Rush est un film de 2013, réalisé par Ron Howard, traitant de la rivalité entre les pilotes de Formule 1 Niki Lauda et James Hunt, qui se disputèrent le titre de champion du monde dans les années 70 au sein des écuries mythiques Ferrari et McLaren; une époque où, chaque année, en moyenne, 2 pilotes mourraient sur les circuits.
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C’est ce rapport à la mort de ces deux destins hors du commun, qui obtiendront tous les deux le précieux sésame, qui conditionne tout le sens du film. Car plus que le simple aspect sportif, ce qui est poignant dans cette œuvre est la différence de tempérament et de philosophie de vie adoptée par les deux pilotes, incarnant respectivement pour l’un un profil Apollinien et pour l’autre un profil Dionysiaque. À ceci près qu’Apollo est réputé pour sa beauté alors que Niki Lauda a une tête de rat comme ne manque pas de lui rappeler Hunt. Loin de prendre ça pour une insulte, le pilote autrichien lui rappellera combien les rats sont intelligents. Car s’il est un trait caractéristique chez Lauda, c’est bien son intelligence et sa ruse.
La raison contre la passion
Parlons des buts de chacun justement. Niki Lauda explicite clairement pourquoi il a fait le choix de la Formule 1 lors d’une discussion avec son partenaire, Clay Regazzoni, alors qu’il vient juste de signer pour Ferrari. Nulle question de passion, tout chez lui est très raisonnable. Il a identifié que c’était le domaine où il était le meilleur et il le voit comme le moyen de gagner sa vie.
Et sa vie justement est plus importante que n’importe quel prix qu’il pourrait obtenir. C’est ainsi qu’il offrira sur un plateau le titre de champion du monde à son rival en 1976 lors de la dernière course, en choisissant de se retirer plutôt que de prendre des risques dans des conditions trop pluvieuses à son goût. James Hunt est, lui, le strict opposé; il ne court pas pour l’argent mais pour la gloire, les femmes et se sentir vivant, quitte à mourir. Il ne prépare pas de plans sophistiqués; il fonctionne uniquement à l’instinct. Il se rapproche ainsi du héros Européen ou du surhomme nietzschéen. Cet être plein de vie qui, comme Achille, fait le choix d’une vie courte mais mémorable alors que Niki Lauda se rapproche plus d’Ulysse, l’archétype du rusé qui use de sa raison pour arriver à ses buts; et comme dans les poèmes homériques, c’est bien Lauda qui l’emportera sur le long terme, en finissant avec trois titres au compteur en tant que pilote contre un pour Hunt qui mourra à peine à 45 ans.
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Le premier livre de NIMH
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Le sérieux de Lauda contre le plaisir de Hunt
Niki Lauda est ainsi un stoïcien, alors que James Hunt un hédoniste. La conversation qu’ils ont à la fin du film souligne bien cette différence d’approche de la vie quand Hunt dit à Lauda que pour lui, tous les efforts fournis doivent bien permettre d’en tirer des plaisirs à un moment, sans quoi ils seraient sans intérêts.
Lauda, lui, se montrera d’humeur égale du début à la fin, ne laissant jamais paraître la moindre émotion, même lors de son mariage où on comprend pourtant qu’il est heureux et que cette émotion l’effraie.
Mais pas plus lorsqu’il subit cet accident tragique, qui lui brûlera visage et corps et le tiendra éloigné des pistes pendant six semaines, laissant Hunt engranger les points. Tout chez lui n’est que rapport de force, et s’il aime dominer, il respecte les gens qui le poussent dans ses retranchements, en premier lieu James Hunt, sans qui il n’aurait jamais été la légende qu’il deviendra.
L’étoile Hunt et le trou noir Lauda
Hunt est comme une étoile : il est solaire; il génère la vie autour de lui, mais trop s’en approcher c’est se bruler, comme son ex-femme Suzy Miller en fera les frais. Il brûle très fort, jusqu’à atteindre son apogée comme une géante rouge avant de décliner pour devenir une naine blanche. Une fois que Hunt atteindra son but suprême de gagner un titre de champion du monde, il ne sera plus jamais aussi compétitif. Il continuera sa vie de « playboy » et quittera la course automobile deux ans plus tard. Lauda est l’opposé, mais il n’est pas lunaire, c’est un trou noir. Il est supérieur à l’étoile qu’il pourrait absorber sans broncher. Si Hunt parvient à gagner, c’est uniquement car il l’a décidé. Alors que Hunt attire les gens par sa joie de vivre, Lauda les force à le suivre en définissant les règles d’interaction.
L’exemple le plus criant étant la façon par laquelle il accède à la Formule 1. Alors qu’il parvient à rejoindre l’écurie BRM en tant que pilote, initialement à la faveur d’un investissement financier, il redéfinira les règles après avoir prouvé qu’il pouvait faire gagner 2,3s par tour à son coéquipier vedette en effectuant des modifications sur la voiture. Il entretient des relations froides avec ses collègues qui ne l’aiment guère, mais il fait ses preuves.
Le génie Lauda et le héros Hunt
Mais alors lequel de ces archétypes est le meilleur ? Le génie, ce monstre de travail disposant d’un cerveau attiré par la compréhension des systèmes; ou le héros, cet être charismatique qui œuvre à sa gloire individuelle et recherche la liberté ? Si j’observe une supériorité effective en terme de résultat de la personnalité de Lauda qui allie discipline, intelligence et méthode, j’aime la part de chaos et de vitalité chez Hunt. Je ne saurais me prononcer. Je suis d’un naturel proche de Niki Lauda, et c’est sûrement pour cela que j’ai une forme d’admiration, voire d’envie, pour les archétypes comme celui de Hunt. Lauda lui même confiera cette envie sur la fin. On pourra nourrir des regrets à voir Hunt ne pas pousser son potentiel plus loin, lui préférant un bon équilibre avec une vie riche en plaisirs. On pourra au contraire regretter de voir quelqu’un comme Lauda tout sacrifier de la sorte, mais on ne peut pas changer sa nature. Niki Lauda était sûrement très haut sur le spectre de l’autisme, il n’aurait pas pu être différent quand bien même il le choisirait, et il en va de même pour Hunt. Ils constituent chacun à leur manière un archétype qui a fait la grandeur de l’Occident, le génie et le héros. Mais la grande force du génie est que son talent dure.
For me, James was the most charismatic personality who’s ever been in Formula 1.
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C’est pourquoi Niki trainera sa célèbre casquette rouge sur les circuits de Formule 1 jusqu’à la fin de sa vie. Mercedes ira chercher son savoir-faire en 2012 pour obtenir le succès que l’on sait aujourd’hui. La série Netflix Drive to Survive lui accordera un épisode lors de son décès, avançant qu’il fut un argument de poids pour faire venir Lewis Hamilton. Ainsi, si Niki Lauda n’était pas le plus charismatique des deux protagonistes, il y a de fortes chances qu’on se souviennent de lui bien plus longtemps que James Hunt.
Mon film préféré, excellent article !