Nous avons déjà parlé de Hans-Hermann Hoppe au travers d’un article sur un de ses ouvrages récemment traduit, Démocratie, le Dieu qui a échoué. Les traducteurs des Editions Résurgence ont dernièrement traduit un autre ouvrage — qui s’avère être court et très intéressant d’un point de vue intellectuel — Getting Libertarianism Right ou Bien comprendre le libertarianisme, en français. Par ailleurs, ceux qui connaissent la pensée “hoppéenne” comprendront le double sens contenu dans le titre original qui pourrait signifier “Amener le libertarianisme à droite”, malheureusement difficile à retranscrire en français.
Bien comprendre le libertarianisme est une compilation de retranscriptions de multiples discours donnés par le Pr. Hoppe à la Property and Freedom Society (organisation libertarienne qu’il a fondée et de laquelle il est à la tête encore aujourd’hui) ainsi qu’au Mises Institute. Ce livre permettra à tout lecteur, initié ou non à la philosophie libertarienne, de saisir l’essence de la pensée de l’auteur jusqu’à la construction de cette pensée et son évolution grâce à la quatrième partie du livre plutôt biographique. Que l’on partage ou non la pensée “hoppéenne”, il reste d’une pertinence certaine de la comprendre dans les grandes lignes : elle enrichira avec certitude la grille de lecture de n’importe qui par son originalité et sa cohérence.
Vous pouvez vous procurer le livre broché ou en format Kindle en cliquant ici. Un autre lien sera disponible en fin d’article.
Pourquoi les idées libertariennes doivent pencher à droite
Malgré un centrisme assez présent dans l’expression des idées libérales et libertariennes, Hans Hoppe les considère comme étant foncièrement de droite. En effet, il caractérise la Gauche par des idées constructivistes, alors qu’elles seraient plus essentialistes à Droite. D’un côté on souhaite l’avènement d’une égalité de fait et en tout point entre tous les hommes, tout en leur reconnaissant peu d’inégalités dans les capacités cognitives ou mentales — à moins que l’environnement et l’environnement seul soit responsable de toute différence notable, auquel cas il faudrait y remédier. De l’autre, on accepte justement toute forme d’inégalité, sans forcément y rattacher pour seule cause la configuration de l’environnement dans lequel les individus se développent.
Traité
Néoréactionnaire
Le premier livre de NIMH
Traité
Néoréactionnaire
Le premier livre de NIMH
Hoppe avance que la conception gauchiste de la société est incompatible avec l’éthique libertarienne ou l’idéal d’une société entièrement privatisée et donc sans État ; et il est vrai que pour lutter contre les inégalités, il serait nécessaire qu’une institution intervienne, par exemple, dans le processus de coopération libre entre les individus pour empêcher certaines formes de discrimination puisque, évidement, la coopération libre entre des individus implique nécessairement la possibilité de la non-coopération, ou discrimination.
Il serait aussi primordial que cette institution ait le pouvoir d’empêcher ou de limiter la non-coopération entre les individus, en plus de redistribuer ou de compenser les inégalités entre les forts et les faibles, les oppressés et les oppresseurs, les chanceux et les malchanceux.
Malgré cette incompatibilité évidente, il existe des libertariens de gauche, qui, en réalité et d’après l’auteur, en reprenant les mots de feu son mentor, Murray N. Rothbard, seraient davantage libertariens parce que « hédonistes, libertins, immoralistes, militants ennemis de la religion […] parasites, arnaqueurs, fraudeurs, petits escrocs et racketteurs » que par volonté de maintenir une civilisation humaine sophistiquée, ou de permettre aux humains de s’enrichir, d’innover et de se dépasser librement.
Une des thèses principales développées par l’auteur dans la première partie du livre repose sur le fait que l’idéologie de la gauche libertarienne fait le jeu de l’État dans sa quête de divide et impera. En se faisant défenseur de l’inclusivité, en jouant la carte de l’antiracisme et en condamnant la libre discrimination, la gauche libertarienne comme celle du Libertarian Party américain se retrouve à souscrire, entre autres, à l’idéologie “sans-frontièriste”, et logiquement, multiculturaliste.
Or, les effets en cascade de cette stratégie ne semblent pas servir les intérêts d’une opposition à l’étatisme. Une immigration qui peut profiter gratuitement du résultat de l’importante collecte — présente et passée — de taxes des autochtones dans un pays donné, va tendre à être importante. Ainsi, une intégration quasi-subventionnée (voire directement subventionnée pour des situations politiques avec un système d’État-providence étendu) et nombreuse, i.e. non désirée directement par les autochtones, sera forcément soutien des gouvernements et politiques gauchistes égalitaires en plus de faire le jeu de la division culturelle largement favorable au maintien et développement de l’appareil étatique.
