisition d’un autre Gunman. La surface contient d’autres monstres gigantesques, qui en réalité, sont des machines contrôlées par des bestioles à taille humaine. Et Kamina vole l’un de ces monstres, que sont les Gunmen, faisant deux gunmen pour les humains qui commencent à se battre à armes égales.
  • AC : Constat des humains qu’ils peuvent voler les Gunmen. Cet exploit se répand chez les humains de la surface, qui en comprenant ce que sont ces monstres, reproduisent le geste de Kamina et les volent, la connaissance simplifiant considérablement l’acquisition de puissance.
  • AC : Kamina et Simon apprennent la fusion des Gunmen. Suite à un entraînement pour faire une fusion efficace, esthétique, les Gunmen Gurren et Lagann fusionnent pour surpasser leur ennemi, devenant très puissant. À partir de là, les ennemis deviennent de plus en plus anecdotiques à détruire.
  • AC : Les protagonistes rencontrent d’autres individus ayant des Gunmen, créant une petite armée. Cela se suit d’une trouvaille d’une base ennemie pour toujours plus de Gunmen.
  • AT : Le vol du super-gunman navire. Un gigantesque vaisseau devenant une base mobile pour les héros. Ils peuvent alors se loger et développer certains métiers comme la cuisine. À partir de là, les personnages vus comme préhistoriques se modernisent dans leur mode de vie.
  • AT : Vol de la boule de lévitation. Les gunmen peuvent voler désormais.
  • AT : Après la défaite du roi Spiral, les humains dominent la surface de la terre et créent des villes modernes. Mais leur croissance massive leur fait courir un grand risque d’extermination.
  • AC : L’humanité apprend que la terre est depuis le début sous contrôle des anti-spiral, dont la mentalité malthusienne leur fait constater que le développement de la vie créera une spiral négative qui détruira l’univers, et interdit les humains d’avoir une population supérieure à 1 000 000. Dès lors, la guerre contre le véritable ennemi peut débuter. De là découlent toutes les nouvelles acquisitions.
  • AC : Les anti-spiral envoient des mugens, des robots très puissants qui explosent à leur destruction. Les humains trouvent un moyen de les éliminer facilement sans causer de dégâts.
  • AC : Finalement, le développement technologique permet le départ dans l’espace, et donc, réaliser le rêve de Kamina d’atteindre la lune.
  • AT : La lune qui s’avère être un vaisseau gunman, qui fusionne avec le Gurren Lagann. C’est là que le véritable changement d’échelle s’opère, passant d’une bataille mondiale à un combat spatial.
  • AC : Capacité de téléportations spirales, qui sera nécessaire pour se déplacer dans d’autres dimensions.
  • AT : Obtention du Dai Gurren hyper-galactique, faisant la taille d’un objet satellite. Celui-ci fusionnera avec le Gurren Lagann, donnant un gunman de la taille d’une planète.
  • AT : Le Dai Gurren gagne en puissance avec l’énergie de la death spiral dans l’espace, puis devient le Gurren Lagann ultime, de la taille d’une galaxie.

Après cette liste détaillée des points d’évolution, on constate d’abord comment chaque nouveau vaisseau change l’échelle du scénario. On passe de villes souterraines, à la conquête de la Terre, à la conquête de la Lune, puis l’arrivée dans l’espace, pour un combat entre plusieurs dimensions. Ensuite, les évolutions se font par une interaction entre les développements technologiques et l’acquisition de techniques, auxquelles précèdent fréquemment une acquisition de connaissance. Par exemple, la découverte du Lagann dans les sous-sols a nécessité l’attaque d’un gunman pour chercher à trouver comment le piloter et à quoi il peut servir. La levée d’une armée de Gunmen contrôlés par les hommes n’a été possible que par la transmission de l’information que l’un d’entre eux, Kamina, a pu en récupérer un. Chaque étape, même celles qui sont douloureuses ou immorales, sont nécessaires à la croissance des humains. Le progrès dans l’anime est ainsi représenté dans cette acquisition de connaissances qui permet d’orienter les objectifs de l’humanité.

Concrètement, en termes d’évolution de connaissance, les protagonistes cherchent à savoir pourquoi un tyran les empêche de vivre à la surface, et une fois fait, comprennent qu’ils sont sous la domination d’une espèce qui veut protéger l’univers de sa destruction par la prolifération de la vie. En termes d’évolution de capacité, ils obtiennent des gunmen toujours plus grands et plus puissants, ce qui donne à terme aux humains des pouvoirs de manipulation de la réalité.

