Cet article est une traduction faite par l’Institut Libéral d’un texte de l’historien Ralph Raico, The European Miracle, extrait du recueil Collapse of Development Planning édité par Peter J. Boettke. Nous vous conseillons dans le même registre nos articles sur la révolution industrielle.
Le grand expert en développement économique Peter Thomas Bauer avait toujours mis en avant l’importance des faits historiques pour mieux comprendre le phénomène de la croissance économique. Il avait dénoncé en même temps le manque d’intérêt pour la « dimension historique » dont font preuve de nombreux chercheurs lorsqu’ils se penchent sur les facteurs du développement d’une économie.
Un trop grand nombre d’auteurs se perdent en effet dans un excès de spécialisation. On assiste de plus en plus à une forme d’obsession positiviste pour les données, alors que celles-ci ne sont que le fruit aléatoire des méthodes d’évaluation mathématiques. Il en résulte un éloignement grandissant entre les modèles de développement les plus répandus dans le monde académique et la réalité.
Les compétences et les attitudes, les coutumes et les institutions ne peuvent pas toujours être quantifiées lorsque l’on fait appel à elles pour nous éclairer. Ce sont pourtant ces facteurs qui déterminent l’essentiel du développement économique et non pas ceux que l’on retrouve le plus souvent dans la littérature spécialisée actuelle, à savoir les conditions des échanges, les réserves de devises ou la productivité du capital.
Même si un auteur adopte une approche historique, la priorité accordée aux données quantifiables plutôt qu’aux facteurs socio-psychologiques et institutionnels restreint la perspective chronologique. On prend alors le risque d’une déformation des résultats et d’une perte de pertinence de l’analyse. Ainsi, il est trompeur de prendre pour origine les XVIIIe et XIXe siècles pour comprendre le développement économique de l’Europe. Auparavant, le continent ne se trouvait nullement dans une situation de vide transitoire sans aucun signe de progrès.
L’Occident était imprégné de concepts et d’institutions qui ont stimulé les échanges économiques et le progrès technologique — davantage même que l’Asie n’en fait état aujourd’hui. Cette pensée économique et ces institutions avaient progressivement été introduites au cours des huit siècles précédant les Lumières et la révolution industrielle.
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L’holisme méthodologique semble être la source des problèmes dénoncés par Bauer : cette théorie se concentre sur l’étude des agrégats, alors que les acteurs individuels et les institutions mises en place sont passés sous silence. Or ce sont précisément les « différences de compétences et d’institutions profondément ancrées chez l’être humain qui sont responsables des écarts de développement économique ainsi que du rythme du progrès matériel ».
Bauer renvoie donc à l’analyse de l’histoire européenne et aux siècles qui ont précédé la révolution industrielle en portant son regard en particulier sur « les liens entre les institutions sociales, politiques et juridiques ». Il s’appuie sur une impressionnante collection de travaux académiques publiés ces dernières années qui traitent précisément de ces aspects.
Le miracle européen
Certes, la science est rarement unanime dans sa compréhension et son interprétation des rapports de causalité historique de l’ascendance de l’Europe. Le tableau qui en ressort habituellement, étayé par de très nombreux auteurs de renom, souligne néanmoins certains facteurs clés. Pour simplifier, nous regrouperons ces auteurs, en dépit de certaines divergences, au sein d’une école de pensée précise. Leur approche peut être définie comme « institutionnelle », ou, pour citer le titre d’une œuvre de référence, comme celle du « miracle européen ».
Ce « miracle » peut être illustré par un fait aussi simple qu’évocateur : en Europe, et dans les territoires sous son contrôle, notamment l’Amérique, une forte augmentation générale du revenu par habitant s’est produite dès la fin du XVIIIe siècle après des centaines d’années de stagnation économique.
Ce rapide accroissement du bien-être a permis à toute la société européenne, et pas seulement à la noblesse, d’échapper au « piège malthusien ». Des millions d’individus appartenant aux nouvelles générations ont très vite pu échapper à la misère et au désespoir permanents auxquels étaient condamnées les générations passées. La question est de savoir pourquoi cela s’est produit précisément en Europe.
Une réponse possible, longtemps acceptée par les intellectuels et les gouvernements des pays en développement, est d’inspiration socialiste et marxiste. Elle lie le formidable développement de l’Europe au progrès scientifique plutôt aléatoire, accompagné d’une « accumulation primitive » du capital qu’auraient rendue possible un impérialisme autoritaire, l’oppression, le commerce d’esclaves, l’expropriation des petits paysans et l’exploitation généralisée de la classe des travailleurs.
La conclusion qui en découle est limpide : la croissance extraordinaire de l’Europe s’est produite au détriment de millions d’esclaves et d’opprimés. Par conséquent, l’expérience européenne devrait servir d’enseignement, ou plutôt d’avertissement, aux responsables des pays en développement.
Les chercheurs de « l’école institutionnelle » mentionnée plus haut rejettent cette thèse. Ils lui reprochent de ne pas s’appuyer sur les faits. Ces savants, en se référant à l’histoire économique comparée, démontrent que l’origine du développement économique en Europe diffère de celle d’autres grandes civilisations telles que la Chine, l’Inde ou les pays islamiques. Cette manière de procéder permet de répondre de façon cohérente à la question « pourquoi l’Europe ? ». La solution tient au fait que l’Europe n’a guère subi de frein politique à son développement. Jean Baechler, un pionnier dans ce domaine, l’exprime de la sorte : « La première condition à remplir pour maximiser l’efficience économique consiste à libérer la société civile de l’État. La diffusion du capitalisme doit son émergence et sa raison d’être à l’anarchie ».
