Être en surpoids est un problème et vous devez l’éviter – Part. 2, Manger et dormir au bon moment

Certains de nos organes disposent d’une horloge propre qui se synchronise avec l’horloge centrale de l’organisme. Le dérèglement de ces horloges locales augmente le risque de diabète, de dépression et d’obésité. Le moment des repas se révèle aussi important pour contrôler la prise de poids que la nature des aliments consommés sur lesquels nous nous sommes penchés dans le premier article. Bien manger, c’est aussi manger au bon moment.

Pour étudier ce nouveau phénomène, nous nous appuierons sur un article de Keith Summa et Fred Turek publié dans le hors série de Pour la Science dédié au paradoxes du temps sous la houlette d’Étienne Klein.

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Le mécanisme de votre horloge centrale interne vous est sûrement familier. Toute personne ayant voyagé au travers de quelques fuseaux horaires connait la sensation de jet lag. Votre horloge interne vous fait ressentir que vous n’êtes pas en phase avec avec le fuseau horaire où vous vous trouvez. Cependant, l’horloge centrale n’est pas le seul élément de notre horloge interne. Le fonctionnement de l’organisme dépend de plusieurs autres horloges localisées dans le foie, le pancréas et d’autres organes ainsi que dans le tissu adipeux – les cellules qui stockent des graisses. Si l’une ou l’autre de ces horloges périphériques se désynchronise de l’horloge centrale, le désordre qui en résulte favorise le développement de l’obésité, du diabète, de la dépression ou d’autres troubles complexes. Ce sont les effets de jet lags localisés.

F. Turek et son équipe, en 1997, ont découvert le premier gène impliqué chez les mammifères. Depuis des chercheurs du monde entier ont identifié des dizaines de gènes jouant un rôle dans la synchronisation de l’organisme, auxquels ils ont donné des noms évocateurs tels que Clock (pour “horloge”), Per (pour “période”) ou Tim (pour timeless, soit “intemporel”).

Un large panel d’organismes vivants, allant de bactéries à l’homme en passant par les mouches du vinaigre présentent des gènes d’horloge. Et de nombreux gènes semblent similaires parmi les différentes espèces, signe qu’ils ont servis leur survie. On comprend mieux aujourd’hui l’ensemble des processus par lesquels l’organisme transforme les aliments en énergie et en réserves énergétiques afin de les utiliser plus tard. Si la nature des aliments consommés est importante, le moment des repas s’est révélé lui aussi capital pour contrôler la prise de poids. Les rythmes biologiques n’expliquent bien sûr pas tous les aspects des maladies métaboliques, mais les suivre vous permettra d’améliorer votre quotidien. 

Même les cyanobactéries

Tout organisme sur Terre est gouverné par des rythmes circadiens, correspondant à la journée de vingt-quatre heures. Même les formes de vie les plus primitives comme les cyanobactéries, des algues unicellulaires bleu-vert aujourd’hui largement répandues. Ces organismes tirent leur énergie du Soleil, par photosynthèse en utilisant la lumière pour produire des molécules organiques et de l’oxygène à partir de dioxyde de carbone et d’eau. 

Chaque cyanobactérie possède une horloge interne qui dirige la mise en route de la machinerie photosynthétique avant le lever du soleil. Les cyanobactéries vont ainsi récolter de l’énergie dès que la lumière parait, ce qui leur confère un avantage par rapport aux organismes cellulaires réagissant simplement à la lumière. Aussi, l’horloge des cyanobactéries déclenche l’arrêt de la photosynthèse lorsque le soleil se couche. Les ressources énergétiques sont alors redirigées vers la réplication et la réparation de l’ADN, plus adaptées à la nuit (de jour, ces processus ont plus de risque d’être perturbés à cause du pouvoir ionisant des rayons solaires) quand dans le même temps d’autres fonctions se mettent en sommeil.

Ce qu’il est intéressant d’observer, c’est que, chez les cyanobactéries, la période de l’horloge interne est inscrite dans les gènes d’horloge. En modifiant certains de ces gènes, des scientifiques sont parvenus à changer la durée d’horloge, passant de 24 à 20, 22 ou même 30 heures. Et, en 1998, Carl Johnson et ses collègues de l’université Vanderbilt, aux Etats-Unis, ont mis en évidence l’importance de l’adéquation entre ces cycles et celui de la lumière environnante.  En regroupant les cellules en fonction de la durée de leur cycle, ils ont observé que les cyanobactéries dont la durée d’horloge correspondait au cycle de la lumière étaient plus performantes que les autres. Par exemple, au cours d’un cycle jour-nuit de 24 heures, les cyanobactéries normales se développaient plus vite et se divisaient avec plus de succès que des mutants ayant une durée d’horloge de 22 heures. Cependant, lorsque l’équipe de Carl Johnson fixait artificiellement le cycle jour-nuit à 22 heures, ces mêmes mutants survivaient mieux que les bactéries normales. Ces expériences ont montré, pour la première fois, qu’une bonne coordination des rythmes métaboliques internes et des cycles de l’environnement augmente les chances de survie.

