L’Action Humaine, un traité d’économie – Ludwig von Mises

Ludwig von Mises est considéré comme une des sommités de la pensée libérale de son temps et de ceux qui ont suivi, avant d’avoir directement passé le relais à des noms tout aussi connus tels que Murray N. Rothbard et Friedrich von Hayek ou indirectement à l’ensemble des penseurs libéraux et libertariens contemporains : Jörg Hülsmann, Hans Hoppe, Walter Block, Lew Rockwell, Pascal Salin… Avant de vous présenter son ouvrage principal, je voulais vous parler un peu plus du bonhomme.

Né dans l’actuelle Lviv (Ukraine) en 1881, dans une famille juive germanophone, celle-ci déménage et s’installe à Vienne, où il suivra des études de droit. Seul cursus où sont enseignées les sciences économiques à l’époque. Il se formera plus en profondeur dans ce domaine à travers les lectures de Carl Menger (qui lui «donnèrent la vocation d’économiste» d’après ses mots) et de Eugen Böhm-Bawerk ; ce dernier deviendra d’ailleurs son directeur de thèse.

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Au cours de sa vie, il sera capitaine d’artillerie de l’armée autrichienne, conseiller économique durant la Grande Guerre (plusieurs fois décoré) et par la suite, professeur à l’université de Vienne. Il dirigera notamment la délégation autrichienne de la Société des Nations et continuera de conseiller le gouvernement Austro-Hongrois dans le domaine économique. Malgré sa bonne réputation parmi les économistes grâce à ses travaux comme “Théorie de la Monnaie et du Crédit” et “Socialisme”, il restera un libéral dans une Europe de plus en plus étatiste (fasciste comme socialiste) et un juif dans une ville de plus en plus antisémite… Il travaillait depuis 4 ans pour la chaire de relations économiques internationales à l’Institut Universitaire des Hautes Études Internationales de Genève (où il enseignait d’ailleurs en français), au moment de l’Anschluss en 1938 et s’y trouvait malheureusement lors de ce triste événement. Manque de chance, un libéral juif n’est pas non plus très bien vu par les sous-fifres du moustachu teuton et ses travaux seront jugés contraires aux idées du Reich. Les données d’archives retrouvées en 1993, racontent que 38 valises furent nécessaires afin de vider la bibliothèque de l’appartement de cet ennemi du socialisme (titre honorifique que je jalouse horriblement). Elle comprenait une foule de documents, des notes personnelles et divers manuscrits. Tout ceci en plus de la saisie de la totalité du reste de ses biens et de sa déchéance de son poste de conseiller économique.

Il achèvera à Genève “Nationalökonomie” en 1940, première version de l’Action Humaine qui ne se vendra pas, compte tenu du contexte politique européen difficile au moment de sa publication. Contexte qui le poussera, lui et sa femme, à quitter Genève pour le Portugal, pour finalement y prendre un bateau et effectuer la traversée de l’Atlantique.

Sa situation sera d’abord précaire, mais un penseur et professeur trilingue de son niveau sait rebondir. Il se verra très vite attribuer diverses bourses privées ou publiques et travaillera de 1945 à 1969 à l’université de New-York en tant que Visiting Professor (longue visite me direz-vous). Sa solide réputation lui permit d’écrire plusieurs fois dans le New York Times, de participer à de nombreux séminaires et de contribuer à des recherches pour de nombreuses organisations (think tanks), notamment “The International Paneuropean Union” et “Mount Pèlerin Society”. Sa retraite après 1969 ne durera que 4 ans, puisqu’il s’éteindra en 1973.

(…Pour plus de détails sur sa vie, je vous conseille les mémoires et biographies suivantes : Jörg Guido Hülsmann, Mises, The Last Knight of Liberalism, Murray N. Rothbard, Ludwig von Mises: Scholar, Creator, Hero et Margit von Mises, My years with Ludwig von Mises)

Il laissera derrière lui une carrière d’économiste et de philosophe libéral très prolifique et un magnum opus magistral de 1949, que je vous présente (enfin) ci-dessous.

