Le Traité Néoréactionnaire est composé de deux parties principales traitant respectivement de l’aspect religieux avec l’accélérationnisme en tant que nouvelle vision du monde (La cité de Gnon) avant d’envisager les corollaires à dégager pour le monde matériel (La cité d’Elon). Cet article est une introduction aux thèmes abordés dans la seconde partie. Il pourrait aussi être considéré comme le manifeste techno-tragique.
Les techno-optimistes, portés par Marc Andreessen, nous disent que nous sommes aux portes d’une singularité technologique qui va bouleverser le monde. Tout semble suivre les principes de la loi de Moore et notre puissance de calcul continue d’augmenter de façon exponentielle. Nous sommes dans les temps pour l’atteindre avant 2035 comme Ray Kurzweil l’avait initialement prédit.
Pourtant, les techno-pessimistes, Yarvin en tête, leur répondent que le développement technologique est indéniable, mais peut-être ne sera-t-il pas suffisant à enrayer les effets d’une anti-singularité qui détériore l’ordre social et en premier lieu le capital-humain, et qui pourrait prévenir l’avènement de la singularité.
Appelons « Antisingularité faible » – l’hypothèse selon laquelle le progrès technique et le progrès social sont non corrélés, et peuvent même aller dans des directions opposées.
Curtis Yarvin, L’Antisingularité
L’hypothèse de l’Antisingularité faible ne signifie pas que la Singularité n’aura pas lieu. Ce qu’elle signifie, c’est que le progrès technique a surmonté les tendances déclinantes de la société occidentale.
[…]
Malheureusement, il y a aussi une hypothèse « Antisingularité forte ». Cette hypothèse suggère que la coïncidence du progrès technique et de la décadence sociale n’est pas, en fait, une coïncidence. C’est en réalité un cas de cause à effet.
Traité
Néoréactionnaire
Le premier livre de NIMH
Traité
Néoréactionnaire
Le premier livre de NIMH
J’ai de la sympathie pour Marc Andreessen, comme pour Curtis Yarvin, mais je ne suis pas entièrement d’accord ni avec l’un, ni avec l’autre. Est-ce que l’anti-singularité est réelle ? Comment pourrait-on le vérifier ? Si la singularité est l’explosion de l’intelligence ayant un impact positif sur le monde, l’anti-singularité serait rigoureusement l’inverse, ou du moins, cela revient à dire que l’explosion d’intelligence artificielle n’aura pas l’impact escompté sur le monde. Mais comment obtenir un proxy mesurant de façon efficace cet effet ?
Statistiquement, l’intelligence est corrélée chez les humains à des résultats positifs dans le monde physique comme la réussite scolaire et professionelle, la durée de vie ou encore la santé. Mais est-ce que l’intelligence mondiale peut seulement être mesurée efficacement via la moyenne du QI des humains qui la composent ? Pas nécessairement, mais encore, ce qui nous intéresse vraiment est les résultats produits pour une société donnée.
Si on accepte qu’une société est plus que la somme de ses parties, qu’elle est une entité propre (cf structures dissipatives de Prigogine) qui intègre aussi la technologie, alors elle doit disposer de son intelligence propre, mais comment la mesurer ? Si on accepte que l’intelligence, entendue dans sa forme la plus abstraite, est la capacité d’un système à capturer et traiter de l’information afin d’exercer une action efficace, c’est-à-dire offrant un résultat permettant une meilleure organisation, alors nous pouvons envisager que l’intelligence se confond avec les résultats de son action. Une société produisant une action plus efficace est plus intelligente qu’une société produisant une action moins efficace. En dernière instance, ce dont nous parlons en évoquant une action efficace guidée par l’intelligence est la capacité à réduire son entropie. L’entropie pouvant être vu d’un point de vue statistique avec une forte probabilité de tendre vers le désordre, un système guidé par le hasard tendra naturellement vers l’entropie maximale, le chaos. L’intelligence est au contraire la capacité à sélectionner les options qui vont permettre de tendre vers l’ordre, la réduction d’entropie ou, l’extropie.
L’intelligence, dans un sens plus abstrait, s’applique bien au-delà des tests de QI, à une vaste gamme de systèmes naturels, techniques et institutionnels, allant de la biologie à la robotique, en passant par les systèmes écologiques et économiques. Dans chaque cas, l’intelligence résout des problèmes en guidant le comportement de manière à produire une extropie locale, c’est-à-dire une organisation croissante. Elle se manifeste par l’évitement des conséquences probables, ce qui revient à produire de l’information.
Nick Land, Qu’est-ce que l’intelligence ?
