Cet article est une traduction de “The Psychology of Progressive Hostility” de Matthew Blackwell, publié sur Quillette.
NB : Les termes “conservative” et “liberal” n’ont pas vraiment d’équivalent en français. Ils ont respectivement une signification proche des termes “libéral-conservateur” et “social-démocrate”. Bien que, sur RAGE, nous employons fréquemment le mot “progrès”, le sens de “progressive” sert ici plutôt à qualifier ceux qui militent pour ou soutiennent davantage de “justice sociale”. “Liberal” et “progressive” sont ainsi deux mots au sens assez proche ; ils définissent plus ou moins la même chose : un individu aux idées résolument de gauche, tout comme “conservative” signifie l’exact inverse.
Récemment, je suis arrivé à un moment d’introspection à propos d’un aspect étrange de mon propre comportement. Quand je suis en désaccord avec un ami ou collègue conservateur sur un sujet politique, je n’ai pas vraiment peur de dire ce que je pense. Je parle, ils écoutent et répondent. Mais j’ai découvert que lorsque je ne suis pas d’accord avec un ami de progressiste, ou qu’il affirme quelque chose que je sais incorrect, j’hésite à le relever. Cette hésitation est une conséquence de la différence de traitement que l’on a tendance à recevoir de la part des gens de droite ou de gauche, lorsque l’on exprime une divergence d’opinion.
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“C’est vraiment une putain de question conne”, a répondu un militant de la Socialist Alliance (parti australien ouvertement anticapitaliste et éco-socialiste) quand je lui ai sincèrement demandé la provenance de leur statistiques d’augmentation de la pauvreté. “Si tu ne crois pas au mariage gay et aux réglementations sur les armes à feu, supprime-moi de tes amis” est demandé sur de nombreux statuts Facebook de mes connaissances. “C’est immonde et raciste !” bafouilla avec hargne un Ben Affleck rouge de colère quand le neuroscientifique athée Sam Harris critiquait les doctrines et idées musulmanes, sur l’émission Real Time de Bill Maher. Personne ne bouge un doigt quand Harris critique le christianisme, encore moins Affleck, qui a notamment joué dans la satire religieuse irrévérencieuse Dogma. Mais les chrétiens ne sont pas vus comme étant une des minorités sacro-saintes et protégées par la gauche. Comme le dit très bien Michael Shermer dans un tweet :
Les déchaînements d’agressivité émotionnelle de la part des militants progressistes – dits “SJW” – est communément appelé être “triggered” (provoqué/amorcé). Ce terme fut initialement utilisé pour des patients souffrant de stress post-traumatique, mais les militants se le sont appropriés pour décrire l’anxiété et le malaise qu’ils vivent lorsqu’ils sont en face d’opinions qu’ils ne partagent pas. “Nique la liberté d’expression !” dirent ces SJW sur Vice Media, comme pour justifier cette tendance, parmi les étudiants du supérieur, à vouloir censurer les conservateurs dans les universités. Ça n’est secret pour personne qu’avec l’augmentation de progressistes triggered, les professeurs d’université sont de plus en plus intimidés par leurs propres élèves. Un exemple qui illustre parfaitement cette fâcheuse tendance est celui procuré par les hordes d’étudiants qui ont encerclé, en criant, le directeur et sociologue de l’université de Yale, Nicholas Christakis, en demandant sa tête (chose qu’ils ont plus ou moins eue). Christakis avait fait l’erreur de défendre un e-mail que sa femme avait écrit, une critique souple des tentatives de Yale concernant la régulation des costumes des étudiants pour Halloween. “Mais qui t’a recruté, putain ?!” avait crié un étudiant furieux, en réaction. “Tu devrais quitter tes fonctions !”
Ce genre de mentalité “c’est comme ça ou rien” se propage bien au-delà des universités des grandes villes, jusque dans des communautés plus reculées. Dans la petite ville de Alice Springs, en plein milieu de la brousse australienne, où j’ai autrefois vécu, des provocateurs ont attaqué et tenté de réduire au silence le conseiller municipal, aborigène, local, Jacinta Price, pour ses efforts dans l’amélioration des conditions de vies de “son” peuple. Quand Price avait tenté d’alarmer et de prévenir les gens à propos de l’augmentation exponentielle des MST, ou des viols d’enfants dans les communautés aborigènes, elle fut accusée de “traître”, et de “noix-de-coco” (terme dénigrant utilisé pour décrire une personne jugée “noire” à l’extérieure et blanche à l’intérieure). Ces critiques ne viennent pas de la majorité des aborigènes d’Alice Springs, mais d’une minorité de militants furieusement offensés, qui, dans leurs propres petits cercles, manigancent pour une éviction, non-démocratique, de Price, du conseil municipal. La censure est à présent l’instrument de choix, et cet autoritarisme réactionnaire est plus en plus représentatif de ce que le militant musulman social-démocrate, Maajid Nawaz a nommé la “Gauche Regressiste“.
