Introduction au Traité Néoréactionnaire : La cité de Gnon

Le Traité Néoréactionnaire est composé de deux parties principales traitant respectivement de l’aspect religieux avec l’accélérationnisme en tant que nouvelle vision du monde (La cité de Gnon) avant d’envisager les corollaires à dégager pour le monde matériel (La cité d’Elon). Cet article est une introduction aux thèmes abordés dans la première partie.

« Il est écrit : “Au commencement était le Verbe !” Voici déjà que j’achoppe ! Qui m’aidera à poursuivre ? Je ne puis à aucun prix estimer si haut le Verbe. Il faut le traduire autrement, s’il est vrai que l’Esprit m’éclaire. Il est écrit : “Au commencement était la Pensée”. Considère bien la première ligne, que ta plume ne se précipite pas ! Est-ce la Pensée qui opère et produit tout ? Il faudrait mettre : “Au commencement était la Force”. Mais au moment même où je note ceci, quelque chose m’incite à n’en pas rester là. L’Esprit me secourt ! Tout à coup, je vois que faire et j’écris d’une main assurée : “Au commencement était l’Acte” »

Goethe, Faust, 1770, p. 66

Ainsi commence Faust, capturant l’un des aspects les plus fondamental de la civilisation occidentale et le coeur du Traité Néoréactionnaire. Quand Faust écrit « Au commencement était l’acte », il énonce ici un paradoxe. Bien qu’il affirme que l’action est plus fondamentale que le verbe, il ne peut faire l’économie du verbe pour exprimer cela. “Les hommes ont toujours agi en quelque façon, mais ils n’ont pas toujours su qu’ils étaient capables d’agir“, résume Pierre Manent dans son ouvrage Les métamorphoses de la cité. Le verbe est une singularité. L’action humaine n’existait pas avant le verbe, non pas parce que l’action elle-même n’existait pas, mais parce que l’homme, et ce qui fait de lui pleinement un homme, n’existait pas avant la capacité de s’auto-définir en tant que tel. Le verbe est une nouvelle façon d’appréhender le monde qui était jusque là inexistante. Il est une alternative à la force, et il est naturel qu’on observe une transition entre un monde païen faisant la part-belle à cette dernière, vers un monde chrétien épris de vérité qui n’a de sens qu’au travers du verbe.

Cette capacité de réflexion introspective sur sa propre action conduit naturellement à la question métaphysique de ce que signifie être. L’Être ne peut pas être séparé du langage et si cette question est nécessairement circonscrite dans les limites de ce dernier, il n’en est pas moins vrai qu’elle le dépasse. Penser l’action humaine est la particularité de l’humain, et c’est ce qui fait de lui un humain. De la même façon, §penser son être est la caractéristique de ce qu’Heidegger nommera le Daisein, dont le langage consitue “la maison de l’être”. Le rapport entre le langage et l’être amène naturellement à la question abtraite de l’Être et donc de Dieu. C’est ainsi que la Bible nous dit de son côté, “Au commencement était le verbe (logos), et le verbe était avec Dieu et le verbe était Dieu”. Jésus est le logos, il est Dieu, même si Dieu revêt aussi un aspect transcendant. Il est le verbe, mais il est aussi au-delà du verbe. Le christianisme capture alors ici l’idée que Dieu se manifeste à nous via le verbe, incarné en son fils, mais qu’il échappe nécessairement à toute expression verbale d’où il tire sa transcendance. Si la question de l’Être ne peut que s’inscrire dans le langage, mais lui échappe nécessairement, alors quelle est la valeur de ce que l’on peut en dire ? Wittgenstein nous dirait que cela est du non-sens purement et simplement, si cela échoue à rendre compte des faits du monde. Il nous faut alors à tout le moins nous assurer que le propos tenu sur l’Être soit en adéquation avec le monde matériel, mais une question se pose quant au langage lui-même. Est-ce que le langage et sa logique interne sont un moyen adéquat de capturer les faits du monde ? Les rationalistes nous disent que oui, Nietzsche nous dit que non, que le verbe ne peut que déformer le monde matériel via des métaphores.