Des horloges dans les cellules

Bien que l’horloge interne humaine dépende de gènes différents de ceux des cyanobactéries, notre machinerie circadienne présente de nombreuses similitudes avec celle de ces microorganismes. Cela suggère que les deux processus sont apparus séparément au fil de l’évolution et ont répondu aux mêmes besoins et fonctions biologiques. Les chercheurs ont d’abord supposé qu’une seule horloge agissait comme un métronome et régulait une multitude de processus biologiques dans l’ensemble de l’organisme. Dans les années 1970, ils localisaient cette horloge hypothétique dans les noyaux suprachiasmatiques du cerveau, juste au-dessus du chiasma optique, la région où les deux nerfs optiques se croisent. Toutefois, il y a environ quinze ans, on a commencé à trouver des signes de l’existence de mécanismes secondaires dans d’autres organes ou tissus, et même dans des cellules individuelles. Des biologistes ont ensuite montré que les gènes d’horloge actifs dans le cerveau étaient aussi périodiquement activés et désactivés dans les cellules du foie, des reins, du pancréas, du cœur et d’autres tissus. Ces horloges cellulaires, nous le savons désormais, régulent l’activité de 3 à 10% – voire 50%dans certains cas – des gènes dans divers tissus. A la même époque, plusieurs scientifiques se sont demandé si les rythmes circadiens jouaient un rôle dans le vieillissement. Fred Turek a demandé à Amy Easton, alors doctorante à l’université Northwestern, près de Chicago, de réaliser quelques expériences sur des souris porteuses de mutations sur le gène Clock, impliqué dans la régulation des rythmes circadiens. En observant le comportement quotidien de souris âgées, elle s’aperçut que celles-ci avaient tendance à être grasses et à avoir des difficultés à grimper dans la roue d’exercice de leur cage. Cela a conduit à s’intéresser aux relations entre métabolisme et rythmes circadiens. En 2005, dans une série de tests, Fred Turek a ainsi mis en évidence un lien entre des altérations du gène Clock, d’une part, et le développement de l’obésité et du syndrome métabolique d’autre part. Le syndrome métabolique est un ensemble d’anomalies physiologiques qui entrainent une augmentation du risque de maladie cardiovasculaire et de diabète. Pour poser un diagnostic de syndrome métabolique chez une personne, cette dernière doit souffrir d’au moins trois des troubles suivants : un excès de graisse dans la région abdominale et non au niveau des hanches, une concentration élevée de triglycérides dans le sang, une faible concentration de HDL (lipoprotéines de haute densité, les complexes qui transportent le cholestérol dans le sang, surnommés le “bon cholestérol»), une pression artérielle élevée et de fortes concentrations de glucose dans le sang (indiquant une difficulté à transformer le sucre). Ces travaux ont suscité un fort intérêt pour les effets des rythmes circadiens sur le métabolisme, en particulier chez les ouvriers travaillant en équipes, avec des horaires variables, et dont l’horloge interne est en permanence désynchronisée par rapport au jour solaire. Des études antérieures avaient montré qu’ils ont un risque accru de développer, entre autres, des maladies métaboliques, cardiovasculaires et gastro-intestinales. Toutefois, ces travailleurs présentent souvent d’autres comportements pathogènes, comme un manque de sommeil, une mauvaise alimentation et un manque d’exercice, et les médecins avaient du mal à distinguer les causes des effets. En apportant une preuve génétique du lien entre horloge interne et santé métabolique les souris à gène Clock muté ont propulsé l’étude des rythmes circadiens, alors surtout épidémiologique, à l’échelle moléculaire.

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La pendule du gras

Des gènes d’horloge fonctionnent dans le tissu adipeux, d’où ils modulent de nombreux processus métaboliques. Outre sa fonction de stockage d’énergie sous forme de graisse, ce tissu sécrète dans le sang diverses molécules – une hormone, la leptine et un type d’acides gras (des acides gras insaturés à longue chaine – qui informent le système nerveux central sur la quantité d’énergie stockée). En arrivant dans le système nerveux central, la leptine déclenche une augmentation des dépenses énergétiques et une sensation de satiété. Les acides gras, quant à eux, entrainent une réponse neuronale qui inhibe la prise de nourriture.

