L’art athénien, la religion, la philosophie et la forme de gouvernement, disais-je, sont les fleurs et les fruits de l’arbre, et non le sol et la racine. Vous prenez les effets pour la cause.
Friedrich Holderlin, Hyperion
En dépit de cela, qui est important, il ne fait pas de doute non plus que les Grecs sont présentés comme supérieurs aux Troyens, ce qui est plus important encore, puisque cela nous donne accès à la première conscience de soi des Grecs. En quel sens « supérieurs » ? Ne savons-nous pas que les civilisations sont égales et incomparables, qu’il n’y a pas de mesure commune, de critère objectif permettant de comparer et classer les civilisations, ou les « cultures » ? En tout cas, Homère n’hésite pas à nous livrer en même temps le classement et le critère.
Pierre Manent, Les métamorphoses de la cité
La Philosophie et la Science ont émergé en Grèce antique, vers le VIème siècle avant JC. Il est difficile de dire qui est considéré comme le premier philosophe ou le premier scientifique. Toutefois, on peut identifier certains penseurs de l’antiquité grecque comme des précurseurs de ces domaines. Les premiers philosophes grecs étaient connus sous le nom de « présocratiques » et ont été les premiers à poser des questions fondamentales sur la nature de l’univers, de la connaissance humaine et de l’existence avec une approche scientifique mais aussi artistique. Parmi eux, Thalès de Milet, dont les écrits ne nous sont pas parvenus, est souvent considéré comme l’un des premiers philosophes de l’histoire de la pensée occidentale et on enseigne encore ses théorèmes mathématiques aujourd’hui. Mais parmi les textes accessibles, on observe que les réflexions d’ordre philosophique de Parménide et Héraclite se faisaient par l’entremise de poèmes créant un entrelacement des disciplines avant qu’elles ne deviennent des domaines distincts. De ces pratiques est née la culture grecque.
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Le premier livre de NIMH
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Qu’est-ce qu’une culture ?
La culture grecque englobe de nombreux domaines, notamment la littérature, la philosophie, l’art, l’architecture, la politique, la science et la religion. Les Grecs ont créé un grand nombre d’œuvres littéraires qui ont été transmises jusqu’à nos jours, telles que les poèmes épiques de l’Iliade et l’Odyssée, les tragédies de Sophocle et d’Euripide, les comédies d’Aristophane, les dialogues de Platon et les écrits historiques de Thucydide et Hérodote.
En art, les Grecs ont créé des œuvres remarquables dans les domaines de la sculpture, de la peinture et de l’architecture, dont certains sont considérés comme des chefs-d’œuvre de l’art occidental. Les temples grecs, les statues de dieux et de héros, les vases et les mosaïques sont autant d’exemples d’œuvres d’art de la Grèce antique.
La philosophie grecque a également eu une grande influence sur la pensée occidentale. Les philosophes grecs tels que Socrate, Platon et Aristote ont développé des théories sur l’éthique, la métaphysique, la politique et la logique qui ont influencé la pensée occidentale pendant des siècles.
Enfin, la religion grecque antique, avec ses dieux et déesses, ses mythes et ses rituels, a également eu une grande influence sur la culture grecque. Les Grecs croyaient en une panoplie de divinités, qui étaient considérées comme étant responsables de nombreux aspects de la vie humaine.
On peut alors dresser ainsi les contours de ce qui constitue la culture grecque. Mais comment définir le plus simplement et le plus précisément ce que l’on nomme une culture ? Une culture n’est rien d’autre que l’auto-organisation d’une société humaine qui va se former spontanément. Elle est elle aussi une structure dissipative. Une culture se définit par rapport à la nature et on a longtemps fait une distinction claire et nette entre les deux. En réalité, il n’est pas aussi aisé d’établir cette frontière. Une culture est un système appartenant à la nature, en constante interaction avec son environnement. Ce que l’on nomme culture se rapporte directement au processus que nous avons mis en avant dans notre schéma.
Ce processus, qui repose sur l’information, l’ordre et l’action, va naturellement entraîner une séparation de ces différents domaines au fur et à mesure que la culture se rapproche du fonctionnement d’un organisme. Ces différents domaines vont acquérir une certaine autonomie, une certaine spécialisation, mais ils doivent fonctionner en symbiose afin de servir les intérêts de la culture qui n’est jamais qu’une civilisation en puissance.
Le sociologue allemand Niklas Luhmann nomme ce phénomène la différenciation. Il considère que la société est un système complexe composé de multiples sous-systèmes, tels que l’économie, la politique, le droit, l’éducation, la religion, les médias, etc. Chacun de ces sous-systèmes a sa propre logique et sa propre fonction, et ils interagissent les uns avec les autres de manière complexe. La différenciation est le processus par lequel ces sous-systèmes se séparent et deviennent de plus en plus autonomes les uns par rapport aux autres.