Au sein du groupe des humainstes rationalistes, nous trouvons les libertariens. Ils font reposer leur pensée sur deux axiomes – celui de l’action et celui de l’argumentation –  incluant le même paradoxe observé entre le langage et l’action. Les axiomes libertariens veulent que celui de l’action soit plus fondamental, mais que celui de l’argumentation vienne en premier dans leur cadre épistémologique car, si les hommes ont toujours agit, l’argumentation est nécessaire pour dire quoi que ce soit sur leur action. Hoppe en arrive naturellement, via l’axiome de l’argumentation, à énoncer l’existence de la vérité. Lorsque vous considérez mon propos, vous évaluez sa véracité et donc validez de facto votre connaissance de l’existence de la vérité. Même si vous dites que j’ai tort, vous le faites nécessairement à l’aune de la vérité, donc vous ne pouvez pas nier qu’elle existe. C’est une sécularisation du christianisme qui évacue la question de Dieu, mais encore de la cité. Seule la question du fondement de l’éthique importe les libertariens pour qui l’Être et Dieu ne sont pas des questions. La vérité existe, repose-t-elle sur l’Être ? Vient-elle de Dieu ? Peu importe, nous y avons accès par les connaissances a priori et c’est tout ce qui compte pour penser l’action humaine et le droit, donc les conditions de vie matérielles d’une cité qui pourrait s’organiser sans Dieu, mais encore sans politique.

Nietzsche a cependant un point de vue radicalement différent constituant un néopaganisme renouant avec la puissance. Il annonce la mort de Dieu, car il annonce la mort du verbe. C’est ainsi qu’il s’oppose non seulement au christianisme, mais aussi au rationalisme libéral. Pour lui les mots ne sont que des métaphores imparfaites de la réalité, qui la déforment. Le christianisme inverse les valeurs car il place le verbe au-dessus de tout. Mais cet usage du verbe cache en fait la volonté de puissance des faibles. Seul l’acte ne ment pas. Si la vérité est subjective, la seule entité pour laquelle elle devient objective est Dieu dont le point de vue subjectif se confond avec la réalité objective. Nietzsche annonce alors nécessairement plus que la mort de Dieu, il annonce la mort de toute possibilité d’objectivité, donc la mort de l’homme et de la cité. Peut-on séparer les idées de Dieu, de l’homme et de celle de la cité ? Il n’est pas anodin que les trois soient apparues en même temps car la cité est elle-même une forme d’organisation permise par l’apparition du verbe. Le langage, les mèmes, sont les composants permettant de penser le droit et les institutions défendant ce qui est juste. La vérité, l’action, l’ordre. Le vrai, le bon, le beau. Le religieux, la justice, le politique. Dieu, l’homme, la cité. Tout cela repose sur le verbe. Cependant Nietzsche nous dit que le verbe est une illusion. L’homme n’existe pas. Il est une illusion capturée par un mot qui a pour conséquence de créer une catégorie égalisatrice. Or, aucune des entités que l’on range sous la catégorie homme n’est égale. La cité est l’endroit où la vérité meurt sous les conventions sociales et les normes et elle est nécessairement opposée aux entités singulières qu’elle culpabilise via la moraline. Pourtant, il ne peut pas y avoir de morale objective, de Bien et de Mal, mais le corollaire est alors la fin de toute possibilité d’ordre, la fin de la cité et de ses métamorphoses. Ce qu’on observe aujourd’hui avec nos sociétés multiculturelles de plus en plus divisées en est la conséquence logique. Nous n’avons plus de valeurs tenues pour objectives autour desquelles bâtir une société. Nous pourrions dire que, par ce qu’il convient d’appeler le wokisme, nos sociétés ont fait le choix de combiner le pire du nietzschéisme et le pire du christianisme. C’est-à-dire, la relativité des mots et de la vérité accompagnées d’une défense morale stricte des faibles. La néoréaction est rigoureusement antagonniste à cela.