La science générale de la production d’extropie (ou de la dissipation de l’entropie) est la cybernétique. Il s’ensuit que toute intelligence repose sur une infrastructure cybernétique, constituée de circuits de rétroaction adaptatifs qui ajustent le contrôle moteur en réponse aux signaux provenant de l’environnement. L’intelligence fonctionne à partir de mécanismes intrinsèquement « réalistes », car ils signalent les résultats réels des actions (et non les résultats attendus), permettant ainsi d’ajuster et d’améliorer la performance.
Quel proxy permettrait alors de mesurer la réduction d’entropie d’une société via l’effet de son action. L’action efficace est la capacité à capturer et traiter l’information de manière à faire les choix offrant un résultat souhaité avec le moins d’effort. Alors, un proxy efficace pour mesurer cet effet est l’intensité énergétique. L’intensité énergétique mesure la quantité d’énergie consommée par unité de produit intérieur brut (PIB), en kilowattheures par dollar. Cela signifie qu’elle exprime combien d’énergie est nécessaire pour générer un dollar de PIB. Une baisse de l’intensité énergétique indique qu’une économie devient plus efficace, utilisant moins d’énergie pour produire la même valeur économique. une société intelligente produira plus efficacement de la valeur pour la même quantité d’énergie. Dans le cas d’une singularité technologique ayant un impact profond sur le monde, nous devrions observer une accélération de la chute de l’intensité énergétique. De moins en moins d’énergie devrait être nécessaire pour générer un point de PIB. Dans le cas d’une anti-singularité, on devrait observer une augmentation de la quantité d’énergie nécessaire pour générer un point de PIB.
Qu’observe-t-on à l’échelle mondiale ? Une baisse de l’intensité énergétique avec un ralentissement de l’intensité énergétique depuis les années 2000.
Cependant, on veut la vraie valeur offrant un indicateur quant à la dynamique de l’extropie du monde. Dans le cas qui nous occupe, on veut mesurer la capacité à produire le plus possible avec le moins d’énergie possible. La meilleure valeur pour mesurer l’extropie du monde est donc le PIB/l’intensité énergétique, qui nous donnera une valeur en $²/kWh. Regardons l’évolution du monde selon ce principe.
On voit l’effet COVID de 2020, mais au-delà de cette anomalie, il semble que nous soyons effectivement en chemin vers la singularité et que son impact soit mesurable sur le fonctionnement du monde lui-même, c’est-à-dire, par-delà les simples progrès technologiques.
D’où vient alors la crainte de l’antisingularité ? Parce que cela a un coût et ne vient pas sans défis. Le premier est évidemment énergétique. Il semble qu’on s’approche d’un optimum en terme d’intensité énergétique, alors l’augmentation de l’extropie ne pourra se faire qu’avec une augmentation considérable de la quantité d’énergie – les IA en sont friandes. Voilà qui est suffisant pour inquiéter les décroissants qui disent purement et simplement que ce n’est pas soutenable, car nous vivons dans un monde fini, et qu’en plus la Terre ne le supportera pas.
Les décroissants, par définition, souhaitent l’arrêt de la croissance et remettent en question la façon dont nous l’obtenons et la calculons. Nos calculs savants reposent sur le PIB, mais peut-on lui faire confiance ? Est-ce que le PIB est une mesure parfaite ? Ça dépend déjà de ce que vous comptez mesurer selon que vous soyez humaniste ou post-humaniste. Si pour vous, ce qui compte est la santé d’une société et le bien-être des humains composant celle-ci, alors, non, ce n’est pas une mesure parfaite. Si vous voulez mesurer le progrès des processus capitalistes, il est déjà meilleur, mais imparfait. Quoi qu’il en soit, les deux ne sont pas complètement décorrélés. L’inquiétude concernant le PIB, églaement partagée par les techno-optimistes comme Elon Musk, est que le maintien du PIB actuel repose sur un keynésiannisme qui, dans nos démocraties libérales, s’accompagne d’une explosion de la dette nationale. Il plane alors l’ombre de la croissance factice et du réveil avec la gueule de bois.