Tout ça est déjà très prométhéen, dans cette conception du progrès. Le progrès peut ainsi être défini dans Gurren Lagann comme l’accroissement des capacités d’action des humains dans le cadre de leur environnement. Un cadre qui évolue constamment, passant des souterrains, à la surface de la Terre, au ciel, la stratosphère, l’espace et les multivers. « Si un mur se dresse sur notre chemin, nous le creusons », affirme Simon lors du combat final, ce qui résume totalement cette progression de l’évolution du paradigme. L’anime peut résonner ainsi avec l’évolution humaine qui a constamment repoussé son paradigme, à travers les découvertes comme le feu, les différents matériaux, les moyens de déplacement maritime, et maintenant le désir de conquête spatiale. Le progrès n’est pourtant pas naturel, déjà parce que dans l’anime des forces anti-spiral font tout pour l’empêcher par la limitation des naissances et la perte de connaissance, contrôlé par une planète au centre de l’univers qui donne ses directives à des surveillants de planète. Je ne résiste pas à faire une comparaison avec certains États centralisateurs qui contrôlent la gestion des ressources dans des territoires éloignés. Mais aussi, le progrès dans Gurren Lagann n’est pas inéluctable parce qu’il a besoin d’une volonté préalable, ce qui diffère du sens de l’Histoire marxiste qui évolue essentiellement par les moyens de production. Pour que l’humanité aille dans l’espace, il faut que Kamina voit la lune, contemple sa beauté, pour désirer s’y rendre, à un stade de l’anime où il n’a qu’un seul gunman incapable de voler contre le monde entier.

Le progrès passe par l’évolution de la vie, représentée par le pouvoir de la spiral, qui correspond très fortement avec les principes de la thermodynamique. La spiral est une énergie, présente en chaque être vivant, qui cherche sa conservation, mais aussi son développement. Le deuxième principe de la thermodynamique énonce que l’énergie libre se dissipe conduisant à toujours plus d’entropie dans l’univers, mais que cette dernière conduit à la création d’entités de plus en plus complexes et néguentropiques qui maximisent cette production d’entropie. Et la spiral évolue de manière exponentielle et anarchique, à comprendre que les êtres vivants se reproduisent et gagnent en puissance, mais cette évolution va créer la spiral négative, qui détruira l’univers. Face à cela, la civilisation humaine va dans l’anime créer un ordre en vue de la supprimer. La droite prométhéenne cherche à produire un ordre qui permet l’évolution des humains, et s’il existe des obstacles, c’est par l’augmentation de connaissances et par la technique qu’ils doivent être dépassés.

L’anime est donc une histoire de l’évolution humaine, passant des hommes des cavernes à la conquête spatiale, mais cette évolution civilisationnelle s’incarne dans des figures qui font l’Histoire plus que les masses. Les groupes humains sont mobilisés par le charisme de Kamina ou bien sous la direction de gouvernants. Cette évolution civilisationnelle s’incarne dans l’évolution individuelle de Simon. Son destin semble lié à celui de l’humanité, l’anime voulant montrer cette libération non pas par la masse qui se soulève mais par des individualités propres qui la constituent. C’est une vision de droite de considérer que le progrès commence par l’effort individuel. Simon évolue de jeune garçon timide à un chef de l’humanité. Lorsqu’il est désespéré après la mort de Kamina, c’est l’humanité entière qui est au point mort, alors qu’il a du mal à s’exprimer devant une fille, l’humanité fait peu d’enfants. Lorsqu’il est chef de la Terre, celle-ci appartient aux humains. C’est lui qui détient le pouvoir de la spiral et qui peut l’activer par son médaillon en forme de vrille.

L’évolution est permise aussi par la prise de risque. Kamina parle des dangers de la surface, et pourtant, veut quand même s’y risquer, ce qui en récompense lui permet de découvrir de nouveaux horizons. C’est au final une mentalité très capitaliste par rapport à la prise de risque forte pour un gain important qu’on peut mettre en parallèle.

