La Chine est-elle impérialiste ?

Poser la question, c’est déjà y répondre.

Cependant, pour beaucoup de commentateurs francophones, la Chine ne peut pas être impérialiste. Le seul impérialisme est toujours américain, et il est sale. Tout au plus, la Chine renaît de ses cendres et c’est beau. Sauf que cette candeur confine à l’autisme ; oui, on est toujours impérialiste quand on en a les moyens, et la Chine assume sa politique de puissance, ce qui peut surprendre une partie des Occidentaux, plus occupés à mettre un genou à terre pour faire bonne figure face à des sauvages que de s’intéresser de ce qui sera le conflit de demain. Cet article fait également écho à celui sur les Brics où l’on discutait du fait que de nombreux analystes pointus avaient appelé, avec insistance, à se détourner des USA pour s’allier à ces pays, car “c’était eux l’avenir”. Aujourd’hui, ces mêmes pays n’hésitent pas à noyer les soldats des autres dans des lacs gelés. Solide alliance que voilà. 

Les tensions sino-indiennes : un vieux serpent de mer

En 1962, les deux pays s’opposaient déjà dans les confins du Tibet, dans des plateaux inhospitaliers où Mao corrigea sévèrement les Indiens. Il en résulte une annexion de facto de l’Aksai Chin qui sera reliée au Xinjiang. Depuis, si la situation connait des soubresauts, le conflit était jugé comme étant gelé. Cependant, depuis cinq ans, la Chine développe un réseau de communication et de transport dans la zone afin de lui permettre d’y acheminer du matériel militaire rapidement. L’Inde s’est résolue à faire de même. Mais pourquoi tant de tensions pour une région qui n’offre rien ? 

Le Cachemire est une région à cheval entre l’Inde, le Pakistan et la Chine. Pour cette dernière, c’est le talon d’Achille de sa nouvelle Route de la Soie qu’elle a entrepris de façonner en Asie Centrale, et qui explique le rapprochement entre le Pakistan et la Chine. En effet, l’Inde pourrait, si elle en avait les moyens militaires, couper cet axe qui ouvre à la Chine les ressources en hydrocarbures du Moyen-Orient. C’est ce qui explique en partie son intransigeance à propos de deux vallées peuplées de chèvres. 

Néanmoins, la position chinoise s’explique autant par stratégie que par rivalité. La démographie indienne dépasse celle de la Chine, et la croissance économique de New Delhi fait de l’ombre à Pékin. De là à ce que Pékin soit fébrile à l’idée que les Indiens lui volent la vedette en tant que superpuissance asiatique, il n’y a qu’un pas. De plus, l’Inde est le sparring-partner idéal pour la puissance chinoise retrouvée. C’est un adversaire à sa mesure certes, mais les capacités militaires indiennes sont, pour ainsi dire, nulles. Son armée est vétuste, avec du matériel largement hérité de l’ère soviétique que Delhi peine à moderniser. Son aviation est composée en grande partie de Mig ou de Sukhoi qui sont cloués le plus souvent au sol car les Russes sont incapables de fournir des pièces détachées en nombre suffisant, ce qui explique la volonté de Delhi de se tourner vers d’autres fournisseurs comme la France et ses Rafales. 

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L’armée indienne ne brille pas par ses capacités combatives et son innovation technologique, et ça, Pekin le sait bien. C’est le souffre-douleur idéal, car si les Indiens ne sont pas des foudres de guerre, ils ne sont pas leurs voisins misérables du Bhoutan ou du Népal. En termes de prestige, ça joue beaucoup. Toute proportions gardées, c’est la Chine du Japon impérial. Après s’être fait la main en Corée, les Nippons n’ont pas hésité à malmener la Chine moribonde de Tchang Kaï Chek en occupant la Mandchourie. L’Inde étant un peu voisine, la projection de troupe y est aisée, pas besoin d’une chaîne de logistique complexe, comme les Américains savent le faire, pour envoyer des soldats à des milliers de kilomètres de leurs bases. 

La dissuasion nucléaire indienne ? Comme disait Kissinger, la bombe H n’est plus qu’un tigre de papier. De plus, dans le cas extrême de l’entrée en jeu de la bombe H, l’arsenal chinois, qui plus est, lorsqu’on lui joint celui du Pakistan, excède de loin celui de l’Inde. 

