Sexes, doctorats, discriminations et statistiques

Au sein de l’univers en expansion permanente des revendications féministes, une thématique mérite une attention particulière. Le patriarcat écarterait les femmes des études supérieures, écoles d’ingénieurs et doctorats scientifiques en tête. Les chiffres qu’elles mettent en avant dénotent effectivement une carence de femmes dans les STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques, STIM en VF). À titre d’exemple les écoles Arts et Métiers n’ont accueilli que 18% de femmes en 2016.

La majorité des doctorants sont des femmes

Cette théorie de la discrimination générale, bien que soutenue par des statistiques officielles, ne résiste pas à une analyse sérieuse. Sean Welsh s’est penché sur la question dans un article dans Quillette et ses conclusions sont très éloignées des tweets de Marlène Schiappa. En analysant les chiffres des 9 dernières années aux USA, il prouve sans contestation possible que les femmes, loin d’être discriminées par les vieux mâles blancs sclérosant les milieux universitaires, ont gagné la course au doctorat (53/47).

Cette première contre expertise ne pouvait satisfaire l’appétit de vérité de Sean Welsh. Ce jeune doctorant a compris que la clef du problème est le concept même de STEM. Cette catégorisation exclut, sans justification, les sciences du vivant (santé, science sociales et comportementales, biologie, agronomie), ce qui pénalise (statistiquement parlant) fortement les femmes. Une fois ces disciplines réintégrées  le sex-ratio des doctorats scientifiques devient parfaitement équilibré:

Champs de recherche Doctorats % % Sujet
Médecine 14,969 70.3 29.7 10,523 4,446 Gens
Ingénieur 9,656 23.4 76.6 2,260 7,396 Choses
Sciences sociales et comportementales 9,408 61.1 38.9 5,748 3,660 Gens
Biologie et Agronomie 8,590 52.6 47.4 4,518 4,072 Animaux Plantes
Physique, Chimie et Géologie 5,852 34.1 65.9 1,996 3,856 Choses
Mathématique et Informatique 3,353 25.1 74.9 842 2,511 Choses
Total 51,828 50.0 50.0 25,914 25,914  

Liberté n’est pas parité

Si la parité est globalement respectée, il en va tout autrement si l’on examine les disciplines une à une. La théorie de la discrimination restreinte à certaines filières est-elle défendable? En analysant l’historique de la place des femmes dans les filières scientifiques il est aisé de réfuter cette thèse.

La médecine et l’agronomie sont des institutions anciennes réputées pour leur sexisme, cela n’a pas empêché les femmes de s’y faire une place de choix et même de les dominer. L’informatique, science jeune, fut à l’origine accueillante, de nombreuses femmes figurent parmi les pionniers de la discipline. Ada Lovelace écrivit le premier algorithme en 1843, Grace Hoper conçut le premier compilateur en 1951 et le langage COBOL en 1959, Margaret Hamilton dirigea l’équipe du MIT à l’origine du software du programme Apollo et Skylab. Aujourd’hui l’informatique est une des filières les plus dominées par les hommes.

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It’s genetic stupid !

Si certaines filières concentrent les femmes ou les hommes, ce n’est pas à cause d’une abracadabrantesque discrimination institutionnelle et autres stéréotypes du genre, c’est génétique (et hormonal).  Sous l’effet de ces déterminants puissants (mais pas absolus) les femelles primates privilégient, dès leur plus jeunes âges, les activités en interaction avec des gens; les mâles primates, quant à eux, avec des choses. Et si j’écris primate c’est parce le phénomène est commun chez tous les primates testés, des chimpanzés à nos lointains cousins les singes à queue.

Plus une société est égalitaire, plus les femmes (et les hommes) sont libres de choisir des carrières conforment à leurs aspirations. Ainsi les femmes vont se concentrer dans leurs filières de prédilection (médecine, sociale, aide à la personne) et délaisser les activités qu’elles jugent ingrates (informatique, mécanique, ingénierie). En dénonçant l’absence de parité dans toutes les disciplines scientifiques, les féministes se trompent de combat. Cela n’est hélas pas surprenant, la biologie est une discipline honnie des féministes qui nient les différences génétiques,  hormonales et même morphologiques entre les sexes.

Les sciences du vivant sont discriminées

Comment expliquer la composition douteuse des STEM? Si l’état lamentable des sciences sociales peut justifier leur exclusion du champs des sciences “nobles”, considérer la médecine et la génétique comme des disciplines ésotériques est indigne. La délimitation des STEM, bien qu’en phase avec le rejet de la biologie des féministes, n’est pas leur invention. Le coupable est Charles E. Vela, ingénieur et chercheur en électrotechnique, et n’est pas affilié à un quelconque mouvement féministe. Son profil permet toutefois d’expliquer l’origine du problème : les chercheurs et ingénieurs des sciences autoproclamées “dures” méprisent les sciences du vivant.