Le progrès dans Gurren Lagann est aussi expliqué dans sa vision de la religion. Là où à première vue, la critique de la religion rejoint l’idée d’émancipation des individus propre à la gauche, Gurren Lagann la présente comme un vecteur de la réalité, nécessaire à un moment donné pour être dépassée par une vérité qui décrit plus précisément la réalité. Les héros se mettent à chuter dans un village sous-terrain, dirigé par un vieux prêtre qui affirme qu’un dieu demande au village de ne pas dépasser 50 habitants sous peine de sacrifier un membre tiré au sort. Nous reviendrons plus tard sur cette thématique malthusienne. Tous les thèmes religieux sont présents : une gigantesque statue en tant qu’idole, des écritures saintes, un autel de sacrifice, des traditions, les femmes qui doivent couvrir leurs formes. On découvrira que rien n’est vrai, l’idole est un gunman, les saintes écritures ne sont qu’un amas de gribouillis et le prêtre ne sait pas lire. Ce dernier semble d’ailleurs au courant de la fausseté de ces traditions, mais comme il le dit : « La religion n’est qu’un moyen pour la survie de notre peuple », il s’agit donc d’une croyance optimale pour la préservation du groupe.

Kamina tentera de convaincre de ne plus y croire, bien que cela tourmente les villageois qui ont besoin de ce mensonge.

Finalement, après quelques péripéties, le groupe principal emmène avec eux Rosiu, destiné à l’origine à remplacer le grand prêtre, pour finalement laisser tomber sa foi quasiment sur ordre de ce dernier. Néanmoins, Rosiu restera dans sa mentalité austère toujours un croyant, cette fois dans la discipline que doit acquérir l’humanité pour continuer de progresser.

La gauche (du moins les paléo-marxistes matérialistes) voit la religion comme un élément d’aliénation à abattre au plus vite, or, ce qui est critiqué par Gurren Lagann n’est pas essentiellement la croyance, mais bien que celle-ci est incapacitante. La religion est nécessaire dans un temps et un espace donné, mais Kamina propose une vérité plus puissante encore, le monde extérieur rendant caduque la règle des limites de naissances. Kamina sera le prophète d’une nouvelle religion basée sur l’évolution du vivant. Une statue géante construite en sa mémoire, comme une nouvelle idole. Ainsi, la vision progressiste de la religion la considère non pas comme vraie, ce n’est pas l’important, mais comme une voie permettant l’information d’être transmise par des mythes et des rites.

On peut constater de Gurren Lagann qu’il a pour thématique principale le progrès, que c’est un sens de l’Histoire qui s’obtient par l’affrontement et l’acquisition d’information et de techniques, et qu’il est permanent, de la préhistoire à la conquête spatiale. Même la fin montre simplement une nouvelle étape pour l’humanité par les alliances intergalactiques qui doivent se poursuivre, et de nouveaux défis comme la lutte contre la néga-spiral (qui risque de détruire l’univers à terme) et non un « et ils vécurent heureux… ». Non, les défis sont toujours présents, et le progrès selon Gurren Lagann peut donc s’apparenter à l’accroissement de la civilisation, symbolisé par l’énergie spiral qui est… une spiral qui s’étend à l’infini.

2/ Un anime viscéralement écomoderniste

Le plus grand danger de l’univers de Gurren Lagann est la néga-spiral. La spiral négative est une énergie qui apparaît lorsque le niveau de développement de la spiral, produit par le développement de la vie, est suffisamment étendu. La spiral négative finira par détruire l’univers, étant ainsi la raison d’être des anti-spiral. Leur but est de réduire le nombre des naissances et la production du vivant. Lors de la dernière scène de l’anime, des programmes de lutte contre la spiral négative sont développés par les peuples spiral, et on voit des vaisseaux en train de la repousser.

Que ce soit intentionnel ou non, cette spiral négative, produite par le progrès de la vie, qui se concrétise par le développement de la civilisation technologique permettant l’accueil d’une population toujours plus grande, fait furieusement penser au réchauffement climatique, déjà un enjeu majeur en 2005. Ce dernier est un phénomène de réchauffement de la Terre qui provoque une extinction massive des espèces et risquera à terme de rendre invivable la planète. Et personne ne nie l’existence de la spiral négative d’ailleurs. Le clivage se fait dans la manière de l’affronter. Pour lutter contre, les activistes écologistes demandent de réduire massivement la production et l’action humaine, là où des écomodernistes recherchent des technologies pour lutter contre.

Les anti-spiral proposent son éloignement en instaurant une dictature intergalactique qui limite toute croissance démographique et technologique où les planètes sont des prisons, avec l’état optimal de l’immobilisme des populations. En effet, le peuple à l’origine de cette idéologie sont des êtres confinés sur une planète, tous endormis en rang, pour toujours, fusionnés à une entité globale qui contrôle l’univers. Les peuples de la spiral eux, acceptent le développement constant de la spiral en voyant les problèmes comme des murs à dépasser, puis continuer la progression de la civilisation.

