Khmers verts vs techno-progressistes, Épisode II : Les limites de l’optimisme progressiste

Après avoir présenté l’analyse technico-économique de McAfee dans le premier épisode, il est temps de s’attaquer à son approche des enjeux socio-politiques. Bien qu’identifiant une partie des questions soulevées par la réorganisation de l’appareil productif, il passe à côté de certains dangers et ses réponses ne sont pas à la hauteur. S’il est un excellent technicien, son manque de connaissances en éthologie, en ethnologie et en philosophie politique est criant. Profondément structuré par l’idéologie de gauche, il ne peut envisager les questions et les réponses qui sortent de l’espace autorisé par son école de pensée.

La perte de connexion et de confiance collective

Rejoignant le constat du Général Mattis, McAfee désigne la déconnexion sociale comme une des plus grandes menaces qui pèsent sur les sociétés modernes. Il s’appuie sur des chiffres édifiants. En 1970, 60% des États-Uniens pensaient que la plupart de leurs concitoyens étaient fiables, ils n’étaient plus que 20% en 2012. Cette déconnexion entraîne par effet boule de neige une dégradation de la confiance vis‑à‑vis de l’État. Celle-ci est passée de 73% en 1958 à 19% en 2015.

Le capital social est la colonne vertébrale d’une société saine. Le développement économique est fortement entravé par la méfiance sociale. Le manque de socialisation se traduit aussi par des comportements indésirables, notamment addictifs. Aux USA 50k à 70k personnes meurent d’overdoses par an, chiffre comparable aux pertes durant la guerre du Vietnam. Ces chiffres, bien qu’impressionnants, peinent à décrire l’ampleur du mal‑être et la perte de confiance en l’avenir engendrés par la déconnexion.

Bien qu’il admette que 20% des comtés se soient appauvris durant l’ère Obama, McAfee affirme que l’origine du problème n’est pas économique. La croissance économique est réelle et l’équipement des foyers continue de progresser. Cette affirmation est la première d’une longue série de postulats très contestables qui font basculer le livre dans sa dimension idéologique.

Les analystes du think tank Levy Economics Institute mettent à mal l’idée d’un prétendu rebond économique des US. Ils constatent une stagnation des bas salaires et jugent la croissance américaine comme étant de la poudre aux yeux. La crise financière, sanitaire et identitaire qui se dessine à l’heure où j’écris ces lignes confirme cette analyse, aussi bien aux USA qu’en Europe occidentale.

Les classes populaires occidentales sont constituées d’individus n’ayant pas un QI suffisant pour générer des activités à haute valeur ajoutée. Facteur aggravant la création d’emploi, même quand celle-ci est dynamique comme aux USA (150k par mois) elle est largement absorbée par l’immigration à faible QI (1 million d’entrées légales par an aux USA, 250k en France) dont l’effet déflationniste sur les bas salaires fait consensus.

La concentration de l’activité dans des métropoles multi-ethniques joue un rôle majeur dans la dégradation du lien social. Les indigènes dépourvus de formation de très haut niveau ne peuvent pas s’installer dans ces pôles d’activités à cause des loyers excessifs, ni profiter des logements sociaux réservés de fait aux immigrés et autres minorités ethniques. Les classes populaires et moyennes, anciennement urbaines, sont repoussées vers les périphéries. À Londres plus de 600.000 autochtones ont été repoussés vers la périphérie. L’élite se retrouve isolée des indigènes modestes et assimile le pauvre à un immigré ou à une minorité ethnique.

La métropolisation est aussi une absurdité écologique. Les distances parcourues par les marchandises augmentent, les infrastructures pharaoniques ne sont pas forcément plus efficaces que la multiplication des plus légères. La pandémie de Covid‑19 que nous traversons met elle aussi en évidence les limites de ce modèle, entre pénurie de matériels médicaux produits aux antipodes et incivisme des populations déracinées.

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Les paradoxes de l’ouverture

L’auteur note à juste titre que les humains préfèrent vivre en société mono-raciale et mono-spirituelle. Il le déplore et répète le mantra cosmopolite selon lequel la diversité ethnique est forcément une force, sans citer de travaux convaincants. Parallèlement il réduit le phénomène de déconnexion à un effet de la vitesse des changements techniques et économiques, supposément trop rapides pour que l’opinion et les États ne réalisent les ajustements nécessaires.

McAfee semble ignorer que de nombreux travaux scientifiques montrent que la diversité dégrade le capital social et augmente le risque de violence. Il passe complètement à côté du rôle majeur de l’immigration de remplacement dans l’effondrement de la confiance en l’État et entre citoyens. L’immigration de masse, très impopulaire, est imposée avec la complicité active des médias et des célébrités, motivant le rejet du « système » et alimentant le complotisme.

L’incapacité des USA à prendre conscience et à réagir face au RCA n’est pas étrangère à sa perte d’homogénéité ethno-spirituelle. Moins l’État les représentera, plus les citoyens se focaliseront sur leurs intérêts personnels ou communautaires. Ils refuseront la moindre concession s’ils ont l’impression qu’elle pèsera moins sur les autres ou les obligera à modifier leur mode de vie. C’est une variante de la tragédie des communs. L’absence de liant identitaire empêche l’activation des chaînes de conduction de stress qui permettent à une société saine d’agir et de se réinventer face à un danger.

