Demi-EXIT: le Québec devrait devenir un Territoire américain

Québec ma terre amère ma terre amande
ma patrie d’haleine dans la touffe des vents
j’ai de toi la difficile et poignante présence
avec une large blessure d’espace au front
dans une vivante agonie de roseaux au visage
je parle avec les mots noueux de nos endurances
nous avons soif de toutes les eaux du monde
nous avons faim de toutes les terres du monde
dans la liberté criée de débris d’embâcle
nos feux de position s’allument vers le large

Gaston Miron – Compagnon des Amériques

Le Québec se trouve à la croisée des chemins. Depuis des décennies, la province oscille entre deux visions contradictoires : un maintien difficile dans la fédération canadienne et une indépendance politique qui semble hors de portée. Alors que le statu quo devient intenable, la nécessité d’explorer des solutions audacieuses s’impose.

Et si le Québec adoptait une autre voie, une demi-EXIT qui garantirait sa pérennité culturelle et économique tout en rompant avec les impasses actuelles? En devenant un territoire des États-Unis, le Québec pourrait conserver son identité distincte tout en accédant aux avantages d’un grand espace économique et politique.

Cet article propose d’examiner pourquoi le statu quo au sein du Canada n’est plus viable, pourquoi l’indépendance totale est irréaliste, et pourquoi intégrer un « grand espace » tel que les États-Unis offre une solution durable.

Le statu quo au Canada n’est pas viable

Le Québec, malgré son statut particulier au sein de la fédération canadienne, fait face à des contraintes qui entravent son développement à long terme.   Politiquement, les aspirations à un véritable fédéralisme asymétrique sont continuellement bloquées, que ce soit par l’échec des tentatives constitutionnelles comme l’Accord du lac Meech ou par l’absence de volonté politique du gouvernement fédéral. Le Québec demeure soumis aux mêmes règles qu’une province ordinaire, ce qui limite sa capacité à répondre à ses besoins spécifiques.

Sur le plan économique, le modèle actuel repose en grande partie sur des paiements de péréquation qui masquent une stagnation sous-jacente. Alors que d’autres provinces exploitent massivement leurs ressources naturelles ou attirent des investissements technologiques, le Québec est maintenu dans un état de dépendance artificielle par un système de transfert fédéraux favorisant l’oisiveté et le décroissantisme écologiste.  La péréquation est une machine infernale infantilisante qui empêche le Québec d’agir comme une nation sérieuse tout en lui donnant l’impression d’être vert et vertueux.  C’est comme si l’Union Européenne payait la Norvège pour qu’elle n’exploite pas ses ressources pétrolières. 

Culturellement, le Québec se bat pour préserver sa langue et son identité dans un pays de plus en plus tourné vers un multiculturalisme anti-européen. Les lois québécoises comme la Charte de la langue française ou la loi 21 (visant à freiner l’entrisme islamiste dans la fonction publique) sont contestées devant les tribunaux, alors même que le poids démographique du Québec continue de diminuer dans l’ensemble canadien, affaiblissant son influence politique.

Plus inquiétant encore, le Canada traverse actuellement une période de migration incontrôlée et de décroissance du PIB par habitant, deux phénomènes qui mettent en lumière les failles structurelles du pays. Le Québec, au lieu de se concentrer sur ses propres priorités, est forcé de partager le poids de politiques fédérales inefficaces.

Ainsi, le statu quo n’est pas seulement insatisfaisant: il est devenu intenable et représente un risque existentiel pour la nation.

La souveraineté est probablement impossible

L’idée d’un Québec souverain a longtemps captivé l’imaginaire collectif, mais les réalités politiques, économiques et sociales rendent cette option de plus en plus irréaliste. L’échec du référendum de 1995 en est un exemple frappant : malgré une mobilisation massive des indépendantistes, le « Non » l’a emporté avec 50,58 % des voix contre 49,42 % pour le « Oui ». Cette défaite, dû en partie à l’influx massif de nouveaux électeurs catapultés dans la province par le gouvernement fédéral, a marqué un tournant, car elle a montré que la voie référendaire ne mènerais jamais à l’indépendance politique.