La singularité de l’Europe
John Hicks avait déjà emprunté cette piste de réflexion à la fin des années 1960. Dans son ouvrage Une théorie de l’histoire économique, l’auteur présente les principales conditions du développement économique à travers une phase d’expansion et d’ouverture aux échanges, à savoir la protection de la propriété privée et le respect des contrats. Il l’explique ainsi : « À l’origine, une société fondée sur l’échange a permis d’échapper à l’autorité politique, même si elle a par la suite engendré sa propre autorité. Lors de l’étape suivante, lorsque la société a de nouveau été placée sous domination politique, l’autorité n’a pas été assez puissante pour la contrôler. »
L’argumentation de Hicks s’est avérée trop schématique. Elle s’est limitée à l’analyse économique, laissant volontairement de côté les facteurs politiques, religieux, scientifiques et autres. Presque à la même époque que Hicks, David Landes (1970) a esquissé les fondements d’une nouvelle approche. Dans son étude des raisons du déploiement de la révolution industrielle en Europe, il en a identifié deux qui distinguent le continent du reste du monde. Il s’agit d’une part de la propagation et de l’efficience de l’entrepreneuriat privé et d’autre part de la valeur accordée aux changements rationnels de l’environnement humain et matériel : « Le rôle de l’entreprise privée en Occident est peut-être unique : il peut être considéré comme le créateur du monde moderne, davantage que tout autre facteur. »
Mais pour quelle raison l’économie privée a-t-elle pu s’épanouir de la sorte ? Landes porte son regard sur un aspect extrêmement important relevé par la nouvelle école de pensée : la décentralisation radicale de l’Europe. « L’esprit d’entreprise, fort de son rôle décisif, instrument de création autant que de pouvoir dans de nombreux territoires placés en situation de concurrence, a induit un dynamisme politique et social sans pareil en Occident. »
L’Europe n’a certes pas été épargnée par les interventions étatiques nocives. Les circonstances ont parfois exigé, dans certaines parties du continent, le recours aux expédients militaires. Mais dans l’ensemble, l’économie privée s’est renforcée et sa situation s’est améliorée avec le temps. Cela s’est reflété en particulier avec l’établissement d’un cadre institutionnel favorable à la création et la distribution libres des richesses.
Plus concrètement, la définition des droits de propriété et leur défense contre toute autorité politique arbitraire ont créé les conditions nécessaires à l’expansion économique. L’Europe y est parvenue plus tôt et mieux que n’importe quelle autre région du monde. Landes établit une comparaison entre les modes de perception des impôts en Europe (sous le contrôle des représentants des contribuables) et les systèmes de chantage souvent en vigueur dans les grands empires d’Asie et les États musulmans du Proche-Orient. Les sanctions et l’oppression appliquées dans ces contrées n’ont pas été uniquement conçues comme sources de revenus pour le pouvoir : il s’agissait au moins autant d’instruments de contrôle social, de moyens permettant d’étouffer le plus tôt possible les revendications des nouveaux riches ou des étrangers et de prévenir tout défi à l’égard des autorités.
Les découvertes de Landes, présentées brièvement dans l’introduction de son ouvrage Prometheus Unbound ont été fortement enrichies par les représentants de la nouvelle école institutionnelle. L’interprétation de l’histoire de l’Occident peut être résumée de la sorte : la décentralisation radicale de l’Europe est le facteur clé de son développement, même si les facteurs géographiques ont aussi joué un rôle et si l’Europe est le fruit d’une civilisation, le christianisme. Le point essentiel est qu’à l’inverse d’autres cultures, en particulier chinoise, indienne et islamique, l’Europe s’est définie comme un ensemble de pouvoirs et de systèmes juridiques divisés et concurrents.
En effet, après la chute de Rome, aucun autre empire n’est parvenu à dominer de la sorte le continent. Ce fait a fait toute la différence. En reprenant Montesquieu, Jean Baechler écrit : « Tout pouvoir politique tend à opprimer tout ce qui lui est étranger ou extérieur. C’est pourquoi il est important d’ériger des obstacles capables de l’en empêcher. » En Europe, ce rôle a été joué par la concurrence entre les autorités politiques. Plutôt que d’un empire universel, l’Europe a été constituée d’une mosaïque de royaumes, de principautés, de cités États, de domaines ecclésiastiques et d’autres petites entités politiques.
Avec ce système, il aurait été très imprudent d’enfreindre les droits de propriété individuels comme ce fut le cas dans le reste du monde. En constante concurrence les uns avec les autres, les princes comprirent que les expropriations, les impôts confiscatoires et les restrictions au commerce ne resteraient pas sans conséquences. Les progrès économiques relatifs des concurrents, qu’ils soient fondés sur les mouvements de capitaux ou les déplacements de capitalistes dans les territoires voisins, permettaient de mesurer sa propre performance. L’option d’émigration, facilitée par le caractère compact du continent et ses affinités culturelles ont ainsi transformé l’État en un « prédateur contraint ».
La décentralisation a par ailleurs influencé les formes d’autorité des différents États européens. Dans la lutte pour le pouvoir au sein des différents territoires, le droit féodal a été remis en question et des instances sont apparues pour représenter le peuple. Les princes ont été contraints de respecter des chartes de droits individuels (par exemple la Magna Carta en Grande-Bretagne). Au sein des petits États européens, le pouvoir s’est retrouvé dispersé entre les territoires, les ordres, les villes libres, les communautés religieuses, les corporations, les universités et d’autres entités qui toutes garantissaient des libertés propres à leurs membres. L’État de droit s’est ainsi progressivement imposé sur le continent.
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La science est aujourd’hui convaincue que les fondements du miracle européen sont issus, pour reprendre Jones, « des restrictions posées au comportement prédateur de l’État fiscal » et des « limites à l’arbitraire qui ont été fixées grâce à la concurrence politique ». Avec le temps, les droits de propriété, y compris les droits sur sa propre personne, ont été définis plus clairement, accordant aux individus la possibilité de tirer profit de leur force de travail, de leurs investissements et de leurs inventions.