McAfee, qui n’a vraisemblablement côtoyé que des immigrés avec un QI supérieur à 130, semble totalement ignorer que les masses des classes populaires et moyennes ont des motifs rationnels et respectables de refuser l’immigration de masse et le libre échange débridé. Comme l’avait démontré Milton Friedman l’immigration massive de travailleurs non qualifiés (et à bas QI) est incompatible avec l’État-providence. La crise du Covid‑19, durant laquelle même les soignants européens n’ont pas accès à de simples masques de protection, démontre l’extrême fragilité d’un système où certains pays produisent pendant que d’autres consomment en accueillant toute la misère du monde à crédit.

Le second paradoxe de l’ouverture qu’il n’intègre pas dans sa réflexion est la concurrence des systèmes et des civilisations. Introduite par Jared Diamond dans Guns, Germs and Steel, cette notion explique pourquoi la Chine, la Corée et le Japon du XVIIe siècle se sont fermés à la technologie et au commerce sans être bousculés par leurs voisins. En Europe le morcellement en de multiples États en concurrence acharnée a rendu impossible cet endormissement.

Une civilisation globale, sans frontière ni spécificité locale, plongerait l’humanité dans une situation similaire, l’harmonie ethno-culturelle en moins. L’ultra-domination de certaines multinationales dans leurs marchés est sans doute un avant-goût d’une monopolisation globale tout aussi néfaste que l’isolationnisme.

Critiquer le mauvais populisme…

McAfee se désole du succès des thématiques populistes (armes, immigration, scepticisme face au changement climatique anthropique) qu’il considère comme des bloqueurs de l’action politique. Or, sur ces sujets, les opinions de gauche qu’il défend sont loin d’être systématiquement étayées par des faits. Le rôle des armes légales dans la criminalité, l’apport systématiquement positif de l’immigration sont des croyances stupides, ainsi que la négation du changement climatique anthropique.

McAfee attribue, sans source, le succès des pensées conspirationnistes à la perte de capital social. Il semble ne pas avoir conscience de la pénétration de ces délires au sein des gagnants de la mondialisation. Si les pauvres croient au complot cosmopolite de Soros, les mouvements conspirationnistes antivaccin, anti-OGM et antinucléaire — technologies que McAfee défend à juste titre, mais sans sourcer la moindre méta-analyse — recrutent à tour de bras parmi des gens aisés et socialement bien intégrés.

L’auteur confond la question du lien social avec la crise d’autorité. Les erreurs (réelles ou supposées, comme le mythe du nuage de Tchernobyl), les hésitations, les tribunes accordées aux charlatans et aux bas QI ont érodé l’autorité des institutions. Le conspirationnisme est un dérivatif pour relâcher la frustration accumulée par l’incompréhension des citoyens face à des politiques jugées, à tort ou à raison, absurdes et dirigées contre leurs intérêts.

…et encenser le bon populisme

Andrew McAfee salue le rôle de l’opinion publique, activée par les ONG et les médias, dans l’émergence des lois anti-pollution. En guise de contre-exemple il décrit l’absurde politique du régime communiste chinois concernant la pollution. Les premiers lanceurs d’alertes furent réprimés. Ce sont les pressions internationales avant les Jeux olympiques de 2008 qui obligèrent les communistes à réagir pour éviter l’humiliation, certains athlètes ayant menacé de boycotter la compétition pour préserver leur santé. Les résultats furent rapides, entre 2014 et 2018 le taux de particules dans l’air a baissé de 30%.

Le régime marxiste, dont la tyrannie — pardon ! la capacité d’action — est encensée par notre ami Aurélien Barrau et même par un ministre, est par essence incapable de se réformer en profondeur. Face à l’épidémie de coronavirus, malgré le précédent du SARS, les sbires du régime communiste ont tenté d’enterrer l’affaire en douce durant de longues semaines. Le martyr Li Wenliang a subi un coup de pression policier après avoir appelé à la prudence dans un groupe WeChat privé, réservé aux étudiants de sa promotion. Le régime nia jusqu’à la mi-janvier la transmission d’humain à humain.

…et tomber dans son propre piège

En Occident la pollution et les dangers évidents sont strictement encadrés depuis des décennies. La caisse de résonance formée par les ONG, l’opinion, les médias et les fonctionnaires, loin de s’endormir sur ses lauriers, continue d’amplifier les polémiques, alimentant la machine à réglementer tout et, surtout, n’importe quoi.

Andrew McAfee cite à plusieurs reprises quatre dossiers très médiatiques, les OGM, les vaccins, le nucléaire et le glyphosate. Ces technologies, sans danger et ayant des intérêts sanitaires et écologiques incontestables, font pourtant l’objet de campagne de diffamations qui influencent grandement l’opinion publique et la réglementation, les scientifiques restant inaudibles.