Même si un futur référendum réussissait à obtenir une majorité – disons 51 % ou 52 % des voix –, le véritable défi commencerait après le vote. Le gouvernement fédéral du Canada, soutenu par des précédents comme la Loi sur la clarté référendaire adoptée en 2000, refuserait de reconnaître une victoire souverainiste sur la base d’un résultat jugé trop étroit ou d’une question ambiguë. De plus, une déclaration unilatérale d’indépendance risquerait de déclencher une crise constitutionnelle majeure, voire une intervention judiciaire ou militaire pour bloquer le processus.

Sur le plan international, l’indépendance du Québec nécessiterait la reconnaissance d’autres États et institutions, un processus loin d’être garanti. Les pays étrangers, y compris les alliés traditionnels du Québec, hésiteraient à soutenir une séparation perçue comme illégitime par Ottawa. La France de Macron choisira toujours le Canada de Trudeau plutôt que le Québec.   Ainsi, nous nous retrouverions dans une position précaire, isolés diplomatiquement et confrontés à des incertitudes économiques.

Enfin, il faut considérer les défis internes à une souveraineté effective. Le Québec devrait établir sa propre monnaie, gérer ses frontières, négocier des accords commerciaux et bâtir une infrastructure militaire, le tout en l’absence d’un consensus solide au sein de sa population. Ces obstacles logistiques et politiques rendent le projet non seulement ardu, mais potentiellement désastreux pour la stabilité économique et sociale de la nation.

Ainsi, bien que la souveraineté demeure une aspiration légitime, elle semble, en pratique, de plus en plus difficile à réaliser.

Vivre dans un « grand espace » schmittien

De tout temps, les petites nations comme le Québec doivent s’inscrire dans des systèmes politiques et économiques plus vastes pour assurer leur survie et leur prospérité. Carl Schmitt, dans ses écrits sur la géopolitique, introduit le concept de grand espace (Grossraum) : une zone d’influence dans laquelle les nations partagent des intérêts stratégiques, économiques et culturels. Selon Schmitt, les États isolés peinent à maintenir leur souveraineté face à des blocs plus puissants, et leur viabilité dépend de leur intégration dans de tels espaces.   Le Canada a souvent été vendu comme un tel espace : il représentait le Commonwealth britannique en Amérique.  Hélas, l’Empire britannique n’existe plus, la Grande Bretagne dérive vers le totalitarisme woke et le Canada s’intéresse plus à remplacer sa population autochtone qu’à faire face aux défis du 21e siècle. 

Pour le Québec, rester dans le cadre canadien équivaut à une marginalisation progressive, tandis qu’une indépendance complète risquerait de le laisser vulnérable dans un monde dominé par des grandes puissances comme les États-Unis, la Chine et l’Union européenne. Mieux vaut s’intégrer pleinement à un grand espace naturel : celui des États-Unis, qui représente déjà le principal partenaire économique et culturel du Québec.

Samuel Huntington, dans Le Choc des civilisations, fournit un autre cadre pertinent. Il postule que les grandes lignes de fracture géopolitique se dessinent désormais entre des civilisations distinctes plutôt qu’entre des nations. Selon cette logique, le Québec, malgré ses différences linguistiques et culturelles, appartient au bloc de la civilisation occidentale, dominée par les États-Unis. Cette appartenance est renforcée par des valeurs partagées, telles que l’importance de l’économie de marché, des institutions démocratiques et un héritage chrétien commun.

Au sein du Canada, le Québec est pris dans un entre-deux inconfortable : sa culture distincte est marginalisée dans un cadre fédéral qui favorise un multiculturalisme diluant, tandis que son poids économique et démographique décroît. En rejoignant le grand espace américain en tant que territoire, le Québec pourrait aligner son avenir avec une véritable puissance mondiale, tout en s’assurant une place où son caractère unique deviendra un atout plutôt qu’un obstacle.

