Amour, dating et Intelligence Artificielle


Trouver l’âme sœur est compliqué. Trop souvent on jette son dévolu sur une personne sans que cela soit réciproque.

L’industrie du dating a donc embrassé les dernières avancées technologiques en matière d’intelligence artificielle afin de simplifier la recherche du partenaire idéal.

La rencontre à l’heure de l’IA

Comme indiqué dans notre article sur l’apparition de la monogamie au sein de l’espèce humaine, nous sommes soumis à des émotions guidées par des hormones qui servent un but évolutionniste. Dans son article pour Quillette, Debrah Sow, disposant d’un Phd en neurosciences sexuelles, indique qu’on traverse trois phases lorsque l’on rencontre quelqu’un. La phase de désir, puis d’attraction et enfin d’attachement. Durant la phase de désir, les hormones sexuelles génèrent un éveil physiologique ; puis vient l’attraction, suscitée par la dopamine qui crée un sentiment intense, proche de l’addiction, associée à l’objet de notre désir ; enfin vient l’attachement lié à la sécrétion d’ocytocine et de vasopressine (l’hormone du câlin) qui facilite les liens sexuels sur une durée suffisante pour élever un enfant pendant des années.

Nous évoquions également un phénomène amusant dans notre article sur le “Coolidge effect” : nous sécrétons de la dopamine lorsqu’une personne qu’on juge attractive nous regarde dans les yeux. Nous avons donc certains “types” de personnes qui nous attirent, qui nous travaillent les hormones et cela peut se lire sur notre visage, si on sait quoi regarder et si on dispose de beaucoup de données analysées. En d’autre termes, une IA efficace est capable d’identifier les traits physiques qu’on juge attirant chez les autres et une IA encore plus performante peut lire notre propre réaction faciale face à la vue d’une personne et déterminer si elle nous attire ou pas.

C’est ainsi que la compagnie Badoo, spécialisée dans la rencontre, s’est dotée d’une IA de reconnaissance faciale capable de proposer des partenaires potentiels en fonction des célébrités que l’on trouve à notre goût. Une autre compagnie, plus innovante, Heystax, va observer vos propres micro-réactions faciales lors de session de speed dating vidéo, ces petits détails qui trahissent vos émotions profondes, afin de confirmer vos premières impressions.

Encore plus fort, une IA peut déterminer votre orientation sexuelle sur la simple base d’une photo de vous. Yilun Wang et Michael Kosinski utilisèrent 35 000 images de visages d’hommes et de femmes disponibles publiquement sur des sites de rencontre américains et, à l’aide d’un algorithme, identifièrent correctement l’orientation sexuelle des personnes 81% du temps sur la base d’une seule photo. En utilisant cinq photos par personne, la précision grimpe à 91%, là où un humain est correct seulement 61% du temps.

Dans un autre style, le défunt Bernie AI, proposait de laisser une intelligence artificielle gérer tous les prémices de la rencontre, de la phase de sélection aux premiers messages. Disponible sur plusieurs services de rencontres mais agissant principalement sur Tinder, il proposait de sélectionner les profils qui vous conviennent et d’envoyer vos premiers échanges comme si c’était vous. Tinder n’a pas vraiment apprécié évidemment, leur business modèle incluant des publicités durant la phase de recherche, et les a enjoint à fermer leur service. Après avoir chercher comment utiliser leur technologie ailleurs que pour la rencontre, ils ont finalement décidé de mettre la clef sous la porte.

Les compagnons de vie

Pour ceux qui malgré tous ces outils ne parviennent pas à trouver chaussure à leur pied, ils peuvent toujours se rabattre sur un confident. Les apps Replika et Woebot, se donnent pour mission d’améliorer votre moral et votre santé mentale en fournissant un compagnon virtuel avec qui discuter, en apprendre sur vous et développer des compétences. Pour ceux qui ont vu le film Her, c’est un premier pas vers ces compagnons augmentés, à ceci prêt que les deux services se limitent au chat. Petit tip, lorsqu’ils vous demandent votre nom, entrez “my dude” et leurs conversations les feront passer pour des potes hyper chill. Alexa, Google home et Siri passeront peut-être cette étape et deviendront des assistants de vie qui nous connaîtront mieux que quiconque.

