J’ai récemment lu L’odyssée des gènes d’Évelyne Heyer. Je le trouve remarquable en tout point.
Elle nous livre les dernières connaissances en génétique et parvient à m’apprendre des choses alors que je pense être assez bien informé sur le sujet. Par exemple, je pensais que les yeux bleus étaient apparus il y a 10,000 ans, ils seraient vraisemblablement apparus vers -40,000.
Mais un livre d’Évelyne Heyer ne serait pas complet sans un laïus antiraciste (je le dis avec beaucoup de sympathie). Le racisme n’est jamais devenu un thème plus présent alors même qu’on s’est employé à nier le concept de “races”. On l’utilise à toutes les sauces, tant et si bien qu’il n’est plus nécessaire que la notion de “races” le précède. Toute discrimination sera taxée de raciste. Le concept de race n’aurait aucun fondement biologique. Pourtant, sauf pour quelques cas bien particuliers, on sait différencier un “Blanc”, d’un “Noir” ou d’un asiatique.
Le racisme, tel qu’entendu par Evelyne Heyer, doit comprendre plusieurs choses ; la catégorisation en groupes différenciés, la hiérarchisation de ces groupes et une essentialisation de ces derniers en leur conférant des spécificités biologiques, morales ou psychologiques immuables. Pour elle, le même mécanisme est à l’œuvre dans le sexisme. Parallèle amusant car d’aucun reconnaitra qu’on peut affirmer qu’il existe des sexes sans être taxé de “sexiste”. De la même façon, reconnaître l’existence de “races” ne devrait pas être retenu comme une pente glissante vers le racisme. Mais comme le dit Dawkins, si le sexe est binaire, la race est effectivement un spectre.
Traité
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Le premier livre de NIMH
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Des groupes différenciés ?
Cette question ne fait plus débat. Oui, il est possible de créer des catégories qu’on appelle populations continentales regroupant les individus selon leur proximité génétique et on observe que ces derniers sont d’autant plus proches génétiquement que leurs ancêtres le furent géographiquement. Cela devrait-être suffisant pour les nommer des “races” mais on choisit de refuser ce terme au profit de celui de “populations” afin d’éviter cette “pente glissante” vers le racisme comprenant les deux autres notions que sont la hiérarchisation et l’essentialisation.
Soit, je n’y vois aucun inconvénient, comme je l’ai indiqué dans un autre article, je trouve même plus noble d’user du terme de “race” pour désigner un ensemble bio-culturel et je vais expliquer pourquoi.
Qu’est-ce que la race ?
Qu’est-ce que Charles Peguy appelle la “race française” et Aristote la “race grecque” ? Pourquoi Renan évoque les “races indo-européennes et sémites” ? De quoi Nietzsche parle quand il parle de race en tant que la lignée d’une famille ? Quel est le point commun entre toutes ces acceptions du mot race qui tentent de mettre le doigt sur un concept un peu lâche, difficile à définir, mais dont le sens nous parait entièrement compréhensible ?
Tous ici parlent de la race comme le produit de la transmission. Dès lors que l’on comprend que la vie est une structure dissipative qui va chercher à mémoriser de l’information sur son environnement et que l’évolution va favoriser les systèmes les plus adaptés à leur environnement – car naturellement ils seront plus capables de mémoriser les informations sur ledit environnement afin de dissiper l’énergie – alors il nous est possible de comprendre ce qu’est la race.
La race est une conséquence et un moyen, pas une fin en soi. La mémorisation d’information sur l’environnement passe par différents mécanismes dont les gènes, le système nerveux et le cerveau. Ce dernier va permettre l’émergence d’une culture qui va reposer sur le mème, laquelle va permettre l’optimisation des interactions entre les individus. L’évolution favorisant l’optimisation de la dissipation d’énergie va donc sélectionner les individus disposant de la meilleure capacité à mémoriser individuellement et collectivement des informations sur leur environnement sur une base génétique et culturelle.