Venons-en au livre. En quoi consiste-t-il ? L’Action Humaine, c’est un chef d’œuvre en 6 parties, 39 chapitres et 1027 pages. Le sous-titre du livre, Un traité d’économie, n’est pas assez représentatif de la richesse des domaines abordés : épistémologie, philosophie, sociologie, éthique, histoire, politique, sans compter ceux que l’auteur a lui-même définit. Comme la praxéologie ou la science de l’action humaine – on peut considérer que l’économie en est une branche – et la catallaxie ou science des échanges et des phénomènes de marché. C’est avant tout le manifeste capitaliste et individualiste, que je résumerais à ces deux citations respectives :

« Le socialisme ne peut pas être réalisé parce qu’il est hors du pouvoir humain de l’instaurer comme système social. Le choix est entre le capitalisme et le chaos. Un individu qui choisit entre boire un verre de lait et boire un verre d’une solution de cyanure de potassium ne choisit pas entre deux breuvages ; il choisit entre vivre et mourir. Une société qui choisit entre capitalisme et socialisme ne choisit pas entre deux systèmes ; elle choisit entre la coopération sociale et la désintégration de la société. Le socialisme n’est pas une alternative au capitalisme ; c’est une alternative à n’importe quel système sous lequel les hommes peuvent vivre en hommes. »

p. 790, Chapitre XXIV

« C’est toujours l’individu qui pense. La société ne pense pas davantage qu’elle ne mange et boit. L’évolution du raisonnement humain, depuis la pensée naïve de l’homme primitif jusqu’à la réflexion plus subtile de la science moderne, a eu lieu au sein de la société. Néanmoins, penser est toujours l’œuvre d’individus. Il y a l’action conjointe, mais pas de penser conjoint. Il y a seulement tradition, c’est-à-dire conservation et communication des idées à d’autres, comme stimulus de leur propre réflexion. »

P.205, Chapitre IX

Ce qui est le plus captivant dans ce livre, et c’est la raison pour laquelle il est plus qu’un ‘’simple’’ traité d’économie théorique, c’est sa structure. Pendant les 4 premières parties, Mises élabore des concepts de l’action, puis de l’interaction sociale à une échelle de plus en plus grande et son fonctionnement. Dans la cinquième partie, il expliquera en quoi une société sans marché, socialiste et planificatrice est incompatible avec l’action humaine, elle est en somme un résumé très bref de l’aspect économique de son livre Socialisme, sorti 27 ans auparavant. La dernière partie est la plus intéressante du point de vue des sciences politiques. Intitulée “L’économie de marché entravée”, on y retrouve tous les contres arguments aux politiques interventionnistes principales du Tiers système, appelez-le capitalisme de connivence, régime mixte, “ni capitaliste ni socialiste” (ou plutôt capitaliste + mafia), ou comment et pourquoi l’État n’est qu’une institution incompétente qui devrait laisser-faire les individus, au lieu de s’immiscer dans l’interaction sociale libre et fixer des prix planchers ou plafonds à des biens et des services, déposséder de sa valeur les capitaux par la manipulation du crédit ou pire, “redistribuer” sans demander consentement aux “donateurs”.

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Je vais revenir quelques instants sur les 4 premières parties, pour que vous compreniez mieux la démarche de l’auteur, assez similaire au cogito ergo sum de Descartes :

  • L’homme agit, et le fait même de vouloir falsifier cette affirmation ne ferait que la confirmer. L’auteur développe cet axiome de l’action, en expliquant que celle-ci n’émerge que de la volonté d’écarter une gêne ; et donc que l’inverse de l’action n’est pas l’inaction – puisque l’on peut ne pas agir par choix – mais le contentement, il étend alors ce raisonnement a priori, c’est-à-dire de manière logique, déductive, en y ajoutant des facteurs comme le temps, l’incertitude, l’interprétation subjective de son environnement par l’individu.
  • Ensuite, l’humain étant un animal social, il faut penser ses actions en société, et conceptualiser la structure de la coopération humaine, basée sur le consentement mutuel.
  • Puis, pour que l’action se mette en place, il faut que l’acteur ait évalué les moyens dont il a besoin pour atteindre les fins qu’il désire de la manière la plus efficiente, compte tenu de ses capacités et de la disposition de l’environnement au moment de cette évaluation. C’est le calcul économique. La condition nécessaire et suffisante de la mise en place de ce calcul économique est la propriété privée des moyens de production : chacun sait alors ce qu’il peut compter comme étant les moyens qu’il peut mettre en place et utiliser pour atteindre ses fins, et sait ce qu’il n’a pas le droit de léser pendant ce processus.
  • Enfin, dès l’instant que le calcul économique se met en place, on peut parler de société de marché. Dans cette situation de division du travail, chacun échange une quantité de production d’un bien ou d’un service indirectement (via une monnaie) contre une autre, par des échelles de valeurs subjectives et dépendantes des échanges de l’ensemble des consommateurs et des producteurs dans un système de coopération donné ; et si un individu veut rejoindre ce système, le marché l’oriente et lui indique de quelle manière il peut le mieux promouvoir son propre bien-être de même que celui des autres gens. Le marché seul met en ordre le système social entier et lui fournit sens et signification.