La politique n’est pas tout
A travers ce qu’il appelle un libertarianisme “de Droite” ou “pragmatique”, l’auteur met en avant l’idée que n’importe quel système politique — y compris celui duquel il se fait fervent défenseur — ne constitue pas l’alpha et l’oméga de ce qui doit constituer la base d’une civilisation saine et prospère. Cet “ordre naturel”, de ses propres mots, n’est qu’un cadre légal — reposant sur l’intégrité de la propriété privée — mais ne garantit pas que les humains qui y évolueraient feraient les bons choix pour les générations futures, préserveraient la paix ou se garderaient de consommer plus de capital qu’ils n’épargneraient et qu’ils n’investiraient.
En effet, l’auteur, malgré un manque d’argumentation au sujet de la biologie humaine et de ses aspects innés (cela n’est de toute façon pas le sujet de ce livre), exprime un désaccord fondamental avec le concept de la tabula rasa concernant la nature de l’homme. Il ne pense pas que les humains soient intrinsèquement identiques et interchangeables quand bien même l’environnement (prénatal comme postnatal) dans lequel ils évolueraient serait identique.
De ce fait, l’arrivée d’individus venant de cultures peu sophistiquées et pauvres, à la productivité moindre, dans des pays à la culture sophistiquée et riche, à la productivité importante n’est a priori pas souhaitable de manière générale selon l’auteur quand bien même elle serait dans une certaine mesure possible dans une société sans État.
Toutefois, s’il s’avérait que c’était effectivement bel et bien le cas, il a raison d’insister sur le fait que rien n’empêcherait les individus qui vivraient dans une société sans État d’accueillir, de vivre avec et de ne pas exclure des individus de ces cultures, ou encore même des communistes qui pourrait renverser l’ordre social libéral établi dans lequel eux-mêmes vivraient. In fine, contrairement aux idéologues utopistes, Hoppe fait part d’une vision tout à fait tragique et pragmatique de la société et de l’idéal en politique : la liberté n’est pas quelque chose que l’on peut établir, mais plutôt quelque chose pour laquelle tous les membres d’une communauté doivent constamment lutter.
Les 10 commandements de Hoppe
Dans la troisième partie du livre, Hoppe met en évidence l’existence d’atomes crochus entre libertariens et droite alternative américaine (Alt-Right), et énumère 10 points importants sur lesquels tout amoureux de la civilisation occidentale devrait insister et prioriser dans ses choix ou discussions politiques. Dans l’ensemble, ces résolutions s’adressent principalement aux américains, mais sont largement et a minima généralisables à tout l’occident. Ce ne sont pas des positions particulièrement libérales, vues de la pure théorie, mais au moins elles ont l’avantage d’être réalisables même dans une société qui n’est pas organisée sous la forme d’un ordre social libertarien.
Voici ces points accompagnés d’une courte interprétation :
- Faire cesser l’immigration de masse : dans de nombreux pays, l’immigration est le plus souvent rendue possible à grande échelle à cause d’une politique publique accueillante qui accorde des “droits” à des étrangers et heurtent les autochtones. L’intégration forcée de mauvais voisins improductifs, la baisse du capital social et la destruction progressive de la culture occidentale, en voilà des conséquences. La construction d’une politique d’immigration libre (où l’on peut librement inclure comme refuser), ou au moins méritocratique, est une priorité absolue.
- Cesser d’attaquer, tuer ou bombarder des gens dans des pays étrangers : en plus d’être un gouffre financier, faire la guerre ne contribue à aucun citoyen, fait bien trop de victimes collatérales et alimente une haine des occidentaux provoquant des retours de flammes (comme le terrorisme).
- Couper les financements des élites dirigeantes et de leurs chiens de garde intellectuels : les grands médias comme les intellectuels (en France aussi) sont largement financés par les taxes et l’impôt. Logiquement, lutter en faveur d’un ordre social qui tend vers le libertarianisme revient à vouloir saper le crédit qui est accordé aux élites gouvernementales et aux meilleurs soutient d’un ordre social étatiste et social-démocrate.
- Supprimer la Fed et les banques centrales : les banques centrales permettent aux gouvernements de dépenser toujours plus et ainsi d’amputer sur plusieurs générations les citoyens de la richesse qu’ils créent et qui leur revient de droit. Cette nuisance à la prospérité humaine doit être vivement dénoncée selon l’auteur.
- Abolir toutes les lois et réglementations de “discrimination positive” et de “non-discrimination” : l’égalité devant la loi et la liberté d’association sont à la fois des valeurs libérales et occidentales, ce genre de d’aberrations légales n’ont donc rien à faire dans notre civilisation.
- Réprimer la pègre “antifasciste” : ces groupes militants s’opposent en réalité à tout ce qui constitue l’occident en plus de semer violence, terreur et chaos là où ils se manifestent. Il convient dès lors de lutter contre leurs exactions par tous les moyens possibles.
- Réprimer les criminels de rue et les gangs : partout en occident, nous trouvons des zones de non-droit jointes à une justice laxiste qui n’assure pas la réparation des dommages commis par des criminels qui demeurent bien trop impunis. Réarmer les citoyens honnêtes et encourager l’intervention des forces de l’ordre en ces lieux ne sont pas des mesures extrêmes qui relèvent en réalité du bon sens le plus total.