De là va naître la race qui est ce mélange génétique et culturel. Elle repose en premier lieu sur une verticalité, une lignée, liée à la naissance et l’éducation des parents, donc aux gènes et à la culture reçus, qui vont sélectionner les individus mémorisant le mieux l’information nécessaire sur leur environnement. Mais elle inclut aussi une notion d’horizontalité, liée à la proximité génétique partagée avec les autres individus, et une culture commune comme façon d’interagir avec ses pairs et de mémoriser l’information sur notre environnement (dans nos livres et nos disques durs). Tout ceci, afin de dissiper l’énergie collectivement, la base de la vie en somme. La vie étant, je le rappelle, un système autopoïétique, collectivement auto-catalytique.
Tous les systèmes vivants libres sont des systèmes autopoïétiques, collectivement autocatalytiques. S’ils sont capables de variation héréditaire, ces systèmes peuvent subir une sélection naturelle et former des biosphères évolutives.
Stuart Kauffman, A world beyond physics
Nous ne vivons pas seuls. Nous créons notre monde vivant ensemble. Aucun individu ne vit seul.
La race est donc le produit et une des conditions de cette transmission d’information génétique et culturelle, verticale et horizontale. On peut appréhender la race à différents niveaux, et ainsi parler de la race française comme Charles Peguy le fait pour l’appliquer à l’échelle d’une nation, les races indo-européennes et sémitiques comme l’évoque Renan, comme on pourra l’appliquer à une lignée familiale comme le fait Nietzsche, ce qui en fait un concept aux contours flous, un brin romantique, en partie socialement construit, en partie biologique mais surtout complexe à appréhender d’un point de vue scientifique.
Deux groupes disposant initialement d’une proximité génétique peuvent se séparer sous l’effet de barrières culturelles les rendant plus endogames et évoluant vers deux races distinctes. Et à l’inverse, deux groupes initialement distincts peuvent établir une culture commune, à commencer par la langue, favorisant le mélange pour n’en former plus qu’un et créer une nouvelle race. Les gènes et la culture s’entremêlent perpétuellement et font disparaître et apparaître de nouvelles races. C’est d’ailleurs intéressant de noter qu’on connaissait les indo-européens via des artefacts culturels, des mèmes, puis qu’on a validé leur existence et leur origine via la génétique et l’ADN ancien.
Je reste cependant d’accord qu’il n’est pas nécessairement opportun de parler de race dans un but scientifique et je préfère utiliser le terme de “populations continentales” pour désigner cette catégorisation du vivant humain qui se veut neutre en soi. Le problème résulte du fait que ce concept non-scientifique peut trouver parfois un certain chevauchement avec le concept scientifique de “populations continentales” comme l’explique David Reich interviewé par Angela Saini.
Mais ensuite, son ton change. Même après tout ce qu’il a dit, il ne rejette pas complètement l’idée de race. David Reich n’est pas un raciste. Mais il n’adopte pas non plus la position antiraciste ferme des généticiens des populations de la vieille école, comme Luigi Luca Cavalli-Sforza, qui ont courageusement débattu avec les racistes scientifiques de leur époque, qui portaient leur politique sur leurs manches. Reich respecte Cavalli-Sforza, écrivant même à quel point il a été une source d’inspiration pour lui. Mais il avoue qu’il se considère comme apolitique.
La génétique des variations humaines est compliquée et subtile, me dit-il. Et sa propre position sur la race est tout aussi subtile. Bien que ses recherches révèlent l’étendue de l’interconnexion entre les humains, le grand treillis unificateur des anciennes migrations, Reich soupçonne toujours qu’il y a quelque chose qui mérite d’être étudié au sujet de la différence entre les groupes. Et il laisse ouverte la possibilité que cette différence soit en corrélation avec les catégories raciales existantes – des catégories dont de nombreux universitaires diraient qu’elles ont été construites par la société et qu’elles ne sont pas du tout fondées sur la biologie, si ce n’est de manière très peu fiable, par exemple en fonction de la couleur de la peau. “Il existe de réelles différences d’ascendance au sein des populations qui sont en corrélation avec les constructions sociales que nous avons”, me dit-il fermement. “Nous devons nous en accommoder”.