La libre disposition de la propriété privée a permis de tester les différentes innovations sur le marché. Sur ce plan également, la concurrence entre les États a été particulièrement positive. Les nations européennes ont fonctionné « comme un groupe de sociétés de capitaux, chacune disposant de ses propres ressources et de libertés implicites » afin d’obtenir de solides garanties « contre l’opposition aux innovations et aux nouvelles approches ». Une nouvelle catégorie sociale a émergé, composée des marchands, des capitalistes et des producteurs, qui disposait d’une « immunité contre l’intervention des formidables forces opposées au changement, à la croissance et à l’innovation ».
Finalement, l’économie a atteint un degré d’autonomie jusque-là inconnu ailleurs, à l’exception de quelques brefs épisodes. Selon Jones, « le développement économique dans sa version européenne provient avant tout de l’exigence de liberté face aux interventions politiques arbitraires contre la propriété privée. Les biens et les facteurs de production devaient être libres pour être échangés. Les prix devaient être basés sur l’échange sans que celui-ci ne soit lié à des conditions ; ils devaient jouer leur fonction de signaux économiques afin de refléter, sans distorsions, la demande de biens et de services et les quantités désirées ».
Le système de protection de la propriété et de son allocation a évolué lentement en Europe au cours des huit siècles analysés par Bauer. Il est donc tout à fait logique que les historiens économiques aient également porté leur regard sur la période médiévale lorsqu’ils se sont demandés comment l’Occident est devenu prospère.
La signification du Moyen Âge
Le cliché du Moyen Âge, souvent décrit comme l’« âge des ténèbres » par les humanistes de la Renaissance et les philosophes des Lumières, a depuis longtemps disparu du vocabulaire des chercheurs. Il n’en demeure pas moins que de nombreux auteurs ignorent encore le rôle important du Moyen Âge pour l’étude de la croissance économique en Europe. Cette approche se justifie pourtant, de la même manière que pour l’étude de la réussite économique et culturelle des Juifs en Europe à partir du XVIIIe siècle. Les historiens économiques, dans la tradition du grand historien belge Henri Pirenne, font une analyse beaucoup plus positive du Moyen Âge. Carlo M. Cipolla pense notamment que « les origines de la révolution industrielle remontent aux profonds changements d’idées, de structures sociales et de systèmes de valeurs qui ont accompagné l’ascension des communautés urbaines entre les XIe et XIIIe siècles ».
Robert S. Lopez écrit pour sa part à propos de la période s’étendant de la fin du XIe au XIVe siècles : « Pour la première fois dans l’histoire, la société est pour l’essentiel sortie d’elle-même de sa situation de sous-développement. Elle est parvenue à créer les conditions matérielles et morales indispensables à une croissance ininterrompue durant mille ans qui, à bien des égards, perdurent encore aujourd’hui. »
Lopez compare l’évolution de l’Europe à celle d’une civilisation voisine, celle de l’islam, où les pressions politiques ont freiné l’expansion économique : « Les premiers siècles de l’expansion islamique ont ouvert de nouvelles opportunités aux marchands et aux négociants. Mais elle n’est pas parvenue à offrir aux villes la liberté et le pouvoir indispensables au progrès. Sous la mainmise des militaires et des aristocraties foncières, la révolution qui semblait se dessiner au Xe siècle a rapidement été étouffée avant de finalement échouer. »
Grâce à l’expansion continue du commerce et de l’industrie en Europe, les gens ont compris que « le commerce se nourrit de liberté et étouffe sous la contrainte. Les villes les plus prospères étaient aussi celles qui étaient au bénéfice des politiques les plus libérales ». Ces exemples ont sans cesse été portés au regard des différentes nations d’Europe. Ils ont facilité la propagation des politiques libérales qui ont conduit à la prospérité, précisément parce que le système était décentralisé, qu’il plaçait les juridictions en concurrence et qu’ainsi chaque ville pouvait émuler les plus performantes.
Les savants comme Cipolla et Lopez, qui ont cherché à comprendre le développement de l’Europe au Moyen Âge, font sans cesse référence aux idées, aux systèmes de valeurs, aux conditions morales et à d’autres éléments culturels. Bauer insiste également sur cet élément unique de l’évolution de l’Europe et explique qu’il ne peut être séparé de l’histoire institutionnelle. De nombreux historiens du Moyen Âge accordent aussi un rôle clé au christianisme. Harold J. Berman attire l’attention sur le fait qu’à la chute de Rome, et après une période de transition dominée par les peuples germaniques, slaves ou magyars, parmi d’autres, les idées chrétiennes et leurs valeurs se sont disséminées dans la culture européenne pour son plus grand bienfait. Bien que ses nombreuses souches étaient « païennes », le christianisme a résisté et s’est développé dans l’ensemble de l’Europe. Ses concepts ont été intégrés dans les cultures locales. Les contributions du christianisme à la culture actuelle vont de la suppression de l’esclavage à l’égalité au sein de la famille en passant par les concepts de droit naturel, de légalité intrinsèque et de légitimité de la résistance aux régimes injustes. Le droit canonique a exercé une influence décisive sur les systèmes juridiques occidentaux : « C’est l’Église qui a enseigné à l’homme occidental ce à quoi ressemble un système juridique moderne. »
Berman attire l’attention sur une évolution majeure qui s’est produite au début du XIe siècle : la création par le pape Grégoire VII et ses descendants d’une Église indépendante des empereurs, des rois et des seigneurs féodaux et susceptible de s’opposer à l’autorité temporelle. Berman appuie ainsi l’analyse de Lord Acton sur le rôle central de l’Église dans l’émergence de la liberté en Occident. L’Église s’est opposée à la concentration du pouvoir observée dans d’autres cultures. Elle a permis l’émergence d’une Europe décentralisée et composée de juridictions mises en concurrence, ce que la Réforme a encore stimulé de façon beaucoup plus évidente.