Les décroissants, qui sont des techno-pessimistes, offrent alors une solution simple à cela en disant que nous sommes en train d’essayer de forcer une chose impossible, que cela suit les lois de la nature, c’est un phénomène physique contre lequel on ne peut pas lutter. Nous atteignons le pic pétrolier, nous n’avons pas d’énergie aussi efficace pour la remplacer, il faut l’accepter et sortir de la croissance. Nos sociétés auraient trouvé un optimum physiquement indépassable, même déjà trop élevé et destiné à redescendre. Tout cela ne fut qu’une parenthèse enchantée. Il faut donc se préparer au mieux. Ce n’est pas entièrement faux, nous n’avons pas d’énergie aussi efficace que le pétrole à l’heure actuelle et il présente effectivement des problèmes. Le pétrole est extrêmement efficace pour certains usages, notamment en tant que source d’énergie concentrée pour le transport. Il est relativement facile à transporter, à stocker et à utiliser. Cependant, il est non renouvelable, ses réserves sont limitées, et il contribue fortement aux émissions de gaz à effet de serre. Les énergies alternatives, bien qu’elles progressent rapidement, présentent encore des défis comme l’intermittence (solaire, éolien), un coût élevé et des infrastructures manquantes (hydrogène, certaines formes de stockage), un impact environnemental (biocarburants et hydroélectricité dans certaines régions). Le problème est que la Singularité a besoin d’énergie. Les IAs sont de grosses consommatrices d’énergie. Nous ne manquons pas d’énergie, mais nous manquons d’une énergie efficace et propre. La fusion nucléaire semble être notre porte de sortie, mais elle n’est pas encore là et nous n’avons pas d’énergie aussi révolutionnaire que le fut le pétrole. Il semble que nous atteignions une forme d’optimum local. Ce n’est pas trivial, le PDG de Nvidia, Jenson Huang, affirme qu’il sera impossible de remporter la course à l’IA sans le nucléaire. La question de l’énergie est intimement liée à celle du progrès de la singularité.
Le problème des décroissants est que, souvent, le “on ne pourra pas continuer ainsi” est un masque pour le “on ne doit pas continuer ainsi”. Jean-Marc Jancovici affirme qu'”une énergie illimitée serait une catastrophe“. Il est plus difficile de chercher quelque chose quand on refuse de le trouver. Dans la version décroissante de droite, influencée par Ted Kaczynski, la technologie est vue comme une force qui va nécessairement non seulement s’en prendre à la nature, mais en premier lieu à l’humain lui-même et réduire la qualité du bio-capital. Cela rejoint l’hypothèse de ce que Yarvin a nommé une Antisingularité forte. Gauche ou droite, les décroissants sont d’accord sur une chose ; le capitalisme est un problème pour la planète, pour l’homme et il faut plus de démocratie, bien que leur conception du demos diffère.
Comment savoir si on observe effectivement un amoindrissement de la qualité du bio-capital humain ? La première chose à relever est qu’il y a une réduction du bio-capital lui-même, indépendemmment de sa qualité. Le taux de fertilité chute. “La prospérité économique est-elle essentiellement un destructeur de gènes ?” demande Nick Land dans son texte Ténèbres plus profondes, dressant la possibilité d’une forme de techno-tragique comme alternative au techno-optimisme et au techno-pessimisme.
Les humains ne sont pas réductibles à une seule valeur, mais si on considère, comme on l’a fait, l’extropie comme le but de tout système et que cette dernière est intimement liée à l’intelligence, alors l’intelligence semble un indicateur approprié. Nous devons aussi admettre que les tests de QI sont un moyen imparfait, mais toutefois suffisament convenable pour la mesurer. Si l’intelligence artificielle augmente, qu’en est-il de l’humain ? Il est connu que le XXe siècle a vu ce qu’il fut nommé d’après le scientifique l’ayant mis en avant, l’effet Flynn. L’effet Flynn veut que le QI moyen des individus a progressé constamment d’une génération à l’autre. Cependant, on observe un ralentissement de l’effet Flynn comme le met en avant Franck Ramus disant qu’au niveau mondial “le QI augmente et continue d’augmenter, mais d’une manière moins marquée maintenant : 2.4 points par décennie entre 1948 et 1985, contre 1,8 entre 1986 et 2020”. Il y a donc, à tout le moins, un ralentissement de l’augmentation du QI. Ce qui n’est pas exactement une explosion comme on l’entend avec la singularité, mais pour Franck Ramus ceci serait attendu et lié à une limitation biologique. Il nous dit “tout comme les performances d’un athlète sont restreintes par la puissance de ses muscles, celles du cerveau (qui n’en est pas un !) le sont à la fois d’un point de vue physiologique et socio-économique”. L’accélération du progrès technologique s’accompagnerait alors, en plus d’une stagnation de l’intensité énergétique, d’une stagnation de l’intelligence humaine trouvant un optimum local.
Il y a quand même un problème avec l’énoncé de Franck Ramus. La façon dont je l’ai présenté semble postuler qu’un humain en vaut un autre et qu’on pourrait observer ces chiffres sans se demander si ce ralentissement pourrait être lié à la composition même de l’humanité. C’est pratique, cela évite de se poser une question qui fâche, mais on peut difficilement en faire l’économie. La question est donc de savoir si nous avons affaire à une problème agissant sur le capital existant ou si cela relève plutôt d’un problème de sélection du capital humain formant les nouvelles générations. Si les pays avec le QI mesuré le plus faible se mettaient à faire beaucoup plus d’enfants que les pays avec un QI mesuré plus élevé, n’observerait-on pas un phénomène similaire ?
