Conversation avec Spandrell

Pour l’occasion de la sortie du second et dernier tome des traductions de Spandrell, nous sommes allés à sa rencontre pour lui poser quelques questions. Fidèle à son habitude, Spandrell n’a pas la langue dans sa poche. Certaines réponses tombent peut-être même sous le coût de la loi, alors, afin de ne pas prendre de risques, nous diffusons ici publiquement qu’une partie de notre échange. Vous pouvez retrouver l’échange dans son intégralité au début du tome 02, disponible sur notre Tipeee.

NIMH : Tu es célèbre pour avoir écrit l’essai Bioleninisme qui affirme qu’on observe une singularité de gauche qui ressemble au léninisme. Pour faire simple, le léninisme donne du pouvoir aux gens des classes inférieures, tandis que le bioléninisme donne du pouvoir à ceux qui viennent d’un “background biologique” plus bas. Penses-tu qu’on est en train de voir la fin de cette tendance ?

Spandrell : Eh bien, après la victoire de Trump en 2024, tout le monde parle d’un “changement d’ambiance”, et c’est vrai que ça se voit. C’est drôle, le Parti démocrate américain a choisi deux mecs blancs pour diriger son comité national. Je sais pas s’ils sont hétéros ou pas, mais c’est quand même notable qu’ils aient pas pris AOC et une femme noire lambda.

Le souci quand tu choisis des gens pour leur loyauté plutôt que leur compétence, c’est que… bah, t’as pas de compétence. La campagne de Kamala Harris aux États-Unis a été un désastre monumental. Tout le monde se demande ce qui est arrivé à l’”énergie” de la gauche. Ce sont les mêmes qui, en 2020, ont terrorisé tout le pays et ont fait littéralement mettre à genoux des officiers de l’armée devant un criminel drogué appelé George Floyd. Ma théorie perso, c’est que ceux qui ont organisé tout ça ont ensuite décroché des postes tranquilles dans l’administration Biden et étaient juste pas dispo pour gérer la campagne de Kamala. Tout dépend de la logistique, tu vois.

Donc ouais, on dirait bien que le bioléninisme a tapé un mur, et les partis de gauche vont devoir se reconstruire, en misant un peu plus sur la compétence que sur la loyauté. Et puis y’a aussi le fait que leur dernier ajout à la coalition, c’était les hommes transsexuels. Y’en a deux types : les homos traditionnels (genre ladyboys) et, plus récemment, les autogynephiles, qu’avec mes potes on appelle les “troons” (pour les distinguer des trans homos). Et ceux-là, ils sont carrément malades mentaux, narcissiques et désagréables. En envahissant les sports féminins et les toilettes des lycéennes, ils ont réussi l’exploit improbable de se mettre à dos des millions de femmes d’âge moyen. C’est ma petite théorie sur pourquoi Trump a gagné.

N : Tu critiques la bureaucratie et l’expansion de la classe dirigeante, tout en disant que la démocratie, c’est du pipeau. Pourtant, t’as pas l’air super convaincu par le néocaméralisme, et encore moins par le “patchwork” de Moldbug. À ton avis, quelle serait une meilleure forme de gouvernement ?

    S : L’idée de Moldbug, c’était de calquer le droit des entreprises modernes sur la politique, et je ne pense pas que ça marche parce que ça ne prend pas en compte la violence. Le monde des affaires, c’est surtout l’argent ; la politique, c’est l’argent et la violence. Un PDG qui a des mecs armés sous ses ordres n’accepterait pas de se faire virer tranquillement par le conseil d’administration à chaque fois, sauf s’il y avait autre chose que la simple lettre de la loi. C’est juste l’histoire réelle des monarchies, en pratique. Ça marche pas vraiment dans le monde moderne. On avait des monarchies avant, elles ont disparu pour une raison. Même dans des endroits bizarres où la monarchie a repris du pouvoir récemment (comme en Thaïlande), c’est pas un système très stable.

    Ce qui serait le mieux… bah, c’est une question compliquée. Y’a une tension : l’État-nation est empiriquement le meilleur pour créer de la loyauté dans de grands groupes ; mais dans l’économie d’aujourd’hui, il se fait bouffer par des corpos internationales qui ont accès à des talents mercenaires (je dis pas ça négativement, j’en suis un moi-même). Et maintenant, l’IA arrive comme une nouvelle donne qui va changer pas mal de dynamiques politiques aussi.

    Mon intuition, c’est qu’il n’y a pas de solution miracle institutionnelle pour réparer la gouvernance dans notre monde. Comme le disait Churchill, la démocratie est peut-être la pire forme de gouvernement, à l’exception de toutes les autres qui ne marchent même pas. Le fait est que les gens sont cons, on a un problème de hardware, et je m’intéresse plus à améliorer le stock génétique, le hardware de la population, qu’à essayer de pondre un énième patch logiciel institutionnel pour que nos humains actuels tiennent encore un jour de plus. Le peu d’amour que j’avais pour les masses est complètement mort après le fiasco du COVID.

    N : Tu dis que t’as perdu foi dans le pouvoir du débat et que t’es sceptique sur l’impact des blogueurs et des intellos sur la société. Pourtant, est-ce que tu penses pas qu’on voit l’inverse aujourd’hui, avec certains au pouvoir influencés par ces blogueurs NRx ?