La néoréaction est un synchrétisme des positions christo-libertarienne et nietzschéenne, qu’elle imagine trouver en la personne de Carlyle. La réalité ne peut être séparée de l’observateur qui participe à la co-construire. Le langage façonne notre compréhension du monde, mais il participe aussi à le modifier. Le mème est un moyen de capturer de la connaissance qui permet de faire apparaître le nouveau, le singulier. Dieu y occupe une place particulière puisque le mystique se trouve nécessairement au-delà du verbe. Le paradoxe est alors qu’il faut le verbe et la limite du verbe pour pleinement saisir le concept de Dieu. De la même façon que l’homme a toujours agi mais ne devient un homme qu’à partir du moment où il pense son action, l’Être fut de tout temps, mais il existe seulement comme une connaissance subjective de l’observateur participant qu’est l’homme. Affirmer que Dieu est une simple création humaine est alors un truisme sans intérêt. Cela revient à dire que Dieu n’existait pas avant le verbe, mais l’homme n’existait pas lui-même avant le verbe, alors cela ne saurait rendre la question obsolète. La connaissance d’une chose est indissociable de la chose elle-même. L’homme ne peut pas être séparé de la connaissance de l’homme et le Bien et le Mal ne peuvent pas être séparé de la connaissance du Bien et du Mal. Adam et Ève ne ressentent aucune honte à marcher nus dans le jardin d’Eden. Le Bien et le Mal n’existent pas tant que le verbe n’a pas capturé cette connaissance. Le verbe transforme la réalité pour le meilleur, mais aussi parfois pour le pire. Tel que le formule Carlyle dans Sartor Resartus, le verbe est comme un vêtement. Mishima comprendra de son côté que le verbe n’est pas le monde, et pourtant il a la capacité de changer le monde. Tel un masque, loin de cacher la réalité, les mots peuvent révéler l’essence.

Le verbe est une création humaine qui habille la réalité, ce qui lui confère la possibilité l’améliorer ou de la dégrader. Comment le verbe peut-il dégrader la réalité ? Par le mensonge. Passer une robe à une truie n’en fera pas une femme. Habiller une truie du mot “femme” n’en fera pas une femme et ne pourra que travestir la réalité au lieu de l’améliorer. Le verbe doit être un moyen d’agir plus efficacement dans le monde, donc d’être plus puissant. Carlyle est pleinement conscient de l’importance à la fois de la puissance et de la vérité. Pour lui, la puissance et la vérité finissent nécessairement par s’aligner.

