Le 1er novembre 1996 le journaliste Jean Pierre Jaillette, surfant sur la vague de la crise de la vache folle, publie à la une de Libération “Alerte au soja fou”. La polémique des OGM est officiellement lancée. En coulisse les écologistes millénaristes de Greenpeace jurent de tuer dans l’œuf cette technologie dangereuse pour leur narrative. Leur agent José Bové, initialement motivé par la lutte antinucléaire, est réorienté vers cette proie plus accessible. Après le nucléaire, la seconde croisade noire écologiste est lancée.
En 1998 la culture du maïs MON810, résistant à la pyrale, est autorisée. Dès le printemps suivant les faucheurs d’OGM passent à l’action. José Bové et sa clique saccagent les serres du CIRAD à Montpellier. La passivité de l’État français face aux écoterroristes est totale, et la justice, laxiste, comme à ses habitudes. S’ensuivront deux décennies de destruction en France et même en Europe. Agriculteurs, instituts de recherche publiques et semenciers, les faucheurs d’OGM frappent indistinctement tous les acteurs de la filières.
Toujours prompt à désigner un bouc émissaire pour relaxer l’opinion publique qui stresse sur des sujets plus sérieux, l’État français va prendre le dossier à bras le corps. De clauses de sauvegarde en arrêtés d’interdiction, les gouvernements successifs, d’ordinaire fatalistes, feront preuve d’une inventivité et d’une abnégation fascinante pour satisfaire les revendications des écologistes et de l’opinion manipulée. Le tout en étant signataire de l’autorisation européenne de culture des OGM.
Le sort des OGM fut définitivement scellé en 2007 lors du Grenelle de l’environnement. Sarkozy sacrifia les OGM contre un peu de répit sur le dossier du nucléaire. Vous connaissez la suite, les écologistes ont profité de la lutte contre le changement climatique pour s’attaquer de plus bel au nucléaire.
Et si toutes ces polémiques, ces destructions et cette psychose alimentaire savamment entretenues par des multinationales sur le déclin ne reposaient sur rien ? Si on analyse précisément le concept d’OGM à la lumière des connaissances modernes en génétique, il n’a strictement aucun sens.
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Les premiers pas de la technologie
Les premiers OGM furent des bactéries modifiées en 1972, des E.coli recevant de l’ADN de virus. Ce premier essai avait pour objectif de démontrer que de l’ADN étranger pouvait s’intégrer dans un génome tiers. Il était cependant incapable de s’exprimer et de modifier le phénotype.
En 1977 est découvert un outil qui restera indispensable aux chercheurs, jusqu’à la récente maîtrise du système CrispCas9. En étudiant la bactérie Agrobacterium tumefaciens, parasite des racines de plantes, des chercheurs découvrirent une structure d’ADN circulaire, un plasmide, doté de capacités étonnantes. Il est capable de transférer ses gènes dans une plante pour l’obliger à fournir gîte et couvert à la bactérie.
Il ne faudra pas moins de six ans de travail avant que l’équipe du professeur Marc Van Montaigu ne parvienne à transférer un gène actif (résistance à la kanamycine, un antibiotique très toxique) dans un plant de tabac. Cette première difficulté franchie le progrès s’accélère, dès 1985 une première plante résistante aux insectes est obtenue. La première plante OGM, le soja résistant au glyphosate de Monsanto, est mise sur le marché en 1994 au USA.
L’illusion de l’artificialité
Remettons les choses en ordre. D’un côté les plantes OGM sont toujours obtenues via l’utilisation d’outils de modification du génome inventés par la Nature. De l’autre la principale motivation de la discrimination des OGM est la présence d’ADN étranger. Vous voyez le problème maintenant?
Le concept d’OGM est fallacieux. Les transferts horizontaux de gènes, qu’ils soient artificiels ou naturels, doivent être acceptés comme faisant parti intégrante de la diversité du vivant. Les discriminations commerciales trompent le consommateur en insinuant l’existence d’un risque ou d’une différence de qualité. Les procédures d’homologations coûteuses sont inutiles, aucune n’a abouti à l’interdiction d’un OGM.