- Se débarrasser de tous les parasites de l’aide sociale et des fainéants : ce point rejoint largement le premier, bien qu’il n’y ait pas seulement les immigrants qui soient bénéficiaires des aides sociales dans les pays où ces politiques sont mises en place. Toutefois, force est de constater que l’État-providence encourage la venue depuis l’étranger d’individus en réalité peu désirables en plus d’encourager les comportements inutiles et improductifs.
- Désétatiser l’enseignement : ce n’est pas pour rien si le système éducatif est au moins partiellement public à travers le monde. Il n’y a rien de mieux pour endoctriner massivement un maximum de citoyen, leur faire croire aux fables étatistes et donner de la crédibilité aux idées véhiculées par l’homme politique égalitariste et politiquement correct moyen, aux antipodes de la philosophie libérale.
- Ne pas accorder sa confiance dans la politique ni dans les partis : le pouvoir politique corrompt, et investir dans le jeu de la politique ne ferait en vérité que la maintenir. A l’inverse, la philosophie libertarienne vise à se débarrasser du cadre politique et tendre un maximum à faire valoir un droit privé dans les interactions entre les individus de la société.
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Murray et Hans, l’amitié au-delà de la pensée
La quatrième et dernière partie du livre, Mûrir avec Murray est sans doute la plus intrigante et la plus sophistiquée de l’ouvrage. Le ton y est bien différent, et tranche nettement avec le style habituel froid, millimétré, scolaire, neutre et détaché de Hans H. Hoppe. De manière assez inédite, l’auteur se livre sur sa dizaine d’années de proche amitié entre le regretté Murray N. Rothbard et lui-même. Ces dix années, entre 1985 et 1995 furent d’ailleurs les dernières du Mr. Libertarian.
S’il y a bien quelque chose qui parait impensable de ressentir à la lecture d’un ouvrage du philosophe libertarien germano-américain, c’est probablement être ému. Pourtant, l’espace de quelques dizaines de pages, le professeur Hoppe semble se confier au lecteur concernant sa profonde admiration envers son défunt mentor et grand ami d’une manière particulièrement touchante. Entre les lignes d’une relation entre deux esprits intellectuels est laissée transparaître une dynamique complémentaire entre un jeune Allemand athlétique froid aux grandes ambitions et un cinquantenaire juif petit et enrobé, solaire et trop humble.
Cette biographie sert un but, et Hoppe cherche en réalité à transmettre les enseignements qu’il a lui-même tirés de ces 10 années aux côtés de Murray Rothbard. Parmi les éléments qu’il retiendra de son mentor, deux semblent réellement se détacher par leur pertinence mais aussi l’aspect paradoxal qui s’en dégage de prime abord : intransigeance intellectuelle et ouverture d’esprit.
Malgré une radicalité dans sa pensée anarcho-capitaliste, Rothbard était tolérant avec les gens différents de lui, capable de dire d’adversaires idéologiques qu’ils sont bons sur quelque sujet, nonobstant les désaccords qu’il pouvait entretenir avec eux ailleurs. Toutefois, il lui était impossible de faire des compromis sur le terrain des idées, refusant systématiquement d’édulcorer sa vision des choses, ce qui pourtant lui aurait évité de mener une carrière d’universitaire mal reconnu de ses pairs. Rothbard soutenait que la seule philosophie politique correcte sur le plan éthique était celle qui reconnaissait l’État comme une structure intrinsèquement criminelle, et qu’une société juste ne pouvait être gouvernée que par les contrats ainsi que toute autre forme de coopération sociale totalement volontaire.
Tolérant avec les individus et intolérant avec les idées, là résidait la grande force intellectuelle de Rothbard. Sa bibliographie présente une vision cohérente du monde, malgré des sources et inspiration si différentes qu’on les aurait initialement pensées incompatibles.
Hans-Hermann Hoppe reste fidèle à ces principes transmis par un intellectuel qui semble avoir été droit, équilibré et juste. En ayant cela à l’esprit, la pensée qu’il transmet, notamment depuis les années 90 jusqu’à Bien comprendre le libertarianisme, devient encore plus appréciable qu’elle ne l’était déjà.
Voilà ci-dessous un autre lien afin de vous procurer la traduction de l’ouvrage par les @ResurgenceEd
Les 10 points qu’il propose sont simplement du bon sens. Je ne sais pas trop pourquoi ça devrait être qualifié de “libertarien” (ces idées existent ailleurs).
Le problème de libertarianisme c’est qu’il y a une incohérence à la base : la loi “naturelle” ne concerne pas les individus, elle concerne les groupes. Tout ce que les libétariens disent sur les individus pourrait s’appliquer aux groupes, mais pas aux individus, en réalité, d’ou leurs contradictions qu’eux même avouent. Leur point aveugle, c’est la race. S’ils n’étaient pas si focalisé sur l’individu, ils verraient qu’en changeant de perspective, tout se remet en place de manière élégante et évidente.