Là encore, sans aucune exagération de ma part, on voit clairement que l’anime est contre toute idée de régression, de décroissance, pour faire face à des enjeux globaux, mais plutôt à continuer le développement technologique d’où émergera forcément une solution.

La dimension progressiste comme vu précédemment va de pair avec une vision téléologique du monde qui se retrouve dans l’écomodernisme. Cela consiste dans l’idée que la planète subit des modifications par l’action humaine, et dont les dégâts écologiques ne doivent pas être réparés par un arrêt de cette action, mais en la prolongeant afin que la modification terrestre soit profitable à tous. L’écomodernisme implique bien souvent que l’action humaine repousse les limites territoriales données, expliquant pourquoi beaucoup de ses adhérents croient à la conquête spatiale.

On peut dès l’épisode 1 faire un parallèle entre le chef du village sous-terrain, village qui risque un jour d’être enseveli sous les tremblements de terre, et qui affirme pour justifier son autorité « Notre village c’est tout ce qu’on a », ce qui peut résonner avec le slogan « on n’a qu’une seule planète ». Kamina s’oppose à lui en montrant qu’il est possible d’élargir le cadre, et échapper au destin de finir écrasé sous les décombres.

Même dans l’idéal esthétique par rapport à l’écologie on peut opposer deux visions. Comparons Kamina à Aurélien Barrau, apologète de la décroissance. Le premier dans l’épisode 6 veut conquérir la Lune, simplement parce qu’il la trouve magnifique. Mais si Monsieur Barrau devait d’un coup apparaître devant lui, il lui expliquerait que la conquête spatiale est une pollution de l’univers, qui ne ferait que pourrir la voûte céleste, et que de toutes façons pour y arriver, il faudrait développer des symboles phalliques pour perforer l’atmosphère, prouvant par là la dimension machiste de l’aventure spatiale. Ce à quoi on peut lui répondre que les vrilles dans Gurren Lagann ont bien été plusieurs fois utilisées comme des symboles phalliques.

Enfin, le malthusianisme est un thème majeur de l’anime. Nous avons déjà vu le village qui se limitait à 70 habitants, et nous apprenons à la fin de la saison 1 que cette tradition est une intuition d’une réalité : celle que la Terre est sous domination du roi Spiral, et qu’il doit empêcher un nombre suffisant de naissances, sous peine de destruction de la planète par les anti-spiral. Il affirme avant sa mort que le millionième humain naîtra, la lune détruira la terre. C’est donc tout un mécanisme créé par les anti-spiral afin que jamais la néga-spiral n’apparaisse.

On voit même le peuple anti-spiral qui donne l’exemple. Ceux-ci sont regroupés sur une planète, tous endormis, parfaitement alignés et égaux, ayant pour vocation à conserver cet état stationnaire pour l’éternité. Là encore, le projet éco-socialiste qui mènerait à un retour à la terre et à la vie sobre, le tout surveillé par une entité supranationale imposant des taxes-carbone en cas d’excès, peut sembler être visé ici.

Gurren Lagann est profondément contre cette vision des choses, et qu’il vaut mieux affronter le danger plutôt que le repousser sans cesse, surtout lorsque celui-ci prive d’une chose bonne, la prolifération de la vie. À l’inverse de cette mentalité, Kamina pointe toujours le doigt vers le ciel, dit qu’il faut conquérir la lune, et gagner en puissance, quand bien même c’est impossible dans le cadre de départ. Les humains, après leur victoire contre les anti-spiral, vont continuer de procréer et de se développer en rencontrant de nouvelles espèces dans l’espace. Mais ce fait provoque l’expansion de la néga-spiral. Cette limite, les humains réfléchissent non plus à s’en préserver, mais la dépasser.

Nous verrons dans la partie suivante en quoi c’est un anime pour la croissance démographique, mais pour cela, il me semble intéressant de faire un détour sur le thème des relations hommes-femmes dans l’œuvre, qui explique ce natalisme.

