La colonisation de peuplement de Mars

« -A quoi bon ? En physique, les recherches coûtent cher

-Et sur Terre, le revenu par habitant est bas, je l’admets. Mais huit milliards de personnes, même pauvres, qui paient des impôts, cela fait une belle somme. Nos ressources, même mal employées, sont encore énormes et nous pouvons réunir plus d’argent et plus de main-d’œuvre que toutes les colonies réunies … Si nous le voulons vraiment. Venez sur Terre, Tessa, et vous serez traitée comme la plus rare des ressources, le cerveau brillant qu’il nous fait. La seule chose que nous ne puissions pas fournir nous-mêmes »

Isaac Asimov, Némésis

« Vous feriez avancer un navire contre vents et marées en allument un brasier sous le pont ? Je n’ai pas de temps à perdre avec de telles inepties ! »

 Napoléon Bonaparte

Dans les précédents articles, nous avons expliqué pourquoi coloniser Mars et comment l’explorer [Insérer les liens]. Une fois cette exploration avancée et la planète devenue le second lieu le plus sûr du système solaire par l’accumulation de matériel à sa surface, la colonisation de peuplement de Mars pourra être lancée. Cette dernière est possible : les futurs colons pourront être autonomes dans la production des matières premières essentielles, l’énergie, l’eau, l’oxygène, les produits agricoles, les structures d’habitats, les métaux de base et les matières plastiques.

  1. La production d’énergie sur Mars

Tout d’abord, la production d’énergie sur Mars pose peu de problème.

La production d’énergie primaire peut être assurée à moindre coûts par des réacteurs nucléaires de taille réduite, de puissance 100kW. L’infrastructure initiale aura été installée à l’occasion des missions d’exploration Mars Direct. En attendant la mise en place d’une filière d’enrichissement du combustible fissile sur Mars, l’importation de combustible enrichi sur Terre aurait un coût négligeable comparé aux autres coûts de la colonisation. Une ville de 1000 habitants sur Mars n’aurait besoin d’importer que 246kg de combustible fissile par an, grâce à la très haute densité énergétique de l’uranium-235 comparé aux autres sources d’énergie [Calcul 1, présenté en fin d’article]. Une unique Falcon-Heavy de SpaceX permettant d’apporter 16.8T en orbite martienne pour 255M$, importer le combustible fissile coûterait 3.7M$ par an seulement pour mille hommes sur Mars.

Plus tard, de l’uranium pourra être collecté à la surface de Mars dans la poussière de régolithe, voire miné, puis enrichi. Les modalités de cette exploitation auront été déterminées par les explorations de terrain des missions Mars Direct.

-rmq : La production d’énergie par fission sur Mars est beaucoup plus pratique que la production d’énergie par panneaux solaires. La masse d’un réacteur nucléaire capable de fournir 100kW électrique et 2000kW de chaleur pendant 10 ans est de seulement 4T alors qu’un réseau de panneaux solaires capable de fournir la même puissance électrique seulement pèserait environ 27T et occuperait une superficie d’environ 6600m². L’énergie nucléa ire produit en plus de l’énergie thermique, 2000kW pour le réacteur cité ci-dessus, exploitable pour les productions in situ. Cette idée d’exploitation de l’énergie thermique nucléaire limite par ailleurs le besoin d’infrastructures de refroidissement sur Mars, qui se révéleront toutefois quand même encombrantes.

Mars disposera également après les missions Mars Direct d’une forme d’énergie rendant la mobilité motorisée particulièrement aisée. Les réacteurs de Sabatier amenés lors de ces missions, approvisionnés en énergie primaire par les réacteurs nucléaires, également amenés par les missions Mars Direct, continueront à produire du méthane et du dioxygène pour le moteur des véhicules des missions Mars Direct. Toutefois, cette production requéra du dihydrogène, qu’il est également possible de produire in situ par hydrolyse de l’eau une fois que les établissements humains sur Mars auront atteint une taille suffisante pour exploiter l’eau sur Mars.