Par exemple, Luhmann considère que l’économie a émergé en tant que sous-système séparé de la société à partir du moment où les activités économiques ont commencé à être différenciées des autres activités sociales. L’économie a ses propres règles, ses propres normes, ses propres acteurs, etc. De même, la politique a émergé en tant que sous-système séparé lorsque les activités politiques ont commencé à être différenciées des autres activités sociales.
Selon Luhmann, la différenciation est un processus continu et inévitable dans les systèmes sociaux modernes. Il permet aux systèmes sociaux de fonctionner de manière plus efficace et de mieux répondre aux besoins des individus. Cependant, la différenciation peut également conduire à des problèmes tels que la fragmentation et l’isolement des sous-systèmes, ainsi qu’à la difficulté de coordonner les activités entre les différents sous-systèmes. Un domaine peut se développer de façon isolée sans impacter positivement les autres. La singularité technologique pourrait tout à fait s’accompagner d’une antisingularité politique.
De la même façon, comme l’indique Gilbert Simondon, la technique ne doit pas être perçue comme un phénomène extérieur à une culture. Elle est une partie intégrante au même titre que l’art, la littérature et la philosophie. Pour lui, la technique n’était pas simplement un outil ou une machine, mais plutôt une expression de la créativité et de la culture humaines qui avait évolué de manière organique au fil du temps. Selon Simondon, la technique est une manifestation de la culture organique de l’humanité, qui est en constante évolution et développement.
On peut donc considérer le fait que les objets techniques sont, de nos jours, envisagés sous l’angle des contenus de civilisation comme une conséquence de leurs récentes transformations : ils sont ostracisés non parce qu’ils sont techniques, mais parce qu’ils ont apporté des formes nouvelles, hétérogènes par rapport aux structures déjà existantes de l’organisme qu’est la culture.
Gilbert Simondon, Sur la technique
La civilisation est alors le produit de ce processus en constante évolution. On pourrait dresser un parallèle avec l’organogenèse. Elle change en permanence pour gagner en complexité en ajoutant des domaines de spécialisation. C’est ainsi qu’on est passé de sociétés stratifiées à des sociétés plus libres favorisant l’ordre spontané mais cela ne signifie pas que nous avons atteint une forme idéale et finale.
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La culture comme superorganisme
Une culture, en tant que structure dissipative, va disposer des mêmes caractéristiques qu’un système organique. De la même façon que le destin d’un embryon est de devenir un adulte, le destin d’une culture est de devenir une civilisation. Elle va elle aussi naître, croître puis décliner et mourir. Comment puis-je l’affirmer ? Par la simple logique d’abord. Si la culture est un superorganisme, alors elle doit en partager ce trait. Par l’observation ensuite. Il suffit de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur pour voir les cadavres de cultures passées.
Je crois ainsi que Spengler a raison sur ce point, mais est-ce qu’elles suivent nécessairement des cycles prédéfinis comme il le laisse penser dans son livre Le déclin de l’Occident ? Pour Spengler, la civilisation occidentale est en phase de déclin et c’est irrémédiable. Il avait une vision plutôt fataliste, affirmant que le déclin est inévitable et ne peut être arrêté une fois qu’il a commencé.
Toynbee, d’autre part, a proposé une théorie plus nuancée et flexible dans son œuvre A Study of History. Il a identifié 21 civilisations majeures, dont certaines ont survécu et d’autres non. Selon Toynbee, les civilisations ne meurent pas simplement à cause du temps ou d’un déclin inévitable, mais en raison de défis internes ou externes auxquels elles ne parviennent pas à répondre de manière créative.
Une réflexion qu’on pourrait rapprocher des écrits de Pierre Manent qui, dans son livre La raison des nations, s’étonne de l’incroyable résilience de la civilisation occidentale qui a su se réinventer afin de faire face à ses problèmes internes.
Pourquoi cette durée, pourquoi cette continuité au travers et en dépit des transformations et des bouleversements les plus énormes ? C’est une des énigmes historiques les plus troublantes qui soient. On peut observer en tout cas que les nations européennes surent inventer de siècle en siècle des instruments politiques inédits qui permirent la continuation de l’aventure. Quand le dispositif politique, c’est-à-dire aussi, indissolublement, social et moral, semblait avoir épuisé ses possibilités, quand il « aurait dû » se pétrifier, ou entrer en décadence ou en décomposition, les Européens inventèrent des artifices immenses et audacieux, comme de grandes arches lancées sur le ravin du temps. Je n’en mentionne ici que quelques-uns. Au lieu de s’immobiliser dans une « féodalité » prisonnière des dominations locales, ils construisirent l’étrange paradoxe, si bien décrit par Bodin, d’un souverain absolu exerçant son autorité sur de libres sujets. Après que cette formule eut épuisé ses vertus dans le développement de grandes monarchies bien administrées et très civilisées mais privées de liberté politique régulière, ils instituèrent un artifice tout aussi improbable, le gouvernement représentatif.