On observe que les pays les plus développés, au QI le plus élevé, font peu d’enfants alors que les pays moins développés, au QI plus faible font plus d’enfants. Lorsqu’on considère la population mondiale dans son ensemble, on peut affirmer qu’il existe une sélection opérée contre les pays au QI le plus élevé. La technologie explose et l’intelligence humaine augmente moins rapidement (et la démographie étant reine, elle pourrait redescendre), mais elles ne sont pas diamétralement opposées. Il existe un phénomène qui conspire contre la reproduction des hauts QIs au profit des autres. D’où provient-il ? On ne peut pas affirmer que l’utilisation de la technologie est la cause du ralentissement, mais on ne peut pas l’exclure. Les siècles passés furent marqués d’un double phénomène ; le premier aspect est l’explosion du capitalisme et le second aspect est l’adoption de la démocratie qui a accéléré après la Seconde Guerre mondiale.
Le problème est que les deux ont souvent historiquement été de paire. Les pays ont souvent rejoint le marché libre et la démocratie. Penchons nous alors maintenant sur l’indice de développement humain, et regardons si celui si est plutôt le fruit de la démocratie ou du capitalisme.
Yarvin, donne souvent comme exemples les plus proche du néocaméralisme s’opposant à la démocratie ; Singapour, Hong Kong, et les Émirats arabes. Comparons alors ces pays à l’aune de l’indice de dévelopement humain et du PIB. Si la démocratie est la source des bienfaits économiques et de la prospérité d’un pays, alors nous devrions voir les pays issus des démocraties libérales au sommet de ce classement. Pourtant, ce sont bien les trois pays proposés qui se retrouvent au sommet des deux critères. Au contraire, des pays qui sont démocratiques, mais pas capitalistes, comme le Népal, ne s’en sortent pas particulièrement bien. Difficile de tirer des conclusions arrêtées à partir de cela, mais il semblerait le capitalisme soit plus important que la démocratie dans le développement de la technologie. C’est pour cette raison que Nick Land en fait un couple inséparable qu’il nomme le techno-capital.
Mais l’indice de développement humain, c’est une façon très humaniste de mesurer les choses. Reprenons notre valeur post-humaniste. Si je lâche 3 individus dans un verger avec pour mission de produire le plus de jus de pomme le plus efficacement possible, le vainqueur sera celui qui parvient à extraire le plus de jus du plus de pommes possible. Il pourra être identifié via un calcul simple, La quantité de jus de pomme produit / la quantité de jus de pomme extrait par pomme. À quantité de jus de pomme produit égal, celui qui a utilisé le moins de pommes pour y parvenir est un meilleur élève. Nous ne comparerons pas nos pays sur leur production de jus de pomme, mais nous reprendrons le calcul effectué précédemment mesurant le PIB / l’intensité énergétique. Voici le tableau qu’on obtient en sélectionnant quelques pays issus des démocraties libérales et nos trois pays mentionnés par Yarvin.
Ce n’est pas un test très exhaustif, mais en dehors de la Suisse qui se distingue très largement, les chiffres sont plutôt similaires, avec un léger avantage pour les pays n’étant pas une démocratie. Lorsqu’on calcule la moyenne, nous trouvons 65K$/kWh contre 63K$/kWh. L’enseignement général est que nos pays vont bien. Lorsqu’on regarde l’évolution de l’URSS en comparaison, on voit à quoi ressemble un pays dysfonctionnel, qui ne parvient plus à réduire l’entropie et sombre dans le chaos, il décline.
Autres exemples probants, celui du Venezuela qui sombre entièrement dans l’entropie et celui de l’Argentine qui conduisit à l’arrivée de Milei au pouvoir après des années de stagnation et un déclin. Nous n’en sommes pas encore là et c’est pour cela que les conditions ne sont pas réunis pour avoir un Milei français. Il ne me semble pas judicieux non plus d’espérer cette situation pour obtenir un changement. Toute personne saine doit préférer que les choses aillent bien plutôt que mal. Un Milei n’arrive pas toujours. Parfois les choses continue simplement d’aller mal.
Cela ne doit toutefois pas être un prétexte pour balayer d’un revers de main les signes inquiétants, mais pourquoi les actifs français acceptent une immigration de communautés surreprésentées dans la criminalité, leur chomage délirant et le paiement des retraites géantes des boomers sans trop râler ? Parce que les conditions matérielles ne sont pas désastreuses. Via des stratégies d’évitement de ces désagréments, on peut encore bien vivre en France, même si ces stratégies deviennent de plus en plus complexes. Merci Nicolas.