En 2012, Georgios Paschos et Garret FitzGerald, alors tous deux à l’université de Pennsylvanie et leurs collègues ont montré que l’horloge du tissu adipeux contrôle la libération des acides gras insaturés dans le sang au cours du temps (mais pas celle de la leptine). 

Les biologistes ont créé par génie génétique des souris dont les cellules du tissu adipeux – les adipocytes – étaient dépourvues d’horloge. Les acides gras insaturés ont circulé dans le sang au «mauvais» moment de la journée, perturbant la capacité du cerveau de réguler l’heure des repas et la quantité de nourriture avalée. Les souris ont décalé leurs prises de nourriture vers le jour et sont devenues obèses. Ce changement de comportement alimentaire semble spécifique des animaux dont le tissu adipeux est dépourvu d’horloge, car il ne se produit pas chez des souris dont les horloges pancréatique ou hépatique ont été supprimées. Ces observations confirment des études antérieures ayant montré que le moment de la prise de nourriture a un effet sur l’efficacité du stockage de l’énergie dans l’organisme et de son utilisation. De fait, en 2009, Deanna Arble, alors étudiante de troisième cycle dans l’équipe de Fred Turek, a rapporté que des souris n’ayant accès à un régime riche en graisses qu’au « mauvais » moment de la journée (pendant le jour) prenaient plus de poids que celles soumises au même régime alimentaire, mais seulement pendant la nuit. Ces différences de poids persistaient malgré un apport calorique et une activité physique similaires dans chaque groupe. Plus récemment, Satchidananda Panda et son équipe à l’institut Salk d’études biologiques à La Jolla, en Californie, ont précisé ces résultats en délimitant le « bon » moment pour que les souris mangent des aliments riches en graisse. Les biologistes ont montré qu’en n’autorisant les repas riches en graisses que sur une fenêtre de huit heures durant la période normale d’alimentation (la nuit), ils protégeaient les souris contre l’obésité et les troubles métaboliques, sans pour autant réduire leur apport calorique. Les souris présentaient des profils de santé métabolique similaires à ceux de souris qui ne consommaient que des aliments pauvres en graisses. Le bénéfice semble résulter d’une meilleure coordination des cycles métaboliques du foie et d’autres tissus. 

Ces expériences aideront peut-être à mieux comprendre le syndrome d’alimentation nocturne – un trouble caractérisé par une consommation de calories en surabondance pendant la nuit, conduisant à l’obésité, à un syndrome métabolique ou à une combinaison des deux pathologies. Cette maladie pourrait être due en partie à un défaut de régulation du rythme circadien de la faim. L’asynchronisme prédisposerait les patients à la prise de poids et à une mauvaise régulation de leurs processus métaboliques. Récemment, une étude de Marta Garaulet, de l’université de Murcie, en Espagne, et Frank Scheer, de l’université Harvard, menée chez des personnes suivant un régime, a indiqué un lien entre le moment du déjeuner et la perte de poids. Les sujets qui prenaient le déjeuner tôt perdaient davantage de poids durant le régime que ceux qui mangeaient tard. Des recherches cliniques complémentaires sont nécessaires pour déterminer si les heures des repas influent sur le développement de l’obésité, du diabète et des maladies associées, mais ces résultats suggèrent que des stratégies alimentaires circadiennes serviront peut-être un jour de compléments non pharmacologiques, entièrement nouveaux, à des régimes thérapeutiques standard.

Remettre les pendules à l’heure

D’autres travaux menés chez l’homme suggèrent que l’étude détaillée des rythmes circadiens des personnes aidera à mieux comprendre leurs troubles métaboliques et à leur donner des traitements plus appropriés. Par exemple, en étudiant les rythmes de sommeil de milliers de personnes dans le monde, Till Roenneberg et ses collègues de l’université Ludwig-Maximilian de Munich ont décrit une forme courante de perturbation circadienne chronique, qu’ils ont nommée « décalage horaire social ». Entre la semaine de travail (ou d’école) et le week-end, les cycles de sommeil varient parfois de plusieurs heures et, ainsi, chaque semaine, la perturbation de l’horloge interne équivaut à un décalage horaire, parfois de plusieurs heures. Une personne qui se lève à 6 heures en semaine et dort jusqu’à 9 ou 10 heures le week-end soumet son horloge interne à l’équivalent d’une traversée de trois ou quatre fuseaux horaires. Les chercheurs ont mis en évidence un lien entre l’ampleur du décalage horaire social et l’indice de masse corporelle, une grandeur calculée en fonction de la taille et de la masse et utilisée pour estimer la corpulence. Ce lien suggère que la perturbation des rythmes circadiens contribue à la prise de poids.

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Credits:
Photo de DESIGNECOLOGIST sur Unsplash

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