  1. La production d’eau et de nourriture
  1. La collecte de l’eau

“Des milliers de personnes ont vécu sans amour, mais pas une seule sans eau” 

H. Auden.

Mars est riche en eau aisément exploitable, pour elle-même mais aussi afin de disposer d’une source autonome de dihydrogène et de dioxygène par hydrolyse de l’eau.

La source d’eau la plus évidente sur Mars est constituée par les gisements de glace d’eau directement disponibles aux pôles, minables à la dynamite. La calotte glaciaire du pôle Nord de Mars est composée de 1.6 Mm3 de glace d’eau [1]. L’exploration de Mars par des hommes révélera sûrement l’existence de sources d’eau souterraines, liquides par une forte salinité ou par géothermie.

La principale autre source d’eau sur Mars est le régolithe lui-même, contenant de l’eau, 50% en masse au-delà de 55° de latitude, 2 à 10% en masse au niveau de l’équateur.

Une image contenant carte, texte, Caractère coloré, Terre

Description générée automatiquement

Cette carte montre la borne inférieure de la masse d’eau dans le premier mètre de sol martien. Ces estimations ont été obtenues à partir de l’abondance d’hydrogène dans le sol mesurée par le spectromètre à neutron et le spectromètre à rayons gammas du vaisseau Mars Odyssey.

Un moyen de la récupérer est de collecter le régolithe puis de le chauffer dans des silos, par exemple en utilisant la chaleur résiduelle d’un petit réacteur nucléaire amené lors des missions Mars Direct, pour récupérer l’eau vaporisée. Un moyen plus économique serait de recouvrir d’une tente transparente une zone de terrain pour chauffer l’intérieur et récupérer l’eau vaporisé et liquéfiée sur la paroi. Les tests de ces technologies auront au préalable été menés par les explorateurs Mars Direct. L’énergie nécessaire pour produire cette eau peut être retrouvée au sein du calcul 1 annexe. Il suffit de retenir le chiffre de 2600MJ/m3 pour le régolithe à 50% de masse d’eau [Calcul 2, présenté en fin d’article].

  1. La production agricole

« Le labourage et le pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée et les vraies mines et trésors du Pérou »

Sully, Economies royales, 1683

La production agricole semble possible sur Mars, ce que les hommes des missions Mars Direct auront aussi pour mission de vérifier par des expériences de terrain.

Seul sur Mars" est-il réaliste ?

Image extraite du film Seul sur Mars

Des tentes gonflables en kevlar constitueraient un espace pressurisé à la surface de Mars dans lequel cultiver des plantes. Son importante épaisseur rendrait la tente translucide, mais ce n’est pas problématique car la lumière passerait quand même suffisamment pour une croissance normale des plantes. Importer depuis la Terre ces tentes gonflables serait aussi rentable que d’importer directement la nourriture [Calcul 3, présenté en fin d’article]. A coût de même ordre de grandeur, mieux vaut choisir l’indépendance de Mars. 

Ancrer au sol ces tentes n’est pas complexe : creuser de longues carottes dans le sol avec une cavité plus large au bout et injecter de la vapeur à l’intérieur, qui gèlera, formant ainsi une ancre solide. Le différentiel de pression entre l’intérieur du dôme et l’extérieur tend à soulever la tente alors que le cône de frottement au-dessus de l’ancre y résiste.

Le sol de Mars semble propice aux cultures, ce qui devra être vérifié par les hommes de Mars Direct. Voici sa composition comparée avec celle du sol terrestre [2] :

Ces surfaces agricoles seraient amplement suffisantes pour assurer également la production de l’oxygène nécessaire à la vie humaine. 30m² d’herbe produisent suffisamment de surplus d’oxygène par rapport à leur consommation pour 5 personnes [3]. Ainsi, pour 1000 personnes, 30 000m² de surface couverte de dômes gonflables serait requise, ce qui est largement atteint avec les structures agricoles décrites plus haut.

  1. Les structures d’habitation, le verre, l’acier et les matières plastiques
  1. Les structures d’habitation

Sur Mars, des structures d’habitation peuvent être édifiées à moindre coût.

