L’Occident, la Sérotonine et Michel Houellebecq

Sérotonine n’est pas qu’un excellent titre de roman, c’est aussi un excellent choix de terme pour définir l’époque.

En effet, la sérotonine est cette molécule du calme, de la satisfaction par l’abondance. Or, les sociétés de confort permanent des sociétés occidentales génèrent la sérotonine, qui à pour conséquence une absence de prise de risque, tant la situation est neutre et confortable pour le système cérébral.

Il a été démontré que la sérotonine était sécrétée lors de la consultation des réseaux sociaux, à mesure des « likes » collectés. Cette petite auto-satisfaction permanente agit dans le système nerveux et annule l’énergie qui pousse les individus à agir, s’activer, à désirer une femme, à se mettre au sport.

Ainsi, des femmes peuvent être complètement satisfaites du point de vu du système cérébral – c’est à dire droguée et dépendante– par la simple consultation des « likes » des ses divers profils sur les réseaux sociaux ou sur les sites de rencontre. Pas même besoin d’engager une conversation, de lire les plaisantes remarques, le simple « relevé des compteurs », flot déversé d’anonymes, suffit à donner satisfaction, la récompense, au en effet placebo de la satisfaction qu’elle aurait naturellement reçue t si elle avait capté l’attention totale d’un mâle et reçu sa protection, son amour, en retour.

Des cohues de zombies, donc, munis de leurs téléphones ,sucette de sérotonine en main, marchant dans la rue, recevant leurs doses de micro-satisfaction, qui par les dernières « news », qui par son « fil d’actualité », qui par ses « likes », doigtant leurs écrans de portable comme on devrait, normalement, stimuler un clitoris.

Tous ces zombies extrêmement connectés, hypnotisés et auto-satisfaits n’ont, par conséquent, plus besoin d’établir ce que Houellbecq appellerait probablement des des rapports humains complexifiés, incluant des conversations, des jeux de regards, ou un contact de la chair, même léger, pour les plus ambitieux.

Michel Houellebecq, reflet de son époque ou observateur avisé ?

On dit Michel Houellbecq cynique parce qu’il se contente de décrire cette atonie, cet automne des Occidentaux, du monde Blanc et hyper-civilisé, débarrassé de leurs forces vives ou de tout appétit sexuel ou d’ambitions – ce qui revient au même -, drogués par la sérotonine de l’abondance, du confort et de la satisfaction narcissique, sans proposer de rebond, sans y voir chez lui-même l’once d’une vitalité, d’envie de réveil.

Qu’il soit le reflet de son époque ou son froid descripteur, il faut néanmoins lire Michel Houellebecq.

Cette odeur de décadence, cet état de fin de siècle, de passage de relais, de déclin de civilisation et d’atonie généralisée pourtant, face à cette douce et lente mort, beaucoup peuvent le ressentir et l’observer et se complaire aussi dans un état dépressif, inactif, du « tout est perdu », de fuite en avant sous morphine.

Mais Houellebecq est plus politique qu’il en à l’air : Il a attiré l’attention sur tous les sujets cruciaux (danger de mort civilisationnelle par l’intrusion de civilisation plus fortifiée car à des âges plus jeunes – l’islam) ; la question du dépassement de l’humanité par le transhumanisme, les questions de libidos et de rapports économiques et sexuelles, de la frustration, les questions des néo-communautés, des sectes, des tissus sociaux, de la démocratie directe, etc.) et ce assez tôt, dès 2002, des propos pour le moins originaux sur le 2e tour présidentiel opposant Chirac à Le Pen et, déjà, la France profonde des Gilets Jaunes, contre le rêve de la mondialisation multi-culturelle et heureuse organisée chez nous.

C’est un maître de la communication et du marketing et d’ailleurs déjà best-seller dès sa sortie, mais qui sait lire entre les lignes, qui a une grille de lecture de droite, des milieux intellectuels marginaux qu’on entend de plus en plus sur internet, sait où se situe Houellebecq, comprend ses clin d’oeil (dans Sérotonine, Houellebecq rend hommage à l’aristocratie, à la terre, aux agriculteurs, aux femmes Moldaves et Européennes traditionnelles, etc.) ; ses entretiens plus politiques ne laissent aucun doute là-dessus (la reprise à son compte du modèle suisse politique, par exemple).

Soumission était bourré d’emprunts ou de références aux milieux intellectuels identitaires et dissidents islamo-compatibles, par exemple. Soit l’un des plus gros best-seller de ces années mettait au grand jour, dans un livre, le cœur d’une querelle primordiale pour l’avenir mais pourtant très marginalisée et très loin d’être un débat dominant parmi les « médiateurs », tout au plus concernait-il un milliers de personne sur Youtube, départageant un Soral d’un Fabrice Robert à coup de pouce sur Dailymotion ou Facebook.

Sérotonine est plein de constat aussi réalistes et nous sommes tous cet anti-héros, zombifiés, déclassés, égarés, sur individués (anomiques), cellules abandonnées, embarqués par le flot de la médiocrité de l’époque, emporté et mêlé inévitablement à elle, qu’on le veuille ou non, trop hagard pour se débattre et y résister complètement.

De 15 à 45 ans, tout « mâle Blanc » avec un peu de sensibilité peut se reconnaître et constater avec la même amertume la médiocrité dévorante, l’anomie des sociétés occidentales, cette dépression générale, décrites par Michel Houellebecq et c’est déjà un signe distinctif, un moyen de repérer les siens. Avant d’établir un contact humain plus élaboré, qui sait.

Il faut le lire, enfin, pour prendre du recul et quitter ne serait-ce que quelques instants cette drogue lénifiante, incapacitante, du clic et du like obsessionnels et hystériques, pour se recentrer sur plus de réel, son for-intérieur et laver son système cérébral de satisfactions artificiels par la lecture. Il faut d’abord se désintoxiquer, reprendre ses esprits, mener une activité. Avant d’établir un contact humain complexifié.

1 comment
  1. Belle analyse – je ne vais pas liker, mais merci 🙂
    En fait, je recherchais un auteur qui ait abordé le problème de l’anomie dans les sociétés occidentales.
    Et vous avez raison, Houellebecq en est.
    Je vais le relire.

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