Replika à gauche et Woebot à droite

En quelques sortes, la seule chose qu’une intelligence artificielle ne peut pas faire, c’est de tenir votre main … quoique, peut-être plus pour très longtemps. Kirobo, un petit robot créé par Tomotaka Takahashi en collaboration avec l’université de Tokyo,  JAXA (Japan Aerospace Exploration Agency) et Toyota, a été lancé dans l’espace pour tenir compagnie à un astronaute, comme Hal 3000 dans “2001 l’Odyssée de l’espace” de Stanley Kubrick.

Le mot Kirobo est un mot porte-manteau composé de “kibō” (希望), signifiant “espoir” et “Robo” utilisé pour tous les robots. L’université de Tokyo, avec l’aide de Robo Garage, s’est occupée du hardware, pendant que Toyota créait la fonction de reconnaissance vocale et que Dentsu s’occupait de générer le contenu de conversation. Spécialement conçu pour un environnement zéro-G, il accompagna le commandant Wakata dans de nombreuses expéditions, assisté de son “cousin” Mirata, un autre robot du même type faisant office de contact au sol. Son but est de voir comment les humains peuvent interagir avec les robots, et combien il est possible de leur déléguer des tâches au cours des missions. Leur au-revoir fut aussi déchirant que celui de deux humains.

L’amour avec un robot ?

Dès lors, pourrait-on sauter le pas et carrément se lier d’affection avec un robot humanoïde au point d’entretenir une forme de relation amoureuse ? Pas si sûr. Le roboticien japonais Masahiro Mori a publié une théorie en 1970 intitulée “Uncanny valley” que l’on pourrait traduire par “La vallée de l’étrange”. Uncanny est la traduction anglaise du terme freudien de unheimlich, qui peut être traduit en français par « inquiétante étrangeté ». Cette “vallée”, représentée dans le schéma ci-dessous, correspond à la zone de malaise ressentie lorsqu’un individu est face à un humanoïde, dont les robots. Plus un robot ressemble à un être humain, plus ses imperfections nous paraissent monstrueuses. Il semblerait que nous sommes plus à l’aise face un robot qui ressemble à l’image qu’on se fait d’un robot, plutôt que d’un robot proche d’un Homme (avec des cheveux, une peau, des vêtements …). Cependant, nous pourrions dépasser ce stade, et sortir de la vallée, si les robots atteignent un degré de réalisme extrême.

Cette théorie est remise en question par certains chercheurs, dont Sara Kiesler, chercheuse en interactions humains-robots à l’Université Carnegie-Mellon (États-Unis) qui affirme : « Nous avons des preuves que c’est vrai et des preuves que c’est faux ». Peut-être que dans quelques années nous serons fixés sur la question en voyant des couples humain-machine, si cela devait arriver, quelque chose me dit que ça viendrait du Japon qui a la particularité d’être en pointe sur les robots et d’être un pays où 40% des moins de 35 ans sont toujours vierges …

1 comment
  1. L’IA pour l’amour oui, mais l’IA pour la solitude, plus certainement. C’est la qu’est le marché, à mon avis, qui va exploser.
    D’une part, pour le porno, pour les hommes. Il finira bien par y avoir un pornocrate qui va utiliser les deepfake pour créer à la chaine des vidéos pornos, sans avoir besoin de payer des actrices, qui en plus, répondront parfaitement aux fantasme les plus fou des hommes, puisque cette IA pourra “devenir” ce qui vous fait le plus bander.
    Les femmes réelles deviendront fade à coté.

    Et d’autre part, l’IA finira aussi par tenir compagnie aux humains seuls, car elle sera à même de leur procurer une amitié bien plus profonde qu’avec aucun autre humain.

    Et au final, si au départ ça va répondre à un besoin existant, au final ça va créer de nouveaux besoins car, pourquoi se prendre la tête avec les humains réels, si compliqués, si dangereux, alors que l’IA pourra virtuellement faire 100X mieux qu’eux dans tous les domaines.

    Je ne vous dit pas la tête du taux de fécondité quand ces technologies vont débouler. Pensez Japon.
    Les robots sexuels ont déjà un certain succès. Et la, c’est pareil, pourquoi faire l’amour avec un humain qui, bien souvent, ne connaît pas son corps, est relativement laid, ne sait pas vous faire jouir, alors qu’un robot et son IA saura vous emmener au 7ème ciel à coup sur.

    Ce qui m’étonne c’est qu’aucun film de SF n’a pensé à ces scénarios de fin du monde “douce” pour l’humanité.
    C’est de la simple logique économique (libérale), et à priori, il n’y a aucune barrière technologique, il nous faut juste un peu plus de temps.

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