L’intégration dans un tel grand espace offrirait au Québec une stabilité politique, un accès privilégié à des ressources économiques, et une voix dans une civilisation occidentale en évolution. Cela ne signifierait pas une dissolution de l’identité québécoise, mais plutôt l’opportunité de la projeter dans un cadre plus vaste et influent, en s’éloignant des impasses canadiennes et des risques d’une souveraineté isolée.

Les avantages de devenir un territoire des États-Unis

Les Nations américaines selon Colin Woodard (inspiré de Hackett Fisher)

Devenir un territoire des États-Unis offrirait au Québec une panoplie d’avantages, allant de la stabilité économique à une plus grande autonomie culturelle et fiscale.

En tant que territoire américain, le Québec bénéficierait d’un accès direct à la plus grande économie mondiale. Cela inclut une participation accrue aux accords commerciaux internationaux des États-Unis, un accès à des investissements majeurs en infrastructure, et une inclusion dans des initiatives stratégiques. Les entreprises québécoises, particulièrement dans les domaines de l’aérospatiale et des technologies énergétiques propres, pourraient également profiter des subventions et des programmes fédéraux américains.

De plus, et c’est un point crucial, les revenus générés au Québec ne seraient pas soumis à l’impôt fédéral américain sur le revenu individuel, conformément au statut fiscal des territoires comme Porto Rico. Cela donnerait au Québec une marge de manœuvre fiscale considérable. Par exemple, la province pourrait légèrement augmenter ses taux marginaux d’imposition sur le revenu sans pénaliser les citoyens, en utilisant ces fonds pour financer des services publics robustes, de l’éducation à la santé, tout en soutenant activement la préservation de sa langue et de sa culture.  Le taux marginal, actuellement de 25.75% sur les revenus d’emploi dépassant $126 000 canadiens, pourraient facilement être augmenté de 10 à 15 points.

Contrairement aux craintes souvent exprimées, devenir un territoire américain ne signifierait pas la disparition de l’identité québécoise. Des exemples comme Porto Rico ou Guam montrent que les territoires conservent leurs langues, traditions et systèmes juridiques propres. Le Québec pourrait non seulement maintenir ses lois sur la langue et son Code civil, mais aussi les renforcer grâce à une autonomie accrue dans les domaines culturel et éducatif.

Au sein des États-Unis, le Québec pourrait projeter sa culture unique comme un atout, attirant des touristes et des investisseurs fascinés par son caractère distinct. La proximité géographique et les liens historiques avec la Louisiane renforcent également l’idée d’une intégration francophone continentale.

Le traumatisme des confinements et la soif de liberté

Les objections à l’idée de devenir un territoire des États-Unis ne manqueront pas, mais il est crucial de souligner que celles-ci sont souvent enracinées dans une vision passéiste et une peur viscérale de l’innovation. Ceux qui s’opposent à ce projet sont les prisonniers d’un Québec figé dans un récit romantique, incapable de voir au-delà des frontières tracées au 19ᵉ siècle.  La Nation ne peut se permettre de rester enfermée dans une nostalgie paralysante.

Les opposants devraient se souvenir de l’héritage des explorateurs et colons français, les Champlain, les Radisson, les d’Iberville et tant d’autres qui ont bravé l’inconnu pour fonder la Nouvelle-France. Ces hommes n’auraient jamais accepté d’être confinés à un territoire étriqué, dépendant des caprices d’un pouvoir lointain. Leur vision était celle d’une quête d’espaces infinis. Cette quête, que le philosophe Oswald Spengler associe à l’homme faustien, définissait leur existence. Le Québec moderne, héritier de cet esprit, devrait aspirer à plus qu’à une simple survie dans une fédération canadienne qui l’étouffe volontairement ou dans un petit État souverain voué à l’isolement.