Ainsi, comment et pourquoi ces militants sont-ils devenus si intolérants et hostiles ? Une partie de cette agressivité peut être expliquée par une ignorance et un manque de curiosité volontaires concernant les idées qu’ils ne partagent pas. Bien trop souvent, un ami progressiste inspectera ma bibliothèque d’une manière inquisitrice. Ce qui se passe ensuite reste très prévisible. Quand ils réalisent que l’épique The Sexual Life of Savages de Malinowski Melanesian ne comprends pas d’images érotiques, ils porteront leur attention sur la collection de d’Ayn Rand. “Qu’as-tu d’autre ?” demanderont-ils d’un air indigné, en prenant en otage un exemplaire de Capitalism: The Unknown Ideal. Je demanderais “L’as-tu déjà lue ?”. “Non.”répondront-ils avec assurance.
Le philosophe John Stuart Mill expliquait que le second plus grand orateur de l’Antiquité étudiait toujours la cause de son adversaire avec autant d’attention, si ce n’est plus, que la sienne propre. Mill maintenait que si nous n’étudions pas avec attention les opinions de ceux avec qui nous n’étions pas d’accord, nous ne saurons jamais réellement ce qui est vrai ou faux à leur propos. “Celui qui ne connait que son propre avis”, disait en 1859 Mill dans son livre De la liberté, “ne connaît pas grand’chose”. Nos adversaires pourraient avoir raison sur tout ce que nous savons ou tout ce à quoi nous attachons de l’importance, puisqu’ils pourraient apporter un argument auquel nous n’aurions jamais pensé. Quand bien même ils n’auraient pas raison, Mill indique que des éclats de vérité peuvent exister dans leur erreur, ces derniers pouvant à leur tour permettre à notre esprit d’explorer de nouvelles directions.
Il existe, parsemés au travers de cette théorie randienne, à mes yeux erronée, de l’objectivisme, des moments de perspicacité pénétrante. Dans la critique de son travail, le dernier président de l’American Philosophical Society, Robert Nozick, qualifia son oeuvre de “puissante, éclairante et suscitant la réflexion”.
Le monde est plus complexe que ce que nous pouvons imaginer, et chaque nouveau point de vue rencontré peut enrichir notre compréhension, même si nous ne l’embrassons pas entièrement. Mais avec cela, vient un risque d’effacement de soi, ainsi qu’une incertitude grandissante. Imaginez que vous vous tenez dans une petite clairière au beau milieu d’une vaste forêt, et que cette forêt représente votre ignorance du monde. Cette clairière dans laquelle vous vous tenez représente ce que vous savez. Lorsque vous acquérez des connaissances, la clairière s’étend et la forêt recule. L’extension de la clairière implique une augmentation de sa circonférence, et donc de la surface de contact entre la connaissance et l’ignorance ; notre connaissance de l’étendue de notre ignorance s’étant ainsi. Paradoxalement, le plus nous devenons savants, le moins nous avons le sentiment de l’être. C’est l’origine de l’humilité intellectuelle, le célèbre constat de Socrate, plus on sait, plus on sait qu’on ne sait rien, et plus il devient clair que nos propres opinions sont fragiles.
Ceci est un énorme problème pour les étudiants progressistes qui entrent dans l’enseignement supérieur, où des points de vue homogènes sont enseignés, et ceux hétérogènes, boudés. Par exemple, un des concepts les plus ridiculisés par les philosophes dans les dernières décennies reste la notion de “justice sociale”; à tel point que le philosophe, économiste et Prix Nobel Friedrich von Hayek signalait à quel point ceux qui défendaient encore cette idée devaient être couverts de honte. Cependant, demandez à n’importe quel SJW d’évoquer un seul opposant à l’idée de justice sociale, il en sera incapable. Les critiques de la justice sociale sont habituellement balayées sous le tapis dans un environnement où l’ont demande aux étudiants d’embrasser pleinement ce concept, comme si aucune objection légitime n’avait jamais existé.