Ces préjugés s’enracinent dans l’histoire des sciences. Mathématiques et physiques ont achevé leur révolution copernicienne bien avant que Darwin n’ouvre les hostilités. Une partie de ce retard s’explique par la dépendance de la biologie envers des outils développés par les sciences de la matière inerte (statistiques, microscopes, analyseurs chimiques et autres séquenceurs d’ADN). L’autre handicap de la biologie est la dimension sacrée du vivant. Si tirer des conclusions hérétiques d’observation des astres pouvait vous amener au bûcher, le simple fait d’aborder le vivant comme un phénomène matériel était déjà une hérésie en soi. L’espace de travail des sciences du vivant fut toujours plus étroit. Les biologistes occidentaux contemporains sont encore strictement encadrés par des lois « bioéthiques » et une pression sociale (comme l’opposition hystérique contre les modifications génétiques) qui ralentissent leurs découvertes.

Le vivant, cauchemar des matheux et des féministes

Synthèse des autres sciences, de l’univers du vivant est celui de l’émergence. Le biologiste ne peut identifier, quantifier et expliquer l’effet de tous les facteurs interagissant dans le vivant. En acceptant cette limite le biologiste comme le médecin apprend à tolérer l’indéterminisme. Cette situation insatisfaisante est néanmoins conjoncturelle, demain IA et humains augmentés pourront sans doute intégrer à leurs analyses l’interaction en temps réel de millions de gènes et la complexité grandiose du protéome.

Pour l’esprit cartésien d’un mathématicien l’étude des sciences du vivant n’est qu’une forme de divination. Il suffit d’écouter Aurélien Barrau, physicien théorique, répéter comme un fanatique les truismes les plus consternants sur l’agriculture et l’écologie pour mesurer l’incapacité de ces savants mécanistes à aborder le fonctionnement holiste et souvent contre intuitif des systèmes vivants. Désarmés face à ce monde insaisissable, où il faut comprendre en ne voyant rien et agir en ne comprenant presque rien, les esprits brillants mais étroits ne peuvent que caricaturer et mépriser ceux qui s’y consacrent.

Cette affaire se conclut sur un cas étrange et idiot de convergence des luttes.

Aveuglées par leurs délires conspirationnistes, les féministes ne se sont même pas rendu compte qu’elles avaient déjà gagné la bataille des études supérieures. Elles aussi pourront pointer au Pôle Emploi avec un doctorat inutile, les États occidentaux ayant d’autres priorités que la recherche scientifique.

A l’heure où en Chine naissent les premiers humains génétiquement améliorés, une vieille aristocratie scientifique continue de dévaloriser les sciences du vivant et d’entraver leurs progrès. Nul doute que les Chinois vont bien sagement attendre l’avis des comités d’éthique occidentaux avant de commencer à valoriser leurs collections de gènes de l’intelligence.

Beaucoup aiment à répéter que les extrêmes se rejoignent, cette affaire démontre que la paresse intellectuelle et la suffisance peuvent conduire à des croyances similaires pour des raisons totalement différentes.

1 comment
  1. Très intéressant article avec des chiffres que je connaissais pas. Cependant, en ce qui me concerne, je ne compte pas les sciences sociales et comportementales au rang de “sciences”. Les sciences sociales, en Occident, ne sont plus qu’une filière de propagande marxiste, internationaliste, égalitariste et écologiste dénuée de toute objectivité. Quand aux sciences comportementales, même si en France, des changements lents mais réels sont (enfin) en cours, Freud s’enseigne toujours en philo et en fac de psychologie et pas uniquement à titre historique comme cela peut-être le cas dans d’autres pays. Lacan et Dolto sont toujours cités comme références dans des journaux, ce qui donne tout de même le tournis lorsqu’on est familier des neurosciences et de la génétique des comportements (entre autres aspects de la génétique).
    Pour compléter votre propos, je suppose que vous connaissez Jacques Balthazart, le biologiste et comportementaliste Belge qui a écrit “Biologie de l’homosexualité” et récemment “Comment le cerveau devient masculin”….. ainsi que les Minnesota Twin Studies (totalement ignorées en France) qui sont un peu à la base des recherches contemporaines sur la génétique de l’intelligence et des comportements ?
    Le primatologue Frans de Waal est également intéressant notamment “Le singe en nous”.
    Comme vous, je suis fascinée par l’avancée Chinoise dans tous les domaines des sciences et technologies, mais sur le fond, ils ont presque toujours eu une longueur d’avance dans tous ces domaines : Robert Temple “Le génie de la Chine” qui résume assez bien l’encyclopédique Joseph Needham.
    Merci pour cet article.

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