Quand des constructions artificielles comme l’improbable triticale (hybride de blé et de seigle) ou le blé Renan (blé contenant des gènes de résistance à des maladies provenant de graminées sauvages), sont autorisées en agriculture biologique, pourquoi le MON810 devrait être interdit ?
Les croisements naturels tuent, pas les OGM
Vous l’ignorez sans doute, mais des croisements naturels peuvent très bien donner naissance à des plantes toxiques. En mélangeant des dizaines de milliers de gènes il n’est pas impossible de provoquer des recombinaisons indésirables. Le risque le plus fréquent est de “réveiller” un gène éteint lors de la domestication. Ce gène va ensuite provoquer ou augmenter drastiquement la production de molécules de défense des plantes, toxiques pour les humains et les animaux.
Un bobo allemand est mort en 2015 après avoir consommé des courgettes dont il avait lui même produit la semence. Les courgettes peuvent produire une toxine, la cucurbitacine, très dangereuse mais facile à détecter à cause de son gout très amer. L’origine exacte du réveil du gène de la cucurbitacine est inconnue. Plusieurs hypothèses furent avancées. La première est une mutation spontanée ayant réveillé le gène. La seconde est un croisement avec une plante cousine (coloquinte) n’ayant pas perdu sa toxicité naturelle. En tous état de cause, faite confiance à votre palais, l’amertume est une indication bien plus fiable que le dogme de la barrière des espèces chères aux illuminés de Kokopéli.
Un cas légendaire dans le milieu des sélectionneurs est la pomme de terre Lenape,obtenue dans les années 60 via des méthodes de croisements traditionnels. Dotée d’excellentes qualités agronomiques et se prêtant particulièrement bien à la production de chips, la variété Lenape fut cependant abandonnée en catastrophe. Plusieurs sélectionneurs sont tombés malades après l’avoir consommée, les rumeurs évoquent même un mort.
Des analyses ont révélé des taux de solanines beaucoup trop élevés. Cette molécule toxique est naturellement produite par les pommes de terre pour sa protection. Si les variétés cultivées ont encore des taux résiduels de solanine, le hasard des croisements à l’origine de la Lenape lui ont rendu la dangerosité de ses ancêtres.
Les transferts horizontaux de gènes: aussi banals qu’indispensables
Les gardiens du temple de la Pureté Génétique, communiant pour la Sainte Barrière des Espèces en ingurgitant leur hostie de quinoa bio-équitable, n’ont pas la moindre idée de la sorcellerie génétique que la Nature se plait à pratiquer. L’effondrement du coût du séquençage génétique a complètement bouleversé la vision classique de génomes fermés, évoluant strictement à la verticale.
Revenons au cas d’Agrobacterium. Lors de la découverte du plasmide, les scientifiques pensaient que les transformations génétiques n’affectaient pas les descendants des plantes. En 2015 une équipe de l’Université de Washington a analysé en détail le génome de la patate douce. Non seulement elle est depuis des millénaires modifiée par la bactérie, mais de plus les lignées cultivées le sont systématiquement. Une des principales plantes cultivées est un OGM naturel.
Nous sommes tous des OGM
Inutile de faire un inventaire à la Prévert des transferts de gènes inter-espèces, passons directement au cas le plus intéressant. L’espèce humaine a reçu sa part de transgènes, et on peut dire que la Nature nous a gâtée. José Bové est porteur de 145 transgènes actifs provenant de bactéries, auxquels il faut ajouter des transgènes viraux 8 fois plus nombreux.
L’impact de ces gènes étrangers sur notre espèce est capital. Notre cerveau utilise un gène de virus pour transférer des ARNm entre les synapses. Le dysfonctionnement de ce gène est impliqué dans l’autisme et la schizophrénie.
Le gène P53 “gardien du génome” est d’autant plus efficace que le génome en contient de nombreuses copies. Les transposons viraux, qui l’ont intégré, le multiplie dans le génome, renforçant notre résistance au cancer.