Angela Saini, Superior
Race et identité
Tout organisme dissipant l’énergie de son environnement va modifier ce dernier sous l’effet de son action. L’environnement ayant changé, la société humaine peut se retrouver inadaptée à ce nouvel environnement. C’est ce que l’on appelle l’effet de reine rouge. Alors, comme toute structure dissipative dont le but est de dissiper l’énergie, une société humaine va avoir besoin de malléabilité et de stabilité. Elle va chercher à perdurer dans son être tout en se modifiant si nécessaire.
La race, telle que Charles Peguy l’entend quand il parle de “race française”, qui est ce mélange aux contours un peu flou du biologique et du culturel, est le produit de cette recherche de stabilité, nécessitant aussi de la malléabilité. Cependant, de la même façon que je ne pense pas que le mot “race” soit adapté pour définir les populations continentales, je ne crois pas qu’il soit adapté pour définir ce mélange biologique et culturel pour une simple question de sémantique. Je lui préfère le terme d’identité qui n’a jamais eu de prétention scientifique. Comme j’ai pu le dire, l’identité est à la fois individuelle et collective et ce qui touche à la “race” en est la partie collective qui va désigner ce qu’on a en commun avec notre famille et notre nation.
Il convient de ne pas fétichiser l’identité en voulant la conserver à tout prix via un traditionalisme ou un racisme et la figer, car la nature de notre rôle dans l’univers appelle nécessairement à ce qu’elle soit dépassée un jour ou l’autre. Mais quand bien même on faisait un reset et tout le monde partait avec les mêmes gènes et la même culture, de nouvelles identités émergeraient constamment sous l’effet de l’évolution.
Cela ne rend pas la destruction volontaire d’une identité plus légitime. La légitimité de l’altération d’une identité réside dans l’optimisation de la dissipation d’énergie.
Nous avons besoin de malléabilité et de faire évoluer notre identité afin de rester adaptés à notre environnement. Les gènes et la culture doivent évoluer afin d’éviter l’asphyxie de la société et l’effet de la reine rouge. Mais cela ne signifie pas que l’altération et la diversité soient intrinsèquement bonnes en elles-mêmes. La première façon de faire évoluer les gènes est le simple remplacement des générations qui va sélectionner les gènes les plus adaptés.
D’un point de vue culturel, la Renaissance Européenne fut un changement profond de son identité, bien qu’elle s’inscrive dans une certaine continuité, et fut bénéfique puisque l’on s’est mis à dissiper l’énergie de plus en plus efficacement. On connait aujourd’hui un nouveau changement de notre identité mais il est différent en cela qu’il est à la fois biologique et culturel. Ce dernier s’effectue par l’arrivée d’éléments étrangers porteurs d’une culture différente.
Il n’est pas évident à mes yeux que l’immigration actuelle – qu’on subit plus qu’on ne la choisit, composée d’individus sous-qualifiés apportant souvent l’islam dans leurs bagages – nous apportera la malléabilité génétique et culturelle nécessaire pour être plus adaptés aux nouveaux défis qui se présentent à nous, ni que cela nous permettra de continuer notre accélération de la mémorisation de l’information sur notre environnement et de la dissipation d’énergie. Il me semble qu’une immigration choisie et restrictive, favorisant les gens capables d’aider à trouver des nouvelles sources d’énergie comme la fusion nucléaire ou d’augmenter notre capacité à gérer l’information via la recherche autour des ordinateurs quantiques, serait préférable.