3/ Un anime antiféministe, complémentariste et nataliste

Un point qui paraît anodin au départ, mais qui est en réalité central, est la question de la représentation masculine et féminine. La question des relations homme-femme n’est pas uniforme dans la droite pro(gressiste)méthéenne. La vision de droite basique reste le complémentarisme, considérant l’homme et la femme comme des essences auxquelles doivent correspondre les corps assignés à la naissance, et que ces deux natures sont incomplètes l’une sans l’autre. Bien qu’il existe des courants très marginaux de droite féministe, Gurren Lagann n’y correspond aucunement, n’ayant aucune problématique développée sur l’égalité homme-femme. Le complémentarisme se traduit par le mariage, et la division des tâches entre les hommes et les femmes.

Cette thématique apparaît au début de l’anime, avec Kamina qui déclame à de multiples reprises la définition de ce qu’est un vrai mec, quelqu’un qui a une « âme virile ». Pour lui, un homme se définit par son action. Le principe actif du masculin est mis en opposition avec le principe passif du féminin dans la pensée complémentariste. Si à première vue l’anime met en avant les femmes dans des rôles importants, guerrières, sauveuses d’humanité, comme Yoko, une femme tireur et première habitante de la surface rencontrée par Simon et Kamina, ce n’est pas dans un registre égalitariste, car il met en avant des qualités purement féminines. Et surtout, l’image de la fille sexy et combattive est très commune dans les mangas, souvent utilisée comme un fantasme. La féminité traditionnelle est particulièrement visible dans le personnage de Nia, la fille du roi Spiral, qui est douce, préfère la négociation, et dont le rôle dans l’équipe sera d’être cuisinière. Des femmes sortent bien de leur rôle genré, mais au final, ce n’est pas le cœur du propos que de mettre en avant une indifférenciation des sexes, bien au contraire. Le pouvoir de séduction féminin est montré, comme Yoko qui charme Simon pour que celui-ci ne devienne jamais un « pervers comme Kamina ». La force manipulatrice et non brute de la femme l’essentialise, et est donc un élément central de la pensée complémentariste.

Les femmes ont donc des caractéristiques proprement féminines, belles, sensuelles, douces, et les caractéristiques plus guerrières les affirment plus encore, comme le montrent les poses sexy de Yoko lorsqu’elle tire au sniper. Du côté des hommes, une véritable apologie du virilisme est produite. Le personnage de Kamina est celui qui l’incarne le plus, dans la démesure une fois encore. Il se dit toujours prêt à se battre, même lorsque sa défaite est courue d’avance, la fuite étant une manifestation de lâcheté. Il sera par ailleurs dégoûté lors de sa rencontre avec un personnage transgenre, signe de l’idéal masculin clairement distingué de l’idéal féminin. Comme il le dit dans l’épisode 3 : « un homme ça réfléchit pas, ça agit ». C’est débile, oui, mais toutes les filles sont attirées par lui, donc ça fonctionne. C’est par l’action qu’on devient un homme, ce qui est rattaché à l’idée du dépassement de soi, et de l’élévation du groupe dans le cas d’un leader. Par sa virilité il produit des actes héroïques, qui entraînent avec lui les autres hommes. Ainsi, l’anime permet d’établir ce lien entre virilité et progrès de la société. Mais la virilité est nuancée par les personnages de Simon et Liron, le deuxième étant un scientifique usant de la raison pour défaire les ennemis. Simon reste celui qui va tempérer l’action irréfléchie de Kamina, ce dernier reconnaîtra même la nécessaire complémentarité entre lui et Simon, matérialisée par leurs deux gunmen, Kamina contrôlant le corps, les muscles, et Simon la tête, le cerveau. Les hommes qui guident l’humanité sont donc brutaux pour faire face à l’adversité, mais aussi raisonnés et méthodiques, ce qui correspond à un idéal de l’homme de droite, la capacité de violence pour protéger la civilisation.

L’aspect brut des relations hommes/femmes passe aussi par la représentation de la sexualité. Celle-ci est mise en valeur dans la saison 1, avec l’usage de beaucoup de fan-service (soit le fait de montrer des images érotiques de femmes dans les mangas), et dans la saison 2, c’est la natalité qui est valorisée.

Céder à ses bas instincts animaux est au final assez valorisé par l’anime. Si nous retrouvons le trope du gars mal à l’aise face à une fille sexuellement décomplexée, ici Simon face à Yoko, l’anime ne lésine pas sur les images graveleuses, rien que la vrille utilisée par les personnages et matérialisation de la spiral, qui est également utilisée comme un symbole phallique.

