Dans une vidéo publiée hier, Idriss Aberkane revient sur la notion de QI en la mêlant à un Gloubi-boulga partant de l’eugénisme au nom des races supérieurement intelligentes, grâce à une meilleure génétique, contre les races inférieures qui reviendrait aujourd’hui sous la forme du transhumanisme visant à décider qui a le droit de parler ou pas, en passant par Stefan Molyneux évoquant une considération politique s’appuyant sur le QI national de l’Irak, pour finir par présenter Franck Ramus et Stanislas Dehaene comme les dignes représentants de cette pensée en France. Ça fout les chocottes !
Franck Ramus et Stanislas Dehaene seraient des “charlatans”, des sous Molyneux français “très inférieurs en terme d’audience et de rigueur” à ce dernier. Quelle blague ! Il ne faut vraiment pas avoir écouté un traître mot des propos de Franck Ramus pour sortir une ineptie pareille.
Voulant démontrer l’inanité du QI, il s’appuie sur un article de Nassimm Nicholas Taleb, spécialiste des mathématiques et plus spécialement des probabilités appliquées à la finance, (mais pas un expert de l’intelligence, ni même de la psychologie), qui aurait “explosé la notion de QI par sa rigueur de mathématicien”, notion “pseudoscientifique” selon ce dernier, de la “foutaise” selon le premier.
Idriss Aberkane se fait alors le défenseur des gens que ces “charlatans” visent à “rabaisser” avec leur “pseudoscience”…
Bon ! Evidement, tout cela est faux. Franck Ramus tient un discours bien plus nuancé sur les différences de QI entre populations comme le révèle cet article de son blog ou encore cette vidéo de l’instant detox où il est invité à parler de la carte mondiale des QI et dit substantiellement que :
- les chiffres des QI nationaux souffrent de problèmes méthodologiques dans la façon utilisée pour les collecter
- La carte indique néanmoins que certains peuples ont acquis un développement intellectuel plus élevé à l’instant t,
- On peut attribuer une grande part à l’environnement via la nutrition, l’éducation et l’exposition aux maladies,
- On peut toujours se demander si les problèmes de méthodologies et d’environnement expliquent la totalité de ces différences observées ou s’il reste une part liée à la génétique.
Pas plus, pas moins. Le portrait, dressé ici par Idriss Aberkane, est donc clairement un homme de paille qui ne saurait masquer la question initiale : est-ce que le QI est un outil fiable ? C’est la seule question à laquelle nous allons tenter de répondre en détail.
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Et on peut dire qu’Idriss Aberkane a des arguments imparables :
- Argument d’autorité sur Nassim Nicholas Taleb, chantre de la rigueur mathématique qui a annoncé la crise financière de 2007, ce qui lui confère évidemment une meilleure capacité à parler de l’intelligence que des spécialistes.
- L’intelligence serait en réalité la capacité à prendre des bonnes décisions, ce qui n’aurait rien à voir avec les capacités cognitives. Un chercheur en neuroscience comme Stanislas Dehaene n’aurait rien compris à son champ d’étude.
- Si on regarde l’ombre d’une main, nous avons moins d’information que si on regarde la main elle même, donc la notion de moyenne du QI tronque la réalité d’une intelligence plurielle.
- Forest Gump fait les bons choix de vie alors qu’il a un QI inférieur, ce qui en fait un “cygne noir” doué en réalité d’une intelligence supérieure tel que définit par Nassim Nicholas Taleb dans son oeuvre de littérature philosophique Le Cygne noir : La puissance de l’imprévisible. Donc s’appuyer sur de la littérature et un personnage fictif serait un argument scientifique maintenant.
Qualifier deux chercheurs éminents d’amateurs de pseudosciences pour s’appuyer sur de tels arguments… ce sketch !
Tentons alors de rétablir un peu la vérité sur la fiabilité de la notion de QI. Pour ce faire, nous reprendrons ci-dessous le contenu d’un blog qui nous semble des plus pertinents et qui écrit sensiblement ce que nous aurions écrit afin de défendre la validité des tests de QI.