Ainsi, l’identité est un processus lent d’optimisation de la mémorisation d’information et de la dissipation d’énergie via l’évolution. Dans un futur lointain, le transhumanisme et les avancées comme les implants cérébraux pourraient accélérer ce processus rendant potentiellement les gènes et la culture, donc la race, de plus en plus obsolètes pour aller vers le partage d’information pure. Mais ce n’est que spéculation.
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Zero HP Lovecraft
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Peut-on hiérarchiser les populations ?
Parler de hiérarchisation nécessite de définir un ou des critères. La majorité se refuse tout simplement à ne serait-ce que penser une façon de hiérarchiser y voyant une faute morale mais, parmi ceux qui s’y risquent, beaucoup voudraient que l’intelligence, mesurée imparfaitement par les tests de QI, constitue une façon adéquate de hiérarchiser les capacités et donc la valeur d’un individu. Est-ce vraiment pertinent ?
Il me semble que le seul critère envisageable serait lié à ce qu’est la vie. En cela, il reposerait sur la définition qu’on lui donne. Est-ce qu’un œuf est un moyen de faire une poule ou une poule un moyen de faire un œuf ? Si on pense que c’est la poule qui est le moyen de faire un œuf, alors le plus important est la reproduction et le nombre d’œufs pondus ; à ce titre, les Africains seraient actuellement au sommet de la hiérarchie. Au contraire, si c’est l’œuf qui est un moyen de faire une poule alors il faut comprendre quelle est la fonction de la poule pour pouvoir les hiérarchiser sur le critère adéquat.
Si, comme je l’ai évoqué plus haut, la vie est une structure dissipative, collectivement auto-catalytique, capable d’homéostasie et d’apprentissage, alors le critère préférentiel devient la capacité à dissiper de l’énergie. En cela, il serait possible de hiérarchiser toutes les structures dissipatives. On sait par exemple qu’à masse égale, un homme dissipe 10,000 fois plus d’énergie que le soleil. Les sociétés humaines sont elles-mêmes des structures dissipatives, donc on peut tout à fait hiérarchiser les individus et les populations sur ce critère.
Si c’est théoriquement possible, cela reste délicat à opérer mais il existe un proxy qui pourrait nous y aider puisque qu’on observe que l’énergie consommée est entièrement corrélée au PIB.
En cela, je ne crois pas que l’intelligence soit un bon moyen de hiérarchiser les individus car, si elle offre de meilleures capacités à dissiper l’énergie, elle ne représente qu’un potentiel et non la mesure effective. La seule façon de hiérarchiser convenablement les individus, les populations, les cultures, les civilisations… serait donc de mesurer la somme d’énergie dissipée par ces entités, ou à défaut, leur PIB. Et il y a fort à parier que cette hiérarchie verrait les juifs ashkénazes à son sommet.
On remarquerait toutefois, d’après François Roddier, que l’intelligence et la dissipation d’énergie sont corrélées, donc l’intelligence pourrait constituer un proxy de médiocre qualité, mais pas complètement irréaliste.
Pour la même raison, les masses des particules évolueraient de façon à maximiser les chances d’apparition de la vie et la production d’organismes vivants. Bien plus, nous verrons que le développement de l’intelligence augmente la vitesse à laquelle les êtres vivants dissipent l’énergie. Il s’en suit que les masses des particules évolueraient de façon à maximiser les chances d’apparition et de développement de formes d’intelligence.
François Roddier, Thermodynamique de l’évolution
Est-ce nécessaire de hiérarchiser ?
Quoi qu’il en soit, on ne s’amusera pas à établir cette hiérarchie car en un mot comme en cent, non ce n’est pas utile de le faire. Cela ne représente pas une grande valeur sinon une valeur symbolique car je ne crois pas qu’un individu acquière de droits institués sur la vie d’un autre individu pour la simple raison que ce dernier dissipe moins d’énergie que lui. Il en va de même pour les populations. Est-ce que les Nord-Coréens valent moins que les Sud-Coréens car ils ont eu le malheur de naître dans un pays communiste ? Je ne pense pas.