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Zero HP Lovecraft
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Les virus au cœur des processus de spéciation
Les virus n’apportent pas seulement quelques fonctions ponctuelles, ils interviennent en profondeur dans le fonctionnement du génome et la spéciation. Pour comprendre l’importance des virus dans la machinerie génétique je vous conseil de suivre le cours d’Alain Prochiantz sur les processus morphogénétiques.
Pour ceux qui ne sentent pas de taille (ou qui n’ont pas le temps) on peut résumer l’idée générale simplement. Chez les animaux les différences génétiques entre espèces cousines sont faibles, c’est particulièrement criant dans le cas des mammifères. Pour créer aussi bien des organes que des espèces animales très différentes la Nature utilise un système proche des LEGO.
Elle utilise des briques communes (les gènes codants des protéines), mises en œuvre selon des plans variables. Un gène est activé et régulé dans un organe donné, à un stade de développement donné, via sa mise en contact avec un de ses sites amplificateurs par une de ses protéines régulatrices.
Ce système facilite la spéciation en permettant de modifier un organe en jouant uniquement sur les plans. Pour supprimer la fourrure il suffit d’éteindre l’expression du gène des poils dans la peau. L’absence de modification des gènes évite de perturber le reste de l’organisme et fait l’économie de nombreuses mutations convergentes. Ce système est un contributeur critique de l’explosion cambrienne. Il fut l’outil des animaux pour créer de nouvelles formes avec peu de mutations et des risques faibles de non viabilité.
Les séquences terminales longues répétées introduites dans le génome par des virus forment justement les sites amplificateurs de l’expression génétique. Sans virus c’est toute l’architecture génétique des animaux qui disparaîtrait.
Les séquences génétiques virales seraient même à l’origine des réarrangements chromosomiques qui ont séparé les humains des autres singes.
L’opposition aux OGM trahit l’agenda millénariste des écologistes
Pour ma part, je n’ai pas de craintes. En revanche, j’ai un certain nombre de convictions. Nous n’avons pas peur des OGM. Nous sommes seulement convaincus qu’il s’agit d’une mauvaise solution. Les OGM sont peut-être une merveilleuse solution pour un certain type de société. Mais justement, c’est de ce projet de société que nous ne voulons pas.
Bruno Rebelle, Greenpeace France, Débats au CES2 des 4 et 5 février 2002.
Les talibans de la génétique
Le mouvement antiOGM, ayant éradiqué les cultures d’OGM en Europe, a embrayé sur une nouvelle cible. Grâce à leur pouvoir de nuisance et de lobbying ils ont obtenu une directive européenne hallucinante qui classe comme OGM les plantes issues de la mutagenèse moderne, comme transgénique, tout en maintenant le statut des anciennes variétés.
Du point de vue des “experts” de l’Union Européenne (plus précisément la Cours de Justice) les variétés (et leurs descendants) obtenues dans les champs atomiques ou par l’utilisation de puissants mutagènes aux effets imprévisibles sont jugés inoffensifs, mais les mutants modernes obtenus par des moyens précis comme CrispCas9 seraient dangereux pour l’environnement et les consommateurs.
Les écologistes millénaristes ont totalement bloqué l’innovation végétale en Europe. Les obtenteurs ne prendront pas le risque d’investir des centaines de millions d’euros pour obtenir des autorisations de mise sur le marché sans aucune valeur. Les États membres peuvent refuser ces plantes sans qu’ils aient besoin d’apporter des motifs sérieux. Les effets se font déjà ressentir, l’agriculture européenne est en déclin.
Les écologistes piétinent une fois de plus la science
Après 23 ans de polémiques prétendument crédibilisées par l’activité de chercheurs médiocres, s’adonnant au lobbyismeet au militantisme gauchiste avec l’argent des multinationales de la Grande Distribution, l’opinion est solidement ancrée dans une opposition frontale aux OGM. Pourtant le dossier scientifique des opposants est inexistant, quand il n’est pas falsifié. Et comme l’avoue l’écologiste Bruno Rebelle, ils le savent depuis le début.
