Si les artistes français ont conquis la scène électronique mondiale dans les années 2000, depuis quelques années, un vent nouveau souffle de l’Est, et en particulier de l’Ukraine.
Depuis 2014 et la révolution du Maidan, la vie culturelle ukrainienne est prolifique. Les ukrainiens sont devenus par exemple maître dans le street art, ces énormes fresques colorées qui ornent les mornes façades des immeubles ukrainiens, alors même que le régime autoritaire du voisin étouffe tout foisonnement culturel au nom des sacro-saintes valeurs traditionnelles.
Aujourd’hui, c’est via la scène électronique que le pays se fait connaître, grâce à une vitalité hors norme des DJs et des clubs. Ces DJs, souvent des femmes, partent désormais à l’assaut du continent européen qu’elles n’ont aucun mal à séduire avec leur talent et leur ambition. Ces artistes sont pour la plupart extrêmement fiers de leur parcours et de leur pays et le font savoir. Modernes mais ne reniant rien du passé, patriotes, talentueux, mères de familles sont autant de qualificatifs qui reviennent en parlant d’eux. Plongée dans la scène électro ukrainienne qui marque de son empreinte tout le continent.
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Dj Nastia : maman, DJ et patriote.
Anastasia Topolskaia est originaire d’un petit village de la région de Donetsk. Rien ne la prédestinait à une grande carrière de DJ. En 2006, elle commence à travailler au festival de Kazantip, mondialement connu et passage obligé pour tout amateur de musique electro.
Depuis, elle a fait le tour du monde des plus grands clubs et festivals, comme tomorrowland, la Fabric ou encore le Rex club à Paris. En 2010 elle accepte la résidence de l’Arma 17, le plus réputé des clubs moscovite. Sa fermeture récente entérine le déclin de la scène moscovite dans l’electro. Depuis, elle fait partie de ces DJs qui « jouent à la maison », entendez par là qui ne s’expatrie pas à Berlin ou à New York pour ramasser un cachet.
Je pense que c’est important que les enfants sachent que la musique electro est un vrai métier, qu’elle fait vivre beaucoup de monde et qu’elle n’est pas seulement synonyme de fête.
Anastasia est mère de famille et participe à la vie scolaire de ses enfants. Loin de l’image décadente que l’on peut avoir de certaines soirées, Nastia mène une vie tout ce qu’il y a de plus normale avec sa famille. L’invasion russe en 2014 de sa région du Donbass a permis à cette artiste d’affirmer son attachement à la terre ukrainienne. Dans une interview donné à traxmag, cette native pourtant russophone de la région du Donbass rappelle sans équivoque qu’elle est ukrainienne.
Évoluant dans un milieu majoritairement masculin, Nastia n’entend pas pour autant devenir l’étendard d’un féminisme hors sol « ce qui fait la différence, c’est la représentation que tu donnes de toi-même, ce que tu proposes. Et les hommes ne te considèrent pas comme inférieure, ils te respectent ». Tout est dit.
Nastia n’est pas productrice, et veut se consacrer uniquement à la production de contenu original, chose assez rare dans le milieu pour être signalé.
Miss K8, déesse du Hardcore
Agée de 38, Kateryna Kremko règne sur Hardcore et le Gabber. En Ukraine, elle fait ses armes dans les clubs de Kyiv tel que l’Ultra et le Ganesha Party.
Cette belle femme voit sa carrière décoller en 2012 grâce à des collaborations avec des djs renommés tel qu’Angerfist, véritable légende du milieu hardcore. En 2014 elle compose l’hymne d’un des événements les plus renommés du Hardcore, Dominator. Elle enchaîne les festivals et compose son premier album qui sort en 2016.
En 2017, ses sets sont demandés dans le monde entier: USA, Chine, Finlande, la belle n’arrête jamais. Ses albums se vendent uniquement en prévente, et sont tous épuisés dès leur sortie, de quoi faire des envieux dans un milieu musical sinistré.
Elle fait partie des 100 djs les plus influents du monde selon le magazine DJmag. Très énergique, elle s’est imposée dans tous les festivals belges de référence comme TomorrowLand où les lineup sont réputés extrêmement élevés.
Elle aussi semble très éloignée des revendications féministes, puisqu’elle répond au site djmag que peu importe le sexe du dj, ce qui fait son succès, c’est le soutien de ses fans, et MissK8 peut compter sur eux.
Le hardcore est en plein renouveau. Fini les skinheads qui dansaient le gabber au début des années 1990, le genre a élargi son public, et on y danse désormais le hakken. MissK8 n’est certainement pas étrangère à ce changement de public, elle qui a définitivement marqué de sa patte le genre.