L’intelligence est probablement l’un des sujets sur lesquels l’écart est le plus grand entre ce qu’imagine le grand public et ce qui fait consensus dans la communauté scientifique. En effet, les psychologues qui étudient le QI s’accordent depuis bien longtemps sur la validité de sa mesure et la pertinence de cette notion, comme en témoigne dès 1987 le sondage effectué par Snyderman et Rothman.
Commençons par clarifier un point essentiel. Si tout le monde imagine assez bien ce que signifie “l’intelligence”, il est difficile d’en avoir une définition unique et exacte. C’est la raison pour laquelle les spécialistes ont introduit la notion “d’intelligence générale”, qui est en fait la plus pertinente. C’est donc à elle que l’on va se référer quand on parlera d’intelligence, et c’est elle que le QI mesure. On peut dire que l’intelligence générale est une mesure de l’efficacité du fonctionnement cognitif d’un individu.
Pour voir les choses simplement; le QI est une moyenne des performances des principales capacités cognitives d’une personne. Celles-ci sont notamment : la maîtrise du langage, les capacités visuo-spatiales, le raisonnement, la mémoire, le calcul, la rapidité… Dans un premier temps, on peut donc voir le QI comme une “moyenne générale” appliquée aux capacités cognitives.
Mais en réalité, ce qui fait la pertinence de cette notion, et qu’il est essentiel d’avoir à l’esprit pour ne pas raconter n’importe quoi, est que toutes ces capacités cognitives sont corrélées entre elles. Et ces corrélations sont très élevées, souvent de l’ordre de 0,6 à 0,9 (cf “The g factor” d’Arthur Jensen). Cela signifie donc que les gens performants sur quelques tâches cognitives ont également tendance à l’être sur toutes les autres, et vice-versa. On trouve une corrélation positive entre toutes les “formes d’intelligence”, et c’est la raison pour laquelle nous pouvons parler de l’intelligence générale.
Pour être plus précis, les psychologues ont introduit la notion de facteur g, qui est le facteur commun à toutes les facultés mentales, ou plus précisément la variance partagée existant entre plusieurs mesures de capacités cognitives. Sachant cela, on comprend qu’il suffit de mesurer quelques aptitudes (via un test) pour obtenir une estimation correcte de l’intelligence (générale), c’est-à-dire du facteur g, qui est le QI.
Un point important à noter est que cette intelligence mesurée par le QI correspond effectivement bien à ce que nous entendons par intelligence au sens usuel du terme. Si l’on interroge par exemple un grand nombre de personnes sur ce qu’est l’intelligence selon eux, et qu’on construit un test à partir de leurs réponses, ce test sera corrélé avec les tests de QI standards! Je vous renvoie à ce propos vers les travaux de Murphy, Hall et Colvin.
Je conclue cet article en répondant à 3 questions ou objections classiques sur ce sujet.
Quel crédit apporter à la théorie des intelligences multiples de Gardner ?
Cette théorie est largement appréciée par le grand public en raison de son caractère démagogique, puisqu’elle permet d’imaginer que “chacun est intelligent à sa manière”. Le problème de cette théorie est qu’elle ne tient pas compte des très importantes inter-corrélations entre “les différentes intelligences”, ne faisant qu’apporter de la confusion à la notion d’intelligence, sans autre avantage. En réalité, les intelligences multiples mesurables ne sont que des fonctions cognitives variées, c’est-à-dire des composantes de l’intelligence générale, corrélées entre elles. Lynn Waterhouse a montré dans son étude de 2006 (Waterhouse, 2006) que la théorie des intelligences multiples n’était pas soutenue par les résultats de la recherche sur la cognition.
Qu’en est-il de l’intelligence émotionnelle ou quotient émotionnel (QE) ?