McAfee déplore le triomphe de l’idéologie sur les faits tout en tombant lui aussi dans ce travers à deux reprises. D’abord en critiquant l’allègement de la réglementation sous Trump sans apporter le moindre élément démontrant que les 6000 lois supprimées étaient justifiées. Ensuite en prenant une position anti-viande sans étudier sérieusement la question. J‘ai déjà démontré qu’il s’agissait d’un non-sens agronomique et écologique.

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La crise de la responsabilité individuelle et de l’autorité

Il existe pourtant des solutions simples et efficaces pour sortir de cette impasse :

Enseigner la paranoïa constructive aux enfants et la gestion du risque aux adultes plutôt que de promettre le risque zéro à travers l’infantilisant principe de précaution. Des humains incapables d’évaluer et de décider du niveau de danger qu’ils acceptent de prendre sont des proies faciles pour les embobineurs et autres margoulins.

La seconde est de retirer aux politiques, qui ont prouvé (et le prouvent en direct avec la crise du Covid‑19) à de maintes reprises leur incompétence et leur veulerie, l’autorité sur les questions techno-scientifiques, pour la confier aux scientifiques et aux ingénieurs. Le consensus scientifique doit être à l’abri des agitations de l’opinion et de la propagande des lobbies.

Les autorisations, les normes et les procédures en cas de crise devraient être discutées et décidées entre scientifiques et ingénieurs indépendants du pouvoir (sur le modèle de l’ASN). La démocratie définirait un cadre légal qui se limiterait, au plus, à poser des objectifs politiques généraux (comme de réduire les rejets de GES ou d’améliorer l’état biologique des sols agricoles), sans stigmatiser ni protéger une technologie particulière.

Tous les humains ne se valent pas

McAfee ne prend pas en compte les différences d’aptitudes innées entre les humains. Il voit l’immigration comme une compensation démographique sans conséquence sur le QI moyen ni sur la propension aux comportements antisociaux. On retrouvait ce même défaut dans Abundance: The Future Is Better Than You Think de Peter H. Diamandis et Steven Kotler, livre de la même famille idéologique mais moins intéressant au niveau technique.

Il encense l’ouverture à la connaissance créée par le numérique, censée permettre à n’importe qui de devenir ingénieur ou médecin. A défaut de rendre idiot (thèse contestable de Michel Desmurget) le développement hallucinant des aspects récréatifs du numérique nous rappelle que la grande majorité des humains ne vivent que pour s’amuser et n’apprennent que le minimum vital.

Quand McAfee cite l’école 42 parmi les solutions pour accélérer la dématérialisation, il semble oublier que l’admission est conditionnée à un test d’aptitude cognitive, autrement dit un test de QI qui ne dit pas son nom.

McAfee propose d’intervenir sur les zones peuplées de pauvres plutôt que sur les pauvres eux-mêmes. Testé par le Cerfaland dans les ZFU (Zones Franches Urbaines), cette idée fut un échec cuisant. Un territoire peuplé d’immigrés à bas QI et de cultures archaïques ne se développera jamais au même niveau que le reste du pays.

Il va sans dire qu’il ne s’inquiète nullement de la faible fécondité des hauts QI. Et ce, sans proposer quelconque eugénisme libéral ni édition du génome pour offrir à tous les humains des chances réelles de réussir dans la société numérique, pleine d’opportunités mais exigeante, qu’il appelle de ses vœux. Ses espoirs pour l’éducation se concentrent sur l’accès au savoir ; il parle peu des méthodes, pourtant ce sujet est fertile.

Conclusion : bien, mais pas du tout suffisant

McAfee n’est pas vierge d’idées pour résoudre la crise de confiance qui mine les sociétés occidentales.

La déconcentration du travail et de l’activité est une voie intéressante. Le télétravail (son explosion pourrait être une conséquence heureuse de la pandémie), la téléformation et les MOC ont sans doute plus d’avenir que l’accumulation sans limite de population dans d’immenses mégalopoles étouffantes et ingérables. L’impression 3D alliée à la remise en cause de l’interdépendance excessive générée par le commerce international pourrait faire exploser le modèle industriel concentré et délocalisé. Le localisme, qui progresse déjà dans l’alimentaire, redonnera du lien social, allégera les grandes villes et repeuplera les campagnes.

Cependant ses limites sont criantes. L’impossibilité de débattre de certaines thématiques sans provoquer des réactions hystériques débouche sur un cloisonnement. Les pensées politiques en vase clos réduisent l’action politique à des réponses aussi convenues qu’inefficaces, et c’est précisément dans ce piège que l’auteur est tombé.

Le rétablissement de sociétés ethniquement homogènes en saine concurrence, l’éducation basée sur les neurosciences, le transhumanisme de droite et le rétablissement de l’autorité des institutions scientifiques sont des éléments indispensables pour réussir la prochaine révolution industrielle. Plutôt que de perdre son temps à critiquer les « populistes », en se ridiculisant au passage par la prise de positions scientifiquement très contestables, McAfee aurait dû explorer ces thématiques.

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