Mais la pression qu’exerce Pékin sur New Delhi n’est pas que militaire. Diplomatiquement, Pékin a joué finement en retournant durablement deux pays pratiquement sous protectorat indien : le Népal et le Bhoutan. Ce dernier se donnant même le luxe non seulement d’avoir désormais des prétentions territoriales sur son voisin, mais aussi de couper l’irrigation des champs du côté indien alors même que New Delhi a pourtant perfusé économiquement ce pays de nombreuses années après son indépendance en 1949. Suite à l’abandon de Karachi par Washington du fait de l’indéfectible soutien pakistanais au terrorisme, celui-ci s’est tourné vers Pékin pour nouer des liens militaires et économiques. Manifestement, le fait que Pékin persécute les Ouïghours ne gêne pas le moins du monde le Pakistan, pourtant si pusillanime quand il s’agissait de dénoncer les USA malmenant quelques gardiens de chèvres ou des caricatures françaises

Dans ce contexte, l’Inde ne peut que se rapprocher des Occidentaux, et notamment des USA, chose déjà bien entamé avec le Quad Group, qui rassemble notamment les ministres des affaires étrangères du Japon, de l’Australie, des USA et de l’Inde. Lors de cette dernière réunion, qui a eu lieu pas plus tard que le 10 octobre, il fut dévoilé que la Chine amasse plus de 60000 hommes à sa frontières avec l’Inde, preuve que ses velléités d’expansion n’ont pas faibli.

Si Pékin se permet d’être si intransigeant, c’est qu’il a déjà appliqué son impérialisme rampant en mer de Chine 

Tous les voisins de la Chine l’ont constaté : Pékin n’hésite pas à imposer ses vues territoriales par la force. Et le premier à en avoir fait les frais est le Viêt Nam, si bien qu’Hanoï — ironie de l’histoire — s’est rapproché de Washington afin de trouver un allié bienveillant pour contrecarrer le grignotage territorial et économique de Pékin. 

Ici aussi, l’embrouille ne date pas d’hier. En 1979, un conflit frontalier éclate entre les “camarades” chinois et vietnamiens. Même si la guerre fut brève, le bilan est lourd, environ 60 000 morts malgré l’absence de chiffres officiels. 

Depuis, la diplomatie a su concilier Hanoï et Pékin, à tel point que jusqu’en 2013, la Chine était le premier partenaire économique du Viêt Nam. Mais en 2014, le Viêt Nam accuse son voisin de construire des plateformes de forage dans sa ZEE. En réponse à ce méfait, des émeutes ont éclaté dans tout le pays, saccageant des centaines d’usines chinoises. La réponse de Pékin fut immédiate : arrêt de l’octroi de visas et coupure des lignes aériennes. La dépendance économique vietnamienne à la Chine rend d’autant plus difficile la résistance en plus de l’écrasante domination militaire chinoise. 

Les ressources halieutiques, notamment autour des îles Paracels revendiquées par les deux pays sont aussi au cœur des tensions. Au vu de sa démographie, Pékin a toujours tenté de s’assurer des sources d’approvisionnements fiables en nourriture, en témoigne ses récentes locations de terres noires en Ukraine. Mais au large du Viêt Nam, les ficelles sont classiques et dignes de la racaille : on harcèle et on dépouille plus faible que soi, à savoir les pêcheurs vietnamiens. 

En 2018, la Chine a forcé le Viêt Nam a annulé un contrat d’exploration avec l’espagnol Repsol, car elle considère ces eaux comme les siennes. Pourtant, la conclusion de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye rendu en 2016 dans l’affaire Philippines vs. Chine est sans équivoque sur cette question puisqu’elle a débouté Pékin de toutes ses prétentions et a même qualifié les actions chinoises dans la zone d’illégale. Mais le gouvernement chinois a déclaré ne pas tenir compte de cette décision. 

De fait, les voisins des chinois n’ont eu de cesse de se rapprocher de Washington afin de couper court à l’expansion chinoise, ce qui explique en grande partie le pivot américain mené par Obama et poursuivi par Trump. Et ce ne sont pas les expéditions scientifiques vaseuses des Chinois sous bonne garde de leur marine militaire qui arrangera les choses. 

Il est évident que la Chine est impérialiste et elle le deviendra de plus en plus, installant ses bases militaires de plus en plus loin de son territoire. Mais finalement, c’est tout à fait normal. Sa puissance économique raffermie, Pékin n’a pas abandonné le concept de puissance contrairement à l’Europe empêtrée dans ses politiques sociales et tiers-mondistes. Une telle manifestation de puissance et d’expansion est classique. Ce qui ne l’est pas, c’est de ne pas s’y opposer, raison pour laquelle les USA font preuve de fermeté.

Quand on n’assume pas sa puissance ou qu’on ne cherche pas à la développer, on se fait passer dessus ; car les bonnes intentions en diplomatie, ça ne fonctionne jamais. Il convient plutôt de soutenir résolument les USA dans cette opposition au lieu de faire preuve d’une candeur stupide en se disant que la Chine n’est pas impérialiste sous prétexte d’en finir avec une domination qui reste occidentale, n’en déplaise aux anti-américains rabiques. Réclamer la fin de cette domination revient à se pendre au bout d’une corde. Au contraire, la Chine n’hésitera pas une seconde à nous mettre sous coupe réglée.  L’Inde et la mer de Chine n’est que le galop d’essai de l’impérialisme de Pékin. S’il ne rencontre aucune résistance sérieuse, alors l’armée populaire chinoise fondera sur Taipei, dont les forces armées taïwanaises jouent dans une autre ligue…

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