On peut considérer que la vie d’un individu dissipant plus d’énergie est plus morale, d’une valeur supérieure, mais cela ne saurait conditionner le droit de jouir de libertés individuelles supérieures autres que celles qu’on obtient déjà pour la juste rétribution de son effort. Ainsi, bien que j’admette une possibilité de hiérarchiser directement liée à ce que je crois pouvoir définir comme le sens de la vie, je suis in fine d’accord, là aussi, avec Evelyne Heyer pour dire que ce n’est guère un critère opérant.
Pourquoi cela ne me semble pas opportun ? En adoptant une vision du monde mercantiliste ou décroissantiste, qui voit les ressources comme quelque chose de fini dans un monde fini, alors la hiérarchisation pourrait naturellement conduire à estimer que la valeur inférieure d’un individu ou d’un peuple conditionne son droit à vivre et ses libertés individuelles. Les décroissantistes attribueront une valeur supérieure aux ressortissants des pays pauvres qui émettent moins de CO2 et ont donc un droit de vivre et procréer supérieur aux ressortissants des pays riches, qui doivent refuser de se reproduire et réduire leurs libertés individuelles.
Les mercantilistes voyaient au contraire dans la prédation de pays civilisés sur les autres l’ordre normal et moral. Mais parce que je conserve une fibre libérale je me préserverais de penser ainsi. Le libéralisme m’a appris une chose, c’est que l’économie n’est pas un jeu à somme nulle, il n’est pas nécessaire de s’adonner à la prédation des autres nations ou à la réduction du nombre d’habitants mais plutôt de chercher la coopération productive.
Plus encore, je ne crois pas que les choses soient figées, ce qui m’amène à la question de l’essentialisation.
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Cette hiérarchisation est-elle une essence figée ?
Un simple regard dans le rétroviseur historique nous permet de répondre à cette question. Les 5 derniers siècles virent la domination des Européens s’exercer sur l’ensemble du globe et il est facilement concevable que l’essentialisation fût un biais de pensée tentant pour les penseurs occidentaux. Cependant, l’essor récent des pays d’Asie de l’Est comme le Japon ou la Corée du Sud suffit à prouver que cet ordre n’est en rien figé et qu’on devrait se garder de toute essentialisation.
À l’échelle individuelle, on peut naître dans une famille pauvre et gravir les échelons, être chômeur temporairement et actif le lendemain. Ainsi, s’il est possible d’effectuer une hiérarchie à un instant t, cette dernière est mouvante à plus ou moins long terme. On notera au passage que ces pays asiatiques ont émergé en étant bien plus homogènes que nous, ce qui pourrait nous pousser à remettre en question la valeur de la diversité pour la diversité telle que je l’ai évoquée plus haut.
Montée du nationalisme ?
Evelyne Heyer nous mettra alors finalement en garde contre la montée du nationalisme, mais qu’appelle-t-on nationalisme aujourd’hui et quel lien entretient-il avec la race ? “Ils bossent et on ne les entend pas”. Voilà ce qu’on peut entendre au sujet d’immigrés comme les asiatiques par exemple.
Qu’est-ce que cela signifie ? Si on va à l’essence des choses, on pourrait le traduire par “Ils dissipent l’énergie et ils n’entravent pas les autres dans leur dissipation d’énergie”. Et je suis d’accord pour admettre que la valeur d’un étranger qui travaille, et donc dissipe de l’énergie, est supérieure à celle d’un inactif. Pour autant, est-ce que sa présence sur le territoire serait plus légitime que celle du natif oisif ? Pas nécessairement.