Un autre enseignement peut être tiré de ces données quant à la fertitlié. Les modèles proposés par Yarvin tendent à être ceux avec la fertitlité la plus basse. C’est pourquoi Spandrell nommera ces endroit des IQ shredders (broyeurs de QI). Ils attirent le meilleur capital humain, leur offre des conditions de vie incroyables, mais détruit leur taux de fertilité. Il semble bien qu’il existe une corrélation entre le développement du techno-capital et la baisse de fertitlité. Le techno-capital n’est pas opposé à la qualité de vie de l’humain, il est opposé à sa reproduction. Ce qui ne devrait pas poser problème aux décroissants en théorie puisqu’eux même y sont opposés par idéologie. Nous aboutissons alors à un phénomène étrange avec les techno-optimistes vent debout pour défendre le techno-capital mais déplorant la baisse de natalité et les décroissants conspuant le techno-capital, mais appelant à la chute de la natalité. On pourrait trouver un terrain d’entente.
Dernière chose à noter, malgré le faible taux de fertilité, ces endroits ne font pas appel à l’immigration massive et de moindre qualité en la traitant comme l’égale de sa population. Ceci semble être une spécificité des démocraties libérales qui font le choix de résoudre le problème de la baisse de fertilité par le remplacement de sa population. Si on devait s’aventurer à proposer un lien de cause à effet, il semble alors que le techno-capital est responsable de la baisse de fertilité, et que les institutions démocratiques sont responsable de l’immigration de remplacement. Les Nations Unies parlent d’ailleurs bien de “migrations de remplacement“.
Horreur
Augmentée
Sélection de textes de
Zero HP Lovecraft
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Récapitulons. Nous observons l’existence de quatre phénomènes ; une singularité mesurée par l’accroissement exponentiel de l’extropie, mais dans le même temps nous atteignons une asymptote pour ce qui est du bio-capital observé par le ralentissement de l’effet Flynn, une large adoption du couple démocratie-capitalisme qui stagne et une explosion de la dette. Il est difficile de démêler quelles sont les causes et quels sont les effets, mais il n’est pas impossible que les choses fonctionnent ainsi – Évidemment, ceci est pure spéculation, c’est une histoire, mais c’est celle qui me semble la plus plausible : La première cause est le développement du techno-capital qui bouleverse nos modes de vies. La politique, qui prend la forme de la démocratie libérale chez nous, est une réaction à ce bouleversement effectuée au nom de l’humain, du peuple, du démos, qui cherche un moyen de capter la redistribution des résultats du techno-capital ou de lui résister purement et simplement, comme le fait la décroissance. Alors que le techno-capital change le monde par l’action concrète et n’a pas besoin de défenseurs, la démocratie est portée par les idées, dont celui de l’humanité, des droits de l’homme et de l’universalisme. Naturellement, elle tendra à chercher à redistribuer le produit du techno-capital avec l’humanité et aura une tendance naturelle à parler au nom des moins bien lotis, contre ceux qui sont les meilleurs agents du techno-capital. Il y a des systèmes bien pires et son bilan et globalement plutôt bon, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de meilleur modèle à chercher. Le danger qu’elle présente quand le techno-capital fonctionne trop bien, c’est qu’elle peut se permettre de générer un discours qui s’écarte de plus en plus de la réalité. On peut supporter les idées les plus folles comme celle du racisme systémique car la technologie continue de nous amener suffisament de puissance. On ne paie pas cash ce genre d’erreurs, mais cela reste un danger. Par exemple, en 2021, les 100 plus grandes compagnies US n’ont embauché que 6% de Blancs, ce qui revient à dire qu’ils ont largement pratiqué la discrimination. Même si tout va globalement bien, il faut bien observer ces conséquences facheuses et la tendance de la démocratie à dériver lentement vers une bureaucratie constituant un frein institutionalisé au techno-capital qui n’a besoin que de la liberté. Elle procède à la destruction systématique du capital par un Léviathan tentaculaire et une fraude macroéconomique omniprésente, sapant les incitations économiques, écrasant les horizons temporels et brouillant la découverte des prix dans le bruit d’une monnaie fiat dévalorisée. C’est ainsi que, comme Peter Thiel l’a relevé, la liberté et la démocratie sont naturellement opposées. Il n’est pas le premier a dressé ce constat. Les libertariens, mais surtout les anarcaps, Hoppe en tête, relèveront que le principe même de la démocratie permet à des gens (la gauche) d’obtenir le pouvoir en tirant vers toujours plus de socialisme. Ceci étant possible via la démocratie, elle serait, de facto, un système de gouvernement opposé aux idées libérales. La démocratie est un socialisme mou qui ira naturellement vers le keynésianisme. Les élites démocratiques conspuent réthoriquement le techno-capital et ses agents, mais elle a besoin d’eux et de la croissance qu’ils produisent pour avoir quelque chose à redistribuer. Mais elle tue dans le même temps la capacité même de produire de la valeur. Son dernier recours sera alors de continuer à produire de la valeur factice via l’inflation par l’intermédiaire de la banque centrale, qui est une taxe déguisée, et la dette. Par ce biais, elle continue de ponctionner les agents du techno-capital au profit des inactifs, mais ce fonctionnement est insensé et les gens sains d’esprit veulent naturellement le corriger. Comment conserver le pouvoir dans ces conditions ? Importer des futurs électeurs qui ne demandent qu’à recevoir cette redistribution. Cela conduit naturellement à un problème identitaire. Le problème ne serait alors pas en premier lieu biologique, mais politique. Le problème de l’immigration serait à comprendre dans un cadre plus large, mais la conséquence est la même, un processus de destruction démographique accélérée.