En 2018 une méta-analyse de plus de 6000 publications a conclu que le maïs OGM est plus productif (5 à 24%) et bon pour la santé du fait d’une moindre contamination (-30%) par les mycotoxines. Quand des résultats scientifiques solides démontrent l’intérêt et l’innocuité des OGM – et ce depuis plus de dix ans – le silence des médias est invariablement assourdissant.
Les écologistes, qui prétendent à qui veut l’entendre qu’ils s’appuient sur des consensus scientifiques (notre ami Aurélien Barrau ne cesse de le répéter), usent pourtant de raisonnements fallacieux, de mensonges éhontés et de délires conspirationnistes, et nient ce même consensus dès qu’il n’est plus compatible avec leur agenda anticapitaliste et millénariste. La croisade noire contre les OGM s’inscrit parfaitement dans la démarche des millénaristes contre les solutions (qu’ils ne veulent pas voir) aux problèmes (que nous ne nions pas) auxquelles notre civilisation fait face.
Merci pour cet article passionnant. Me permettez-vous de m’en servir pour mon blog sur l’agriculture? http://culturagriculture.blogspot.com/
Oui pas de soucis !
Il me semble que l’enjeu des OGM se situe plutôt d’un côté sur la propriété des semences et leur traçabilité, de l’autre sur leur variété et sur la généralisation du clone. C’est bien de se faire José Bové, mais le schmilblick n’a pas avancé d’un pouce.
Non, l’enjeu c’est d’arrêter la discrimination. La propriété intellectuelle n’est pas le sujet quand les écologistes vont ravager des centres de recherches publiques.
Parce que des écologistes et gauchistes bornés attaquent les OGM, il nous faudrait suspendre tout esprit critique sur ces organismes, leurs fabricants et le modèle économique et le cadre réglementaire que ces derniers cherchent à imposer. C’est un peu le réflexe du gauchiste qui embrasse toute forme d’immigration sans aucune limite parce que le père Le Pen était contre.
A l’échelle du paysan, mais surtout à l’échelle nationale et continentale, les OGM sont un enjeu capital. Raison de plus pour déplorer les techniques de terreur des Bové & Co.
Quant à la discrimination, mon Père, je soutiens au contraire qu’il est grand temps de la rétablir.
Je ne vous connaissais Techno-Prêtre pas et je suis arrivée à vos articles par un lien.
Après avoir lu cet excellent article, j’ai passé un long moment à lire une partie de vos articles passés, et vous voulez que je vous dise : c’est une bouffée d’air frais dans la bêtise ambiante…
Je lis essentiellement des publications historiques, archéologiques ou scientifiques spécialisées, mais bien sûr comme tout le monde, je regarde le matin la presse généraliste.
Faire sa revue de presse généraliste (et grassement subventionnée on le rappelle) ne prend pas beaucoup de temps, car dans la presse généraliste, les articles sont courts et complètement indigents.
Parfois, vous vous arrêtez sur un titre en vous disant “tiens peut-être quelque chose d’intéressant” et bien que dalle, vous tombez sur une courte et pauvre copie qui aurait valu 5/20 en rédaction en classe de 3ème, ok il y a très longtemps, lorsque j’étais ado dans les années 70.
J’ai même coutume de dire “on lit le titre, on a tout lu, il n’y aura rien de plus dans l’article”. Fantastique de penser qu’il y a des journalistes qui reçoivent un salaire pour quelques dizaines de lignes de vide, ici et là. Remarquez qu’après cela laisse du temps pour s’occuper d’autre chose, genre “ligue du LOL”.
Quand aux décodeurs de certains journaux qui se targuent de “décoder la vérité”, à quelques exceptions près, quelle honte ! Quel méli mélo d’à peu près, d’explications tirées par les cheveux et surtout de propagande.
Bref, il faut aller sur des blogs ou sur la presse “alternative” pour trouver de la vraie substance à lire. Et curieusement, plein de gens, qui eux ne sont pas payés pour écrire, y écrivent des articles riches et passionnants.
Bravo pour vos articles, vous maîtrisez vos sujets, j’ai même appris diverses choses ici et là et élargi mes pistes de réflexion.