De la même manière que je ne conditionne pas le droit de jouir de libertés individuelles à un individu en fonction de sa valeur (fonction de la somme d’énergie dissipée), je ne conditionne pas le droit d’un étranger à vivre sur un territoire en fonction de ce même principe. Je pense néanmoins que ce serait une erreur de se priver d’individus de forte valeur, mais je crois que c’est aussi une erreur de les nommer “Français” qui relève de l’identité, cet entremêlement particulier du biologique et du culturel. Ne pas être Français ne leur enlève en rien leur valeur intrinsèque.
Bien nommer ce qu’on appelle un Français est important car cela relève de l’identité et l’identité relève de la stabilité d’un système. Comme nous l’avons évoqué, tout système doit faire face à un compromis entre la malléabilité et la stabilité afin d’augmenter son adaptabilité à un environnement changeant. S’il est trop stable, il peut se pétrifier mais s’il est trop malléable il ne pourra pas persévérer dans son être.
Et c’est de cela dont on parle ici dans ce qu’Évelyne Heyer nomme la montée du nationalisme. Les dernières décennies ont vu l’arrivée massive d’immigrés porteurs d’identités très éloignées de la nôtre. Mais les agents ne disposant pas d’une identité commune vont moins bien coopérer, ce qui rend le système instable. C’est pourquoi est apparu la nécessité dans un premier temps de l’assimilation républicaine qui visait à offrir une culture commune reposant sur l’idéal de la république. Ce modèle a fonctionné un temps car on accueillait des individus en petit nombre, principalement Européens et pour beaucoup acquis à l’idéal républicain. Mais sous l’impact du nombre d’immigrés extra-européens ne partageant pas cet idéal, l’assimilation est vite devenue impossible et a donc laissé place au vivre ensemble visant à établir des modes d’interaction entre individus aux identités variées et à la culture “inclusive” qui, s’y on va à l’essence des choses, pourrait se résumer par “Allez, on va dissiper l’énergie tous ensemble”. Et je comprends l’intention dont le but est de rendre la société plus fonctionnelle, mais cela ne se décide pas aussi simplement.
Un tel projet nécessite la destruction des identités particulières afin d’optimiser la coopération mais les gens aiment leur identité, et ils veulent donc la préserver. C’est pourquoi on a vu poindre à gauche les mouvements décolonialistes et à droite les identitaires, que les porteurs de cet universalisme républicain ne reposant plus que sur le vivre-ensemble multiculturel appellent “la tenaille identitaire”. Mais ils ne comprennent pas que ces mouvements sont nés de l’impasse de l’universalisme républicain. Ce dernier fut un idéal efficace tant qu’il a permis d’unifier la nation française et d’inclure des éléments comme les quelques juifs présents sur le territoire dans un effort productif reposant sur une culture libérale. Le vivre-ensemble multiculturaliste n’est lui pas un idéal mais une tentative de composer avec l’échec de l’universalisme républicain à assimiler toujours plus d’individus issus de cultures diverses. Il est un aveu d’échec du projet initial et il échoue lui-même.
Il est bon de relever que pendant des décennies, la gauche a fait reposer la légitimité aux étrangers à venir s’installer en France sur la fable que cela fut la norme de tout temps. L’histoire de France récente aurait été une succession de migrations et de remplacements. C’est en fait un événement assez rare et violent dans l’histoire de l’Europe. Les Européens constituent un pool génétique stable depuis 4500 ans et on détecte des marqueurs génétiques à l’échelle du village en France témoignant d’une continuité historique. Face à cette réalité, ils ne peuvent qu’opposer aujourd’hui les “libertés individuelles” afin de garantir leur droit de présence sur le territoire aux individus ne partageant ni nos ancêtres, ni notre culture, même si cela se fait au détriment d’une stabilité nécessaire.