Le moment le plus emblématique au niveau de la représentation sexuelle est l’épisode 6, qui reprend un archétype d’épisode d’anime, nommé l’épisode des sources thermales. Cela fait partie de ces passages qui mettent le plus en avant le corps des protagonistes. Et donc, comme les autres éléments de l’anime, on retrouve une démesure, ici dans les pulsions sexuelles des hommes. Le but des garçons est de voir les filles dénudées dans les bains, qui se révèleront être des gunmen ennemis. Simon est réservé sur cet objectif tandis que Kamina verbalise clairement cette volonté, qui est celle des spectateurs. Kamina assume qu’un mec, un vrai, ça cède à ses pulsions sexuelles. Au final, un homme-bête capture les filles et les utilise comme appât. À la fin de l’épisode, on termine sur un combat techno-primitiviste où des mecs à poil se battent contre un robot qui garde des filles nues. Alors qu’il n’aurait pu être qu’une pause fan-service, il y a ici le concentré du sentiment barbare évoqué par la saison 1, des humains qui doivent être prêts à la violence et manifestent leurs instincts reproductifs, ce qui accouchera d’une atmosphère beaucoup plus civilisée dans la saison 2.

La saison 1 aime montrer des filles dénudées, faire des blagues potaches, et montrer Kamina comme un obsédé sexuel. Elle met en avant le sexe, ainsi sa finalité reproductrice, avec les filles en chaleur de la saison 1 devenues mères dans la saison 2. Le fait que l’histoire focalise sur les personnages qui ont des enfants implique que l’individualisme prôné est tourné non pas vers l’autoconservation de son corps, mais au développement de sa lignée. Lors de la bataille finale, plusieurs protagonistes à qui nous nous sommes attachés meurent en se sacrifiant. L’un d’entre eux provient d’un couple de mécanicien, peu mis en avant, si ce n’est qu’ils connaissent très bien dans les gunmen et qu’ils ont des enfants. Lorsque le mari décède, sa femme le voit disant stoïquement « Adieu, mon amour ». Ce petit passage fait ressentir la vacuité de la mort d’un individu tant qu’il a rempli sa fonction de transmettre et de protéger le groupe, et c’est le cas de tous les autres, qui donnent leur vie avec une joie démesurée au nom du peuple spiral, et donc au nom du progrès de la vie.

Il est à noter que Yoko est un personnage qui devait logiquement avoir des enfants, bien qu’à chaque fois qu’elle embrasse un homme qu’elle aime, le scénario décide de le tuer. On la voit à la fin, âgée, et sans enfants. Ou presque. En effet, une fois la ville construite dans la saison 2, elle s’exile dans une île où elle deviendra institutrice, en éduquant quelque part une multitude d’enfants. C’est pourquoi on peut dire que le rôle maternel est fortement mis en avant, la plupart des personnages féminins finissent d’une manière ou d’une autre par s’occuper d’enfants.

C’est un anime nataliste, mais aussi qui présente des romances avec un aspect bien plus réaliste que ce à quoi on pourrait s’attendre. La saison 1 présente un triangle amoureux entre Yoko, Kamina et Simon. Pour reprendre un meme internet, Kamina a le rôle du chad mâle alpha, et Simon celui du virgin mâle beta.

Kamina a toujours été à l’aise dans les relations sociales, et sa rencontre avec Yoko le met tout de suite en position de dragueur. À l’inverse, Simon est très réservé, on peut même le qualifier d’« incel » (célibataire involontaire) presque, en étant rejeté des filles. Kamina a une allure de leader, et il attire toutes les filles. Il finira par conquérir le cœur de Yoko.

Les humains, recroquevillés sous terre et condamnés au malthusianisme, ont subi une dégradation des rapports entre les hommes et les femmes. Un moment qui montre cette coupure se trouve dans l’épisode 3, où Yoko se rapproche de Simon pour discuter, mais celui-ci se retrouve à dire des phrases qui n’ont pas de sens. Simon est dans les premiers épisodes attiré par Yoko, mais finalement, celle-ci finit par choisir Kamina. Si l’anime voulait faire un comparatif avec notre société, où les hommes ont perdu la capacité à communiquer avec les femmes, ce discours serait quasiment le même que ceux des masculinistes et MGTOW (Men Going Their Own Way), qui affirment le jeu de séduction est truqué aujourd’hui, les hommes n’ayant plus intérêt à se rapprocher des femmes. Les MGTOW pointent le féminisme, là où Gurren Lagann ne semble pas désigner de cible particulière, si ce n’est le portrait d’un « incel ».