La néoréaction est carlyléenne car elle admet que Nietzsche a raison, en dernière instance, c’est la réalité qui tranche selon la puissance et la guerre est le dernier tribunal. Mais la puissance est elle-même intimement liée à la qualité de l’information d’un système, donc, dans le cas d’une culture, de la qualité de ses mèmes, c’est-à-dire de ce qu’elle tient pour la vérité. Le verbe n’est pas sans valeur et on ne peut pas espérer obtenir une bonne organisation sociale sans lui. Toute fiction soit-il, il est une fiction nécessaire pour organiser une société, même si la réalité est le vrai juge. La puissance s’aligne sur la vérité, car la force des sous-systèmes que représentent les individus ne favorise la puissance du meta-système qu’est la culture que lorsqu’elle sert la vérité. Toute communication est autant une façon d’obtenir le contrôle et non la seule coopération, de manipuler autant que d’informer. Elle est l’expression de la puissance d’un individu, mais la manipulation se fera au détriment de la coopération. Qu’est-ce que cela signifie ? Deux individus, ou plus, forment un système au sein duquel un individu a intérêt à manipuler pour augmenter sa puissance alors que la fonctionnalité du système repose au contraire sur la bonne coopération. Un individu a un intérêt à mentir, mais la puissance d’une société repose, elle, sur la qualité de l’information créée et échangée, la vérité. Nous pouvons y voir ici une reformulation de l’idée d’un compromis émise par E.O. Wilson et D.S, Wilson voulant que les groupes les plus altruistes sont sélectionnés, mais qu’au sein des groupes les plus altruistes, les individus les plus égoïstes sont sélectionnés. L’altruisme favorise la coopération offrant sa puissance au groupe. L’individu veut manipuler pour sa propre puissance mais la mauvaise qualité informationnelle générée par la manipulation se fera au dépend du méta-système qu’est la culture, et peut-être même alors au dépend de méta-systèmes supérieurs, le plus grand étant l’univers. Nous pouvons résumer ce compromis en disant que la force des leaders dirigeant le groupe doit servir la vérité. La force fait le droit, car la force est primordiale, mais elle doit nécessairement s’appuyer sur des mèmes de qualité pour générer un système fonctionnel. Cela passe par édicter des lois découlant d’un droit objectif identifié par la raison et reposant sur le verbe qui doit être aligné sur un absolu qui nous échappe que l’on pourrait nommer la Vérité ou Dieu. Mais cet absolu n’existe que dans le verbe et se voit nécessairement bafouer dans la réalité par les pauvres pécheurs que nous sommes. L’empereur nietzschéen doit se muer en Roi christo-libertarien. La force païenne doit se mettre au service de la vérité chrétienne. Il devient alors un César avec l’âme du Christ, qui n’est rien d’autre que la définition du surhomme selon Nietzsche et qui correspond à l’idéal Carlyléen qui célèbre les héros et le christianisme. Il n’est ni idéaliste, ni matérialiste, il se montre à la fois à la hauteur des idées et de la matière, de la vérité et de la force. 

“Idéalisme ou matérialisme ? – Voilà une opposition bonne pour des esprits impurs dont l’imagination n’est à la hauteur ni de l’idée, ni de la matière !”. 

Ernst Jünger, Le Travailleur

Adaptation de la nouvelle de
Lovecraft en animation grâce
à l’IA

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Les individus ayant une incitation naturelle à la manipulation, il est plutôt souhaitable que l’entité dépositaire de la force ne soit pas la même que celle s’occupant de la vérité. D’où l’idée de séparation de l’Église et de l’État. Comment favoriser cette transition ? En lui cédant les pleins pouvoirs. Une fois que son pouvoir  est assuré à l’intérieur, il n’a plus aucune raison de préférer le mensonge à la vérité. Le bon fonctionnement interne étant assuré, de la même façon qu’un individu ne se soucis de ses intestins que lorsqu’ils sont défectueux, mais se concentre sur l’environnement quand il a la santé, notre Roi peut se concentrer vers l’extérieur, vers le jeu des nations. Une fois Twitter acquis, Elon Musk est le seul propriétaire et ne peut être inquiété. La seule façon de le déloger est de racheter X et cela ne peut se faire sans son accord. Il peut alors mettre en place un système transparent du fonctionnement de l’agorithme et développer des fonctionnalités favorisant la découverte de la vérité comme les community notes. Il peut subir lui-même les foudres des community notes, la vérité constitue la valeur ajoutée de la platforme dont il est le seul propriétaire.

« Vraiment, l’une des visions les plus tristes de notre époque est celle de pauvres êtres, sur des estrades, dans des parlements et autres situations, faisant et défaisant des “Lois” ; dans l’âme de qui, pleine de simples ouï-dires et de bavardages vides, il n’y a jamais eu d’image de la Loi du Ciel ; il ne leur est jamais venu à l’esprit que le Ciel avait une Loi, ou que la Terre ne pouvait pas avoir n’importe quelle loi ! Les codes de lois humains, par conséquent, deviennent horribles à envisager. »

