Le dessin animé La Tortue Rouge, réalisé par Michael Dudok de Wit, est le fruit d’une collaboration entre différents studios de production européens et japonais dont Wild Bunch, Arte France Cinema et le Studio Ghibli. Abordant les thèmes de la vie, la nature et l’amour, il délivre avec justesse une fresque romantique sur la façon d’être au monde de l’Homme, le Dasein Heideggerien.
6 ans, c’est le temps qu’il aura fallu au réalisateur pour parachever sa “Crusoade”. Habitué aux encres noires sur fond clair, il a dû revoir son esthétique sans pour autant renier une certaine forme de simplicité que l’on retrouve dans le choix de l’épurer de toute parole, lui conférant ainsi une portée universelle. La musique de Laurent Perez Del Mar qui l’accompagne, en revanche, traduit la profondeur de l’âme européenne et rappelle par certains côtés des sonorités japonaises issues des animés.
Traité
Néoréactionnaire
Le premier livre de NIMH
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La nature n’est pas votre mère nourricière
Tantôt inquiétante, parfois accueillante, la Nature est omniprésente dans le film. Dès le début, le spectateur est immergé dans le combat du personnage principal qui se débat contre une mer agitée. Un adulte autour de la trentaine, sans embarcation, livré à lui même, il peine à survivre mais finit par atteindre une petite île déserte de façon inespérée. La Nature devient alors une alliée. Grâce à la forêt à proximité, le protagoniste se confectionne un radeau de fortune dans l’espoir de quitter cette île pour, on imagine, regagner la civilisation. Mais une fois de plus, personnifiée dans une tortue rouge, la Nature se dresse face à sa volonté. Chacune de ses tentatives d’évasion sera avortée par les coups de semonce de l’animal qui détruira chacun de ses radeaux.
Mais si la tortue est maîtresse dans les eaux, la terre ferme est le domaine de l’Homme. Dès que cette dernière aura le malheur de s’aventurer sur l’île, le protagoniste se livrera à un déchaînement de violence à son encontre entraînant sa mort. Pris de remord, il tentera de la sauver, en vain. Le surnaturel prend alors le pas. Suite à une pluie intense, la tortue se transforme en femme. Cela marque une rupture dans le film. Notre héros accepte finalement son destin, cette île sera son lieu d’existence, et il la partagera désormais avec cette femme. Il accepte les limites que lui confèrent sa condition humaine face à une Nature toute puissante et il choisit de trouver sa place dans le périmètre qui lui est accordé. L’amour, la vie, un enfant arrive. On le regarde grandir, faire ses expériences…. puis partir, une fois que la Nature, cruelle comme elle peut l’être, détruit tout ce qui pouvait le retenir ici par un Tsunami.
Sans manichéisme, le film met en avant cette ambivalence de la Nature contre laquelle l’Homme se bat depuis des milliers d’années. Elle n’est pas bienveillante et la grandeur de l’Homme est de la combattre, la maîtriser, la dépasser. Le propre de l’humanité est de générer l’ordre là où la Nature est chaos. Ne cédant pas à l’esprit écologiste du temps, le film se veut plus animiste, suivant ainsi une certaine tradition japonaise.
Un remake de Robinson Crusoé ?
Le thème principal de l’homme seul sur une île n’est pas nouveau. Les questions qu’il laisse en suspend non plus. L’interprétation du film reste ouverte. Est-ce que la tortue se change réellement en femme, est-ce qu’ils ont vraiment un enfant ensemble ? Ou bien, est-ce que cet homme perdu dans sa solitude fait le choix de s’inventer une vie ? Certaines scènes peuvent nous offrir des pistes, mais c’est au spectateur que revient le choix final de pencher d’un côté ou de l’autre.
L’allégorie de la vie
On suit avec plaisir les découvertes, les frasques et les rites de passage du bambin. Les thèmes de l’éducation et de la transmission deviennent alors très présents.
Par exemple, lors d’une scène, les parents du garçon étant occupés, ils ne le voient pas tomber d’une falaise dans une crevasse où la seule façon d’en sortir est de passer par un trou sous l’eau. Le père en ayant fait l’expérience au début du film, peut guider le petit qui, à son tour, se sortira de ce mauvais pas par ses propres moyens. Un chemin initiatique qui débouchera inévitablement sur le départ de l’enfant devenu adolescent.
À ce moment, le film prend tout son sens. À la nage, accompagné de tortues, il va chercher son île, comme son père au début du film. Le personnage principal n’était pas à la dérive suite au naufrage de son bateau. On n’a d’ailleurs vu aucune trace d’embarcation. Il avait lui aussi quitté le cocon familiale afin de trouver son île et la tortue incarne la femme qui le fait passer à l’âge adulte, qui le pousse à abandonner son statut de jouisseur pouponné par ses parents, pour devenir un bâtisseur, un chef de famille. Certaines féministes diront que le film enferme la femme dans sa condition de reproductrice, d’autres masculinistes y verront une castratrice qui empêche l’homme de se réaliser en se servant de lui comme un moyen d’avoir un enfant… C’est surtout un couple apaisé qui construit et transmet la vie. Ce qui n’est pas sans rappeler un des chefs-d’oeuvre du cinéma japonais, L’île nue, que je soupçonne Michael Dudok de Wit d’avoir pris pour inspiration.
Horreur
Augmentée
Sélection de textes de
Zero HP Lovecraft
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La musique
Composée par Laurent Perez Del Mar, la musique se suffit à elle même. Traduisant à la perfection la palette d’émotions que tout humain peut expérimenter durant sa vie, elle pourrait aisément faire l’objet d’interprétation en ballet.
The girl oscille entre la légèreté et l’intensité que procure la phase de désir. Love is in the sky dépeint l’attraction générée par la dopamine. Enfin, l’attachement prend le pas dans White hair qui accompagne le moment voyant les conjoints vieillir ensemble.
Dans un autre registre, Tsunami retranscrit parfaitement l’arrivée d’une vague inquiétante pointant au loin et ne cessant de grandir. La peur s’empare de nous avant la destruction inéluctable de l’environnement.
Enfin, un sentiment de calme et d’insouciance plane sur The baby.
Si vous cherchiez un film à regarder avec vos petites têtes blondes, vous seriez bien avisés de porter votre choix sur l’oeuvre de Michael Dudok de Wit. Je pense néanmoins que sept ans est l’âge minimum pour l’apprécier à sa juste valeur.