Dans une synthèse remarquable, Droit et révolution, Berman souligne les facettes juridiques dont le développement économique, politique et idéologique a été analysé par d’autres chercheurs : « La caractéristique principale de la tradition juridique occidentale se situe peut-être dans la coexistence et la concurrence des divers systèmes légaux au sein d’une même communauté. C’est ce pluralisme des juridictions qui rend la suprématie du droit nécessaire et possible. »
Le travail de Berman s’inscrit dans la tradition du chercheur anglais Alexander J. Carlyle qui, à partir de son étude monumentale sur la pensée politique au Moyen Âge, résume les principes fondamentaux de la politique de cette époque : « Tous, y compris le roi, sont liés par le droit ; un souverain sans droit n’est pas un roi mais un tyran ; là où le droit ne prévaut pas, la prospérité n’existe pas ; c’est un contrat qui lie le souverain et ses sujets. »
D’autres travaux récents sur le sujet corroborent ces conclusions. Dans sa dernière œuvre, Jacob Viner, un historien spécialisé dans la philosophie économique, note que les références à la question fiscale chez Thomas d’Aquin « se présentent comme s’il s’agissait d’une action assez extraordinaire et probablement condamnable de la part d’un souverain ». Viner renvoie à la bulle pontificale in cœna domini, publiée chaque année jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et menaçant d’excommunication tout souverain qui « prélevait de nouveaux impôts ou qui relevait d’anciennes taxes, à l’exception des cas qui étaient expressément prévus par la loi ou qui avaient l’autorisation expresse du pape ».
Le Moyen Âge a introduit dans le monde occidental des parlements, des diètes, des états-généraux et des cortès qui ont limité les pouvoirs du monarque. Alex R. Myers remarque que « presque partout dans la chrétienté latine, un principe a été accepté par les autorités : à l’exception des revenus normaux de la couronne, aucune taxe ne peut être levée sans l’accord du parlement. Avec sa mainmise sur le budget, le parlement a pu fréquemment influencer la politique du monarque et notamment éviter qu’il ne se lance dans des aventures militaires ».
Dans une synthèse de la recherche moderne, Norman F. Cantor a résumé l’héritage du Moyen Âge en des mots étonnamment proches des historiens institutionnels actuels : « Dans le modèle de la société civile, la plupart des éléments positifs importants se passent à un niveau séparé de celui de l’État : la famille, les arts, l’apprentissage et les professions, les sciences, l’esprit d’entreprise et le progrès technique. C’est le produit des individus et des groupes associatifs et contractuels. L’État en est éloigné et n’y participe pas. C’est le règne du droit. Le droit s’oppose à l’agressivité et à la corruption de l’État ; il garantit la liberté de la société civile à un niveau séparé de l’État. Le Moyen Âge a été l’occasion pour les femmes et les hommes de définir leur propre destin personnel presque sans intervention étatique. »
Un facteur majeur du développement de l’Occident, probablement lié au christianisme, n’a pas encore été abordé par les historiens modernes : il s’agit de l’absence d’institutionnalisation du sentiment de la jalousie. Dans un ouvrage recommandé par Bauer, le sociologue Helmut Schoeck rend attentif à l’omniprésence de la jalousie chez l’être humain. Lorsque la jalousie est perçue comme une lourde menace par ceux contre lesquels elle se dirige, elle donne lieu à des stratégies d’évitement : les victimes essaient de détourner la jalousie malveillante et ses dangers en niant ou en cachant tout ce qui pourrait la provoquer. Les conséquences non économiques de la jalousie, lorsqu’elle est socialement admise et parfois même encouragée, ainsi que des stratégies d’évitement, peuvent difficilement être quantifiées. Elles peuvent néanmoins être dommageables pour le développement.
Schoeck se fonde sur des études anthropologiques pour analyser les préjudices susceptibles d’être causés au processus de croissance économique par une jalousie institutionnalisée. Le sociologue est d’avis que l’Europe a étonnamment bien réussi à endiguer la jalousie, mais il peine à en trouver la raison. Il tente de lier son observation à la foi chrétienne : « Cela doit avoir été l’un des plus importants mérites du christianisme, même s’il a été involontaire, de préparer l’humanité à l’innovation. » Il serait toutefois erroné d’expliquer la faible prévalence de la jalousie uniquement par la foi chrétienne, car dans certaines régions chrétiennes, la jalousie était bel et bien présente.
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Exemples de développement
Bien sûr, l’Europe ne s’est pas développée partout au même rythme. Les Pays-Bas et l’Angleterre, notamment, ont précédé les autres pays. L’école institutionnelle ne manque pas d’arguments pour l’expliquer.
Les Pays-Bas ont largement profité d’un système juridique hérité des ducs de Bourgogne. Ces seigneurs avaient régné avec le soutien des grands propriétaires terriens. Ils avaient défendu un système commercial et industriel ouvert et basé sur la protection des droits de propriété. Le développement économique rapide des régions du nord du pays, en l’occurrence de la Hollande, témoigne parfaitement du miracle économique européen. Ces territoires ont été des acteurs clés du développement économique, politique, social et culturel durant les siècles passés. Ainsi que l’observe Cipolla, « le pays a profité de l’une des expansions économiques les plus dynamiques d’Europe. Il n’était de loin pas sous-développé après s’être rebellé contre l’impérialisme espagnol au XVIe siècle et s’en être libéré ». Sa liberté provenait principalement du système décentralisé en vigueur en Europe ainsi que de son propre système, sans roi ni cour, « un espace économique sans gouvernant », uni derrière l’État de droit, la tolérance religieuse, la liberté intellectuelle et la prospérité. Rien n’est moins surprenant que le rôle de pionnier et d’exemple de la Hollande. Comme le note Koenraad W. Swart, « aussi bien les étrangers que les Néerlandais pensaient que la République des Pays-Bas était unique par son haut degré de liberté religieuse, commerciale et politique. Cette combinaison unique de liberté et de suprématie économiques est, aux yeux des contemporains, la cause du miracle néerlandais ».
