Les années 2000 ont vu l’entrée en force de la Chine sur le continent africain, jusqu’ici le pré carré des anciennes puissances coloniales. Trop content de voir arriver un nouvel acteur afin de damer le pion des horribles colons qui leur ont fait tant de mal, les dirigeants africains ont préféré se jeter dans les bras de Pékin plutôt que d’avouer leur incurie à gérer des infrastructures et un budget.
Vingt ans après l’entrée de la Chine en Afrique le bilan est pourtant mitigé pour les Africains eux-mêmes. Et pour cause, le taux d’endettement a été multiplié par 2, Pékin ayant prêté pour 150 milliards aux États africains. Ces prêts sont le plus souvent gagés en cas de défaut de paiement sur les infrastructures du pays débiteur. Par exemple, 60% du pétrole extrait en Angola sert à rembourser les prêts chinois qui s’élèvent à 43 milliards d’euros, une somme colossale pour un si petit pays. Faut-il laisser l’Afrique aux mains des Chinois?
L’opacité des prêts chinois : un usurier très convaincant
Si le taux d’endettement des États africains a grimpé en flèche ces dernières années, les 150 milliards que les Chinois leur ont consenti n’y est pas étranger. Cela étant, il convient de relativiser le poids de cette dette qui ne représente que 17% du total de la dette africaine. Néanmoins, il est difficile de comptabiliser avec précision les prêts chinois, et il est avéré que le chiffre de 40% de la dette africaine adossée à des prêts chinois est faux. Ce chiffre, sorti en début d’année par la presse francophone sur la seule parole des dirigeants africains eux-mêmes, prouve que quantifier la dette chinoise sur le continent africain est une gageure, notamment car Pékin ne rend pas public le détail de ses opérations. Ainsi il n’existe pas de chiffres précis et encore moins de comptabilité sur le service de celle-ci. Tout juste sait-on que les Angolais auraient remboursé 16 milliards sur les 43 que Pékin leur a prêté par exemple. Cependant, aucun acteur étatique ou privé occidental ne possède à lui seul 17% de la dette du continent africain, chiffre qui apparaît beaucoup plus proche de la réalité selon l’université John Hopkins.
De plus, il existe une multitude de prêts. Si l’Eximbank chinoise détient la majorité des créances, de nombreux prêts sont effectués par d’autres acteurs, notamment privés. L’opacité est également renforcée par les gouvernements africains, comme Kinshasa qui est venu réclamer au FMI car le Congo était au bord du gouffre. C’est ainsi que l’on a découvert des prêts chinois à hauteur de plus de 8 milliards qui ont été consentis à la RDC, soit 40% de la dette globale du pays. A contrario, les annonces chinoises sont parfois fumeuses, avec pour preuve l’annonce d’un prêt de plus de 5 milliards d’euros au Nigeria, alors qu’en réalité seul 2,5 milliards ont été débloqués.
Avec le Covid, les États africains sont à l’agonie. Nigéria et Angola sont largement pénalisés par la chute du pétrole, et, quant aux autres, le financement d’importants plans de relance pour soutenir leurs économies déficientes rendent le remboursement de leur dette improbable. Xi Jinping peut claironner qu’il a annulé pour 4 milliards d’euros de dettes depuis 2000, mais c’est un faux-semblant, car l’annulation ne porte que sur les prêts sans intérêts, soit à peine 5% du volume consenti.
Pour autant, les conditions des prêts que consent Pékin sur le continent africain varient peu de ses homologues occidentaux, et les Chinois n’hésitent pas à se servir.
Un recouvrement très pragmatique
La dette de ce continent n’est pas monobloc, et Pékin la négocie pays par pays. Le troc est de vigueur entre des pays largement déficients, voire en banqueroute comme le Congo, et une économie qui génère de la richesse comme le Kenya. Si 72% de la dette publique kényane est détenue par la Chine, cette dette n’a pas les mêmes effets sur un pays à l’économie plus prospère, que sur Djibouti, endetté à 82% auprès de la Chine et dont l’économie se résume pour l’essentiel aux activités portuaires. Concernant les 8 milliards de prêts congolais, Kinshasa avait concédé l’exploitation de mines de cuivre et de cobalt ainsi que de la construction d’infrastructures de base. Ce troc avait fait réagir le FMI qui en dénonçait l’opacité manifeste. Et pourtant, aucun Africain ici pour nous seriner avec “l’exploitation honteuse des ressources de son continent”. D’autre part, les emprunteurs africains doivent souvent rembourser leurs dettes chinoises en moyenne plus rapidement (16 ans) que les prêts obtenus auprès de la Banque mondiale (38 ans).
