Comment la monogamie est apparue au sein de l’espèce humaine ?

Le mariage est une institution que l’on retrouve parmi 90% des cultures humaines, ce qui laisse à penser que c’est dans la nature de l’être humain d’établir ce modèle institutionnalisé de reproduction qui repose sur une union stable et, plus ou moins, permanente : la monogamie.

L’éthologie, et plus spécifiquement, la primatologie semble partiellement confirmer cette tendance naturelle à la monogamie chez l’être humain. Partiellement seulement car il existe au sein des mammifères deux grandes sortes d’espèces : les espèces polygynes, où un petit groupe de mâles dominants se reproduisent avec toutes les femelles (tournament species) et les espèces monogames, où les femelles choisissent plutôt les mâles qui ont des prédispositions à s’investir dans l’éducation des enfants (pair-bonding species). Les humains sont plutôt entre les deux.

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Comment distingue-t-on une espèce polygame, d’une espèce monogame?

On peut le voir au dimorphisme physique entre les mâles et les femelles. Plus il y a une différence de taille entre les mâles et les femelles, plus on a affaire à une espèce polygyne et plus les mâles et femelles ont une taille proche, plus on a affaire à une espèce monogame. Une différence de taille indique qu’une sélection sexuelle s’est opérée sur l’un ou l’autre des sexes, ne conservant que les plus grands, et donc les plus forts, des individus. Cela induit qu’il existe une forte compétition pour l’accès à la reproduction, qui va de paire avec un fort taux d’agressivité, créant ainsi les conditions de cette sélection sexuelle. Cette compétition débouche alors sur une organisation sociale où seuls les dominants ont accès à la reproduction, donc la polygamie.

À l’inverse, si les mâles et les femelles ont une taille similaire, cela indique que le choix du partenaire sexuel s’établit sur la capacité à être un bon parent, l’investissement parental, plutôt que la capacité à dominer ses rivaux.

On observe évidemment une différence de taille entre les hommes et les femmes en moyenne, quelque soit la culture. Cette différence est toutefois moins exacerbée chez l’humain que chez d’autre primates comme le babouin où les mâles sont deux fois plus gros que les femelles, mais plus que chez le marmouset où il est difficile de distinguer un mâle d’une femelle. Nous nous situons donc entre les deux, et c’est une des choses qui fait notre particularité au sein des primates.

Quelles sont les différences entre les sociétés humaines et les sociétés des autres primates?

On observe de nombreuses différences entre les humains et les autres primates. Bernard Chapais, dans son livre “Liens de sang”, relève quelques particularités humaines qui vont nous intéresser ici, le système de reproduction mixte et la parenté intégrale.

Le système de reproduction mixte

Le système de reproduction mixte est la tendance qu’ont les humains à user d’un panel large de comportements reproductifs alors que les autres primates se contentent d’un seul. Les gibbons usent de rapport sexuels prolongés monogames, les gorilles sont polygynes, seuls les mâles dominants ont accès à la reproduction, et les chimpanzés pratiquent la promiscuité sexuelle qui revient à dire que tous les mâles se reproduisent avec les femelles sans pour autant former des couples et sans un investissement paternel élevé.

Les humains ont, eux, tendance à mélanger les liens sexuels à long terme, la monogamie; et les liens sexuels à court terme, la promiscuité sexuelle. Nous sommes également les seuls à institutionnaliser les unions sexuelles. Les arrangements maritaux étaient déjà extrêmement répandus chez les chasseurs-cueilleurs. Et nous sommes aussi les seuls à nous occuper des enfants jusqu’à l’adolescence, ce qui aboutit à un investissement maternel cumulé (la femme s’occupe de plusieurs enfants à la fois) qu’on ne retrouve chez aucun autre primate.

La parenté intégrale

Nous sommes le seul primate, et de loin, qui reconnait ses apparentés paternelles comme maternelles. Les autres primates ne reconnaissent que la parenté matrilinéaire.

Monogamie sociale et promiscuité sexuelle, nous sommes des monogames en série.

Cette façon d’institutionnaliser les unions, de reconnaître la parenté paternelle et de mélanger les liens sexuels prolongés et la promiscuité sexuelle fait de nous des monogames. Mais il convient de différencier la monogamie sociale de la monogamie sexuelle. Comme j’ai pu l’expliquer dans cet article sur l’effet Coolidge, nous sommes des monogames en série.

Comme Debra Sow l’indique dans cet article pour Quillette, nous sommes soumis à des émotions, guidées par des hormones, qui servent un but évolutionniste. Les neurobiologistes s’accordent à dire qu’on traverse trois phases lorsque l’on rencontre quelqu’un. La phase de désir, puis d’attraction et enfin d’attachement. Durant la phase de désir, les hormones sexuelles génèrent un éveil physiologique; puis vient l’attraction, suscité par la dopamine qui crée un sentiment intense, proche de l’addiction, associé à l’objet de notre désir; enfin vient l’attachement lié à la sécrétion d’ocytocine et de vasopressine (l’hormone du câlin) qui facilite les liens sexuels sur une durée suffisante pour élever un enfant pendant des années.

La monogamie sociale repose donc sur cette phase d’attachement qui permet d’élever des enfants. Si on observe de plus en plus de divorce, c’est en partie lié à ce phénomène. Une fois cette phase passée, l’envie d’ailleurs se présente et on commence une nouvelle aventure monogame. Nous sommes des monogames en série. Mais au delà de ça, on observe aussi une promiscuité sexuelle chez des individus étant déjà dans une relation monogame, autrement dit, des gens qui trompent leurs conjoints. La promiscuité sexuelle continue malgré la monogamie sociale, ce qui a pour conséquence tragique qu’environ 4% des enfants ne sont pas élevés par leur père biologique.