L’intelligence émotionnelle est un concept largement moins valide que le quotient intellectuel du point de vue de la psychologie, qui serait une forme de mélange entre le facteur g et la personnalité (Shulte et al., 2004). Mais le QE dispose d’un pouvoir nettement moins prédictif que le QI (Joseph & Newman, 2010), ce qui rend le concept peu pertinent. Il est préférable d’étudier à la fois l’intelligence via le QI, et la personnalité via un modèle adapté, tel que le modèle du Big Five.
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Est-ce qu’il est possible d’améliorer son score à un test de QI en se préparant spécifiquement au test ?
C’est effectivement possible, mais les améliorations aux tests ne se concrétisent pas dans les performances dans la vie réelle, ce qui confère à cette initiative un intérêt très limité. Par ailleurs, cela n’invalide en rien la pertinence de la notion d’intelligence et sa mesure par un test de QI. Notons également que la mesure peut être faussée si la personne qui passe le test est très fatiguée, ou est en dépression par exemple.
Retrouvez cet article sur le blog initial http://jereinforme.fr/ et suivez le compte Twitter de son auteur . Des articles sur les différentes corrélations sociales et biologiques du QI y seront seront publiés prochainement.
Sources :
- Jensen, A. (1998) The g Factor: The Science of Mental Ability
- Joseph, D. L., & Newman, D. A. (2010). Emotional intelligence: An integrative meta-analysis and cascading model. Journal of Applied Psychology, 95(1), 54–78.
- Murphy, N. A., Hall, J. A., & Colvin, R. C. (2000, June). Judging a book by its cover: Accuracy in intelligence judgments. Poster session presented at the annual American Psychological Society Conference, Miami, FL
- Shulte et al. (2004) “Emotional intelligence: not much more than g and personality” Personality and Individual Differences 37 (2004) 1059–1068
- Snyderman, M., & Rothman, S. (1987). Survey of expert opinion on intelligence and aptitude testing. American Psychologist, 42(2), 137–144.
- Waterhouse, L. (2006). Multiple intelligences, the Mozart effect, and emotional intelligence: A critical review. Educational Psychologist, 41(4), 207–225.
PS : L’argument de Nassim Nicolas Taleb, mis en avant par Idriss Aberkane, consistant à répondre à Molyneux que le QI des Irakiens actuels ne veut rien dire car ils ont pour “ancêtres génétiques” les Sumériens qui ont inventé la metalurgie, la numeration en base 60, les mathématiques telles qu’elles ont été initiées dans la civilisation et l’écriture n’est pas du tout rigoureux. Ce n’est pas parce que le QI est largement génétique qu’il est immuable, ce n’est pas parce qu’une population qui vivait à un endroit il y a 6000 ans a créé des choses incroyables que les populations habitant au même endroit possèdent les mêmes caractéristiques. La population la plus proche génétiquement des Sumériens est celle des Arabes des marais qui vivent au sud de l’Irak, et ils sont eux même le fruit de brassage génétiques nouveaux. De plus, il peut y avoir des tas de raisons qui peuvent modifier le QI d’une population. Par exemple, on sait qu’à la suite de la conquête islamique de la Perse, un grand nombre de Parsis s’est réfugié en Inde. Cette population représentant une part importante de l’économie indienne, il y a fort à parier qu’ils disposent de capacités cognitives au dessus de la moyenne. Mathématiquement, si une population au QI élevé fuit un pays, il y a de fortes chances de voir la moyenne national de ce dernier baisser. C’est juste un potentiel critère parmi d’autres qui pourrait modifier la moyenne national du QI irakien, le but n’étant pas de prouver que leur QI a baissé, mais de mettre en avant des potentiels facteurs pouvant entraîner une modification de la moyenne national au cours du temps.