Il est d’ailleurs intéressant de noter que contrairement à plusieurs comédies romantiques, dans Gurren Lagann, l’entreprenant est celui qui obtient la femme et non celui qui galère. C’est une différence avec la plupart des autres mangas, où le héros est bien souvent un incapable entouré de filles et qui finit malgré tout avec au moins l’une d’entre elles. Les relations hommes/femmes deviennent ainsi d’un coup, au milieu de batailles contre des robots géants et des galaxies, d’un surprenant réalisme. On peut je pense rapprocher la vision de Gurren Lagann sur ce sujet des pensées masculinistes, et presque MGTOW. Les hommes doivent être virils et désirer les femmes pour les obtenir, ce qui passe par un développement personnel important.

Néanmoins, je trouve que l’anime arrive à éviter un écueil trop récurrent par les pensées masculinistes, qui ont un réductionnisme aux relations purement intéressées sexuellement entre les hommes et les femmes. Dans Gurren Lagann, on peut trouver des relations purement amicales entre certains personnages. Dans l’épisode 14 par exemple, Simon et Yoko se battent ensembles, on peut voir leur relation totalement restructurée, où on peut presque y voir une friendzone mutuelle, ou pour le dire positivement, cet épisode affirme bien qu’une amitié est possible.

Ainsi, Gurren Lagann est complémentariste dans sa distinction claire entre les rôles masculins et féminins, dont le but est le natalisme, qui permet la croissance du vivant qui est explicitement combattue par les antagonistes. Pourtant, l’œuvre n’oublie pas la dimension humaine des relations qui font que les identités sexuelles ne constituent pas l’ensemble de l’individualité, donnant aux personnages masculins comme féminins des traits de caractère qui leur sont propres.

4/ Simon le führer : un anime vouant un culte à l’homme fort et profondément anti-démocratique

Jusque-là, je pense que nous sommes d’accord pour dire que Gurren Lagann prône des valeurs qui peuvent s’incorporer avec les principes de la thermodynamique basées sur la recherche d’extropie qui se produit via l’augmentation de l’ordre au sein d’une structure dissipative, qu’est l’humanité, elle-même une partie du peuple-spiral, l’extropie étant incarnée dans l’énergie de la spiral. Si cela passe par des valeurs écomodernistes, virilistes et techno-progressistes, la clef de voûte de ces valeurs est le culte du chef omniprésent.

L’anime, par ses valeurs viriles décrites plus haut, met en avant des personnalités fortes qui guident l’humanité vers des projets qui la dépassent. Kamina est un homme-providentiel qui sera érigé en héros à travers une statue géante dans la ville de la saison 2. Ce trope des grands hommes est très courant dans les mangas, et plus généralement dans l’ensemble des œuvres de fiction qui préfèrent concentrer leur narration sur quelques personnages pour des raisons évidentes d’attache émotionnelle et de capacité à intéresser les spectateurs.

En effet, Kamina est au tout début l’homme qui impulse la révolte d’un petit nombre pour finir par sortir à la surface. C’est lui qui incite d’autres groupes d’humains à voler des gunmen, et à le rejoindre sous ses ordres.

Simon, à sa manière, est celui dont les actions vont influer sur les autres. Un moment où ils sont emprisonnés par des hommes-bêtes, les membres de la troupe vont tenter de creuser un trou, chacun dans son coin, pour finalement tous abandonner. Et finalement, c’est autour de Simon qui n’abandonne pas qu’ils vont se fédérer pour continuer et s’échapper. Cette notion que les bonnes idées commencent toujours sous l’impulsion d’un seul se retrouve les idées de Curtis Yarvin, qui justifie par cet argument l’autorité monarchique. Jusque-là, il est possible de n’y voir qu’une simple mise en valeur de ses personnages principaux, mais je pense et affirme que Gurren Lagann est un anime profondément antidémocratique, et qui l’expose bien durant la première partie de la saison 2.

Pour qu’il y ait la conquête de l’espace, il faut une hiérarchie ordonnée commandée par des gens légitimes, à savoir les personnages principaux qui sont ceux qui ont vaincu la tyrannie du roi Spiral.

On peut voir d’ailleurs trois conceptions du chef, sur lesquelles je vais m’attarder avant de décrire et expliquer le système politique dans l’anime.

Ces trois conceptions sont incarnées par les personnages de Kamina, Simon et le roi Spiral. Je vais reprendre les trois formes de légitimité décrites par Max Weber, à savoir l’autorité charismatique, traditionnelle et bureaucratique.