Être techno-optimiste revient à balayer d’un revers de main la question de la corrélation entre ces phénomènes. Ils observent qu’il y a un problème de natalité sans se demander si cela ne pourrait pas venir directement de la technologie elle-même et scande en guise d’incantation qu’il faut plus d’humains. Plus d’humains, peu importe lesquels, serait plus d’intelligence permettant l’avènement de la singularité.
Nous croyons que le progrès technologique mène à l’abondance matérielle pour tous.
Marc Andreessen, Manifeste techno-optimiste
Nous croyons que le résultat ultime de cette abondance technologique peut être une expansion massive de ce que Julian Simon appelait “la ressource ultime” : les gens.
Nous croyons, comme Simon, que les personnes sont la ressource ultime – plus il y a de personnes, plus il y a de créativité, d’idées nouvelles et de progrès technologique.
Nous croyons que l’abondance matérielle signifie donc, en fin de compte, plus de personnes – beaucoup plus de personnes – ce qui, à son tour, conduit à encore plus d’abondance.
Nous croyons que notre planète est dramatiquement sous-peuplée par rapport à la population que nous pourrions avoir avec une intelligence, une énergie et des biens matériels abondants.
Nous croyons que la population mondiale peut facilement s’étendre à 50 milliards de personnes, voire bien au-delà, lorsque nous coloniserons d’autres planètes.
Nous croyons que parmi toutes ces personnes, émergeront des scientifiques, des technologues, des artistes et des visionnaires au-delà de nos rêves les plus fous. »
Le problème viendrait purement et simplement des decels qui souhaitent ralentir le développement technologique et pratiquent des politiques socio-économiques qui favorisent l’explosion de la dette. Cela ne doit pas remettre en question la démocratie elle-même. Il faut battre les decels démocratiquement.
Nous croyons que l’Amérique et ses alliés doivent être forts et non faibles.
Marc Andreessen, Manifeste techno-optimiste
Nous croyons que la force des démocraties libérales découle de la force économique (le pouvoir financier), de la force culturelle (le soft power), et de la force militaire. La force économique, culturelle et militaire découle de la force technologique. Une Amérique technologiquement forte est une force positive dans un monde dangereux. Les démocraties libérales technologiquement fortes préservent la liberté et la paix. Les démocraties libérales technologiquement faibles perdent face à leurs rivaux autocratiques, ce qui rend tout le monde moins bien loti. Nous croyons que la technologie rend la grandeur plus possible et plus probable.
Être techno-pessimiste, c’est observer la corrélation entre ces quatre phénomènes et affirmer qu’ils entretiennent une relation de cause à effet remontant à la technologie. C’est ce que fait Yarvin quand il se demande dans son manifeste techno-pessimiste en quoi la technologie va améliorer le sort de l’Afrique du Sud ou du Kenya ? L’Afrique du sud ne manque pas d’humains. Leur taux de fertilité est toujours élevé, et elle ne manque pas non plus de technologie. Pourtant, est-ce que le pays devient de plus en plus fonctionnel ? Et si le monde va ressembler de plus en plus à l’Afrique du sud, alors en quoi la technologie va améliorer le monde en proie à une anti-singularité ? La question est alors, quelle est la cause de cet effet ? Qu’est-ce qui entraine cette anti-singularité ? Est-ce que la cause est la technologie elle-même, est-ce purement physique, biologique ou politique ?
En adepte de la bio-diversité humaine, on pourrait penser au premier abord que Yarvin rejoint les conclusions des nationalistes blanc. Les nationalistes blancs observent cela et disent “le problème est biologique et mathématique. Il repose sur la natalité. Les pays ayant démontré leur capacité à transformer le monde pour le mieux dans le passé ne font plus d’enfants pendant que ceux ayant témoigné des plus grandes difficultés en font et viennent dans les premiers pays illégalement ou légalement.” L’immigration massive d’individus de pays où le QI moyen est le plus faible vers des pays où le QI moyen est le plus fort ne peut que conduire à un dysfonctionnement.