Pour les anciennes civilisations du Moyen-Orient, la réponse la plus probable est simple : les populations actuelles de ces régions ne sont pas du tout identiques génétiquement à celles qui peuplaient ces régions dans l’Antiquité. Ni les Arabes d’aujourd’hui ni ceux des marais ne sont vraiment les purs descendants génétiques des Sumériens. On a d’ailleurs pas encore d’ADN ancien sumérien pour comparer, mais on a déjà de l’ADN autosomal datant du Néolithique du Moyen-Orient (il y a eu plusieurs études sur le sujet, voici une des premières et importantes : http://biorxiv.org/content/early/2016/06/16/059311 ). On sait donc désormais qu’il y a eu beaucoup de chamboulements depuis ce temps en terme de génétique des populations. Depuis cette époque il y a eu de nombreuses immigrations et des mélanges qui ont fortement modifié le patrimoine génétique de la région. Dans la partie occidentale du Moyen-Orient, ainsi qu’en Égypte, les populations étaient d’ailleurs bien plus semblables au Européens du Sud actuels que le ne sont les Moyen-Orientaux actuels. Un des éléments les plus importants est qu’il y a eu des flux de gènes d’Africains subsahariens en Égypte ( https://www.nature.com/articles/ncomms15694 ) et dans une grande partie du Moyen-Orient entre l’Antiquité et nos jours, probablement arrivés surtout Moyen-Age avec la traite négrière arabo-musulmane. Les Nord-Africains actuels ont toujours plus de 20-25 % d’ADN autosomal subsaharien ( https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0138453 ), et les Arabes du Levant environ 4 à 15% ( https://journals.plos.org/plosgenetics/article?id=10.1371/journal.pgen.1001373 ). Si on enlève à tous ces peuples actuels leur part d’ADN subsaharien, ce qui devait être le cas dans l’Antiquité, on obtiendrait probablement des populations beaucoup plus ressemblantes aux Européens méridionaux actuels (race méditerranéenne non métissée) aussi bien physiquement qu’intellectuellement. Sachant cela il me parait vraisemblable de penser que le QI moyen des Sumériens était significativement plus élevé dans l’Antiquité que celui des Irakiens d’aujourd’hui. Ce n’est plus le même peuple. Dans quelques siècles, si on ne fait rien, on pourra dire la même chose pour l’Europe.
Aberkane est un baratinologue, un spécialiste du baratin, il n’en est pas à son coup d’essai.
Le test de QI selon sa charge en g est en effet un bon prédictif de la réussite sociale.
Mais il y a d’autres pistes : les fonctions executives notamment, qui semble encore meilleures.
Les big five semble, selon certains chercheurs, avoir eux aussi une sorte de facteur g, qui serait la sociabilité, donc, en fait, ce serait le fameux QE.
Notons que le courage est aussi un facteur important de “réussite”.
Enfin, il y a un champ de recherche tout récent qui s’ouvre : l’intelligence collective est qui pourrait expliquer le succès ou non d’un peuple tout autant que la moyenne du QI de sa population.
Idriss est un crypto-musulman, c’est un soufi, un musulman qui avance masqué. La moyenne de QI des pays musulmans est de 80. On peut superposer la carte du QI et la carte de l’islam. Donc forcément ça ne plait pas trop aux musulmans cette information.
Aberkane fait la promo de son concept “muscler son cerveau”. La seule manière qu’il existe, reconnue scientifiquement d’améliorer les perfs de son cerveau, c’est dual n back. Point. Mais pour ce charlot qui veut vendre du rêve, il fallait bien sûr salir une sommité comme Stanislas Dehaenne … (dont le cours au collège de France sur le cerveau bayiesien valent vraiment le détour).
Bref, merci pour cet article. Aberkane est connu pour avoir gonflé son CV à l’époque ou il vendait son concept foireux de “biomimétisme”. C’est un gourou. Ni plus, ni moins.
Il y a eu un débat un peu houleux entre Ramus et Jean Hansen de “intelligence humaine” (le site). On peut ne pas être d’accord avec Hansen mais il a au moins montré que Ramus était orienté idéologiquement sur la question du QI, c’est un “anti-race”, pour lui tout s’explique par l’environnement (au mieux c’est une hypothèse non prouvée mais c’est très probablement un biais, très commun en France chez les chercheurs pour se conformer au modèle standard des sciences sociales).https://www.intelligence-humaine.com/wp-content/uploads/2019/11/R%C3%A9ponse-%C3%A0-F.-Ramus-18NOV2019.pdf