      S : Je ne suis pas sceptique sur l’impact des bons écrits ; c’est juste que j’en vois moins ces dernières années. Twitter a détruit la blogosphère, et au lieu d’essais réfléchis sur des blogs perso avec une communauté de commentateurs intelligents, t’as une course à l’armement de mèmes trash sur Twitter par des comptes avec des pseudos genre NIGGER SLAYER RAPIST GROYPER et des avatars d’anime qui cherchent à choper des Elonbucks. Je ne déteste pas entièrement cela moi-même, je plaide coupable. C’est comme ça. C’est aussi cool de voir Curtis Yarvin dans le New York Times ou Steve Hsu lire mon blog.

      Peut-être que je lis juste moins et qu’il y a du super contenu sur Substack que je rate, donc c’est peut-être juste moi ; mais j’ai l’impression que le consensus chez les gens attirés par les trucs néoréactionnaires, c’est qu’on a dit tout ce qu’on pouvait et qu’y a plus rien à faire. De toute façon, comme je l’ai dit, faut juste rendre les gens plus intelligents. Au minimum, on est tous foutus si on ne règle pas le problème du taux de natalité, et on a toujours zéro piste pour y arriver.

      N : Tu critiques l’obsession de la société moderne pour l’égalité et la gentillesse. Quelles valeurs, selon toi, devrait-on prioriser pour construire une société plus saine et durable ?

        S :Un truc qui m’a toujours marqué, c’est la transition de l’Europe classique vers le christianisme. La Grèce et Rome vénéraient l’Iliade, le culte du héros guerrier. Tous les gamins dans l’Empire romain étaient élevés pour adorer Achille et voyaient ça comme la vraie vie d’un homme. Les Vikings avaient une culture similaire, où c’était la honte de devenir vieux au lieu de mourir au combat. Les Romains qui voyaient les temples païens détruits par un culte oriental d’égalité, de gentillesse et de soumission ont dû trouver ça complètement dingue.

        Mais tout arrive pour une raison, et si tu exaltes les forts, les courageux, les brillants et les beaux, bah, tu te fais des ennemis des faibles, des lâches, des idiots et des moches, et ça fait beaucoup de monde. Toute société a besoin de l’adhésion d’une majorité, donc un simple culte de l’excellence (qui semble évident, l’excellence c’est le top) est par nature instable. Toutes les cultures humaines ont été égalitaires d’une manière ou d’une autre, en théorie ou en pratique obscure (genre la loi de Jante). C’est dur à faire aujourd’hui avec les connaissances scientifiques en génétique, quand même.

        C’est une question compliquée. Une réponse qui a bien marché, c’est de diviser l’humanité en morceaux distincts et les faire se concurrencer. Les Allemands intelligents et les Allemands cons se sont alliés pour affronter les Français intelligents et les Français cons, et ça a plutôt marché. Mais aujourd’hui, y’a les voyages rapides et Internet, et les Allemands intelligents et les Français intelligents préfèrent traîner ensemble en parlant anglais qu’avec leurs compatriotes moyens.

        Comme je l’ai dit, la seule chose qui compte vraiment au final, c’est la qualité du patrimoine génétique de la population, donc il nous faut des valeurs qui poussent les gens à viser ça, mais qui te laissent un peu de mou dans le process. Pense à Gattaca, mais bien fait. Je ne sais pas vraiment comment réussir ça, c’est un sacré casse-tête.

        N :Tu as une super connaissance de l’Asie et des cultures asiatiques, vu que tu y as vécu. C’est un truc que tu as en commun avec Nick Land. Penses-tu que la néoréaction est un mouvement spécifiquement occidental, ou est-ce qu’elle peut s’appliquer à d’autres cultures ? Est-ce que l’Occident a un truc à apprendre de l’Asie ?

          S : Pour info, je vis toujours en Asie, et je continuerai probablement sauf si l’Europe fait une vraie contre-révolution. La néoréaction, c’est clairement un mouvement idéologique occidental. J’ai essayé de temps en temps d’en parler à des Chinois et des Japonais (je parle bien leurs langues), mais ça ne les intéresse pas. La culture intellectuelle asiatique est juste hyper différente. On a plein de problèmes en commun, genre le féminisme, mais ils ont leurs propres courants pour gérer ça, qui ont rien à voir avec les tonnes d’écrits antiféministes que l’Occident produit depuis des décennies. C’est comme ça, et la barrière de la langue y est pour très peu. On a juste des circuits cérébraux différents.

          Je pense qu’on a beaucoup à apprendre les uns des autres. J’aime vivre en Asie parce que je déteste l’hypocrisie, et les intellos occidentaux en sont pleins, alors que les jaunes ne fonctionnent pas comme ça. Mais les jaunes manquent un peu d’initiative, et ça, ils pourraient l’apprendre de nous. Je pense que c’est surtout génétique, donc peu de chances que ça change de chaque côté.

          Globalement, je trouve qu’ils ont quand même l’avantage. Même dans les pays les plus déracinés d’Asie, leur classe dirigeante a eu la décence de ne pas remplir leurs pays avec les masses du Sud global, et ça améliore vraiment le niveau de vie pour tout le monde. Mais après, ils se laissent exploiter à bosser 14 heures par jour pour un salaire pourri, et c’est juste triste.

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