Les prêts de la Chine à l’Afrique ont avant tout des motivations commerciales, voire stratégiques, et s’insèrent bien souvent dans le vaste projet de Pékin des nouvelles routes de la soie. La Chine a pour point de mire son propre intérêt et non celui des Africains, ce qui est bien normal.
Prenons un des projets phares de la Chinafrique : la ligne Nairobi-Mombassa inaugurée en 2017 grâce à un prêt de 4 milliards de dollars octroyés aux Kenyans par les Chinois. Un an plus tard, le directeur de la compagnie ferroviaire nationale est arrêté pour corruption. Quelques semaines plus tard, ce sont les dirigeants de la China Road and Bridge Corporation qui tombent à leur tour pour avoir corrompu les enquêteurs kényans. Au-delà de cette anecdote, la clause de recouvrement en cas de non-paiement est claire : la Chine prendrait le contrôle du port de Mombasa en cas de défaut de la partie kényane.
La Zambie, pays de 15 millions d’habitants, est endetté à hauteur de 8 milliards auprès des Chinois. Ici, la clause de recouvrement stipule que Pékin prendrait contrôle de la compagnie d’électricité locale.
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Les objectifs de la Chine en Afrique
Inutile d’être naïf : la Chine assume bien sa puissance, et mène une politique impérialiste en Afrique. Elle est dans son rôle, face à des Occidentaux qui sont tout aussi fatigués de l’errance du continent africain et qui, surtout, n’entendent plus assumer leur puissance.
La Chine entend intégrer l’Afrique à son projet de route de la soie, car elle entend vendre avant tout des produits bas de gamme et des services à des pays dont la démographie est galopante. Aussi, la vision d’une Chine investissant massivement sur le continent doit être nuancée : créancier certes, mais pas investisseur pour autant. C’est ainsi que Pékin est devenu le principal partenaire économique de ces pays. La stratégie chinoise est fine et bien rodée ; elle se focalise avant tout sur les infrastructures du pays comme les réseaux de transports et de communication afin de permettre à ses géants tels qu’Alibaba, Huawei ou Tencent d’y déverser leur camelote.
Si l’Afrique constitue un marché, elle est surtout un espace de sous-traitance pour Pékin dont l’économie est en pleine mutation depuis la crise financière de 2010. Fini les produits bas de gamme fabriqués en Chine, ceux-ci sont désormais largement délocalisés en Afrique. Selon la Banque mondiale, 43 % des investissements chinois en Afrique, entre 2003 et 2014, se sont faits dans l’industrie manufacturière, où les salaires sont jusqu’à 5 fois moins élevés.
Enfin, Pékin veut sécuriser ses approvisionnements en matières premières, comme les hydrocarbures et l’agroalimentaire, deux domaines où les besoins de sa population sont en constante augmentation.
Conclusion
Finalement, la Chine est en passe de remplacer les Occidentaux en Afrique. Nous ne pouvons pas lutter face aux grands groupes chinois qui profitent des réserves grâce aux excédents commerciaux colossaux. Mais les Chinois ne sont pas venus en Afrique pour développer le pays. Ils ont un objectif : faire main basse sur les ressources. Ils ont la puissance pour le faire, et l’assument, face à des Occidentaux qui culpabilisent sans cesse vis-à-vis de la colonisation et de tout le mal supposé qu’ils y ont fait.
Or, les Chinois n’ont cure de cela, et ils colonisent à leur tour le continent africain toujours incapable de se gérer. Si le pétrole de l’Angola ne sert qu’à rembourser la dette contractée auprès des Chinois et non à développer le pays, c’est avant tout à cause de l’incurie des Angolais eux-mêmes. Les Chinois se moquent de la corruption et de la gangrène qu’elle suscite pour les peuples africains. Ce n’est pas leur problème. En cas d’insolvabilité des partenaires africains, les Chinois entendent bien s’emparer des infrastructures qu’ils ont aidé à construire, c’est bien ce que l’on appelle une colonisation ; et ils ont bien raison.