Les matériaux de base de la maçonnerie, la brique, le ciment et la chaux peuvent être produits sur Mars à partir du régolithe. Le béton martien se nomme le duricrète. Les conditions de production autochtone de ces matériaux restent à tester sur le terrain par les hommes des missions Mars Direct.

A partir de ces matériaux, il est possible de construire des structures enfouies pressurisées : des arches de briques recouvertes de 2.5m de régolithe pour compenser la pression interne de 700hPa d’atmosphère intérieure. Les quelques fissures et liaisons non hermétiques atteignant l’extérieur seraient bouchées par la glace issue du gel de la vapeur d’eau de l’air intérieur au contact des conditions de la surface martienne.

Pour l’aspect science-fiction, nécessaire pour faire rêver les peuples et motiver les hommes politiques, des dômes transparents à la surface de Mars devront être bâtis. Ces derniers sont raisonnablement possibles modulo la production in situ de verre et de certains aciers. D’après mes travaux personnels, un dôme transparent et pressurisé de verre et d’acier de 30m de rayon et de 19m de hauteur est faisable avec 831T d’acier 9260, 215T de verre, du béton martien et des ancres métalliques à seulement 10m de profondeur.

Horreur
Augmentée

Sélection de textes de
Zero HP Lovecraft

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Sélection de textes de
Zero HP Lovecraft

  1. La production de verre et de métaux

La production de verre à partir du régolithe martien ainsi que d’aciers a été étudiée, restant encore une fois à tester sur le terrain. Nous nous contentons donc de citer une étude de l’Association Planète Mars, section française de la Mars Society : Résidences martiennes, taupinières ou maisons de verre, par Richard Heidmann, https://planete-mars.com/residences-martiennes-taupinieres-ou-maisons-de-verre/.

En outre, Mars ayant connu une activité volcanique, les métaux tels que le cuivre sont regroupés en gisements, qu’il s’agira de détecter par les études des géologues humains lors des missions Mars Direct.

  1. Les matières plastiques

« La chimie, c’est la différence entre la pauvreté et la famine et une vie d’abondance »

Robert Brent

Enfin, une industrie de la matière plastique indépendante fondée sur la production d’éthylène, C2H4, est possible sur Mars, ce qui est un prérequis pour toute production in situ de biens modernes.

A partir de l’éthylène, la recombinaison de polymères permet d’obtenir toute matière plastique standard. L’éthylène est par ailleurs utile en tant qu’anesthésique, que réducteur du temps de repos des graines, etc. Un produit essentiel donc.

Expliquons alors comment produire de l’éthylène sur Mars :

3H2+CO2 -> H2O+2CO+4H2, puis 2CO+4H2->C2H4+2H2O, cette seconde réaction étant très exothermique, fournissant l’énergie à la première réaction, endothermique, avec une constante d’équilibre élevée, ce qui permet de produire de grandes quantités d’éthylènes proportionnellement aux quantités de réactifs.

Ces points techniques montrent qu’établir durablement des hommes sur Mars dans le but qu’ils constituent une société autonome n’est pas un projet chimérique. C’est possible.

« Le futur sera meilleur demain », 

Dan Quayle

« Eh bien, il était là, lui, et il était un représentant de cette grande race audacieuse qui ne connaîtrait pas de défaite tant qu’un seul de ses individus demeurerait vivant. Et cela, jamais il ne l’oublierait. »

Lester del Rey, « Un monde de compassion”, dans Histoire de Mutants, 1974

Calcul 1

Remarquons que même en doublant la production de méthane pour à la fois assurer le retour des fusées d’approvisionnement venues de la Terre et la production de matières plastiques sur Mars, l’ordre de grandeur de la masse de combustible fissile nécessaire reste le même.

Calcul 2

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Calcul 3

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[1] https://en.wikipedia.org/wiki/Martian_polar_ice_caps

[2] Zubrin R. et al., Cap sur Mars, p.231

[3] Lawn Institute : https://www.thelawninstitute.org/environmental-benefits/oxygen-production/

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