En résumé : l’auteur part de l’individu pour définir le système capitaliste, ce que constitue 80% de son œuvre. Il dédie le reste de son livre à expliquer que toute entrave supplémentaire imposée au marché ne fait que nuire à la société dans laquelle il se met en place, et ce, de manière croissante. Donc moins il y a d’entraves, mieux sont servis les consommateurs, et plus libres les producteurs.

“Le système de production capitaliste est une démocratie économique dans laquelle chaque pièce de monnaie donne un droit de vote. Les consommateurs constituent le peuple souverain.”

L’action humaine, chapitre XV, partie 4/.

Comme je vous le disais tout à l’heure, cette œuvre est monumentale parce qu’elle est totale par les thèmes abordés, mais surtout parce que L. von Mises défend la philosophie libérale en utilisant l’outil principal de ses adversaires : L’utilitarisme, la doctrine de la maximisation du bien commun. En lisant ce livre, on se rend compte déjà des incohérences des positivistes, marxistes, scientistes, empiristes … (la liste est longue, mais en gros, les illibéraux, effectivement, notre Ludwig ne devait pas beaucoup se faire d’amis parmi ses collègues de travail) à définir l’homme, son action, sa constitution en groupe et ce qui est préférable d’y faire. Cependant, le plus marquant, reste quand même le fait que ces derniers ne servent même pas les intérêts qu’il prétendent servir [par les interventions sous diverses formes de l’Etat], puisque le meilleur, ou le moins pire, des moyens pour atteindre leurs fins, le bien-être collectif, étant le marché sans entraves, le laissez-faire. Le conséquentialisme de Mises suffit pour discréditer ses adversaires, il faudra attendre Rothbard en ce qui concerne l’éthique de la liberté, dans le livre du même nom.

“L’économie de marché n’a pas besoin d’apologistes ni de propagandistes. Elle peut s’appliquer à elle-même les mots de l’épitaphe de Sir Christopher Wren, l’architecte de la cathédrale Saint-Paul : Si monumentum requiris, circumspice.”
(Si vous cherchez son monument, regardez autour de vous)

l’action humaine, Chapitre XXXV, 5/

Refuser le système capitaliste, tel que j’ai compris ce livre, c’est refuser la logique déductive. C’est choisir la guerre à la paix. C’est choisir l’état centralisateur aux entités autodéterminées. C’est choisir la destruction à la prospérité. C’est cesser tout progrès. C’est détruire la civilisation occidentale, un travail qu’avait très bien commencé l’union soviétique en son temps.

Mises considérait que l’économie ne devait pas être une science politique, mais qu’elle devait faire parti des sciences connues du grand public. Immunisez-vous contre les virus des démagogues, et ceux qui manipulent vos libertés au nom du bien commun, de l’égalité, des oppressés, de la Nation, des Droits de l’Homme, des cheminots, des plantes vertes et du barrage à l’ultra-libéralisme et la turbo-droite : Lisez l’Action Humaine, un traité d’économie.

6 comments
    1. Si c’est l’aspect économique de Rand qui vous intéresse, je vous conseille ce présent ouvrage ou L’Homme, L’Economie et L’Etat de Murray N. Rothbard. Concernant l’aspect philosophique, jettez un œil à la bibliographie de Hans Hermann Hoppe, et évidement “l’Ethique de la Liberté” de Rothbard aussi, vos bases seront ainsi très solides.

  1. Pas facile à trouver comme bouquin…une version abrégée en Français, sinon 1027 pages en Anglais, c’est trop costaud pour moi..

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