Kamina est celui qui par sa volonté de liberté et de conquête va impulser dans l’épisode 1 une révolution des mentalités pour aller en haut, sortir de terre, plutôt qu’en bas, creuser toujours plus profond. Par sa vision du monde forte, Kamina représente l’autorité charismatique qui fait qu’on a envie de le suivre.

Simon, qui n’a rien d’un chef au départ, va peu à peu gagner en confiance, reprendre le projet de Kamina, et finalement s’imposer en tant que chef légitime des humains. En étant le successeur de Kamina, et qui sera naturellement le chef de la ville dans la saison 2, il représente l’autorité traditionnelle, garant du maintien d’un ancien projet à faire perdurer.

Enfin, le roi Spiral peut s’apparenter à l’autorité bureaucratique. Dans sa fonction de maintenir le nombre d’humains sous le seuil de un million, il a été placé par les anti-spiral. Mais son rôle à l’inverse du développement de la vie fait qu’il n’est pas légitime, d’où la montée inévitable de la révolte. Il est en réalité l’incarnation de la tyrannie, qui empêche le développement humain. Sa défaite à la fin de la saison 1 est une révolution permettant de débloquer les forces productives, menant à la société technologique, et toujours hiérarchisée, de la saison 2.

Là où une œuvre de gauche dirait que le renversement du roi Spiral aurait pour but la fin de la domination, avec une société égalitaire où tout le monde serait heureux, Gurren Lagann montre une autre forme de société.

En faisant un tout petit peu attention au système politique de la ville des humains dans la saison 2, on remarque qu’il n’a rien de démocratique. Les dirigeants sont les personnages principaux, avec Simon en tant que commandant en chef, et cela semble être le cas depuis les sept ans de la défaite du roi Spiral. Il ne semble pas y avoir d’élection. Enfin, il y a un parlement… détruit dans l’épisode de son apparition. Mais l’anime va plus loin, en montrant dans l’épisode 19 le peuple, une masse difforme d’individus en colère, émotionnelle, qui à la moindre crise va chercher un bouc émissaire. Dans cet épisode, une nouvelle menace apparaît suite à la naissance du 1.000.000e humain, et un attroupement se forme autour du palais du gouvernement. Ils renversent la statue de Kamina, sous la remarque de Rosiu qualifiant le peuple d’ingrat qui oublie au moindre coup de vent son sauveur. C’est pourquoi Rosiu décidera de mettre Simon en prison et de reprendre son poste de commandant en chef afin d’apaiser les ardeurs populaires.

Je pense avoir montré que Gurren Lagann est antidémocratique, par le simple fait qu’il n’aborde jamais la question de la répartition du pouvoir, celui-ci est toujours contenu dans des hommes forts, la question est plutôt portée sur la nature de celui-ci. Et on voit qu’il n’y a que deux pouvoirs possibles, celui qui restreint la vie, et celui qui la démultiplie, la spiral contre l’anti-spiral.

Conclusion

Gurren Lagann nous parle de l’évolution de la vie en général. Partir d’hommes vivants dans les cavernes et finir sur une bataille spatiale a pour but de simuler l’histoire de l’humanité. Avec le pouvoir de la spiral, on peut très rapidement faire le rapprochement avec les principes de la thermodynamique. On peut concevoir l’idée de progrès comme l’accroissement ordonné de la spiral. Cela se manifeste par la montée en puissance des humains, avec des robots toujours plus géants, et cela implique un virilisme des personnages, qui en devenant chefs de l’humanité implique une hiérarchie antidémocratique. Et la perduration de ce système passe par une natalité exponentielle.

Gurren Lagann est donc un anime de droite par ses valeurs transmises, ce qui n’est pas exceptionnel dans l’univers manga qui transmet des valeurs de virilité et de dépassement de soi, mais ce qui le singularise est sa conception politique de l’Homme comme un animal évolutif, et dont ses extravagances quasi-enfantines expriment la nécessité d’un ordre en faveur de la vie, soit la création et la procréation.

Et donc je ne sais pas si tout cet article est une surinterprétation, après tout les créateurs de la série voulaient surtout produire une série avec un ton inverse à celui d’Evangelion, qui est une métaphore de la dépression, mais si cela aboutit instinctivement à une vision prométhéenne de droite, alors cela peut clairement montrer à quoi doit ressembler une production culturelle de droite ringardisant la gauche.

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