Si on comprend bien les mécanismes biologiques qui poussent les humains à la monogamie, il serait pourtant faux d’en déduire une nature humaine monogame immuable. De la même façon qu’en observant le dimorphisme sexuel on peut se rendre compte si une espèce pratique la polygynie ou la monogamie, on peut observer à partir de fossiles si nos ancêtres ont opté pour différentes stratégies de reproduction, et ce dont on se rend compte, c’est que nos ancêtres étaient polygames. Mais alors, pourquoi est-on devenu monogame? Quel avantage sélectif offrait la monogamie?

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Comment est-on passé de la polygynie à la monogamie?

“La parenté est à l’anthropologie, ce que le nu est à l’art et la logique à la philosophie, c’est la base de la discipline”.

Robin Fox

Pendant longtemps, on pensait que nous étions passés d’un système de reproduction basé sur la promiscuité sexuelle (chaque mâle et chaque femelle peuvent avoir plusieurs partenaires et le partenaire mâle n’est pas reconnu dans la parenté de l’enfant) à la monogamie.

Les raisons employées étaient les suivantes. Notre cerveau grandissant, le bébé eût la nécessité d’être expulsé plus tôt, donc demanda plus de soin maternel qui fut rempli par un plus grand investissement parental des mâles, et donc, les mâles présentant de meilleures capacité à s’occuper des enfants devinrent un meilleur choix de partenaire sexuel pour les femmes. Ce partenariat de reproduction deviendra alors un partenariat économique.

Bernard Chapais propose une version sensiblement différente qui mérite notre attention. Il pense que nous ne sommes pas passés directement de la promiscuité sexuelle à la monogamie. On aurait adopté un temps la polygynie. Cette hypothèse semble vérifiée par l’analyse philogénétique et moléculaire. D’ailleurs, on observe aujourd’hui des babouins formant des groupes polygynes avec des ancêtres qui pratiquaient la promiscuité sexuelle, donc on sait que c’est possible. Si c’est ce qui est arrivé chez l’homme, cela soulève la question du “pourquoi”? Quels sont les avantages de réduire le nombre de femelles par mâle?

Le raisonnement de Bernard Chapais est le suivant. Si la polygynie existait avant la monogamie alors les humains avaient déjà créé un lien stable entre les partenaires reproducteurs. Le modèle qu’on recherche est celui faisant passer la société de la polygynie à la monogamie et non de promiscuité sexuelle à la monogamie. Il avance alors 3 hypothèses:

  1. Le modèle de la surcharge paternelle: Si le fardeau maternel augmente à cause de l’augmentation de la taille du cerveau, il devient impossible de soutenir 5-6 femelles. Les mâles dominant auraient donc eu la nécessité de réduire leur nombre de femelles à entretenir.
  2. Le modèle du nivellement des écarts de force. Dans une hiérarchie de dominance, le mâle le plus élevé à priorité d’accès aux femelles. Grâce à l’avènement de la création d’armes létales, un individu moins fort mais plus habile dans le maniement des armes peut tenir tête au dominant. Les armes étant le propre de l’homme, c’est une hypothèse difficile à reproduire chez les primates.
  3. Le modèle du compromis de coopération. Par compromis de coopération, Bernard Chapais entend le développement de la coopération intermâles. Les mâles se sont mis à chasser ensemble dans le but d’obtenir plus de nourriture, plus facilement et d’être plus forts en cas de conflits intergroupes. Ils ont développé une interdépendance dans la coopération qui les auraient poussé à partager non seulement la nourriture, mais aussi les femelles…

Quoi qu’il en soit, le lien de couple serait né par la compétition intermâles et pas de la nécessité de la monogamie. Mais c’est parce que ce lien de couple existait déjà qu’il aurait conduit à la monogamie lorsque de nouveaux besoins ont fait surface.

La monogamie est ancrée en nous génétiquement

Il est loin le temps où l’on cherchait à opposer la nature et la culture à tout prix. On sait aujourd’hui que les deux s’influencent l’un et l’autre, au point de s’intriquer. On l’observe une fois de plus avec la naissance de la monogamie chez l’humain qui prend sa source dans un changement biologique, la taille du cerveau, qui va influencer la culture, l’augmentation de l’investissement parental masculin, qui va aboutir à une nouvelle façon de sélectionner les partenaires sexuels masculins et donc influencer la biologie à son tour en ayant une influence sur les gènes transmis aux génération suivantes.

Il n’est donc pas étonnant d’observer l’existence de gènes favorisant un comportement monogame. C’est ce qu’ont mis en avant Hasse Walum et son équipe de l’Institut Karolinska de Stockholm dans une étude de 2008. Il semblerait que certaines personnes soient porteuses de gènes facilitant un comportement monogame. Et vous, pensez-vous avoir ces gènes?

Sources:

[1] Sommes nous faits pour vivre en couple
[2] Bernard Chapais. Livre 5. L’origine et l’évolution de la monogamie chez les primates et les humains
[3] Liens de sang, Bernard Chapais
[4] Surprise! 1-in-25 Dads Not the Real Father
[5] Sex, love and knowing the difference
[6] Monogamy gene found in people
[7] Robert Sapolsky’s classes, 2011, Stanford University
[8] Robert Sapolsky’s classes, 2011, Stanford University

2 comments
  1. Très intéressant mais par pitié, corrigez vos fautes avant de publier. Ce n’est pas possible d’avoir dix fautes par article dans un journal qui se veut de droite.

  2. Un élément aussi, c’est la transmission de maladie.
    Avant la polygamie favorisait la propagation des maladies donc risquer le décès des polygames, et donc parfois de certains des mâles dominants du village.
    Et puis avec le temps la monogamie a permis d’éviter ce genre de transmission…

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