L’expérience hollandaise a été observée avec beaucoup d’intérêt par de nombreux autres pays. L’Angleterre, en particulier, s’est révélée très réceptive à l’idée selon laquelle la liberté conduisait à la prospérité. Le profond enracinement de l’individualisme économique et le développement qui en a résulté en Angleterre dès le Moyen Âge a été souligné par Alan Macfarlane. Au début de l’ère moderne, la common law, qui s’est développée au cours de plusieurs siècles, est devenue le garant de l’inviolabilité de la propriété et de l’accès au commerce et à l’industrie, en dépit des premiers représentants de la dynastie des Stuart.
Face aux conceptions autoritaires du pouvoir, Sir Edward Coke et ses associés juristes ont agi, selon les termes de North et de Thomas, « pour contrôler la mise en place de droits de propriété qui échappent aux caprices royaux et pour maintenir les droits de propriété existants ». Le maintien et la défense d’assemblées représentatives étaient déterminants, dans le cas des Pays-Bas et de l’Angleterre, lorsqu’il s’est agi d’éviter d’octroyer au souverain le droit de lever des impôts selon sa volonté. Le camp antiautoritaire a mis en avant les concepts clés de droits, de libertés, de droits naturels et de constitution. Le déclin de l’Espagne peut aussi s’expliquer par la concurrence entre les juridictions. La confiscation des biens juifs et maures par la couronne d’Espagne a été, selon North et Thomas, « symptomatique de l’insécurité du droit. Les confiscations et les changements unilatéraux de contrats étaient des phénomènes récurrents qui ont finalement pénalisé tous les acteurs du commerce, de l’industrie et de l’agriculture. L’insécurité de la propriété s’est inévitablement traduite par un blocage de l’activité économique ».
Le déclin économique de l’Espagne a donc servi de leçon. Il a joué un rôle considérable dans les décisions politiques des autres pays.
La question de l’autonomie du marché et du « domptage » de l’État prédateur comme principaux facteurs de développement économique ont également été abordés dans l’étude des cultures non-européennes. Baechler observe par exemple que « chaque fois que la Chine est divisée, son capitalisme est florissant ». Il établit un parallèle entre l’histoire du Japon et celle de l’Europe. Les analyses de la Chine à l’époque de la dynastie Song, du Japon avec le shogunat Tokugawa, des Pays-Bas et de l’Angleterre, amènent Anderson à constater un développement économique plus franc chaque fois que l’État allège les restrictions aux activités productives.
Il existe un réel besoin de recherches plus poussées à propos du développement économique des pays non européens, mais les faits soutiennent l’approche institutionnelle.
Le contraste entre l’Europe et la Russie
La signification du miracle économique européen est encore plus claire si l’on établit une comparaison avec la Russie. Le retard de ce pays, selon Colin White, tient aux facteurs suivants : « une faible dotation en ressources, un environnement hostile et risqué, une tradition politique qui lui a souvent porté malheur, à l’image de son héritage institutionnel, de grandes différences ethniques et la faiblesse des groupes qui auraient été capables de limiter le pouvoir de l’État, de l’Église et des oligarques ». Après la destruction de l’ancienne Russie par les Tatars et l’ascension de Moscou, la Russie a été confrontée, pendant plusieurs siècles, à l’absence d’État de droit, y compris en termes de sécurité de la personne et de la propriété.
La Russie moscovite était réputée pour son absence de droit et sa pauvreté. Lorsque l’émissaire d’Elisabeth Ire a posé la question du statut de ses sujets à Ivan le Grand, la réponse a été éclairante : « Ce sont tous des esclaves. » Ivan IV, également appelé Ivan le Terrible, a détruit les républiques prospères de Novgorod et Pskov avant de laisser sa troupe d’élite (les opritchniki) commettre d’horribles massacres : rien ne peut mieux éclairer ce qui était alors autorisé à Moscou. Alain Besançon indique à ce propos qu’à l’évocation des trois légendes (russe, germanique et romaine) décrivant les exploits du prince Vlad l’Empaleur, rendu célèbre par le personnage littéraire de Dracula, seuls les Russes en ont fait l’éloge.
L’aristocratie russe était au service de l’État sans faire preuve d’aucune indépendance. Ainsi que l’indique White : « La Russie n’a jamais été un État féodal au sens occidental du mot. » À l’inverse de l’Europe et de l’Amérique, les villes n’étaient que le bras armé de l’État. Les différences entre la Russie et l’Occident sont reconnaissables à leurs différentes représentations de l’« absolutisme ». Le concept, relevé plus haut, d’Ivan le Terrible contraste avec celui de Jean Bodin, un auteur occidental rendu célèbre pour sa défense de l’absolutisme royal : Alexander Yanov a maintenu que malgré sa foi en l’absolutisme, « Bodin estimait que la propriété privée des citoyens était sacrée, que ces derniers pouvaient en disposer aussi souverainement que le monarque gouvernait ses sujets. L’imposition des citoyens et la soustraction de leurs avoirs sans leur libre consentement étaient considérées par Bodin comme un vol ».