Un grand nombre de brillants philosophes et de Prix Nobel d’économie ont des sensibilités politiques de droite. Le problème est que ces individus ont tendance à aller travailler dans le privé, ou entrer dans des domaines académiques comme l’ingénierie, l’économie et les mathématiques. Ils ont ainsi abandonné les sciences humaines et sociales – ce que Roger Scruton appelle les “faux domaines”, d’études ethniques ou de genre – à leurs opposant politiques de la gauche ; ces derniers savourant leur rôle incontesté de façonneur de l’esprit des étudiants. Selon un sondage de 2005 réalisé aux Etats-Unis, il n’y avait qu’un professeur de sociologie dans les sciences humaines et sociales Républicain pour 40 enseignants Démocrates. Et nous connaissons l’étendue de leur ressentiment au sujet des opinions qui franchissent le consensus progressiste, sur leur territoire.
L’année dernière, l’affaire Wilfred Laurier a choqué nombre de professeurs conservateurs et modérés, quand une jeune assistante d’enseignement nommée Lindsay Shepherd révèle avoir été interrogée et réprimandée par ses supérieurs pour avoir montré une certaine vidéo dans son cours d’études de communication. La vidéo en question était un débat télévisé entre un groupe de progressistes et le psychologue Jordan B. Peterson, à propos des sanctions que devraient – ou pas – recevoir les Canadiens qui refuseraient d’utiliser les nouveaux pronoms transgenres comme “iel” et “ille”. Durant l’enregistrement clandestin de l’interrogatoire de Shepherd, ses supérieurs expliquent que les opinions de Pr. Peterson sont problématiques, qu’elles devraient être critiquées ou qu’elles ne devraient pas être montrées à ses élèves du tout. “Ce serait prendre parti”, protesta une Shepherd révoltée, insistant sur le fait que même si elle ne partage pas elle même les opinions de Peterson, elle avait diffusé la vidéo pour encourager un débat dans son cours. “Oui”, répondit un de ses interrogateurs. “Ne vois-tu pas qu’il y a quelque chose qui n’est pas vraiment favorable à un débat ?”. Son travail, comme elle en a été informé, serait en réalité de combattre la Droite.
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D’après ces universitaires et d’autres comme eux, non seulement les gens devraient être punis pour ne pas se conformer au nouveau consensus du politiquement correct, mais les opinions de droite s’opposant à la sanction de la non-conformité devraient être aussi punies. Une étude de 2012, effectuée par Yoel Inbar et Joris Lammers et publiée dans Perspectives on Psychological Science, a conclu que les universités de gauche discriminaient ouvertement les minorités conservatrices au sujet des promotions de postes et des demandes de subventions.
Etant donné le contexte actuel, les conservateurs seraient conseillés d’abandonner purement et simplement l’éducation supérieure pour leur salut. D’un autre côte, c’est un problème quand les étudiants font leur cursus universitaire où l’intégralité de leurs cours est enseignée par des professeurs avec de franches sensibilités de gauche. Pour des étudiants de droite, l’atmosphère toxique et hostile de l’université n’handicape pas leur développement intellectuel. Ces étudiants arrivent à l’université avec ces idées là, et continueront naturellement à chercher et lire des auteurs de droite pendant leur propre temps libre, pour compenser la dernière application de la doctrine progressiste qu’ils sont contraints de subir en cours. Le plus ambitieux sera familier à la fois avec Rand et Marx, Keynes et Hayek, Galbraith et Friedmann, Krugman et Sowell, Picketty et Peterson. Mais nous avons le devoir de nous inquiéter pour les étudiants de gauche, qui arrivent avec des idées de gauche, pour être ensuite aspergés de la même chose en cours et pendant leur temps libre. De tels étudiants vivent dans un univers intellectuel bien plus réduit que celui qui est traversé par les étudiants aux sensibilités de droite. Il n’est d’ailleurs pas question de nier l’espace intellectuel occupé par les fanatiques réactionnaires du côté opposé du spectre des idées politiques. Mais cela n’excuse pas la fermeture d’esprit dans une université.
En 2014, un des chercheurs les plus éminents dans le champ de la psychologie morale était publiquement accusé d’homophobie pour avoir montré à ses étudiants une vidéo à propos de “L’abasourdissement moral”. Le script de la vidéo que Jonathan Haidt a montré à sa classe peut être consulté ici, et le script des excuses qu’il a présenté en cours le jour suivant peut être trouvé ici. Une enquête ultérieure par le Bureau de l’Egalité des Opportunités de l’université n’a trouvé aucune preuve d’actes répréhensibles. Haidt devint fasciné par le problème de l’hypersensibilité à l’université. “Ce sont des temps fous, mais ce sont aussi des temps fascinants pour un sociologue”, il a depuis remarqué “c’est l’aube d’une nouvelle religion, et j’étudie la psychologie morale à travers la religion, la politique et même les sports ; ils sont tous des manifestations d’un tribalisme”.