Horreur
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Zero HP Lovecraft
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Artbat
Artbat, pour Artur and Batish forme un duo originaire de Kyiv. Il ne leur a fallu pas plus de 2 ans pour inonder les dancefloors européens, notamment grâce à l’intérêt réel que leur porte Solumn, Pete Tong ou encore Richie Hawtin qui intègrent tous systématiquement des morceaux du duo kiévien dans leurs sets respectifs.
Le fait d’avoir joué de longues années chacun de leur côté dans les clubs très sélectifs de la capitale ukrainienne ont permis au duo de proposer une musique d’un niveau élevé. Sur les 7 derniers singles sortis par le duo, 3 ont intégré le top 100 du BeatPort, sorte de Top 50 de la musique électro. Chose inédite, leur single Mandrake est resté pendant un mois en tête du BeatPort, ce qui en fait un succès incontesté depuis que ce classement existe dans un monde où tout bouge très vite.
Mieux, durant cette période, ils ont su classer 2 autres singles dans le top 10, preuve de leur influence incontestée. C’est ainsi que leur collaboration avec les plus gros labels européens d’électro se succèdent depuis 2017 tout en enchaînant les sets prestigieux entre Ibiza, Athènes ou encore Dubaï.
En 2019, le duo a franchi un nouveau palier avec une tournée aux USA dont le point d’orgue fut le set au Nasa Space Center à Houston ou sur les collines d’Hollywood. Leur complémentarité est totale à la création: lorsque l’un travaille les mélodies, l’autre travaille la ligne de basse, ce qui donne un résultat léché et énergique.
Lors d’une interview donnée pour electronicgroove, il leur apparaît évident que le niveau élevé de la scène électro ukrainienne est l’une des clés de leur succès, un peu comme les clubs de football anglais arrivent à truster régulièrement le dernier carré de la ligue des champions. Il est beaucoup plus facile d’élever son niveau lorsque l’exigence à domicile est déjà très haute. A Kyiv, le public est extrêmement exigeant, et un David Guetta ne s’y risquerait pas, au contraire de Marco Carola, Tale of Us ou encore Adriatique qui ont relevé le défi.
Artbat fait partie de cette génération de dj à avoir fait le choix de la proximité en terme de résidence, à savoir le club Chi situé dans la capitale.
Lollibou
De son vrai nom Nastia Vogan, Lollibou est un pur produit de la scène underground kiévienne. Loin de débarquer de nulle part, elle étudie au conservatoire de Kyiv. C’est le Calvert Journal, toujours à l’avant garde des tendances qui en parle le mieux: aussi douce et sensible que punky et mortelle. Rien ne saurait mieux définir l’Ukraine post Maidan que ces qualificatifs.
Lollibou est donc l’une de ces égéries de la scène rave, qui préfère le style sportswear vintage des années 80 avec de grosses lunettes de soleil que le style Louboutin/Dolce & Gabana que l’on retrouve souvent dans les clubs huppés de la ville. Lollibou est notamment une des pierres angulaires du collectif CXEMA, érigée en symbole de la révolution créative qui a suivi les événements politiques de 2014 et l’invasion russe.
Le collectif investit pour des raves sauvages d’anthologie des bâtiments désaffectés, entouré d’une jeunesse locale avide de liberté. CXEMA est la figure de proue de cette nouvelle vague.
Le même mouvement commence à toucher la Georgie où des raves rassemblant la fine fleur du pays se déroule au stade du Dinamo Tbilissi. Cette phase porte un nom, comme à Berlin à la chute du mur dans les années 90 touchée par une ébullition artistique sans égale: l’underground liberation.
Conclusion
La scène electro ukrainienne est sans doute la plus dynamique d’Europe, avec un niveau extrêmement élevé tel qu’on n’en trouve nulle part ailleurs.
Cela doit beaucoup aux événements politiques de 2014 qui ont bouleversé le pays et libéré la force culturelle contenue dans une jeunesse éduquée et enracinée dans les valeurs européennes comme a pu l’être Berlin au début des années 1990. Ce n’est pas un hasard si l’on débarque de Chine pour profiter de cette vitalité qui fait l’admiration du tout amateur de musique électronique.
D’ailleurs, ce n’est pas le seul genre à profiter de ce regain d’intérêt, la scène metal ukrainienne irrigue également le continent de contenus de qualité. Ils sont nombreux à s’intéresser à cette nouvelle vague et à la diffuser, comme Vice, i-D China et Metal Magazine.