Dans ce contexte, Yanov raconte une anecdote tout à fait éloquente : un diplomate français expliquait à un collègue anglais sa conviction de la justesse du principe décrété par Louis XIV selon lequel le roi était le détenteur final de toutes les propriétés de son royaume (un principe auquel même le Roi-Soleil n’a pas osé mettre en pratique). L’Anglais lui a rétorqué ceci : « Avez-vous étudié le droit public en Turquie ? »
Le fait que la Russie n’ait pas accueilli le christianisme de Rome mais de Byzance a profondément marqué l’histoire russe. Pour reprendre les mots de Richard Pipes, l’Église orthodoxe russe est devenue comme toute autre institution du pays « le serviteur de l’État ».
Pipes résume ainsi les relations entre l’État et la société dans la Russie d’avant 1900 : « Aucun groupe socio-économique de l’Ancien Régime n’a pu ou voulu défier le monopole du pouvoir de la couronne. Ce n’était simplement pas possible. La couronne détenait toute propriété et tout territoire au sein de l’Empire. Tous les habitants étaient ses serviteurs. Cette situation a empêché que des personnes indépendantes ne puissent accumuler du pouvoir ou des richesses. »
Les idées libérales qui se sont propagées en Russie sont nécessairement venues de l’Ouest. Alexandre Radichtchev enseignait à l’Université de Leipzig lorsqu’il a suivi des cours sur les droits naturels. Pour la première fois, il a alors compris que le pouvoir des tsars pouvait être limité. Besançon a analysé l’évolution du pays jusqu’aux débuts d’une politique économique de marché mise en œuvre avant la Première Guerre mondiale. Son constat est intéressant : effectivement, les ministres russes avaient lu les ouvrages d’économistes libéraux.
Le déclin de la pensée historique marxiste
La théorie marxiste de l’histoire abonde en contradictions et en ambiguïtés, parfois volontaires. Si l’on pouvait accorder une quelconque pertinence au « matérialisme historique » du marxisme, ce serait dans l’interprétation technologique de l’histoire. Pourtant Nathan Rosenberg conteste que les facteurs technologiques soient pour Marx « la variable indépendante de l’évolution de la société ».
Du point de vue de Marx, d’Engels et d’autres théoriciens de l’ « âge d’or » de la Deuxième Internationale, l’histoire est le produit des changements des forces productives matérielles (la base technologique) qui ont rendu obsolètes les formes de production existantes (propriété privée). Comme ces changements technologiques modifient les formes de production, l’ensemble des systèmes juridique, politique et idéologique de la société doivent aussi se transformer. Marx aimait s’exprimer par aphorismes : « Les moulins à vent laissent derrière eux une société féodale, les moulins à vapeur une société composée de capitalistes industriels. »
Le marxisme a été soumis à des critiques aussi nombreuses qu’accablantes au cours des générations, en partie à cause de sa philosophie de l’histoire. Or la nouvelle interprétation de l’histoire européenne anéantit ses thèses fondamentales, mettant en évidence les platitudes du « matérialisme historique ». Une conception raisonnée de l’histoire montre que le formidable progrès technologique intervenu en Occident au siècle dernier ne s’explique pas de lui-même. Sa propagation repose sur les modèles institutionnels et moraux spécifiques apparus en Europe au cours des siècles : les nouvelles machines, plus productives qu’avant, ne sont pas tombées du ciel. La multiplication des connaissances techniques et économiques n’était pas inévitable. Anderson le résume de la sorte : « Le coup d’arrêt porté au savoir et à la technologie après les formidables accomplissements de la dynastie Song ou l’apogée de l’islam montre que la science et la technologie ne portent pas en eux la dynamique observée en Europe. » Au contraire, la science et le progrès technologique sont issus d’une combinaison de facteurs politiques, juridiques, religieux et moraux que le marxisme orthodoxe méprise comme « suprastructure » de la société.
Conclusion
Selon l’économiste indien du développement R. M. Sundrum, « si nous voulons comprendre comment le développement peut être promu aujourd’hui dans les pays les plus pauvres, nous devons comprendre les processus historiques qui ont transformé les pays industrialisés dans le passé et savoir pourquoi ces mêmes processus ne se sont pas produits dans les régions qui ne sont pas encore développées. » C’est aussi la position de P. T. Bauer lorsqu’il rejette « l’approche intemporelle » du développement économique. Bauer insiste sur la durée de nombreux siècles qui ont été nécessaires pour conduire à la prospérité économique de l’Occident et sur la combinaison de nombreux facteurs culturels qui l’ont rendue possible. Le plus important aux yeux de Bauer tient au fait que les institutions et les valeurs qui ont pu se développer dans le monde occidental ont privilégié la propriété privée et les solutions de marché. Elles ont limité l’arbitraire et l’avidité de l’État. Elles ont encouragé l’innovation et ont montré que les hommes étaient capables d’améliorer leur destin par leurs propres moyens, en agissant productivement sur les marchés.
Walt W. Rostow déplore dans un résumé de l’œuvre de Bauer que ce dernier « n’a pas su apprécier le rôle majeur et important de l’État dans la phase initiale du développement ». Cette critique n’est pas surprenante : elle émane de l’un des principaux représentants d’une approche que Bauer a toujours dénoncée, celle du « consensus trompeur », jamais défendue par les historiens que nous avons évoqués plus haut. Si quelques-uns accordent un rôle important à l’État dans certains domaines, par exemple pour la définition et la mise en œuvre des droits de propriété, nous n’y observons aucune contradiction avec l’analyse de Bauer. L’impression générale tirée de ces travaux souligne le rôle limité de l’action de l’État et s’appuie sur la position de Bauer plutôt que celle de Rostow.