Toutefois, Yarvin nous dit que la cause est la technologie elle-même. Elle produit le phénomène du dernier homme en retirant tout sens profond à l’action économique des humains et les transforme en animaux politiques courant après la redistribution, via la démocratie. Comme il le dit dans son essai sur Sam Altman, la majeur partie des individus ne sont plus des actifs, mais des passifs.
L’effet délétère de la technologie sur la qualité humaine est visible sur toute la courbe de Gauss. La technologie est nuisible aux élites parce qu’elle élimine la difficulté et le danger des “équivalents moraux de la guerre”, qui sont essentiels à la psychologie mature de l’homme normal. La technologie est nuisible aux non-élites parce qu’elle élimine toutes les manières dont ils peuvent être utiles à eux-mêmes ou aux autres, et les transforme en bouches inutiles. Pour quiconque formé à l’économie utilitariste, l’idée que toute augmentation de la productivité puisse être nuisible est profondément contre-intuitive. En fait, il existe un précédent pour l’impact négatif des avancées technologiques sur les sociétés : l’impact négatif des découvertes de ressources. La “malédiction des ressources” est bien connue, même si elle est mal comprise. La conséquence d’une découverte pétrolière est que six personnes peuvent planter un tuyau dans le sol et produire l’intégralité du PIB du pays. Le résultat est qu’il n’y a plus rien à faire pour les autres. Certes, tout le monde doit manger — mais le moyen le plus simple pour eux de se nourrir est d’obtenir une part des revenus du pétrole. Ils passent donc des moyens économiques de subsistance, c’est-à-dire produire des biens dont les autres ont besoin, aux moyens politiques — prendre les biens que possèdent les autres.
Curtis Yarvin, Manifeste techno-pessimiste
La conclusion d’une telle pensée, sa seule option possible, serait alors de réduire la technologie proactivement, ce qui est nécessairement illibéral, cela a un nom, c’est la décroissance. Les décroissants de gauche ne le font pas pour résoudre les problèmes plus bas dans la chaîne cependant. Ils veulent conserver la démocratie, le roulement de la dette et la tiers-mondisation. Il sera plus dur à un migrant de venir, il aura moins de raison de vouloir venir, mais s’il y parvient ils l’accueilleront à bras ouverts. Cependant, ils disent qu’ils ont les solutions qui permettront de mieux vivre en faisant plus avec moins, ce qui prouve qu’ils ne comprennent pas le problème. Si tel est le cas, on ne fera pas mieux avec moins sans le capitalisme. Le capitalisme est justement la condition permettant d’optimiser l’usage des resources via la recherche de maximisation du profit. Tous les pays adoptant le capitalisme semblent converger vers un optimum d’intensité énergétique. Si c’est une fatalité, on fera moins avec moins, mais cela signifie tout simplement un effondrement et ce n’est pas réjouissant.
Yarvin n’est pas exactement un décroissant, mais il y a néanmoins une partie de son œuvre, celle qui me sied le moins, qui est très illibérale et flirt avec cette ligne de pensée. Dans l’essai “Sam Altman n’est pas un idiot béat”, il critique la croissance, peu importe la façon de la mesurer, et défend une vision de retour à la dignité de ces individus, rendus passifs plutôt qu’actifs, par le travail, quitte à ce que l’État propose du travail inutile et qu’un contrôle de la technologie soit effectué. C’est ici pour lui un moyen de maintenir la qualité humaine des actifs, plutôt que de passer par la simple redistribution sans effort.
En effet, à mesure que la Singularité approche, l’avenir du travail devient clair : il existe un seuil de QI en dessous duquel tout être humain, peu importe à quel point il est bon marché à nourrir, est un passif.
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Nick Land offert à nos tipeurs
Je crois que l’analyse de Yarvin est correcte quant au sens des causes et des effets. J’ai beaucoup de mal cependant à en conclure que la technologie est le problème en soi. Si je ne vois pas comment la technologie pourrait résoudre le problème de l’Afrique du Sud, je ne vois pas non plus en quoi la technologie serait son problème et comment l’absence de technologie en serait la solution. En revanche, je vois comment l’absence de démocratie pourrait l’être et la ville d’Orania en incarne un exemple. Je vois même comment la technologie pourrait être une solution pour Orania pour se développer et se défendre. Yarvin lui-même dit dans le même texte que “Personne ne peut contester la rapidité avec laquelle la technologie a progressé entre 1950 et 1970” et ce sont précisement des années charnières qu’on nomme en France les trente glorieuses (de 45 à 75), qui ont connu un essor et une vie d’opportunités pour tous. En réalité, dans ce genre de situation, la démocratie n’est pas un problème majeur puisque nous produisons une grande quantité de richesses. Le poids de la redistribution institué via la démocratie devient de plus en plus lourd précisement quand les innovations technologiques stagnent. Elle peut même amplifier ces problèmes et conduire la société entière à l’abîme, et c’est cela que nous observons aujourd’hui. La technologie n’est alors pas la solution à un problème politique, mais elle n’est pas non plus un problème en soi.