De l’importance de bien nommer les choses
En tant que libéral, la question des libertés individuelles m’importe, mais en tant que Français soucieux de la direction historique que prend son pays, la question de la continuité historique et de ce que cela signifie d’être Français m’importe aussi. La qualité de “français” ne conditionne pas la valeur d’une personne, ils peuvent vivre ici et faire montre d’une vie honorable et digne, mais ils ne sauraient être des Français. Car en les qualifiant ainsi vous videz de sa substance le terme et vous poussez les jeunes Français, qu’on nomme aujourd’hui “de souche” ou “au carré” à se raccrocher à la “race” et se définir comme “Blancs” car c’est là tout ce qui reste à ceux à qui on nie leur identité de “Français” pour trouver une “individuation collective” comme le nomme Bernard Stiegler.
L’individuation humaine est triple, c’est une individuation à trois brins, car elle est toujours à la fois psychique (« je »), collective (« nous ») et technique (ce milieu qui relie le « je » au « nous », milieu concret et effectif, supporté par des mnémotechniques).
Définition de l’individuation tirée du site Ars Industrialis, organisation fondée par Bernard Stiegler
Un Japonais sait ce que cela signifie d’être japonais, il n’y a pas besoin de le clarifier, de l’instituer, c’est un sentiment partagé par la population, cela repose sur la naissance et la culture transmise par les parents et la communauté. Un couple d’amis japonais dont les enfants ont grandi à Paris avant de rentrer à Tokyo me racontait d’ailleurs comment leur fils n’était pas perçu comme 100% japonais par ses camarades tant il était imprégné de la culture française. De la même façon, non, tout le monde ne peut pas être français au sens où Charles Peguy l’entend quand il parle de la “race française” qui est ce concept qui, bien qu’il soit non scientifique encore une fois, capture une représentation symbolique de l’identité.
Mais pourquoi c’est important de bien nommer les choses ? Car comme Maxwell l’a mis en avant, l’entropie, donc le chaos, est directement lié à l’information. Dans une expérience de pensée appelée démon de Maxwell, il imaginait deux gaz séparés dans une boite à deux compartiments. Des trous entre les deux compartiments permettent au gaz de circuler. Rapidement le système va tendre vers l’entropie. Imaginons maintenant qu’un démon puisse identifier quels atomes appartiennent à quel gaz, alors il pourra maintenir la néguentropie du système. Ainsi, l’information est capitale. Si le démon ne pouvait pas faire la différence entre les deux gaz, le système irait inéluctablement vers l’entropie. L’information peut être appréhendée du point de vue structurel comme le fait Claude Shannon dans la théorie de l’information mais aussi du point de vue sémantique. Les deux réunis donne une information symbolique. Le terme “Français” est une information symbolique. L’information symbolique est ce qui permet de générer du sens et donc d’augmenter la néguentropie. Si nos livres d’histoire se résumaient à parler de guerres qui opposèrent des humains à d’autres humains car on ne veut pas froisser les gens, ils se résumeraient à des chiffres comptables… et on n’y comprendrait strictement rien car ils seraient dépourvus d’information symbolique. C’est strictement identique dans le cas présent. Sans information symbolique on ne peut avoir de lecture précise des problèmes et donc on se prive de pouvoir les régler car on ne peut pas même les penser.
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Le principe est la naissance qui offre la stabilité, la naturalisation est l’exception à la marge qui offre une certaine malléabilité. Quand la marge devient la norme, alors on voit poindre une trop grande malléabilité qui en devient dangereuse et pousse donc un nombre croissant d’individus à faire le choix de la stabilité, de l’identité. C’est cela qui fait monter ce qu’Évelyne Heyer appelle le “nationalisme” tel qu’on le voit aujourd’hui. Il ne repose pas sur une hiérarchisation, ni sur une essentialisation, ce n’est pas un rejet de l’autre en cela qu’il serait inférieur, ni une essentialisation de cette infériorité. Ce n’est ni plus ni moins que la manifestation d’individus voulant faire reconnaitre leur existence qu’on leur nie et la faire persévérer.