Peter Burke, qui a analysé les premiers exemples de développement économique en Europe, ceux des villes marchandes du nord de l’Italie et des Pays-Bas, les décrit comme des « cultures entrepreneuriales dans lesquelles les gouvernements ont pris très peu de dispositions qui auraient pu limiter la croissance économique. Cette qualité négative leur a donné un avantage décisif par rapport à leurs concurrents ». William H. McNeill remarque qu’« en Europe les États ont particulièrement prospéré s’ils ont laissé une grande marge de manœuvre au capital et à l’esprit entrepreneurial, alors que des sociétés davantage gouvernées ont régressé après que l’État-providence ou la guerre avaient absorbé une grande partie des ressources ». Les nations qui ont connu la plus forte croissance économique ont été, pour McNeill, les pays qui, « comme la Hollande et l’Angleterre, ont été pratiquement sans gouvernement ». Et Eric L. Jones, pour expliquer les raisons de la croissance, reprend un passage célèbre d’Adam Smith : « On ne demande pas beaucoup plus à un État pour sortir de la pire barbarie et mener au plus haut degré de prospérité, que la paix, des impôts peu élevés et une réglementation supportable ; le reste est fourni par le développement naturel ».
Le nouveau paradigme issu des travaux des scientifiques actuels peut servir de base à d’autres recherches : bien sûr, de nombreuses autres études sont encore nécessaires. Mais il est vraisemblable que les vues de Bauer en sortiront renforcées. Pour citer Anderson : « La priorité accordée à la réduction des contraintes étatiques est une direction de recherche féconde lorsqu’il s’agit de savoir pourquoi certaines sociétés ont bénéficié d’un développement économique et d’autres pas ». Le sujet reste de la plus haute importance pour beaucoup de scientifiques. Et pour les millions d’individus des pays en voie de développement pour qui c’est une question existentielle.
Série de texte magnifique, je souscrit pleinement.
En tant que païen (et non pas athée, j’y reviens plus loin) fortement anti-chrsitianisme, ce texte m’a fait évoluer, sur la morale des forts notamment, donc bravo.
Pour ma part, je penses qu’il faut aller encore un peu plus loin. Ce qui manque ici c’est une forme de spiritualité.
Laquelle me direz vous ? il n’y en a qu’une, il n’y en a jamais eu qu’une : “élever sa conscience vers l’unité”. C’est ce dont parle toutes les religions, païennes, chrétiennes ou autre (avec quelques nuances bien sûr et quelques déformations).
Je préfères personnellement une approche spirituelle basée sur la science et la vie et non sur des mythes et des livres (écrits par d’autres races qui plus es). En l’occurrence il se trouve que chez les païens, nous considérons que notre lignée remonte aux Dieux, que nous sommes leur descendants, et donc, quoi de plus “normal” que de vouloir redevenir qui nous étions. La boucle est bouclée, mais sous forme hélicoïdale car nous ne redeviendront pas Heimdall ou Baldur, mais d’autres Dieux …
La différence avec votre proposition c’est que ça nous rattache à notre passé racial (car oui ce sont les ancêtres des blancs), et bien d’autres choses, et nous promet un certain avenir. A chaque race d’avoir ses propres mythes fondateurs.
Et ça nous rattache aussi à une tradition spirituelle.
Par exemple, l’une des “qualités” qu’on développe via ces traditions c’est le silence mental. Silence qui est une sorte de “pouvoir divin” (faut l’avoir expérimenté pour comprendre). Perso, je penses que si on rejette ou qu’on néglige ces aspect, si on ne retrouve pas la mandat du ciel, on n’y arrivera pas. Il y a un vrai risque que ça capote.
heu, c’est bizarre, ce commentaire à été posté sous la série “identité” et non pas sous ce texte sur le miracle européen … du coup il n’est pas au bon endroit. Est-il possible à l’admin de le déplacer ?
Je viens de regarder mais je ne crois pas qu’on puisse attribuer le commentaire à un autre article. On peut le modifier mais pas changer l’article. Si c’est vraiment un problème tu peux simplement le copier-coller au bon endroit. Merci en tout cas pour ce nouveau commentaire de qualité comme toujours.
“En l’occurrence il se trouve que chez les païens, nous considérons que notre lignée remonte aux Dieux, que nous sommes leur descendants, et donc, quoi de plus “normal” que de vouloir redevenir qui nous étions. La boucle est bouclée, mais sous forme hélicoïdale car nous ne redeviendront pas Heimdall ou Baldur, mais d’autres Dieux …”
Sans avoir aucun problème avec les gens ayant une approche païenne de la sorte, Ça met tout simplement impossible de l’adopter quand bien même je trouverais l’idée séduisante car il n’y a aucune raison de penser qu’on descendrait des Dieux. COmme je le dis dans l’article, on ne peut pas se forcer à croire à une chose qui parait impossible. Il y a cependant une thèse, l’Évhémérisme, selon laquelle les Dieux seraient en fait des références à de réels guerriers indo-européens ayant existés. Ça me semble plus rationnel et donc plus facile d’y souscrire.D’ailleurs, de mémoire, les Chinois qui ont cotoyé les tokhariens, le peuple indo-européen ayant voyagé le plus à l’est jusqu’au Xin Jiang chinois, les décrivaient comme “Un peuple qui vénérait leurs rois comme des Dieux après leur mort”.
Le tour de passe-passe que j’exerce ici est de sacraliser le devenir plutôt que l’être car cela permet nécessairement de conserver les Dieux païens, et même le Dieu Chrétien aussi longtemps que ces croyances servent la vie in fine. Il appelle nécessairement à vénérer les ancêtres qui accomplit de grandes prouesses dans lesquels je vois pour ma part des héros et non des Dieux, des demis Dieux si on veut.
NIMH
Je comprends et je souscrit, car je vois moi aussi les Dieux comme des gens extraodinnaires qui nous ont précédés, et pas forcément comme des machins hollywoodiens, des immortels sur leur nuage.