— Thomas Carlyle, Les pamphlets des derniers jours

Or, s’il ne peut y avoir de vérité réellement objective, et que seuls Dieu ou la réalité peuvent pleinement juger, alors les démocraties libérales ne peuvent pas être de bons moyens d’organiser la cité. La démocratie moderne repose sur la croyance en une vérité objective qu’une majorité d’agents rationnels sera capable d’identifier afin d’aller vers un consensus permettant une organisation de plus en plus efficace. La néoréaction fait un choix différent. À la résolution de désaccords par le consensus dans le temps, elle oppose la maximisation du désaccord via la fragmentation de l’espace. Au vote, elle oppose l’exit. Si le juge de la valeur de la vérité est au-delà des mots, alors la solution ne peut pas être dans le débat, mais dans le schisme. C’est la multiplication de l’expression de conceptions du monde différentes qui permettra une sélection plus efficace des meilleurs modèles. Qui opère cette sélection ? La néoréaction ne ferme pas la porte à Dieu, car il est évident depuis le début que le verbe ne peut pas capturer de façon adéquate ce qu’est Dieu. La mort du verbe et de la vérité objective ne signifie pas la mort de Dieu. Le verbe ne fut jamais qu’un moyen de pointer du doigt une chose qui ne peut être exprimée. Comme l’indique Wittgenstein, on ne peut que garder le silence sur cette question. Le mieux que le verbe puisse faire est d’énoncer son impossibilité de capturer ce qui le dépasse. Alors de qui la réalité est-elle le produit ? Dieu ? La néoréaction est faustienne jusqu’à la rédemption, cependant elle refuse de se rendre esclave du verbe. Toutefois, il faut encore user du verbe pour affirmer qu’on ne veut pas être son esclave, alors la néoréaction insère cette ambivalence dans un acronyme simple venant compresser cette information complexe ; La Nature ou le Dieu de la Nature, Gnon. Si les mots peuvent permettre de transformer la réalité, ils perdent aussi leur capacité à le faire. “Dieu est mort” selon la formule de Nietzsche, car le mot “Dieu” a perdu sa capacité à être une force de transformation du monde. Alors Vive Gnon.

L’accélérationnisme, en reposant sur la cybernétique, est un clade du libéralisme qui continue la redécouverte des principes chrétiens sur de nouvelles bases. Il sélectionne les mèmes, les épure, les corrige afin de former un méméplexe cohérent et adapté à son contexte historique. Le pouvoir ne peut être détruit. Il peut seulement être transféré. Renoncer au pouvoir, comme le veulent les libertariens, doit alors nécessairement passer par y renoncer en faveur d’un individu le possédant de façon légitime. Sur quoi peut reposer la légitimité ? La propriété. Sa conclusion, qui pourrait alors aussi être nietzschéenne, est que la démocratie ne peut être un système approprié, car il lui manque un élément capital, le propriétaire, le CEO, le Roi, représentant de Gnon. C’est en cela que l’accélérationnisme bien compris ne peut qu’être réactionnaire, mais sa réaction ne cherche pas de solution dans le passé. Il invente de nouvelles solutions aux problèmes identifiés qui rejoignent certaines lignes traditionalistes, il est néoréactionnaire.

Il reste une question en suspens, si le verbe se meurt ? Qui le tue ? Il serait surévaluer l’importance des philosophes en faisant reposer la responsabilité sur Nietzsche où les post-modernes. Ils constatent plus qu’ils ne prescrivent et la philosophie mourra elle-même de la fin du verbe. Alors qui est le coupable ? Pourquoi nos facteurs historiques tels que la famille, la nation ou la religion, nos identités charnelles et traditions se désagrègent ? À qui profite le crime ? Si on s’en tient aux acteurs, il sera évident de pointer du doigts les élites démocratiques et la classe managériale. Même les plus conservateurs promettant de maintenir la nation et ses mœurs et coutumes se cassent les dents. Est-ce par cynisme ? Est-ce par incompétence ? Peut-être se donnent-ils seulement une tâche impossible à accomplir. Heidegger nous livrera de façon laconique qui tuera le verbe et remplacera la philosophie lors de son entretien pour Der Spiegel publié à titre posthume. Pour lui, c’est la cybernétique. Le vrai meurtrier du verbe est sûrement le chiffre. On pourrait marquer symboliquement l’essor de la science et du capitalisme en Europe à l’introduction du zéro. Il marque l’élément fondateur d’un phénomène techno-capitalistique qui trouvera son apogée dans la singularité technologique. 