L’accélérationnisme est en accord avec les anarcaps. C’est ici un point fondamental où Yarvin et Land sont en désaccord. Yarvin est un humaniste, Land est un post-humaniste. Ce n’est pas trivial, mais il est possible d’aligner leurs positions. Comme les techno-optimistes, l’accélérationnisme est contre le contrôle de la technologie. Contrairement à eux, il part du principe qu’on ne peut pas revenir au libéralisme classique à partir de là où on est aujourd’hui, la démocratie libérale. C’est un développement qui est parti de la monarchie et que la démocratie a érodé. On ne peut pas y revenir en partant de la démocratie. L’accélérationnisme s’empare des idées du néocaméralisme et du patchwork de Yarvin pour en faire un système qui va accompagner la singularité technologique. Comme le pétrole est une forme d’optimum local pour l’énergie, la démocratie libérale est une forme d’optimum local pour l’organisation sociale. Tant que le pétrole coule à flot, il n’y a pas d’incitation pour forte trouver une énergie de remplacement et de la même façon, tant que la démocratie libérale offre une qualité de vie suffisante, alors il n’y a pas d’incitation à tester un nouveau modèle. Pire encore, les individus qui ont un intérêt personnel à ce qu’on ne trouve pas tout de suite d’alternative au pétrole et à la démocratie libérale feront tout pour que cela n’arrive pas. C’est l’idée de la Cathédrale de Yarvin. Orania existe car le contexte de l’Afrique du Sud existe en premier lieu. Elle est apparue comme une alternative souaitable à ses résidents. Si le monde ressemble de plus en plus à l’Afrique du Sud, alors il y aura de plus en plus d’Orania,mais si dans le cas d’Orania cela prend une tournure raciale, la préférence peut reposer sur bien d’autres principes. Le néocaméralisme est alors une alternative de gouvernqance convaincante, mais la valeur de la proposition de Yarvin réside réellement dans le patchwork. Le patchwork est un cadre permettant de tester une multitude de systèmes organisationels. L’explosion de l’intelligence trouverait alors ici une explosion des capacités de tester les organisations. L’accélérationnisme, lorsqu’il est pensé de manière efficace via le patchwork, est une solution aux problèmes économique et identitaire.
La démocratie est alors remplacée par un système où on vote avec ses pieds, l’Exit, qui empêche toute action étatique reposant sur la dette et permet une organisation selon les préférences de chacun, selon leurs considérations identitaires. Il n’est pas très important d’être d’accord sur les préférences de chacun car avec le patchwork, les décisions ne reposent pas sur le consensus, mais sur le choix de vivre dans un patch en accord avec ses préféremnces. Si Yarvin souhaite vivre dans un espace interdisant l’importation de jouet en plastique chinois, et proposant à ses résidents inactifs de creuser des fossés à la pelle, comme il le propose, alors le patchwork permet que les individus partageant cette préférence de vie en société trouvent l’espace pour l’exprimer. Si ce mode de vie est viable, alors le patch le pratiquant gagnera en valeur. Cela n’enfreint d’ailleurs pas les principes libertariens, dès lors que je fais le libre choix de rejoindre ce patch édictant ses règles. C’est pourquoi je peux avoir la plus grande sympathie pour l’aspect illibéral de Yarvin et sa volonté de préserver et améliorer le bio-capital (qu’on retrouve chez BAP), dès lors que cela s’inscrit dans un cadre méta-néocaméraliste et que cela n’est pas imposé à qui que ce soit. Ces règles sont créées à l’échelle du patch et il est peu utile d’en discuter. Il suffit de voter avec ses pieds et seule la réalité sera juge. Ce qui semble le plus probable cependant, c’est que la réalité sélectionnera les patchs avec la technologie la plus avancée. On peut espérer que cela soit aligné avec les intérêts du bio-capital humain, mais ce n’est pas certain. Malgré toute la sympathie que je porte aux déclarations visant à optimiser le capital humain, je suis conscient de cette soumission en dernière instance au principe de réalité qui semble favoriser la technologie, c’est cela être techno-tragique. Whatever happens happens.
Du point de vue de la fatalité — aperçue seulement après de longues disciplines de froideur —, tout ce que vous tentez de faire n’est qu’une idiotie désespérée vouée à l’échec, car l’humanisme (l’hubris) est la seule chose à laquelle vous ne pourrez jamais renoncer.
Nick Land, Circuiterie apocalyptique
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