Je penses, à titre personnel, que les “Dieux” païens sont plusieurs choses à la fois, et ça rejoint la thèse Évhémériste.
– ils sont des héros dont nous sommes les descendants au sens “génétique”
– ils sont des archétypes (c’est proche des héros, mais dans ce cas précis, ce sont des modèles désincarnés “parfaits” qu’on ne peut pas atteindre, mais dont on s’inspire)
– ils sont des principes : encore plus “abstraits” que des archétypes, par exemple Thor est le Dieu de la justice, il EST la justice, son symbole, le marteau, peut être vu comme une “balance” (il est représenté ainsi parfois).
– ils sont “Dieux” au sens “forces de la nature” – et la je vais me faire animiste – avec qui on peut se “relier” (prier, demander d’intercéder).
On peut avoir une approche tout à fait matérialiste / cartésienne de ces Dieux (qui ont été ré-habillés en anges, archanges et autres séraphins chez les chrétiens) ou avoir une approche mystique/occultiste (celle ci ne semble pas vous convenir, mais elle existe aussi).
A la fin, si on s’éloigne du dogme “individualiste”, de l’illusion de l’ego, si on regarde les choses sous un angle différent, on va voir que la science moderne rejoint les thèses païennes d’antan :
sous l’angle du gène égoïste : la poule n’est que le moyen trouvé par l’oeuf pour se reproduire. “nous” ne sommes que le moyen trouvé par les gènes pour se dupliquer. De ce point de vue, on peut imaginer que les “Dieux” ne sont que certains gènes particuliers ou certaines allèles qui sont associés avec certains traits innés de caractères.
Si on prends les choses sous l’angle mémétique (ici, on considère que les idées sont des virus de l’esprit, et qu’elles cherchent à se reproduire dans notre espace mental, comme les gènes le font dans une écosystème) alors les Dieux sont des “virus mentaux” spéciaux, dans le sens ou on peut les utiliser consciemment dans un but vitaliste et social (cf la thèse des “big gods” : les Dieux ont été inventés pour nous inculquer des codes moraux qui permettent la coopération à grande échelle).
Peut être aussi que les “Dieux” sont la contre-partie “mentale” de notre microbiote, qu’est-ce qu’on en sait après tout ?
Ce que je veux dire, c’est qu’on se voit comme des individus séparés du reste du monde, mais pourtant, on pourrait tout aussi bien voir les choses de manière “transversale” à travers les idées, les gènes, les microbes qu’on partage. Et ces transversalités sont peut être nos Dieux commun, qu’on anthropomorphise (bien sûr).
A partir de la, on peut très bien imaginer qu’ils sont “réels” dans le sens ou on peut communiquer et ils peuvent répondre et agir sur la manière, par ce champ transversal dont je parlais ci avant.
Bien sûr, il peut y avoir plein d’autres hyppothèses. Nous sommes peut être à l’aube de la technologie de l’immortalité. Si nous y arrivons, qui sait si on ne va pas découvrir qu’en fait, dans un passé lointain, il y avait de tels être parmi nous, et donc nous serions les descendants. (je spécule hein, je n’affirme rien, c’est juste pour dire à quel point nous sommes ignorants en fait)
Il faut ajouter, je pense, le nécessaire démantèlement des monopoles, et retour aux lois anti-trusts, afin que les États ne soient pas supplantés par des Corporations tout aussi bureaucratiques, technocratiques et médiocratiques dans leurs genres. Cordialement
Il n’y a pas de monopoles à démanteler, seul l’état crée des monopoles. Le meilleur moyen d’éviter l’avènement d’une monopole est la concurrence du libre marché ; et si un semblant de monopole privée advient sans intervention de l’état, c’est tout simplement que ce producteur est meilleur que tous les autres aux yeux des consommateurs qui pourraient très bien demander les services d’un autre producteur. Voir la théorie du monopole par Rothbard à ce sujet.
L’État est le principal créateur de monopoles, mais des monopoles naturels existent.
Par exemple ?
Texte intéressant mais j’ai envie de lui adresser la même critique que celle que celui ci adresse au matérialisme historique : “c’est pas la technique, ce sont les institutions”
Ben moi je dis : “ce ne sont pas les institutions, c’est la biologie”.
Je dis que si ces institutions et valeurs morales se sont diffusées c’est parce qu’elles sont devenue le “point de schelling”, une sorte d’évidence pour une majorité, et que c’était ainsi parce que la “qualité” du cheptel humain avait progressé. En gros, pour le dire clairement, les institutions sont le reflet de la race.
Je reprends la thèse de Nicolas Wade : https://time.com/91081/what-science-says-about-race-and-genetics/
je cite ::
Perhaps productivity increased because the nature of the people had changed.
These behavioral changes in the English population between 1200 and 1800 were of pivotal economic importance. They gradually transformed a violent and undisciplined peasant population into an efficient and productive workforce. Turning up punctually for work every day and enduring eight eight hours or more of repetitive labor is far from being a natural human behavior. Hunter-gatherers do not willingly embrace such occupations, but agrarian societies from their beginning demanded the discipline to labor in the fields and to plant and harvest at the correct times. Disciplined behaviors were probably evolving gradually within the agrarian English population for many centuries before 1200, the point at which they can be documented.
Je plussoie votre avis. Il manque selon moi la présentation de la génétique des différents peuples comme contributrice, voir déterminante même pour l’émergence de certaines caractéristiques des sociétés. Je ne suis pas certain qu’un Etat faible et une économie libre au Zimbabwe (quand les blancs sont partis, leur économie s’est écroulée) donne le même résultat qu’aux Pays-Bas ou au Japon.
Une économie libre au Zimbabwe serait toujours préférable à un marché entravé. Cela dit, il est vrai que la qualité biologique et culturelle des individus qui composent une société est déterminante pour sa prospérité.