Une partie significative de la population québécoise a été profondément marquée par les confinements de la crise COVID-19. Le sentiment d’être emprisonné, privé de mobilité et de choix, a laissé des cicatrices profondes dans sa psyché. Ces citoyens ne voudront jamais plus revivre un tel enfermement, ni au sens physique ni au sens politique. Une indépendance dans le cadre d’un État-nation isolé leur rappellerait trop ces limitations. À l’inverse, devenir un territoire américain leur offrirait un filet de sécurité par la liberté de mouvement qui en serait garantie. Si quelque chose tourne mal au Québec – une autre « crise sanitaire », une monté des islamo-gauchistes ou une gouvernance inefficace – ils auraient la possibilité de bouger, de reconstruire ailleurs, sans avoir à traverser des frontières étatiques ou à s’expliquer.  Faire partie du grand espace américain permettrait même à des communautés francophones complètes de fonder de nouvelles colonies dans les vastes espaces de l’Ouest, comme l’ont fait les Mormons.

Ceux qui s’accrochent au statu quo ou à l’idée romantique d’un petit État souverain manquent de vision. Leur réticence est ancrée dans une peur irrationnelle de l’inconnu et un refus d’accepter que le monde moderne est façonné par de grandes puissances et des grands espaces.  Ils voudraient faire passer leur lâcheté pour du conservatisme, mais personne n’est dupe

Un patch unique dans le patchwork continental américain

Le Québec, en devenant un territoire des États-Unis, ne renoncerait pas à son identité, mais au contraire, il réinventerait son rôle dans un monde où les grandes structures politiques façonnent l’avenir. Curtis Yarvin, dans sa théorie du patchwork, imagine un monde constitué de micro-États, chacun gouverné selon ses propres principes. Un Territoire du Québec serait l’un des patchs les plus fascinants de cette grande tapisserie continentale.

Le Québec ne serait pas un simple territoire parmi d’autres, mais une entité singulière, fière de ses particularités culturelles, juridiques et linguistiques. Son héritage français, son droit civil distinct, et sa langue unique en Amérique du Nord en feraient un pôle d’attraction au sein du vaste réseau des territoires et des États américains. Cette unicité ne serait pas diluée dans le patchwork, mais mise en valeur, comme une pièce irremplaçable dans la vaste mosaïque américaine.  Le Québec, territoire américain, deviendrait un acteur incontournable du patchwork continental, à la croisée des mondes francophone et anglophone, européen et américain.

Rejoindre les États-Unis ne serait pas un acte de soumission, mais un acte de grandeur, un geste audacieux qui honorerait l’esprit des explorateurs et des bâtisseurs qui ont façonné cette terre. Le futur du Québec n’est pas dans le confinement, mais dans l’expansion – une expansion intellectuelle, culturelle et économique au sein d’un espace où, avec la victoire de Trump et des accélérationistes, tout devient possible.  Qui sait, cette première annexion pourrait bien marquer le début d’un mouvement vers l’unification de l’Occident tout entier au sein d’un vaste espace civilisationnel.

2 comments
  1. Un exemple pour le Québec.

    Les Samoa américaines, en tant que territoire non incorporé des États-Unis, disposent d’un système unique de protection des identités culturelles et traditionnelles. Cette protection s’articule autour de plusieurs axes principaux.

    Le système foncier traditionnel constitue la pierre angulaire de la protection identitaire. Environ 90% des terres sont régies par le système de propriété communautaire appelé “terres familiales” ou “communales”. Cette structure permet de préserver l’organisation sociale traditionnelle samoane et limite la vente de terres aux personnes n’ayant pas d’ascendance samoane.

    La gouvernance locale intègre le système traditionnel des matai (chefs). Les matai conservent une autorité importante dans la prise de décision communautaire et la gestion des terres familiales. Ce système est reconnu officiellement par le gouvernement territorial, créant ainsi une forme unique de gouvernance hybride qui préserve les structures traditionnelles du pouvoir.
    La langue samoane bénéficie d’une protection particulière. Elle est, avec l’anglais, langue officielle du territoire. Son enseignement est obligatoire dans les écoles publiques, et elle est utilisée dans l’administration territoriale. Cette politique linguistique contribue à maintenir vivante la culture samoane.
    Les pratiques culturelles traditionnelles sont également protégées par la
    loi. Les cérémonies traditionnelles, le fa’amatai (système des chefs), et les protocoles culturels sont reconnus et préservés par le cadre juridique territorial. Des événements culturels réguliers sont organisés et soutenus par le gouvernement pour maintenir ces traditions.

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