Dans son remarquable ouvrage The Righteous Mind: Why Good People Are Divided by Politics and Religion, Haidt remet en avant une expérience pertinente. Lui et ses collègues Biran Nosek et Jesse Graham cherchaient à découvrir à quel point les étudiants de droite et de gauche étaient capables de se comprendre, en leur posant des questions morales tout en leur demandant de répondre comme l’autre camp l’aurait fait. “Les résultats furent clairs et uniformes” d’après Haidt. “Dans toutes les analyses, les individus de droite étaient plus juste que ceux de gauche”. Il était demandé de penser comme l’autre camp l’aurait fait aux participants. Les uns étaient davantage capables de répondre à ces questions de la manière dont les autres le faisaient, mais pas l’inverse. En fait, ceux à gauche semblaient vouloir faire dire à l’autre bord des idées qu’ils n’ont pas du tout. Effectivement, Haidt et ses collègues ont montré que les élèves de gauche ne comprenaient pas les idées des élèves de droite autant que ceux de droite comprenaient celles de gauche.
Les gens sont énervés face à quelque chose qu’ils ne comprennent pas, et une éducation totalement progressiste garantit cette incompréhension.
Les recherches de Haidt font écho aux arguments formulés par Thomas Sowell dans A conflict of Visions et par Steven Pinker dans The Blank Slate. Sowell et Pinker soutiennent que les conservateurs voient un regrettable monde de compromis dans lequel tous les jugements moraux ont un prix qui ne peut être parfaitement équilibré. Les progressistes, en revanche, semblent être dans un état de cécité – ou de déni – concernant ces compromis, qu’ils soient économiques ou sociaux ; leur vision est utopiste, sans nécessaire contraintes exogènes, dans laquelle chaque grief moral doit être immédiatement écrasé jusqu’à la perfection de la société. C’est pourquoi la droite n’a pas la même tendance que la gauche à exprimer cette agressivité émotionnelle ; une compréhension plus profonde de la complexité du monde a cet effet d’encourager l’humilité intellectuelle. Un individu de droite écoute les dernières exigences d’un individu de gauche et dit “Je vois pourquoi tu en arrives à cette conclusion, mais je pense que tu as négligé ceci et cela …”. En contraste, l’inverse ressemble davantage à “Je n’ai vraiment aucune idée de la raison pour laquelle tu penses cela. Tu es probablement raciste”.
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Sans nul doute, d’autres facteurs s’immiscent dans le mélange de l’esprit progressiste provoqué. Des théories à la mode, comme celles avancées par Jacques Derrida, apprennent aux étudiants que tous les textes et langages sont construits par le pouvoir, donc tout argument, par n’importe qui en position de pouvoir “genré” ou “racial”, peut être méprisé et ignoré, quelle qu’en soit sa validité logique. Par le renforcement de cette prémisse grâce à une éducation lourdement biaisée à gauche, les universitaires ont créé leur propre monstre de Frankestein, une génération d’étudiants fanatiques ; ils se rendent compte à présent qu’ils sont incapables de renfermer la boite de Pandore qu’ils ont pourtant ouverte. Avec l’émergence de la Heterodox Academy, des professeurs de part et d’autre du spectre politique s’unissent, inquiétés par les dangers d’une orthodoxie éducative, et ainsi motivés à mettre à mal la main mise de la gauche sur les sciences humaines et sociales. C’est une noble prise de position au nom de la diversité des opinions et du libre questionnement, au moment ou tout le reste de la société devient doucement conscient de ce dans quoi vont leurs impôts. Le franc déclin de la confiance publique dans le supérieur, surtout parmi les Républicains et conservateurs, suggère que ces derniers ne sont clairement pas conquis.
Il semble que vous pensiez implicitement que le progrès social peut être décorrélé du progrès technique. (je ne parle pas que de cet article).
Pouvez nous dire ce qu’il en est ?
À titre personnel, je me considère comme étant progressiste, que ce soit sur les plans sociaux, économiques ou technologiques. Toutefois, je ne crois pas que le progrès social soit ce que d’autres pensent qu’il est : dysgenisme et égalité.
Bonne chose cette Heterodox Academy, rien de similaire pour l’Europe ?
Pas à ma connaissance.