Nous appartenons à une catégorie existante qui constitue un système et on aimerait que ce fait soit reconnu et intégré et qu’on arrête de prendre des décisions comme si ce n’était pas le cas car ce système est en train de disparaître. Si on vote de plus en plus à droite c’est parce que la gauche et le centre nient ce fait de plus en plus. Il n’y a aucun candidat aujourd’hui ne proposant un nationalisme reposant sur la race telle que vous l’entendez d’un point de vue purement biologique, c’est ainsi un peu ridicule de lier la “montée du nationalisme” au concept de race, ou au rejet de l’autre quand on se refuse à accepter qu’il existe un “autre”.
De mon côté, je comprends aujourd’hui tous les points de vue, mais l’idée de revenir à l’universalisme républicain passant par la destruction des identités particulières me semble aussi fou que vain car il a déjà échoué une fois. Il me semble qu’il ne parviendra pas à établir une culture commune permettant la coopération et qu’il nous conduira vers toujours plus d’instabilité. Le multiculturalisme est un non-sens en soi. Une société doit partager une culture commune, un idéal commun pour être fonctionnelle. Son être ne peut pas se résumer à être pluriel. Il finira toujours dans le « wokisme » qui appelle à toujours plus de redistribution pour conserver un semblant de fonctionnalité.
Nous sommes de plus en plus à trouver ce projet fou et c’est cela qui nourrit la montée du “nationalisme”. Ce nationalisme repose souvent sur une volonté de revenir à un état passé qui me semble lui aussi impossible et non souhaitable. Zemmour ne proposait avec son « Pour que la France reste la France » guère plus que de revenir à l’assimilationnisme républicain. D’autres identitaires notent l’échec de l’universalisme républicain et veulent revenir à un stade antérieur jetant le bébé de la modernité avec l’eau du bain. Mais la France doit nécessairement changer pour être adaptée aux défis du XXIème siècle et si cette droite nationaliste parvient à parler aux classes populaires sur le thème de l’identité, elle peine à proposer une vision d’avenir qui puisse séduire les élites, conscientes des enjeux auxquels nous allons faire face.
Nous sommes tout à fait disposés à voir notre identité évoluer si cela nous apparait bénéfique. Mais pour cela, il faut nous proposer une vision du monde optimiste définie. L’enthousiasme que l’on peut avoir pour Elon Musk repose sur cela. Si l’immigration était composée d’ingénieurs qui nous ouvraient la voie vers Mars, il y a fort à penser que nous n’y serions nullement opposés. Mais on trouve cela inquiétant qu’il se pourrait que ce soit l’inverse qui soit à l’œuvre lorsqu’on observe que cela demande de plus en plus de redistribution de notre part, une chute du niveau de l’éducation, une augmentation de l’insécurité, une croissance à zéro et surtout une disparition démographique.
Nous sommes bien conscients que l’identité est une chose en mouvement mais nous souhaiterions faire un autre choix quant au devenir de notre identité. On se retrouve alors, par manque d’une offre politique prenant ce fait en compte, à voter pour des candidats comme un Zemmour dont la vision du monde repose sur un populisme et une vision romantique de la France ou un Macron qui nie l’existence de la culture française et se révèle être un catalyseur de l’instabilité qui a permis l’entrée d’un nombre d’immigrés jamais égalé durant son quinquennat.
Au final, ce que je dis ici, c’est simplement que les Français existent, j’en fais partie et on est disposé à être accueillant et avoir des gens qui ne sont pas Français parmi nous, et même de les assimiler au fur et à mesure, tant que notre pays reste fonctionnel et que cela ne se fait pas au prix de la disparition de notre identité. Cela me semble être assez légitime et modéré.
En refusant de proposer des solutions acceptables pour ces Français, vous faites le terreau de ce “nationalisme”. En marginalisant ces Français dont le sentiment est tout à fait légitime vous préparez les violences de demain qui pourraient être réglées aujourd’hui en respectant au mieux les libertés individuelles et les identités de chacun.
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