Pierre Manent, La raison des nations
On pourrait dire qu’une civilisation a toujours un risque de mourir et que statistiquement, elle finira par mourir. Cependant, je ne suis pas certain que cela doive suivre des cycles prédéfinis. Si on regarde cela à l’aune des structures dissipatives et de la cybernétique, la chute d’une civilisation représente sa perte de capacité à construire l’information. Il ne me semble pas que cela soit prédéfini, mais on pourrait cependant me faire remarquer que ce phénomène n’est pas bien différent pour un organisme humain.
La vieillesse n’est jamais l’incapacité de nos chromosomes à répliquer l’information génétique à cause d’un raccourcissement des télomères. Parviendra-t-on un jour à inverser le phénomène du vieillissement ? Si tel était le cas, alors cela aurait un impact crucial sur ce que cela nous dirait par extension des capacités d’une civilisation. Mais, en l’absence d’observation de cas effectifs de rajeunissement, il semblerait que le destin d’e tout organisme et de toute culture – en admettant que ladite culture puisse aller à son terme – soit de suivre une courbe en S où elle atteindra son apogée dans un degré de civilisation maximale mais stagnante si aucun changement radical n’est effectué.
Ces changements que Pierre Manent observe sont nécessaire. Ils forment une espèce de reboot, une remise à zéro, permettant un nouveau cycle de développement sur de nouvelles bases venant corriger des problèmes accumulés.
De quelle nature sont ces problèmes ? Ils peuvent être informationnels, moraux comme structurels et souvent un problème dans un domaine entraîne des problèmes dans les autres. Une introduction d’erreurs répétées dans le domaine de l’information, entraînera une incapacité à agir proprement et un désordre structurel. La corruption du clergé1, mena à des actions farfelues2 et la création d’une économie défectueuse telle que la vente des indulgences3 et un ordre inique4 dont l’observation ont conduit Luther a rejeter le catholicisme et entamer une réforme qui amènera une façon d’agir différente et, par la suite, des institutions différentes et la naissance de l’État-nation.
Dit autrement, l’introduction du faux, entraîne un incapacité d’identifier le bon et ne peut peut produire le beau. Pourquoi ces éléments semblent être au coeur d’une culture fonctionnelle ? Qu’est-ce que le vrai, le bon et le beau ? Ce sont des qualités positives de la mesure de l’entropie liée aux trois domaines clefs que sont l’information, l’action et l’ordre. Le beau est une qualité positive de l’ordre servant l’information. Le vrai est la qualité positive de l’information servant l’action. Le bon est la qualité positive de l’action servant l’ordre.
Une culture doit viser à la création du vrai, du bon et du beau. Sa capacité à le faire résultera dans l’expression d’une civilisation d’exception. Au contraire, son incapacité à maintenir ces standards sera le signal de la nécessité de changements à opérer. Regardez l’état de la production du savoir à l’heure actuelle dans nos universités occidentales nous expliquant que tout les problèmes viennent d’un privilège blanc, regardez ces sportifs poser le genou au sol, regardez ces bourgeoises blanches se pressant dans des cours leur expliquant pourquoi elles sont racistes, regardez l’ordre inique généré par la discrimination positive, regardez l’art qui est produit pour promouvoir un tel ordre. Que penseriez-vous de tout cela si vous étiez le Luther de notre époque qui a grandi avec l’idéal des Lumières comme Luther a grandi avec celui du catholicisme ? L’e temps du schisme a sonné.
D’un point de vue formaliste, de la même façon que Curtis Yarvin a noté qu’il y a toujours un petit groupe de personnes qui dirigent le pays et qu’il serait utile de le formaliser, il y a toujours une caste religieuse qui s’occupe de la vérité qu’il a nommé la cathédrale. Il faut elle aussi la formaliser. Et si cette caste repose sur les ingénieurs travaillant dans le domaine de l’information et les individus échangeant sur les réseaux sociaux, alors le premier niveau de prêtrise est évidement celui des meilleurs shitpaosters. Donnez un titre officiel à mes wordcels.
Notes: :
1. Beaucoup de prêtres et d’évêques vivaient dans le luxe, avaient des comportements immoraux et étaient plus préoccupés par les richesses et le pouvoir que par la spiritualité ou le bien-être de leurs fidèles
2. À Rome, Luther a vu des fidèles accomplir des rituels et des actes de dévotion dans l’espoir d’obtenir des grâces spirituelles. Par exemple, il a pu voir des gens monter l’escalier de la Scala Santa (les “Saintes Marches”) à genoux, croyant que cela réduirait leur temps au purgatoire.
3. Bien que la vente d’indulgences n’ait pas atteint son apogée lors de la visite de Luther à Rome, il est probable qu’il ait été témoin de pratiques liées aux indulgences qui le troublaient. Ces indulgences, qui étaient essentiellement des certificats offrant une réduction du temps passé au purgatoire, étaient vendues aux fidèles, souvent pour financer des projets d’église coûteux, comme la construction de la basilique Saint-Pierre.
4. Luther a été perturbé par le traitement mécanique et insensible de la messe par certains prêtres à Rome. Il a rapporté que les messes étaient parfois dites si rapidement et sans révérence qu’elles semblaient dénuées de toute signification spirituelle.