Horreur
Augmentée

Sélection de textes de
Zero HP Lovecraft

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« Voici comment l’histoire se déroule : La Terre est piégée dans une singularité technocapitaliste au moment où la rationalisation de la Renaissance et la navigation océanique catalysent le début de la marchandisation. L’interaction techno-économique en accélération érode l’ordre social dans l’engrenage d’une machine auto-évolutive. Tandis que les marchés apprennent à créer de l’intelligence, la politique se modernise, aiguise sa paranoïa et tente de reprendre le contrôle. »

– Nick Land, Meltdown

La destruction du verbe ne se fera pas au profit du retour au corps et à l’humain, mais permettra au contraire la naissance d’entités post-humaines. Alors, en tant qu’humains, doit-on accompagner ce phénomène ou s’y opposer ? A-t-on seulement le choix ? Est-ce que la technique sans un idéal absolu comme Dieu est destinée à produire des monstres ?

Voila les thèmes centraux de cet ouvrage où je mène une révision de concepts classiques tels que Dieu, l’homme et la cité, à l’aune de critères post-humanistes néoréactionnaires, Gnon, l’humain-augmenté et le patchwork. Cet ouvrage intéressera des lecteurs allant de Laurent Alexandre à Julien Rochedy, les rationalistes libéraux et les nietzschéens anti-libéraux, par sa capacité à réaffirmer la valeur du verbe tout en admettant ses limites. Mais changer le monde peut-être perçu comme un danger pour ceux qui s’accomodent très bien de son état actuel. Et ils auront encore besoin que vous vous conformiez à ce monde. Le cadre démocratique veut que vous évoluiez dans un environnement où votre opinion est importante. Dès lors, vous subissez chaque jour les assauts mémétiques des acteurs et des officines qui ont besoin de contrôler votre opinion. L’information est une arme et vous avez peut-être besoin d’un bouclier. Le cadre théorique de ce livre vise à vous protéger des idées parasites de notre époque. Il vous permet d’évaluer leur valeur efficacement en posant un regard sur le monde qui vous protègera des idées malsaines de notre époque. Dans une tradition néoréactionnaire, il n’est pas activiste, mais passiviste. Ce livre n’est pas une arme, car vous êtes face à un ennemi bien plus puissant que vous. Il est blessé, il meurt lentement de ses contradictions, mais cela le rend paranoïaque et il est toujours plus puissant que vous. La dernière chose que vous voulez quand vous êtes au milieu d’une foule face à un mec avec un AK-47 est d’attirer l’attention sur vous en l’attaquant avec un pistolet à bouchon. Si ce livre dépeint l’horizon d’un possible futur politique alternatif, ce dernier ne s’inscrit pas contre la démocratie (anti)libérale, mais après. Ce livre ne rejette pas l’action pour autant. Les mots doivent entretenir un lien étroit avec le monde et donc, avec l’action. Si vous êtes suffisament puissant pour prendre le relais, alors lisez ce livre si vous cherchez des idées pour améliorer le monde qui vient. Il y a cependant de fortes chances pour que vous ne soyez pas aussi puissant, alors en attendant, l’action la plus importante pour vous est que l’ennemi ne vous entraîne pas dans sa chute. Si le verbe est un vêtement, alors un corpus d’idée formant un cadre épistémologique est une tenue. Si ce livre n’est pas une arme pour vous livrer au combat poitique démocratique, il n’est pas non plus une soutane détachée des préoccupations matérielles. Ce livre est une armure. Une armure augmentée, frappée du sceau d’un chérubin, équipée d’un jetpack vous permettant de vous élever, d’un système de camouflage pour vous dissimuler et d’un bouclier pour vous protéger des déflagrations.

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